Marie-Joseph-Ennemond Morel est né à Lyon le 22 avril 1847, au 10 de la place qui, sur les pentes de la Croix-Rousse, porte le nom de sa famille. Présents à la déclaration le 24 : Joseph Morel (1777-1860), son grand-père, et Laurent Isaïe Christophe Vachon (1797-1878), négociant, oncle par alliance. Originaire de Genay dans le Franc-Lyonnais, la famille se fixe à Lyon au xviie siècle [l’histoire familiale a été écrite par le fils aîné d’Ennemond, Henry Morel-Journel*]. Le père d’Ennemond, Joseph-Hilaire (Lyon 11 janvier 1812-Saint-Didier-au-Mont-d’Or 14 septembre 1886) avait opté pour le travail de la soie comme ses ancêtres ; il a épousé le 24 juin 1846 Marie Fanny Paulinier (Lyon 13 mai 1825-Saint-Didier-au-Mont-d’Or 25 octobre 1886).
Leur fils aîné Ennemond, bachelier ès-lettres, s’engage dans la mobile du Rhône en 1870. Nommé sergent le 18 septembre il participe à la défense de Belfort ; il est sous-lieutenant de réserve en 1874. Le 25 octobre 1875, il se marie à Lyon avec Alexine Marie Charlotte Albine Journel (Lyon 21 novembre 1854-Brié-et-Angonnes [Isère] 13 juin 1949), fille de Charles Journel (Lyon, 1820-1882), magistrat, et de Pauline Bernard (Grenoble 1827-Brié-et-Angonnes 1903) ; arrière-petite-fille d’Antoine Chalandon (1768-1832), maire de Lyon sous la Restauration, petite nièce de Georges Chalandon (1804-1873), évêque de Belley puis archevêque d’Aix-en-Provence, Albine lui donnera quatre enfants dont les garçons adopteront le nom de Morel-Journel : Henry Morel-Journel* [voir sa notice] ; Jeanne Morel (Lyon 1879-Paris 1966), épouse en 1898 de Jacques Louis Robert Bizot (1867-1953), inspecteur général des finances ; Georges Morel-Journel (Lyon 2e 1883-Biviers, Isère, 1972) ; et Jacques Morel-Journel (Lyon 2e 1888-Saint-Étienne-des-Ollières 1976).
Ennemond décède le 29 novembre 1934 à Lyon 6e et est inhumé le 3 décembre au cimetière de Loyasse (Hours 477). Il habitait 10 rue de l’Hôtel-de-Ville, puis 6 rue Franklin ou 6 place Perrache, 27 quai Tilsitt et 16 quai Sarrail.
Son père, après avoir créé plusieurs entreprises liquidées au moment de la révolution de 1848, avait cessé toute activité pour vivre de ses rentes. Ennemond s’engage aussi dans le commerce international de la soie. Peu après la guerre de 1870, il intègre la société Arlès-Dufour et Cie fondée en 1811, dont il deviendra rapidement fondé de pouvoir. En 1885, après le rachat du fonds Arlès-Dufour, il fonde, en s’associant avec Auguste Chabrières (petit-fils de François Barthélemy Arlès-Dufour*) et Victor Bizot, la société en nom collectif Chabrières, Morel et Cie. Cette société deviendra une des principales entreprises du commerce de la soie écrue. En 1920, c’est la plus importante, avec 332 368 000 fr de chiffre d’affaires dont 215 000 000 avec l’étranger, avec des agences à New York, Milan, Zurich, Bâle, Constantinople, etc. En 1930, la société est scindée en deux entités, Chabrières et Cie à Marseille, et Morel-Journel et Cie à Lyon. Ennemond va diversifier les activités de la maison Morel-Journel en commercialisant des textiles artificiels produits par la Société lyonnaise des textiles, ce qui lui permettra de survivre à la Deuxième Guerre mondiale et à l’interruption du commerce de la soie. La société Morel-Journel, dernier marchand de soie à Lyon, ne cessera ses activités qu’en 2013.
Sa compétence dans les affaires le conduit à la présidence du Syndicat des Marchands de Soie de Lyon de 1904 à 1906, à des missions en 1908 pour la chambre de commerce de Lyon en Perse et au Turkestan, à la première vice-présidence de la Chambre de Commerce de 1908, à la vice-présidence de la Société des textiles au Conseil suprême des colonies, et à être nommé administrateur-délégué de la Banque de France en sa succursale de Lyon. Ses goûts et ses études économiques le portèrent à entrer à la Société d’économie politique et sociale de Lyon dont il a été élu président, et à la Société de Géographie de Lyon dont il a été vice-président.
Sa curiosité quasi universelle l’a poussé à explorer tous les domaines intellectuels, et son attrait pour les Lettres et les Arts l’a fait adhérer à la Société des Amis de l’Université de Lyon. Il en a été élu président et, polyglotte, la représenta brillamment au meeting franco-écossais d’Edimbourg en 1897 et aux fêtes du quatrième centenaire de l’Université d’Aberdeen en 1906.
Médaillé de la Campagne de 1870, officier de l’Académie en 1898, chevalier de la Couronne d’Italie en 1901, chevalier de l’Ordre de François Joseph Ier d’Autriche en 1902, officier de la Couronne d’Italie en 1904, officier de l’Instruction publique en 1913, officier de la Légion d’honneur en 1922, décoration remise par Louis Pradel* (LH/1933/46).
Sur un rapport d’Auguste Isaac* le 27 septembre 1906, Ennemond Morel est élu au fauteuil 4, section 3 Lettres. Son discours de réception Les origines florentines de l’industrie de Lyon, est prononcé à l’académie le 24 mars 1908, (MEM 1910). Très actif, il y fait de nombreuses communications : Les monuments de Samarcande et les ruines dans l’Asie centrale (MEM 1910) ; Quelques notes d’archéologie et d’histoire sur la région de Samarcande (MEM 1912) ; Sur quelques inscriptions assyriennes (MEM 1913) ; Sainte-Sophie de Constantinople (MEM 1914) ; Famagouste (MEM 1915) ; avec Auguste Isaac, Les Droits de la France dans le Levant à l’issue de la guerre 1914-1915 (Ibidem) ; Compte rendu des travaux de l’Académie pendant l’année 1921 (MEM 1924) ; Quelques peintres de la Belle Époque en Espagne et au Portugal (Ibidem) ; La Tchécoslovaquie (MEM 1924) ; L’Espagne d’après-guerre (Ibidem). – Paroles prononcées sur la tombe de Gaston Lepercq (Ibidem) ; L’art dit arabe (MEM 1933). Il est président en 1921. Il marqua son attachement à l’Académie en lui faisant un don de 20 000 francs pour la remise à neuf de la salle des séances et de son mobilier.
Son éloge funèbre a été prononcé par Louis de Longevialle* (MEM 1936).
Henry Morel-Journel, La Famille Morel en Lyonnais et ses alliances (1274-1550-1911), 3 t. en 2 vol. in-4°, Montbrison : impr. E. Brassart, 1911-1912. – Gérard Fontaines, La Culture du Voyage à Lyon de 1820 à 1930, Lyon : PUL, 2003. – Jean-Marc Delaunay, Aux Vents des Puissances, Paris : Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2008. – Jacques Prévotat et Jean Vavasseur-Desperriers, Les Chrétiens modérés en France et en Europe 1870-1960, Villeneuve-d’Ascq : Presses Univer-sitaires Septentrion, 2013.
Une médaille rectangulaire qui le représente avec Albine Journel, gravée par Oscar Roty en 1901, a été frappée pour leurs 25 ans de mariage.
Dans les CR Soc. Eco. Pol. Lyon : La Fabrique lyonnaise et le débouché des Etats-Unis, 1887, 16 p. ; Les services hospitaliers à New-York, 1888, 12 p. ; Le Bill de Mac Kinley, son but, ses résultats, 1892, 15 p. ; Les récentes émeutes en Sicile, leurs causes économiques et sociales, 1894, 35 p. ; De l’influence française dans le Levant et particulièrement en Syrie, 1900, 18 p. :
Discours de clôture des sessions de la Société d’Économie politique de Lyon : La situation économique du monde à la fin de 1903, Lyon, 1904 ; Coup d’œil sur la situation économique du monde à la fin de 1904, Lyon, 1905 ; Chronique économique du monde pendant l’année 1905, Lyon, 1906.
Autres : Henry Morin-Pons* (1831-1905), brochure in-8°, Lyon : impr. P. Waltener et Cie, 1906, 18 p. – Notes sur la Turquie, le Caucase, la Perse et le Turkestan, Lyon : impr. A. Rey, 1908, 18 p. – Chambre de Commerce de Lyon (séance du 7 janvier 1915). Nécessité de l’expansion du commerce français d’exportation, Lyon : impr. A. Rey, 1915, 7 p. – La propagande de l’Allemagne auprès des neutres, Lyon : impr. A. Rey, 1915, 7 p. – Avec Auguste Isaac, Les Droits de la France dans le Levant à l’issue de la guerre 1914-1915, Lyon : impr. A. Rey, 1915, 14 p. – Chambre de Commerce de Lyon (séance du 17 février 1916). L’après-guerre, Lyon : impr. A. Rey, 1916, 17 p.