Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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JOANNON de SAINT-LAURENT Laurent (1714-1783)

par Pierre Crépel.

 Laurent Joannon est né à Lyon, paroisse Saint-Nizier, le 10 mai 1714, baptisé le 12, fils de Jacque Joannon, maître chapelier à l’enseigne du Chapeau-d’Or rue Thomassin, et de Françoise Brochet sa femme. Parrain : Laurent Brochet, tireur d’or ; marraine : Aymée Canier, femme de Jean Joseph La Cote. D’après Bollioud*, il « se sent peu de goût pour le commerce dont son père fait profession, s’adonne à la culture des arts, à la Physique, persuadé que l’étude solitaire du cabinet ne suffisait pas au désir qu’il avait de s’instruire, de pénétrer les mystères de la nature, et d’acquérir cette expérience qui est la boussole du physicien ». Il reste à Lyon jusqu’en 1742, ensuite « il entreprend des voyages, en Suisse, en Allemagne, en Italie [et également en Angleterre, en Hongrie, d’après sa correspondance], fait en différens lieux de ces pays des séjours très longs, y prend successivement des établissemens et semble avoir perdu l’espérance de revenir dans sa patrie ». Ses dissertations à l’Académie des beaux-arts de Lyon, de 1736 à 1740, portent sur L’harmonie (1736), Les porcelaines (1737), Les échos et l’acoustique (1738-1739), La coutellerie (1739, en vue, semble-t-il, d’un ouvrage collectif de l’Académie pour une mécanique abrégée des arts et métiers), Les couleurs (1740). Ses mémoires comportent souvent des introductions assez longues, et parfois un peu vagues, sur les principes. Il porte un intérêt particulier à la musique et à l’acoustique, avec des idées proches de celles de Bollioud ; mais son spectre est assez large, et il va ensuite se diriger vers l’histoire naturelle, les antiquités, etc. Il publie en 1746 une description du cabinet de minéraux que le chevalier de Baillou (correspondant de Réaumur à l’Académie des sciences) a constitué à Parme et Florence, auprès des souverains de ces duchés. Ce cabinet est racheté par l’Empereur en 1749. Dans le « Discours préliminaire », il insiste sur l’importance des mathématiques, de la physique et de la chimie pour l’étude des minéraux et des fossiles. Ensuite, l’ouvrage présente les principes de la constitution du cabinet, avant de passer à une description abrégée, prélude à un grand ouvrage prévu en sept volumes. Il publie l’année suivante, avec Gregorj et Zocchi, un autre livre dont le point de départ est la description d’un camée de lapis-lazuli, soit un bas-relief représentant l’Académie des sciences, de son ami, l’artiste Louis Siriès. C’est un ouvrage très curieux, écrit sous forme de lettres, mais dont la partie principale est intitulée L’Épistémotechnodicée ou la cause des sciences et des arts (p. 39), et aborde les sujets les plus divers comme la musique, l’optique, l’anatomie, la morale, etc. Bollioud-Mermet y est même cité en note p. 59 comme ayant prouvé « qu’il n’y a plus de bonne musique ». Dans son Traité des pierres (1750), Pierre Jean Mariette le qualifie comme « un Écrit dont on ne voit point la fin, [...] articulant des sons lamentables », pour se faire le « défenseur des Sciences & des Arts outragés » (p. 425-426). La polémique n’en reste pas là et Joannon y répond dans un manuscrit conservé à l’Académie (Ac.Ms143 f°76-94), que réfute Fleurieu* le 22 décembre 1751 (Ac.Ms143 f°10-17). Louis Siriès fait d’ailleurs ultérieurement (1757) paraître un Catalogue des pierres gravées à Florence.

 Joannon est en contact avec de multiples savants en Italie, par exemple en 1759 l’Allemand archéologue et historien de l’art J. J. Winckelmann (Opere, t. IX, 1832, p. 331). Il exerce de nombreuses responsabilités en Italie, est « agrégé à l’Académie de Florence, devient commissaire impérial à Mantoue, vice-président à Ferrare » (Bollioud), il s’établit à Mantoue, où il est directeur de la Regia Accademia Agraria. Il est anobli par Marie-Thérèse en Joannon de Saint-Laurent, nom par lequel il signe ses lettres dès 1749.

 Il meurt à Mantoue le 7 octobre 1783.


Académie

Joannon fait partie des fondateurs de la société des conférences de l’Académie des beaux-arts le 12 avril 1736 ; il est noté comme académicien libre dans la classe des mathématiques. Il y est assez assidu et actif ; en particulier, il examine en 1739 la salle du concert de l’Académie des beaux-arts et essaie de comprendre les « causes qui la rendent sourde ». Il travaille « du consentement de la compagnie » pour remédier aux inconvénients et, au vu des dépenses exagérées que représenteraient les travaux souhaitables, il propose des solutions intermédiaires, notamment l’abattage de la corniche. Sa dernière présence est notée le 31 janvier 1742 et il démissionne par lettre du 19 mars 1742 (Ac.Ms268-I f°169-171) du fait de ses problèmes financiers et de son départ en voyage ; il est déclaré vétéran le 4 avril 1742, il « dédommage cette compagnie de son absence par plusieurs ouvrages qu’il lui adresse et par des envois fréquens de diverses curiosités d’antiquité et d’histoire naturelle, que l’académie a déposées dans ses armoires parmi les collections de ce genre » (Bollioud). En effet, il envoie régulièrement des informations, contributions et matériaux à l’Académie des beaux-arts sous forme de lettres datées de Livourne, Florence ou Vienne. Dans sa lettre du 27 juillet 1753, il demande à être associé (ce qui n’est pas la même chose que vétéran), ce qui lui est accordé le 24 août, il envoie de Vienne un remerciement le 26 décembre (Ac.Ms268-II f°111-112). À la réunion des deux académies en 1758, il figure parmi les académiciens associés, vétérans et étrangers, avec la précision « de l’Académie Florentine, à Florence ». Il n’y a pas d’éloge à sa mort en 1783, mais son décès est annoncé – avec retard – le 23 mars 1784, et sa mémoire est évoquée brièvement par Charles Joseph Mathon de la Cour*, directeur du semestre, à la séance publique du 27 avril 1784 (Ac.Ms158 f°218).

Bibliographie

Bollioud. – Humbert Mollière*, Un Lyonnais digne de mémoire. Joannon de Saint-Laurent philosophe, naturaliste. Archéologue (1714-1783), Lyon : Mougin-Rusand, 1899, 48 p. + portrait, tiré à part de RLY. – Ragguaglio delle funzioni fattesi in Mantova per celebrare l’inaugurazione della nuova fabbrica della Reale Accademia delle scienze, e belle arti, Mantova, 1775. – Raccolta di opuscoli scientifici, e letterarj [...], Ferrara, 1779, t. 3, p. 189.

Iconographie

Portrait dessiné et gravé par Cristoforo Dall’Acqua, Laurentio Joannon de Saint Laurent Lugdunensi, qui Europa peragrata, Florentiae primum in litteris, rebus gerendis, commercii scientia florens, hist. nat, physices, antiquitatis explorator diligens, dein Ferrariae caesareus administrator, Mantuæ vectigalium quæsitor, in magistratu consiliarius, ac demum propræses, animi lenitate, constantia, liberalitate integritatem veterem servavit, religionem coluit, Antonius Gobius Mantuanus amicitiæ ac grati animi monum. Obiit anno 1783. vitæ 69. Coelebs [célibataire] (A.M. Lyon).

Manuscrits

Discours académique sur l’union et l’harmonie, 27 juin 1736 (Ac.Ms161 f°160-175). – Mémoire servant de suite à la dissertation sur l’harmonie, 29 août 1736 (Ac.Ms161 f°176-183). – Mémoire sur le commerce en général et sur la fabrique des porcelaines, 21 février 1737 (Ac.Ms182 f°69-77). – Mémoire sur la nature et sur la formation de l’écho, 3 mars 1738 (Ac.Ms228 f°62-73). – Application des principes du système des échos à la salle du concert de la ville de Lyon, 16 mars 1739 (Ac.Ms121 f°35-42). – Mémoire sur la coutellerie pour servir au corps d’ouvrage annoncé par l’académie sous le titre de « mechanique abregée des arts & metiers », 2 septembre 1739 (Ac.Ms182 f°154-163). – Lettres Phisiques sur les fleurs et les papillons (Ac.Ms216 f°1-41) : f°1-2 : [Présentation] ; f°3-6 : Lettre première ; f°7-12 : Lettre seconde, 27 janvier 1740 ; f°13 : Suite des lettres sur les fleurs et les papillons ; f°14-27 : Lettre troisième ; f°28-34 : Lettre quatrième, 14 septembre, 14 décembre 1740, 31 janvier 1742. ; f°35-41 : Lettre cinquième, 25 novembre 1741. [à vérifier]. – Mémoire critique de l’ouvrage de M. Mariette sur les pierres gravées [envoyé à Christin vers 1751] (Ac.Ms143 f°76-94). – Notes des pièces d’histoire naturelle envoyées par M. Joannon, reçu le 31 août 1753 (Ac.Ms217 f°83-88). – Lettre à Bollioud [sur plusieurs polypes d’eau douce], Florence le 30 juin 1758 (Ac.Ms217 f°79-82). – Lettres à Christin, puis à Bollioud (Ac.Ms268-II) : Livourne, 4 juillet 1749 (f°8-9), Florence, 28 octobre 1751 (f°54), Livourne, 14 janvier 1753 (f°92), Livourne, 27 juillet 1753 (f°93), Vienne, 26 décembre 1753 (f°107-108 et 111-112), Livourne, 28 janvier 1757 (f°255-256), Florence, 7 juillet 1757 (f°261-262); puis (Ac.Ms268-III) : Florence, 18 août 1758 (f°10-11), 6 octobre 1758 (f°17-18), 13 décembre 1758 (f°21-22).

Autres manuscrits cités dans les registres et par Bollioud (Ac.Ms271) : Observation sur le Beaume sec du Pérou, 27 avril 1740. – Lettres contenant des Réflexions sur les effets de l’air relativement à la marche des Thermomètres, 12 mars 1749. – Position géographique de la ville d’Herculane, 25 juin 1749.

Publications

Description abregée du fameux cabinet de Mr le chevalier de Baillou, pour servir à l’histoire naturelle des pierres précieuses, métaux, minéraux, et autres fossiles, Luques : Marescandoli, 1746, VIII + 156 p. – Description et explication d’un camée de lapis-lazuli, fait en dernier lieu par Mr Louis Siries..., Florence, 1747, XIII + 203 p. – Winckelmann (avec le concours de Joannon de Saint-Laurent), Description des pierres gravées du feu baron de Stosch, Florence : A. Bonducci , 1760, XXXII + 596 p.