Émile Félicien Brémond est né à Baume-les-Dames (Doubs), rue d’Anioz, le 2 avril 1890, fils de Louis Félicien Brémond, 38 ans, inspecteur primaire, et de Marguerite Alice Platrier, 19 ans.
Élève du lycée Henri IV, reçu à l’École normale supérieure en 1910, puis à l’agrégation des lettres en 1915. Service militaire à Blois en 1913 au 115e RI. Officier d’infanterie pendant la Grande Guerre, il devient officier instructeur des élèves aspirants à Saint-Cyr en 1916, affecté à l’armée d’Italie en 1918, professeur d’histoire politique à Saint-Cyr en janvier 1919. De 1920 à 1923, il enseigne la rhétorique au lycée du Havre, puis à Paris successivement aux lycées Rollin, Condorcet, et Charlemagne. En 1924, il est chef adjoint du cabinet du ministre de l’Instruction publique (Jouvenel des Ursins, puis François Albert en 1925). Chargé de mission en Roumanie le 25 mai 1924, puis en septembre à Genève auprès de la Société des Nations (SDN). En 1926, il est nommé secrétaire général, chef du service français de l’Institut international de coopération intellectuelle de la SDN, créé par ses soins sous l’autorité du ministre François Albert et à l’initiative d’E. Herriot*. En 1930, il passe à la radiodiffusion française, où il devient secrétaire général, puis directeur des émissions d’État. En 1931, chef de cabinet du sous-secrétaire d’État à l’Économie nationale et au commerce (Léon Meyer), puis en 1932 directeur de cabinet du ministre de la Marine marchande (Léon Meyer). Dans le même temps, il est fondateur avec Henri de Jouvenel de la Revue des Vivants, et rédacteur en chef de 1927 à 1935. Il a collaboré à la collection Guillaume Budé (collection des Universités de France, éd. des Belles Lettres) comme traducteur d’Isocrate.
En 1926, il avait épousé Hélène Delaroche (1904-1992), fille de Léon Henry Hippolyte Delaroche (1887-1940), ingénieur des arts et manufactures (ECP), directeur du Progrès, et de Jeanne Andrée Bernard. Ce journal avait été fondé le 12 décembre 1859, dans les sous-sols de la maternité de l’hôpital de la Charité, à l’initiative du Journal de Saône-et-Loire, par Eugène Beyssac, Jean Baptiste Béraud (rédacteur en chef), Frédéric Morin (1823-1874), et Jean-François Chanoine (1807-1864), imprimeur. Celui-ci est devenu l’unique propriétaire en 1864, après une suspension du journal le 28 novembre 1863 ; c’est un organe d’opposition, géré à sa mort le 20 décembre 1864 par sa veuve, Marie Anthelmette Galley (8 décembre 1803, 22 mars 1880). Le journal est racheté la même année par Léon Delaroche (Paris 17 mai 1837-Lyon 11 novembre 1897) – fils de Jules Hippolyte Delaroche (1795-1849), sous-directeur au Mont-de-Piété, et de Victoire Chefdeville – rédacteur au Petit Parisien en 1876, administrateur de La Lanterne en 1877, et du Petit Lyonnais en 1878. Il développe le quotidien en utilisant de nouvelles rotatives créées par Marinori, et en fait un journal populaire à grand format, vendu 5 c au lieu de 15 c, édité progressivement de 976 à 125 000 exemplaires le 20 avril 1881. Le siège du quotidien passe en 1894 du 18 place de la Charité au 85 rue de la République, où se trouvait l’ancien Théâtre-Bellecour (construit en 1879 par Émile Guimet*).
Léon meurt en 1897, laissant la direction à sa veuve, dont il était séparé depuis 1880, Marie Antoinette Guéroult (Arras 31 octobre 1843-Lyon 6e 9 septembre 1903) et à son frère, Paul Delaroche (Paris 1835-Aix-les Bains 20 juin 1901), agent de change. En 1903, à la mort de Marie-Antoinette Guéroult, ses neveux Henri (centralien) et Léon (médecin), fils de Paul, prennent la suite avec un journal qui tire à 200 000 exemplaires. Henri décède en 1936, et Léon Delaroche reste seul à la direction. En juin 1939, il appelle son gendre Émile Brémond à la codirection du Progrès. Celui-ci est mobilisé en août 1939 dans la cavalerie à l’état-major du général Prioux, jusqu’en avril 1940, date à laquelle il est muté à l’état-major du général Doyen à l’armée des Alpes.
Delaroche meurt en 1940 et Brémond assure seul la responsabilité de directeur du Progrès. Il rechigne à appliquer les consignes de la censure de Vichy, provoquant par deux fois l’interdiction de paraître du journal : le 25 novembre 1940 à la suite d’un article sur le shah de Perse, et le 4 juin 1942 pour avoir refusé de passer un article anglophobe. Le 12 novembre 1942, lors de l’entrée des Allemands en zone libre, une conférence de rédaction présidée dans l’après-midi par Brémond et son épouse, où se trouvent des membres entrés dans la Résistance ou qui vont y participer – Henri Amoretti (chef de la rédaction lyonnaise), Yves Farge (commissaire de la République en 1944), Georges Altman, Rémy Roure, Marcel G. Rivière, chargé de la « sportive » et grand reporter, et Pierre Corval –, refuse de publier un communiqué imposé par la censure, titré Sur les véritables intentions des États-Unis révélées par un document américain (consigne 964) : il aurait été trouvé à l’ambassade des États-Unis à Vichy après le départ de l’ambassadeur et révélerait de sinistres intentions américaines vis-à-vis de la France. Avec l’accord de Jeanne et Louise Delaroche, filles de Léon et toujours propriétaires du titre, le journal est sabordé le jour-même, le seul des grands quotidiens français en général repliés à Lyon, comme Le Temps. Son dernier exemplaire daté du 12 porte le n° 30 037. Les Brémond distribuent les réserves financières au personnel pour lui permettre de se soustraire au travail obligatoire. Les bureaux du 85 rue de la République sont occupés par la milice. Brémond et sa femme prennent contact avec la Résistance. Hélène abrite même des résistants dans un appartement loué à son nom, 137 rue Bugeaud, où se retrouvent Yves Farge, Georges Bidault, Rémy Roure, Georges Altman, Jean-Pierre Levy… Avec Yves Farge et Henri Amoretti, elle participe à la création du Comité national des journalistes, organe clandestin de la zone sud (Permezel). Menacé d’arrestation, Émile Brémond quitte Lyon dans la nuit du 18 au 19 janvier 1943 et se réfugie en Provence, dans sa propriété des Tourrettes au flanc du Lubéron. Traqué par la Gestapo, il se cache en Savoie chez un ancien du Progrès, à Chindrieux près du lac du Bourget, et dans l’Ain chez l’aviateur Pierre Béard (1893-1966) à Cressin-Rochefort.
À la libération, le Progrès est autorisé à reparaître : le journal du 8 septembre 1944 porte le n° 30 038. Il devient le deuxième journal régional français avec un tirage de 150 000. Brémond et ses principaux collaborateurs Rémy Roure et Yves Farge y signent leurs éditoriaux « P » suivi d’une plume d’oie, sans que leur nom soit jamais mentionné. Le tirage atteint en 1959 391 000 exemplaires. En 1969, un accord est passé avec le Dauphiné Libéré, issu du Petit Dauphinois de Grenoble suspendu à la Libération, et l’impression passe de la rue Belle-Cordière à l’usine de Chassieu.
En 1971, Émile Brémond se retire et cède sa place à son fils Jean (1936-2007). Entre aussi à la direction Jean-Charles Lignel (né en 1942), fils de Jean Georges Léon Lignel (Rancy [Seine-Saint-Denis] 7 août 1908-Paris 28 juin 2002), ingénieur aéronautique, époux à Paris 16e le 19 décembre 1933 de la seconde fille de Léon Delaroche, Louise Suzanne Laure (Lyon 31 juillet 1909-Paris 15e, 13 janvier 1898). Les deux familles héritières entrent en conflit, jusqu’au rachat dans une vente aux enchères privées par Jean-Charles Lignel, qui, criblé de dettes, perdra le journal en 1986 au profit du groupe Hersant, qui avait déjà acheté le Dauphiné Libéré. En 2004, le Progrès deviendra la propriété du groupe Dassault, en 2006 du groupe de l’Est Républicain, et enfin en 2009 du groupe Crédit Mutuel.
Brémond est chevalier de la Légion d’honneur le 29 mars 1925, officier le 5 octobre 1932, commandeur le 31 octobre 1938, grand officier le 14 décembre 1961 (19800035/1373/58732). Commandeur de Saint-Save (Yougoslavie). Officier du Lion Blanc (Tchécoslovaquie).
Il demeurait à Lyon 57 boulevard des Belges, et dans la région parisienne successivement rue du Maréchal Gallieni (Versailles), en 1925 4 rue de Cérisoles (Paris 8e), puis 25 bis rue de Constantine (Paris 7e). Il est mort à Paris, à son domicile rue de Constantine, le 26 février 1976.
Sur un rapport de Maurice Patel* du 26 novembre 1957, il est élu le 3 décembre 1957 au fauteuil 4, section 1 Lettres. Il est reçu le 10 décembre 1957 par le président Garin*.
Bruno Permezel*, Résistants à Lyon, Villeurbanne et aux alentours, Lyon : BGA Permezel, 2003. – Yves Cau, Un grand quotidien dans la guerre, Le Progrès. Juin 1940-novembre 1942, Lyon : PUL, 1979, 322 p. – DHL.
Avec Georges Mathieu, Isocrate, 4 vol., Paris : Belles Lettres, 1928-1962. – Le Progrès. Morts pour la France, 1914-1945. [Allocution par M. Émile Brémond, directeur du Progrès, le 11 novembre 1945], s.l., s.d., 9 p.