Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

NOGIER Thomas (1874-1956)

par Jacques Hochmann.

 Thomas Pierre Marie Nogier est né le 16 juillet 1874 au domicile de ses parents, 10 rue Saint-Pierre-le-Vieux (act. rue Mourguet) Lyon 5e, fils de Paul Nogier – né à Brignais (Rhône) le 6 août 1845, professeur au petit lycée de Saint-Rambert-l’Ile-Barbe, puis inspecteur de l’enseignement – et de Catherine Mavel, née à Malvières (Haute-Loire) le 19 novembre 1848, tailleuse de robes, mariés à Lyon 5e le 21 août 1873. Témoins : Camille Canet, épicier, et Louis Fischer, serrurier.

 Préparateur de physique au collège d’Ambert, en 1890, à 16 ans, Thomas Nogier entreprend des études de physiologie, de physique et de chimie avec Raphaël Dubois et Victor Grignard* à la faculté des sciences de Lyon, et obtient en 1903 la licence ès sciences. Il poursuit parallèlement des études de médecine, couronnées en 1904 par une thèse : La lumière et la vie, étude des différentes modalités de la lumière, du point de vue physique, physiologique et thérapeutique (Lyon : impr. Waltener). Chef de travaux d’électrothérapie dans le service du professeur Bondet* de 1904 à 1907, il est nommé en 1907 agrégé de physique médicale à Lyon auprès du professeur Ferdinand Monoyer (1836-1912), promoteur de la dioptrie et inventeur de l’échelle optométrique éponyme encore utilisée aujourd’hui pour mesurer l’acuité visuelle. Il assure jusqu’en 1933 des cours de physique médicale, de physique pharmaceutique et, de 1927 à 1933, comme agrégé libre, un cours complémentaire sur le radium et la radioactivité. Il devient, en même temps, le radiologue de l’hôpital Saint-Luc, fondé en 1869 par l’ordre de Malte afin de développer la médecine homéopathique, mais qui sera ultérieurement très connu pour son centre de traitement des grands brulés. Il exerce également comme radiologue à la clinique Saint-Charles. Il engage plusieurs travaux de recherche, en particulier avec Claudius Regaut (1870-1940) agrégé d’histologie à Lyon (peut-être son parent par alliance, car il est marié à une Marie Jeanne Crozet), futur directeur à Paris du laboratoire Pasteur, le laboratoire de radiophysiologie de l’Institut du radium où Marie Curie dirige le laboratoire Curie. Ce sont deux Lyonnais qui succéderont à Regaut : son assistant Antoine Lacassagne (1884-1971), fils d’Alexandre Lacassagne*, puis Raymond Latarjet (1911-1998) frère de Michel Latarjet*. Nogier et Regaut étudient avec J. Blanc, dans le laboratoire d’histologie du professeur Joseph Renaut (1844-1917), l’action comparative des rayons-X durs ou filtrés sur le testicule de différents animaux (rat, chat, chien, bélier). Cette étude, qui entraînera, entre autres, la protection des radiologues exposés à la manipulation des rayons X, donne lieu à une série de communications à l’académie de médecine entre 1909 et 1913. Nogier poursuit ensuite des recherches sur les radiodermites ainsi que sur la sensibilité aux rayons X de différents cancers et perfectionne la dosimétrie des rayons X par un appareil inventé par un « médecin électricien » lyonnais, Henri Bordier, comme lui agrégé à la faculté de médecine et qui l’avait initialement recruté comme préparateur, en étalonnant le changement de couleur de pastilles de platinocyanure de baryum selon la dose de rayons X reçue : le chromoradiomètre. Nogier est un pionnier dans le traitement des cancers par le radium et améliore par plusieurs inventions l’équipement radiologique. Très industrieux, il a aussi mis au point un appareil de repérage des corps étrangers métalliques intra-corporels, utilisé particulièrement en temps de guerre, ainsi qu’un appareil de stérilisation de l’eau par les rayons ultraviolets qui lui vaut la médaille d’or de l’exposition d’hygiène de Tunis en 1911. Avec Henri Bordier (auteur d’un Précis d’électrothérapie, préfacé par Arsène d’Arsonval [1851-1940], Paris, Baillière, 1897 ; réédité en 1902), il a été le défenseur de différentes méthodes aussi bien de stimulation localisée par un courant de faible intensité que d’exposition aux courants à haute fréquence (la « darsonvalisation ») appliquées à diverses maladies fonctionnelles et souvent critiquées par la médecine officielle. Il s’est intéressé aussi à l’optique, à l’actinométrie solaire, à la photoélectricité, à la polarimétrie. En 1919, il crée de ses propres deniers un laboratoire privé pour étudier la radioactivité des roches et des eaux minérales. Il étudie l’influence du radium sur la germination des graines. Ses recherches lui vaudront d’être lauréat de l’Institut ainsi que de l’Académie de médecine.

 Mobilisé pendant la guerre de 1914-1918, il assure la formation radiologique des médecins aux armées. Il est décoré de la croix de guerre. Également officier d’académie, il est fait chevalier de la Légion d’honneur (198000/35/0228/30104), au titre du ministère du commerce et de l’industrie par décret du 20 juillet 1920 (le ministre du commerce est alors un Lyonnais, Auguste Isaac*) ; la décoration lui est remise le 22 août par le lieutenant-colonel Rapp, de l’état-major du gouverneur militaire de Lyon.

 Il décède à son domicile, 11 quai Claude Bernard Lyon 7e, le 2 mai 1956. Après des funérailles à l’église Saint-André, rue de Marseille, il est inhumé à Brignais (Rhône).

 Thomas Nogier avait épousé à Lyon 3e le 15 novembre 1906 Marie Rose Henriette Crozet, née à Villeurbanne le 17 février 1883, fille de Louis Gaspard Crozet et de Marie Ringuet. Ils ont eu trois enfants, Paul Marie (1908-1996), médecin généraliste, fondateur et propagateur d’une forme d’acupuncture, l’auriculothérapie, basée sur l’idée d’une projection sur l’oreille des différents organes ; Louise Marie-Rose Catherine (1910-1970) et Louis Michel Marie (1914-1999).


Académie

Sur un rapport d’Eugène Vincent* le 25 novembre 1924, il est élu le 2 décembre au fauteuil 6, section 3, Sciences, rendu vacant par le décès de François Leclerc*. Il est reçu le 9 décembre. Le 26 mai 1925, il traite de La lumière de Wood, le 16 mars 1926 du Cancer, et lit le 14 juin 1927 une Étude sur les minerais radioactifs de Saint-Martin-des-Olmes et Lachaux, Puy-de-Dôme. Le 8 avril 1930, il consacre son discours de réception à L’hypertrophie de la prostate et son traitement radiothérapique (MEM 20, 1931). Il devient émérite en 1947.

Bibliographie

H. Hermann*, « Discours prononcé aux funérailles de Thomas Nogier » Lyon médical 88, juin 1956, p. 507-510. – P. Robert, « Le professeur Thomas Nogier », Journ. Radiol. Électrol. et Arch. Élec. Médic. 38, 1957, p. 204-205. – Bouchet. – David 2000.

Publications

Très nombreuses, ses publications portent surtout sur la radiologie, la radiothérapie, sur ses inventions techniques, mais aussi, dans la suite d’Henri Bordier, sur des méthodes thérapeutiques utilisant la lumière ou l’électricité. On retiendra :

« Soupape cathodique à flamme servant de rhéostat », Arch. Elec. Médic. Expér. et Clin., 1908. – « Électrode dynamométrique », Ibidem. – « Pince radiographique localisatrice », Ibidem. – « Le grissonateur », Ibidem. – « Stérilisation complète et définitive des testicules du rat par une application unique des rayons X filtrés », Bull. Acad. Méd., 1909. – Avec C. Regaud, « Action comparée sur les cellules séminales du faisceau total des rayons de Röntgen et des rayons durs seuls », Ibidem. – « Attaches instantanées universelles pour tous les appareils électriques », Arch. Elec. Médic. Expér. et Clin., 1909. – Électrothérapie, Paris : Baillière, 1909 ; trad. espagnole, Electrotherapia, Barcelone : Salvat, 1909. – « Action bactéricide des lampes à quartz à vapeur de mercure, leur application à la stérilisation des eaux potables », Arch. Elec. Médic. Expér. et Clin., 1910. – Avec R. Grashey, Atlas de radiologie chirurgicale, Paris : Baillière, 1910. – Avec C. Regaud, « Sur la stérilisation du testicule de chat par les rayons X », Bull. Acad. Méd., 1911. – La radiographie de précision appliquée à l’examen des voies urinaires, Paris : Baillière, 1911. – Stérilisation des eaux par les rayons ultraviolets, Boulogne : Guillermet, 1912. – « Les bases scientifiques de la thérapeutique par la lumière (rayons visibles et invisibles) », L’Avenir médical, Lyon, 1913. – Physiothérapie, électrothérapie, 2e éd. rev. augm. Paris : Baillière, 1917 et 3e éd. entièrement révisée, Paris : Baillière 1934. – Avec P. Japiot, Guide radiologique du praticien pour la lecture et l’interprétation des radiographies de l’homme normal, Paris : Baillière, 1919. – La chromoradiométrie de Bordier et la mesure des rayons X en radio-thérapie, Paris : Masson, 1919. – Le radium, Lyon : Sézanne, 1924. – Quelques remarques et quelques conseils au sujet des traitements des fibromyomes utérins par le radium, Lyon, Sézanne, 1935. – Localisation et extraction des projectiles de guerre, Lyon : Sézanne, 1940.