Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

SAISSY Jean Antoine (1756-1822)

par Christian Bange.

 Jean Antoine Saissy est né à Mougins en Provence (act. Alpes-maritimes) le 1er février 1756, baptisé le lendemain, fils aîné de Jean Antoine, né à Mougins le 29 mai 1731, bourgeois, et de Marie Carens (1733-1781), mariés à Mougins le 11 février 1755 ; le parrain est le grand-père, Jean Antoine Saissy, la marraine Thérèse Carens, fille de Sr Antoine Carens, marchand à Antibes ; tous signent le registre paroissial.

 Pendant sa jeunesse, des livres médicaux lui tombent entre les mains et décident de sa vocation. Depuis l’âge de 22 ans, il séjourne à Paris de 1777 à 1782, d’abord pour parfaire ses connaissances en français et en latin, et surtout pour apprendre la chirurgie auprès de maîtres renommés (Louis, Chopart, Périlhe, Pelletan, Hévin, Lassus). En 1782, il réussit le concours de chirurgien interne à l’Hôtel-Dieu de Lyon. Il quitte cette fonction en 1786 et devient chirurgien-major et médecin des comptoirs établis sur les côtes d’Afrique du Nord par la Compagnie royale d’Afrique. Il se signale par des cures ménageant les malades, et les résultats qu’il obtient lui valent la faveur du dey de Constantine, dont il soigne avec succès un des enfants.

 Toutefois il refuse d’entrer à son service et revient à Lyon, où, le 4 novembre 1788, il épouse en la paroisse Saint-Nizier Antoinette Maxence Thenance, née à Lyon le 7 octobre 1767, baptisée le 9 à Saint-Nizier (parrain Jean Emmanuel Gilibert*), décédée à Lyon le 20 septembre 1810 à l’âge de 42 ans, fille de Jean Simon Thenance, alors maître en chirurgie, et de Maxence Joly (acte de mariage par Me Bonnevaux, notaire, n° 597, 58 Q 11). Les témoins au mariage sont tous trois maîtres en chirurgie, et le beau-père est qualifié de « noble Jean Simon Thenance », docteur en médecine, ancien prévôt et ancien trésorier du collège royal de chirurgie de Lyon ; c’est un spécialiste renommé des accouchements, qui laisse son nom à un forceps, et son gendre suit ses traces. Jean Antoine Saissy soutient devant le Collège de chirurgie une thèse sur l’inoculation de la petite vérole, le 26 juin 1789, et il est reçu la même année docteur en médecine par l’université de Valence. Du mariage Saissy-Thenance naissent plusieurs enfants, dont deux fils atteignent l’âge adulte : Jean-Simon, né le 7 août 1789, baptisé le 8 août en l’église Notre-Dame de la Platière, qui sera juge suppléant au tribunal de commerce, et Dominique Camille, né le 27 germinal an VIII, division du Nord, négociant.

 La pratique médicale ne suffit pas à Saissy, qui aborde expérimentalement divers sujets scientifiques. Il répond à un concours ouvert par l’Institut sur les phénomènes physiologiques qu’éprouvent les animaux endormis pendant l’hiver, et obtient le prix proclamé le 4 janvier 1808. Le mémoire est publié la même année, et traduit en allemand quelques années plus tard. Les modifications physiologiques provoquées par l’hibernation chez les mammifères hibernants avaient été précédemment étudiées par plusieurs auteurs, parmi lesquels Buffon et Spallanzani. Opérant sur des marmottes, des hérissons, des chauve-souris et des lérots, Saissy rectifie plusieurs affirmations erronées de ses prédécesseurs et ajoute de nombreux faits nouveaux. Il établit que la consommation d’oxygène est en raison directe de la température, que les animaux en hibernation peuvent supporter une atmosphère viciée alors que les oiseaux que l’on y place succombent rapidement, que l’endormissement s’installe quand la température atmosphérique est voisine de 4 à 5°, y compris en été à condition d’opérer en atmosphère confinée ; il mesure la température corporelle des animaux, étudie leur respiration et leur circulation, et il effectue des observations anatomiques post mortem. Il publiera ensuite d’autres mémoires sur le même sujet.

 À la suite du décès inopiné d’un neveu de Napoléon, fils de son frère Louis et de la Reine Hortense, l’Empereur demande à l’Institut d’ouvrir un concours sur le croup, en 1807. Saissy y participe, fournit des observations jugées intéressantes, mais il n’obtient pas le prix qui est décerné à Jurine et à d’autres médecins en 1811.

 En 1811, Saissy s’intéresse au briquet pneumatique inventé par Joseph Mollet* en 1802. Il établit le rôle de l’oxygène dans la production de la lumière résultant de la compression ; à l’exception du chlore, les autres gaz étudiés (hydrogène, azote, gaz carbonique) sont dépourvus d’effet. Ces expériences sont citées élogieusement par Thénard dans son Traité de chimie élémentaire (1821, t. 1).

 Au cours des années suivantes, Saissy revient à des sujets médicaux, et se consacre à l’étude des maladies de l’oreille. Il invente une méthode permettant, au moyen d’instruments appropriés, d’introduire des médicaments dans ce qu’il appelle l’oreille interne (en fait, l’oreille moyenne), par les narines et la trompe d’Eustache. Il rédige sur ses idées et ses observations un mémoire qui est communiqué à l’Académie de Lyon et à celle de Bordeaux, laquelle lui décerne en 1814 un prix de 500 francs. Après la mort de l’auteur, le mémoire sera publié (sur les presses de Louis Perrin) par Gilbert Montain, professeur à l’école de médecine de Lyon et chirurgien en chef de l’hôpital de la Charité. Cette publication donnera lieu à des remarques assez désobligeantes de François Gabriel Boisseau : « Il est aisé de voir que cet excellent homme n’en était encore qu’à étudier les maladies si difficiles à connaître de l’organe de l’ouïe, lorsqu’il crut utile d’écrire sur cette partie de la pathologie ; ce qui d’ailleurs n’empêche point qu’il n’ait obtenu des guérisons, car il y a ce singulier désaccord entre la science et l’art en médecine, que nous guérissons quelquefois le mieux ce que nous connaissons le moins. » Mounier-Kuhn porte un jugement plus équitable sur l’apport de Saissy à la discipline naissante de l’oto-rhino-laryngologie.

 Saissy est décédé à Lyon le 8 mars 1822 ; il demeurait alors 6 rue Saint-Côme (act. rue Chavanne), dans le 1er arr. qu’il n’avait guère quitté pendant sa vie professionnelle, puisqu’il était passé de la rue de la Platière où il habita après son mariage à la rue de l’Enfant-qui-pisse (act. rue Lanterne), où résidait son beau-père.


Académie

Saissy, qui est membre de la Société de médecine de Lyon et de la Société d’agriculture, est admis à l’Académie le 26 juillet 1814, section des sciences. Il prononce son discours de réception, consacré aux maladies de l’oreille, le 30 août. À sa mort, il est membre ou correspondant de plusieurs académies (Turin, Rouen, Dijon) et sociétés médicales (Bordeaux, Orléans, Marseille).

Bibliographie

G. Montain, « Notice historique sur Jean-Antoine Saissy », in J. A. Saissy, Essai sur les maladies de l’oreille interne, Paris : Baillière ; Lyon : Maire, 1827, p. 5-14. – F. G. B[oisseau], « analyse de l’Essai sur les maladies de l’oreille interne », J. univ. sc. méd., 1827, 48 : 227-229. – D-Z-S, « Saissy », in Michaud, Biographie universelle (Supplément), 1847, 80, p. 435-436. – P. Mounier-Kuhn, « L’oto-rhino-laryngologie », in A. Bouchet.

Manuscrits

À l’académie : Considérations sur quelques Mammifères hibernants (Ac.Ms219 f°50-63 et 75-81). – Rapport sur l’ouvrage de M. Dutrochet concernant les rotifères, 1816 (ibid., f°68). – Rapport sur un opuscule intitulé Rev. de l’histoire de la licorne (ibid., f°81). – Le retour des Bourbons, 1814. – Campagne du duc d’Angoulême dans le Midi, 1816 (Ac.Ms246, prix). – Description d’une mutilation de naissance, avec figure (Ac.Ms258 f°31-34). – Sur l’accumulation de matière muqueuse dans les cellules mastoïdiennes (Ibidem, f. 43). – Considérations sur la trompe d’Eustache (Ibidem). – Sur le sommeil naturel des animaux à sang chaud et à sang froid (Ibidem). – La BM Lyon conserve un mémoire manuscrit de Saissy se rapportant à la médecine : Observations sur un cas de surdité complète avec mutisme, guérie par une injection portée dans la trompe d’Eustache par la voie des narines, 1814 (ms 5578, f. 48-58, fonds de la Société d’agriculture).

Publications

Recherches expérimentales et anatomiques sur les Mammifères hybernans, Paris : Librairie stéréotype H. Nicolle ; Lyon : l’Auteur et Ballanche, 1808 ; « Observations sur quelques mammifères hibernants », Mém. Acad. Sc. Turin, 1811-12 (pte.2) : 1-24 ; même titre, Trav. Acad. Rouen, 1811, p. 27 ; traduit en allemand, « Untersuchungen uber die Natur der winterschlafenden Säugethiere », Reil und Autenrieth’s Arch. f. Phys., 1815, 49, p. 293-369 ; Meckel’s Deutsch. Arch. f. Phys., 1817, 3, p. 131-136 ; Essai sur les maladies de l’oreille interne, Paris : Baillière ; Lyon : Maire, 1827 (consultable en ligne, https://books.google.fr/books?id=0r9EAAAAcAAJ)