Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

EYNARD Ennemond (1749-1837)

par Michel Dürr.

 Ennemond Eynard est né à Lyon le 10 août 1749 et a été baptisé à l’église Saint-Nizier, fils de Jean François Eynard de Cruzol, bourgeois de Lyon, et de dame Anne Prunelle son épouse. Parrain : Ennemond Debargue, prêtre, bachelier de Sorbonne, chanoine et baron de l’église de Saint Just ; marraine : demoiselle Antoinette Debargue.

 Ennemond Eynard, « docteur en médecine, agrégé au collège de médecine de Lyon, de la paroisse de [Notre-Dame] de la Platière dont il a remise », épouse le 30 septembre 1789 à Saint-Pierre Saint-Saturnin, « demoiselle Jeanne Catherine Héry, veuve de Claude Mombret, bourgeois de Lyon ; en présence de Pierre Antoine Eynard, chevalier de l’ordre royal militaire de Saint-Louis, oncle de l’époux, de Messire George Page, vicaire, de Camille Jean François Fournet, marchand chandelier et de Jean Lonchamp, suisse ». Jeanne Catherine Héry, âgée d’environ 50 ans, décède le 3 octobre 1792, paroisse de Saint Polycarpe. Une seconde union d’Ennemond Eynard est désastreuse. Au début de 1793, il loue dans sa maison un appartement garni à madame Ferrières de Sauvebeuf et à sa fille Louise, d’une ancienne famille du Limousin, qui cherchent à échapper au sort des nobles. Au mois d’août 1793, il s’installe avec elles dans sa maison de Francheville. Le 30 nivôse an 2 [19 janvier 1794], pour éviter une situation qui pourrait apparaître suspecte, il contracte à Francheville un mariage blanc, destiné à rester de convenance, avec Louise Ferrière [de] Sauvebeuf, 34 ans, née le 5 juillet 1758 au château du moulin d’Arnac à Nonnards (Corrèze), fille de défunt François [de] Ferrière [écuyer, marquis de] Sauvebeuf [seigneur de Nonnards, Puy d’Arnac, St Bonnet et autres places] et de Marguerite Juvet [de Chastagnac de la Guyonnie] ; témoins Pierre Antoine Eynard, officier retiré à Francheville, et Bernard Rast, cultivateur. Mais Louise, tout en faisant peser le mépris de sa haute naissance sur le roturier qu’est Eynard, argue de la légalité de cette union, pour se montrer de plus en plus exigeante financièrement. La situation devient intenable et elle finit par s’éloigner à Paris le 5 pluviôse an 4 [25 janvier 1796], puis à Chaumont. Les formalités de divorce commencent le 18 messidor an 5 et aboutissent le 22 messidor an 6 [11 juillet 1798]. Louise réclame une pension alimentaire de 4 000 livres par an, objet d’un différend pour lequel Eynard prononce lui-même son plaidoyer. La pension alimentaire est fixée à 500 livres par an. Lorsque Ennemond Eynard, demeurant rue des Augustins, décède à Lyon le 5 mai 1837, « d’une attaque d’apoplexie séreuse », il est veuf en 3e noces de Marie Catherine Caroline de Cardon, née à Sandrans (Ain) [avec les prénoms de Marie Catherine Charlotte le 4 février 1785], fille de Joseph de Cardon (1739-1797) – baron de Sandrans, député de la Bresse aux États-généraux, président de l’administration municipale de Châtillon-les-Dombes –, et d’Élisabeth Urbaine Dandelin, décédée le 23 septembre 1832 à Lyon à l’âge de 47 ans, demeurant alors 5 place Saint-Clair.

 Après des études au Collège de la Trinité à Lyon, Ennemond Eynard obtient le grade de docteur en médecine à Montpellier, âgé de 19 ans. Il suit dans cette ville le cours de Venel en 1766, puis à Paris, appliquées à l’industrie. Content de la fortune qu’il tenait de son père… il continue à s’intéresser à la chimie et assiste aux leçons de Macquer, de Rouelle puis de Fourcroy. Il revient à Lyon exercer la médecine. Il est agrégé en 1779 au collège des médecins de Lyon et en 1783, il est reçu à l’Hôtel-Dieu (J.P. Pointe, Notice historique sur les médecins de l’Hôtel-Dieu). Pourtant, à partir de 1787, « il renonça entièrement à la pratique médicale pour suivre son penchant naturel qui le portait vers les sciences physiques et mathématiques fut plus médecin que pour les pauvres ouvriers qui entouraient sa demeure (il habitait alors rue Saint-Marcel) et pour ses amis qui avaient foi en ses lumières » (Potton). Intéressé par la physique appliquée, il s’intéresse aux phénomènes caloriques et lumineux (prétendument observés en Angleterre) qui accompagnent la compression vive de l’air. Il participe aux travaux de Mollet* et de Gensoul qui aboutissent en 1802 à la réalisation d’un briquet pneumatique. Il revient sur un sujet connexe dans sa communication du 23 février 1813 à l’académie, sur l’apparition observée parfois, d’un léger brouillard lors de la détente brusque d’un gaz contenu dans un tube de verre.

 « Après la Révolution, l’abbaye des Dames de Saint-Pierre devenue propriété communale est transformée en un conservatoire des sciences, arts et métiers où l’on dépose tous les objets, soit d’utilité soit d’agrément ». En 1805, une Société des amis du commerce et des arts, affiliée à la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, est fondée à Lyon. Elle gère ce conservatoire. Eynard en est le vice-président. Il intervient comme membre de la commission de chimie, souvent avec son ami Raymond (ainsi en mars 1808, sur les boules de bleu Raymond et sur la teinture des velours en cramoisi de M. Guillemin ; en août 1808, sur le procédé de décreusage de la soie de M. Roard ; en 1809 sur la tavelle inventée par M. Renaux pour le dévidage des soies grèges). Comme conseiller-administrateur, il veille à recueillir au conservatoire les machines et les métiers, les productions des manufactures et à constituer un « arsenal industriel ». En 1812, le maire Sain-Rousset dissout le conseil d’administration de la société et nomme Artaud* inspecteur-antiquaire du palais Saint-Pierre. Celui-ci, à la grande indignation d’Eynard vend et disperse les collections industrielles et consacre l’édifice aux beaux-arts.

 L’activité d’expert d’Ennemond Eynard est reconnue des autorités administratives: en 1820, le préfet du Rhône le nomme avec Mollet* et Cochet*, membre de la commission chargée d’examiner les plans d’un bateau à vapeur. En 1826, le ministre de l’intérieur le nomme avec Tabareau* et Bonnard, commissaire pour examiner le métier à tisser les filets de pêche de M. Escalon de Lyon. En 1807, Eynard est admis à la société d’agriculture et des arts utiles de Lyon. Il en est vice-président en 1814. L’éclectisme de ses interventions apparaît dans le Catalogue des manuscrits conservés aux archives de la Société d’Agriculture de Lyon au 1er janvier 1823 : « Sur un nouveau comble en planches par M. de la Martine, 16 p. suivies d’un rapport par MM. Eynard et Leroy-Jolimont, 1807, 7 p. – Sur trois mémoires relatifs à l’engrais qu’on peut retirer des fosses d’aisance, 6 p. 1808. – Mémoire sur la construction d’un thermomètre métallique en grande dimension, propre à être établi sur un édifice public, 1807, 10 p. – Sur une brochure Analyse de la source thermale près Saint-Gervais (Léman) et considérations générales par MM. Raymond et Eynard, 1809, 3 p. – Avantages que présente l’aliment fourni par la pomme de terre cuite à l’eau, à la vapeur ou dans les cendres, 1812, 4 p. – Soupes aux légumes, 1812, 6 p. – Extrait d’un rapport fait à la Société d’agriculture de la Seine sur les travaux exécutés par M. Chaumette pour le redressement d’une partie de la Saône. 1813, 4 p. – Rapport sur la lettre de M. le comte François de Neufchâteau relative aux avantages de la culture et de l’emploi du maïs, 1814, 4 p. – D’un chevalet-scie pour couper le bois de chauffage, 1814, 2 p. – Prix proposé au concours de la Société d’agriculture : Sur le meilleur procédé pour le ramonage des cheminées. Les fonds ont été fournis par M. Eynard, 1814 (il n’y a finalement point eu de concours). – Sur un nouveau procédé pour extraire la gélatine des os et sur les divers emplois de cette substance, 1815, 8 p. – Sur la force des fers qui agissent en tirant par MM. Eynard et Leroy-Jolimont, 1821, 20 p ». Il faut ajouter ses travaux en 1813 sur la comparaison du sucre de betterave et du sucre de canne, son invention d’une seringue destinée à remplacer l’appareil allemand pour la fabrication de vermicelle de pomme de terre, présentée à la séance du 18 mars 1813.


Académie

Le 14 messidor an XII, Tabard* lit un mémoire de M. Eynard sur La théorie de l’électrophore et recommande son admission. Eynard est reçu le 24 floréal an XIII [14 mai 1805] et prononce son discours de réception sur L’industrie. Il préside l’académie en 1813 et exerce les fonctions de secrétaire adjoint de la classe des sciences en 1814. Un de ses comptes rendus lui vaut en 1845, une volée de bois vert posthume, administrée par Grandperret dans son Histoire de l’Académie de Lyon : « Nous voudrions pouvoir passer sous silence cette malheureuse délibération du 12 avril 1814, rédigée sous la présidence de M. Parat par M. Eynard, secrétaire adjoint, dans laquelle oubliant tout sentiment patriotique et sa propre dignité, l’Académie (ou plutôt les neuf académiciens présents à la séance), au lieu de se borner à donner son adhésion au retour des Bourbons, alla jusqu’à se féliciter avec transport de la déchéance de Napoléon Bonaparte, et à vouer une éternelle reconnaissance aux souverains étrangers, grands et généreux libérateurs des français ».

Dès son admission, Eynard est pris comme expert par l’académie pour juger de la valeur des nouveaux procédés, instruments ou machines, et pour décerner les prix du prince Lebrun : en 1806, il est chargé d’examiner le traité de Physiologie envoyé par M. Dumas de Montpellier, puis avec Jambon*, un instrument de chirurgie dentaire proposé par M. Pascal. Le 22 mars 1808, l’académie l’appelle avec Tabard et Jambon à juger du mérite d’un levier à double effet proposé par M. Rossignol pour les pompes à incendie ; le même jour, il présente à l’académie le thermomètre métallique de M. Dourdouillon, puis le 29 mars lit un mémoire sur un tel thermomètre susceptible d’être établi sur un édifice public. En 1816, il participe avec Raymond*, Gilibert* et Sainte-Marie* à l’examen du fumigatoire de M. Rapou. À la création de l’école de La Martinière, il en est nommé conseiller-administrateur. Il crée des bourses pour des élèves méritants, et comme l’écrit le docteur Potton « fixa sa demeure au milieu de ces enfants d’ouvriers, en faveur desquels il avait travaillé toute sa vie. Martin avait été le créateur de l’école, Eynard voulut être le continuateur de Martin. Il donna, de son vivant le riche cabinet industriel qu’il était parvenu à former au cours d’une longue et laborieuse carrière ». Ce cabinet rassemblait des pièces provenant de la collection de Grollier* de Servières et du cabinet de physique de Tabareau*. Par testament, il lègue en outre 310 000 francs à La Martinière.

En 1831, sur la proposition de l’académie, il est fait chevalier de la Légion d’honneur.

Bibliographie

Dumas. – Dupasquier : Eynard, RLY 105, 1837, p. 382-384. – Potton : Notice sur M. Ennemond Eynard, RLY, 105, 1837, p. 464-477. – E. Honoré, DBF.

Iconographie

Buste en ronde bosse par Jean-François Legendre-Heral*, salle des commissions de la fondation Martin, lycée de La Martinière. – Buste en Hermès au MBAL. – Peinture à l’huile par Anthelme Trimolet : L’intérieur de l’atelier de M. Eynard, où sont représentés MM. Eynard et Brun, MBAL, médaille d’or au salon des artistes, Paris, 1819.

Une rue de la presqu’île porte le nom de Rue Eynard.

Manuscrits.

Lettres du 1er mars 1831 et du 22 mars 1831, à propos de la Martinière, Ac.Ms17 f°57. – Observations 15 janvier 1832, à propos de la Martinière, Ac.Ms17 f°61. – Rapport sur la roue hydraulique de M. Messance, Ac.Ms159 f°194. – Rapport sur les lunettes présentées par le sieur Bielle, opticien, 28 avril 1807, Ac.Ms159 f°199. – Note sur la présence de la silice dans la fonte, le fer et l’acier, lu le 18 août 1829, Ac.Ms219 f°310. – De l’électrophore, Ac.Ms230 f°114. – Mémoire sur la construction d’un thermomètre métallique propre à être placé sur un édifice public, Ac.Ms230 f°175. – Tabard*, Rapport sur le mémoire de M. Eynard : De l’électrophore, 14 messidor an 12, Ac.Ms230 f°120. – Avec Mollet*, Petit*, Clerc*, Tabard : Rapport sur le concours de 1807 : Déterminer par l’expérience les rapports de l’évaporation spontanée de l’eau avec l’état de l’air comme par le baromètre, le thermomètre et l’hygromètre, Ac.Ms242 f°77. – Rapport sur le Prix du prince Lebrun pour les artistes qui ont inventé quelques perfectionnements dans les manufactures de Lyon, Ac.Ms248 f°445. – Rapport sur la fabrication de la machine serviette, fabricant M. Feteix, prix du prince Lebrun, Ac.Ms248 f°438. – Rapport sur la machine du sieur Breton pour remplacer la tireuse de fers, prix du prince Lebrun, Ac.Ms248 f°440. – Rapport sur l’ouvrage de M. Dumas : La doctrine générale des maladies chroniques, Ac.Ms258 f°246. – Rapport sur le traité sur la cataracte de M. Montain jeune, Ac.Ms258 f°35. – Avec Mollet*, Sur l’appareil fumigatoire du sieur Bouilli, lu le 11 août 1812, Ac.Ms258 f°135. – Avec Mollet, Tabard*, 23 août 1812 Rapport sur le concours de 1812 : Congélation de l’eau, Ac.Ms242 f°240. – Lettre de 1810 : polémique virulente à propos d’une « machine à pelotonner » construite par Eynard et semble-t-il violemment contestée quant à l’antériorité par Quatremère de Disjonval, Ac.Ms275-II f°114.

Publications

Plaidoyer pour le citoyen Eynard contre Delle Louise Ferrières-Sauve-Bœuf, Lyon : Pelzin et Drevon, an IX, 96 p.Rapport sur les boules de bleu inventées par M. Raymond (lu à la Soc. Amis Commerce et Arts le 4 mars 1808), Lyon : Ballanche, 1808. – Rapport fait à la Société des Amis du Commerce et des Arts de la ville de Lyon, le 5 février 1810, sur deux machines proposées par M. Quatremère-Disjonval au commerce de cette ville, Lyon : Ballanche, 1810, 8 p. – « Notice sur les mines de bitume d’asphalte, dites du Parc ou de Pyrimont, près de Seyssel, département de l’Ain », Journal de l’Ain, septembre 1813.Rapport fait à la Société des amis du Commerce et des Arts de la ville de Lyon, le 9 janvier 1815, sur des expériences de comparaison entre la céruse de Hollande et celle de Clichy, Lyon : Ballanche, 1815. – « Rapport à M. le Préfet du Rhône sur un fourneau fumivore, établi par les frères Blanc, dans leur fabrique de cendres gravelées du faubourg de Vaise », Bull. Soc. Encourag. Indus. Nation. 14, 1815.Projet de pétition à M. le Maire de la ville de Lyon, pour le rétablissement d’un conseil d’administration au Conservatoire des Arts. Lyon : Roger, 1819, 12 p. – Manuel à l’usage des 15000 contribuables à la contribution personnelle de la ville de Lyon, Parat, 1821, 46 p. – Réponse à un écrit anonyme ayant pour titre : Réflexions sur un imprimé, etc. pour servir de suite au Manuel des contribuables à la taxe personnelle, Lyon : Kindelem, 1823, 99 p. – « Observations sur la formation d’une Compagnie, pour élever, au moyen de machines à vapeur, l’eau du Rhône, au point le plus culminant de la ville, et de la distribuer dans des fontaines, en nombre suffisant, pour fournir à tous les besoins des habitants de la ville de Lyon et de ses faubourgs », Gazette univers. Lyon, 8 janvier 1823. – Avec Régny*, Cap* Cochet* et Tabareau*, Rapport fait à l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon dans sa séance du 28 juillet 1828, sur le projet de M. Renaux, pour l’éclairage de la ville de Lyon, au moyen du gaz extrait de la houille, Lyon : Perrin, 1829, 19 p. et Ac.Ms139 f°299.