Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

BROSSETTE Claude (1671-1743)

par Louis David, Michel Dürr.

 Claude Brossette serait né le 8 novembre 1671 à Theizé (Rhône). Son père, Antoine, est procureur d’office des terres d’Oingt et de Bagnols (1645-1715), sa mère est Antoinette Fornas (1648-1700). Sa fratrie comprenait trois sœurs et trois frères ; sa sœur aînée Marie Benoîte Thérèse (1669-1746) épousa en 1685 Claude Sain, maître apothicaire au Bois-d’Oingt.

 Après ses études au collège de la Trinité de Lyon, il s’installe à Paris pour suivre des études de droit : bachelier avec une thèse sur le droit justinien (conservé BML, Ms 6186, f°273-320), puis docteur, il devient avocat au parlement de Paris puis aux cours de Lyon. Ses activités judiciaires l’appelant souvent à Paris, c’est lors d’un séjour en 1698 qu’il rencontre Boileau le 3 octobre et c’est l’amorce de douze années d’amitié. Désormais il voue à Boileau une admiration sans limite et connaît à fond toutes ses œuvres, au point que celui-ci peut dire : « à l’air dont vous allez, vous saurez bientôt mieux que moi votre Boileau ». L’admiration de Brossette se traduit dans un long poème dont nous extrayons quelques vers (l’ensemble ne méritant guère de passer à la postérité) :

 « Je te vis, je t’aimai ; mon heureuse jeunesse,

 Boileau, ne déplut point à ta sage vieillesse,

 Tu souffris que j’allasse écouter tes leçons ;

 Tu daignas m’enrichir de tes doctes moissons,

 Tu m’instruisis à fond de tes divins ouvrages. »

 Boileau lui avait donné son portrait peint par Jean-Baptiste Santerre, et, dans une lettre du 10 mars 1699, Brossette l’informe qu’il a fait insérer le tableau dans un cadre doré et l’a placé dans le plus bel endroit de son cabinet. Il le gardera jusqu’à sa mort. Ensuite ce tableau changera de propriétaire, et finira par aboutir dans les collections du musée des Beaux-Arts de Lyon.

 Brossette correspond également avec de nombreux écrivains, en particulier avec Jean-Baptiste Rousseau, de manière très régulière après la mort de Boileau. C’est Louis Racine qui publiera, en 1749 et en 5 volumes, leur correspondance. Il correspond aussi avec le Père Vanière de Toulouse, avec le président Bouhier de Dijon et avec Voltaire. Ce dernier lui écrira, le 20 novembre 1733 : « je sais que vous êtes en correspondance avec Rousseau, mon ennemi, mais vous ressemblez à Pomponius Atticus, qui était courtisé à la fois par César et par Pompée ».

 Le 20 juin 1706, il épouse Marguerite Chavany, née en 1686 (contrat du 12 juin auprès de Me Romieu) ; ils auront deux filles et deux fils : Marie Claudine née en 1707 épousera à Condrieu Étienne Robert de La Batie en 1725 ; Jeanne Élisabeth (1711-1742) ; Claude Camille (1712-1714) ; enfin un second Claude Camille né en 1714 qui épousera le 21 février 1743 Marguerite Louise Françoise Pestalozzi (1707-1767) fille de Jérôme Jean Pestalozzi*, chirurgien à l’Hôtel-Dieu ; ils auront deux enfants, dont Marianne, née et baptisée à Saint-Pierre et Saint-Saturnin le 24 septembre 1742 (enfant nommé Pestalozzi « donné à Claude Camille Brossette »). Mais l’épouse de Brossette meurt le 8 avril 1716, à peine âgée de trente ans, au grand désespoir de son mari. Sa grande douleur conduit Brossette à faire détacher du cerveau de son épouse la glande pituitaire, que certains considéraient comme le siège de l’âme, pour la porter enchâssée dans une bague.

 C’est en 1710 qu’il avait acquis la totalité de la propriété du château de Rapetour à Theizé, en prenant le titre de seigneur de Varennes-Rapetour ; mais sa femme et lui préféreront toujours loger en la maison Beauvallon, dans le village, et c’est là qu’il baptise la source du nom de Font Boileau, encore aujourd’hui gravé dans la pierre. Brossette s’occupe activement de ses vendanges, terre beaujolaise oblige. Il est aussi administrateur de l’Hôtel-Dieu de 1722 à 1724, où il se consacre pleinement aux pauvres. Ses travaux littéraires sont à nouveau interrompus en 1727 lorsqu’il devient avocat-recteur de l’hôpital de la Charité, auquel il rend de grands services par l’obtention de Lettres Patentes. En reconnaissance il est nommé échevin pour 1730-1731.

 La fin de la vie de Brossette fut un tissu d’infirmités. En 1738, il est frappé d’une paralysie partielle du côté droit qui lui rend la marche et l’écriture très difficiles. Il abandonne pour cela le secrétariat académique.

 Il meurt le 18 juin 1743 à Lyon, et il est inhumé le jour même dans l’église Sainte-Croix (détruite en 1796). L’acte de décès porte les signatures, outre de l’abbé Paul Timoléon de La Forest, custode de l’église, et de François Simon vicaire, celles des académiciens Aimé Bertin* avocat, et Charles Cheinet* médecin et mathématicien.


Académie

On peut considérer Claude Brossette comme le véritable fondateur de l’Académie. En effet, c’est sous son impulsion qu’en 1700 sept amis, dont lui-même, décident de se réunir régulièrement pour débattre de tous les thèmes d’actualité. C’est sans délai que Brossette informe Boileau de ce dessein : « depuis le commencement de cette année, nous avons formé ici des assemblées familières, pour nous entretenir des Sciences et des Belles-Lettres un jour de chaque semaine. La Compagnie n’est pas nombreuse, nous ne sommes que sept [...]. Toutes sortes de sujets peuvent être, tour à tour, la matière de nos conférences : la physique, l’histoire civile et l’histoire naturelle, les mathématiques, les langues, les lettres humaines, etc. » (lettre du 10 avril 1700). Après deux séances consacrées à savoir si la démonstration que Descartes donne sur l’existence de Dieu est suffisante, la première séance officielle se tient le 30 mars 1700 au logis de Camille Falconnet*, près Bellecour, en sa riche bibliothèque.

Brossette est la cheville ouvrière de cette académie naissante : dès le début il assume les fonctions de secrétaire général, et il le restera pendant 39 années. Dès le début, ainsi qu’il en informe Boileau, il imagine une devise pour l’académie naissante : « un arbre sur le tronc et sur les branches duquel sont gravés les noms des académiciens, avec ces mots : Dum crescet, nomina crescent [à mesure qu’il croîtra, les noms croîtront aussi] ». On peut dire qu’il ne manquait pas d’ambition. C’est lui qui rédigera les premières règles de fonctionnement en 1717, prémices du premier règlement intérieur de 1724. C’est lui qui lira, en séance publique, le 12 décembre 1724, les premières Lettres Patentes royales officialisant l’existence de l’Académie des Sciences et Belles-Lettres (ainsi que celle de la société ou académie des Beaux-Arts). Le 28 novembre 1730, il prononcera l’éloge du maréchal François de Neuville, duc de Villeroi, premier protecteur de l’Académie.

Son éloge funèbre sera prononcé en août 1743 par son successeur à l’Académie, l’abbé J. Coquier*.

Bibliographie

Antoine Péricaud, « Notice sur Claude Brossette » Journal de Lyon, 31 juillet 1821. – Dumas. – F. Z. Collombet, « Études sur les historiens du Lyonnais. XIX. Brossette », RLY, 1838, p. 49-90. – Michaud. – A. Laverdet, Correspondance entre Boileau Despréaux et Brossette, Paris : Techener, 1858, 32 + 605 p., ill. – Niepce 1883. – L. Galland, ... Claude Brossette avocat en la Cour des Monnaies, le siège..., ses rapports avec Boileau-Despréaux, Lyon : Mougin-Rusand, 1897, 47 p. – P. Petit, « Boileau, Brossette et Lyon », Bull. des Lettres 62, 1937, p.149-154. – Louis David, « Claude Brossette », MEM 1999, p. 361-363. – S. Ben Messaoud, « Une nouvelle source d’étude de Boileau : les papiers Brossette », Studi Francesi 134, 2001, p.581-296. – S. Ben Messaoud, « Visages de Claude Brossette », Bull. mun. Lyon, 5684, 2007, 2 p. – S. Ben Messaoud, « Claude Brossette, un avocat érudit », MEM (4) 8, p. 59-66, ill. – Béghain et alii, Dictionnaire historique de Lyon, Lyon : S. Bachès, 2009, 1504 p., ill. – S. Ben Messaoud, « Brossette et Boileau », Bull. mun. Lyon 5829, 2010, 2 p.

Manuscrits

Une large part des lettres échangées se trouve conservée parmi les manuscrits de l’Académie. Du vaudeville, Ac.Ms123 bis f°1. – Éloge de Monsieur le Maréchal de Villeroy prononcé le 8 novembre 1730 à Beauvallon [modifié le 19 novembre 1730], Ac.Ms124 f°45-50. – Brossette et Pestalozzi J.J. : Lettre à Mgr le duc de Villeroy à Paris [suite décès du maréchal], Ac.Ms124 f°52, 1730. – Du vaudeville, discours lu à l’Académie le 10 janvier 1719, Ac.Ms158bis f°74.

Publications

L’œuvre imprimée de Brossette est particulièrement importante. Elle comprend plusieurs ouvrages de droit et de jurisprudence, par exemple : Procès-verbal des conférences tenues par ordre du roi, entre MM. les commissaires du conseil et MM. les députés du Parlement de Paris pour l’examen des articles de l’ordonnance... Lyon 1697 et 1700, Paris 1709 ; Les titres du droit civil et canonique rapportés sous les noms français... Lyon : A. Boudet, 1705.

Les ouvrages les plus connus sont d’abord une Histoire abrégée ou éloge historique de la ville de Lyon, suivie du Nouvel éloge historique de la ville de Lyon (1711, Lyon : J-B. Girin), qui sont une reprise de l’ouvrage de Ménestrier, suivie d’un simple complément. Ensuite, après la mort de Boileau, les Œuvres de Mr Boileau Despréaux avec des éclaircissements historiques donnez par lui-même (Genève : Fabri & Barrillot, 1716 : 2 t. ; 1717 : 4 t. ; 1735 : 3 t.). Les satyres et autres œuvres de Régnier avec des remarques (Londres : Lyon et Woodman, 1729, 403 p.). En 1732, il donne une édition corrigée de l’Histoire de Charles XII de Voltaire. Sa correspondance avec Rousseau est publiée par Louis Racine : Les Lettres familières de Messieurs Boileau Despréaux et Brossette, pour servir de suite aux œuvres du premier sont publiées par Cizeron-Rival (Lyon : F. de Los Rios, 1770, 3 t.) ; à leur propos Charles du Rozoir traitera Brossette de « commentateur servile, enthousiaste et minutieux [qui] ressasse les anecdotes niaises, les observations puériles », mais d’autres reconnaîtront combien est précieux son témoignage. En 1846, A. Kühnholtz publie Du vaudeville, avec introduction, notice et notes (Paris : Comon et Cie, 46 p.). P. Bonnefon publie la Correspondance de Jean-Baptiste Rousseau et de Brossette (Paris : E. Cornély, 1910-1911, 2 vol. ; Internet : University of Toronto). Louis de Longevialle publiera en 1930 Trente lettres inédites de Claude Brossette à Monsieur de Saint Fonds (Villefranche-sur-Saône : Réveil du Beaujolais).