Pierre Lortet est né à Lyon (et non à Saint-Étienne comme l’indiquent plusieurs notices biographiques) le 3 juin 1792, et baptisé le lendemain à la paroisse Saint-Paul ; parrain Pierre Richard, aïeul maternel ; marraine Jeanne Gondret son épouse, aïeule maternelle. Son père, Jean-Pierre Lortet, fils de Jean-Pierre Lortet, aubergiste, et de Claudine Girardin, est trésorier-payeur du Rhône ; né à Lyon, décédé à Lyon le 16 octobre 1823 à 67 ans) il a épousé le 30 juin 1791 (paroisse Saint-Nizier) Clémence Richard (Lyon 17 septembre 1772-Oullins 15 avril 1835), fille de Pierre Richard et de Jeanne Gondret. Sa mère est fortement éprouvée par les troubles révolutionnaires, pendant lesquels elle a caché dans sa demeure – la maison Pilata, 4 montée Saint-Barthélémy, aujourd’hui occupée par un établissement scolaire tenu par les pères maristes – des girondins et des royalistes recherchés après le siège de la ville, puis des sans-culottes pourchassés par les muscadins ; Pierre Lortet est âgé d’une douzaine d’années lorsque sa mère se voit conseiller par le Dr Emmanuel Gilibert, qui dirige alors le jardin botanique de la ville où il donne un enseignement d’histoire naturelle, de rétablir sa santé en pratiquant la marche à pied et en herborisant aux environs de Lyon. Le jeune garçon l’accompagne dans ses excursions (qui feront de Clémence Lortet une excellente naturaliste), et il y gagne une robuste constitution, l’amour de la nature, et un goût marqué pour la marche à pied qu’il transmettra à ses enfants.
Après avoir entamé des études médicales en fréquentant les hôpitaux de Lyon, où l’on dispense un enseignement non officiel de la médecine (l’École de médecine de Lyon n’est établie qu’en 1821), il va les poursuivre à Paris en 1811. Il profite de ce séjour pour fréquenter, en compagnie de sa mère, les savants professeurs du Muséum ou du Collège de France et suivre les cours donnés dans ces établissements. Il est reçu docteur en médecine le 6 août 1819 en soutenant une thèse intitulée : Dissertation sur les métastases en général. Puis il étudie à l’université de Heidelberg en compagnie d’Edgar Quinet. Au cours d’un voyage en Allemagne, il épouse le 18 mai 1827 à Darmstadt (Grand-duché de Hesse), Jeanne (Nettechen) Müller (Asfeld [Hesse] 31 mai 1802-Oullins 6 juin 1837). Le voyage de retour en France avec sa jeune femme, sa mère et un botaniste lyonnais ami de la famille, Georges Roffavier, est effectué à pied, en traversant la Bavière, la Suisse et la Savoie. De cette union sont nés : Leberecht Lortet (Heidelberg 30 avril 1828-Oullins, 6 novembre 1901), peintre paysagiste ; Clémentine Lortet (Zurich, 7 juin 1830-Oullins, 8 novembre 1898) ; et Charles Louis Lortet* (Oullins, 22 août 1836-Lyon, 26 décembre 1909), doyen de la faculté de médecine de Lyon, mais aussi botaniste, zoologue, égyptologue... Toute la famille est parfaitement bilingue.
À Lyon, Pierre Lortet pratique la médecine, principalement au bénéfice des indigents. Son ami le Dr Perrin* fait appel à lui pour introduire à l’école des sourds-muets la gymnastique, art qu’il a appris en Allemagne, et dont la pratique se répand à partir de là dans les autres maisons lyonnaises d’éducation. Il participe à la vie politique : il collabore aux journaux d’opposition, combat le gouvernement de la Restauration, est affilié à des sociétés secrètes, devient dès 1825 l’un des promoteurs du mouvement philhellène en France (son beau-père est président du comité philhellène du Palatinat), et contribue financièrement à l’équipement scientifique de son ami le peintre et sculpteur Jean-Baptiste Vietty, qui participe en 1829 à l’expédition scientifique de Morée, en compagnie d’Edgar Quinet. Vietty exécutera quelques années plus tard le portrait de Clémence Lortet, gravé par Étienne Rey.
En 1830, Pierre Lortet soutient activement l’insurrection polonaise. Il devient secrétaire du comité lyonnais en faveur de la Pologne, présidé par Stanislas Gilibert*, en lien avec le comité national présidé par La Fayette ; le mouvement recueille des fonds transmis aux insurgés, mais il est rapidement déconsidéré en raison des sympathies républicaines affichées par ses principaux dirigeants, et il sera remplacé par le Bazar polonais, qui viendra en aide aux réfugiés polonais jusqu’en 1840. À la même époque, Lortet apporte également son soutien aux réfugiés italiens. Il s’implique dans les œuvres de bienfaisance ; à partir de 1836, il est membre de la commission des hospices, présidée par Terme*. Sa bonté s’étend à toute la nature : il est, à l’appel du comte de Grammont, l’un des fondateurs de la Société protectrice des animaux à Lyon en 1854 et en sera le président.
Sympathisant républicain – il appartient à la fraction dite « des formalistes » – Pierre Lortet établit avec Stanislas Gilibert une Association lyonnaise pour l’indépendance du pays et l’expulsion perpétuelle de la branche aînée des Bourbons. Il est remarqué pour ses prises de position contre les jésuites, et acclamé lors du banquet réformiste de novembre 1847. Après les journées de février, il est membre des comités municipaux de Lyon et de la Croix-Rousse, alors commune indépendante, où il s’est installé dans une maison rue des Gloriettes, après la mort de sa femme. Il est choisi comme commandant de la garde nationale, puis élu le 23 avril 1848 par 83 664 électeurs du département Rhône (sur environ 130 000) représentant du peuple à l’Assemblée nationale. Il se rend à pied à Paris, mais il donne sa démission dès le 6 juin, prévoyant, dit-on, les troubles qui vont surgir. Ancien membre de la loge du Parfait Silence, il fonde à Lyon en 1848 la loge Les amis des hommes, au recrutement populaire, laquelle dès le début des années 1850, sera soupçonnée de couvrir des activités politiques jugées subversives par le pouvoir.
Ni ses nombreux voyages, ni ses activités politiques n’empêchent Pierrre Lortet de mener des recherches scientifiques et philosophiques. Selon Fournet, avec Tabareau*, il aide Ampère* dans ses premières recherches sur l’électromagnétisme. Il se spécialise dans la minéralogie, la géologie et la géographie physique, et il est influencé par le géographe allemand Carl Ritter (auquel il consacre un mémoire lu à l’Académie). Son principal travail est consacré à la géographie physique du bassin du Rhône ; il met en œuvre ses nombreuses observations effectuées sur le terrain, où l’accompagne, le marteau à la main, sa fille Clémentine. Les échantillons recueillis enrichissent les collections familiales, ou sont donnés à diverses institutions. Lortet applique ses observations à la prévision des crues, et préconise avec Fournet* la création par la municipalité d’une commission hydrométrique, destinée à prévenir les conséquences des inondations, et dont il assume la présidence. Il ne néglige pas pour autant les recherches agronomiques et botaniques, qui font l’objet de communications à la Société d’agriculture. Dans le domaine de la philosophie, Pierre Lortet, disciple et ami de Victor Cousin, de Michelet, d’Edgar Quinet, se fait le champion d’un déisme rationaliste ; il traduit Kant (Théorie sur la religion dans les limites de la raison) et publie une traduction des lettres de l’abbé Johannes Ronge (1813-1887) sur la profession de foi de l’Église néo-catholique allemande. Philologue (Ampère lui fait parvenir une traduction allemande de poèmes scandinaves), il procède à des études comparatives sur la langue allemande et la langue française, il étudie l’arabe et il publie un mémoire sur un calendrier copte.
Pierre Lortet décède le 22 mars 1868.
Admis le 1er juin 1847, sur rapport de Fleury Imbert*, au fauteuil 9, section 2 Sciences, il prononce son discours de réception, intitulé Des fleuves et de leur influence, le 15 juin 1847 en séance privée et le 20 juillet en séance publique (MEM S, 1847). Le 18 janvier 1848, il demande à passer dans la 1re section ; la décision est rendue après les trois mois réglementaires, et le 6 juin, il est transféré au fauteuil 8 section 1. C’est Thiollière* qui lui succède sur son ancien fauteuil le 20 juin. Il effectue régulièrement des communications à l’Académie : « Unité de l’espèce et de la langue dans l’humanité », MEM L, 1846 ; « Comparaison graphique et mathématique des continents de 1’ancien monde », MEM S, 1851 ; « Calendrier Cophte, traduit de 1’arabe et annoté », MEM S, 1852 ; « De la superstition dans les sciences », Ibidem ; « De la foi dans la science », MEM S, 1853 ; « Notice historique sur le sucre de canne », MEM S, 1859 ; « De l’homme dans ses rapports avec la nature », MEM L, 1859-1860 ; « Notice sur Charles Ritter, professeur de géographie à Berlin », MEM L, 1862-1863. Il est également un membre actif de la Société d’agriculture (voir liste des publications).
J. Fournet, Notice sur la vie et les travaux du Docteur Lortet, Lyon : Vingtrinier, 1857 [SLL 2 C 49]. – G. Vapereau, 1870. – A. Vingtrinier, Femmes de lettres lyonnaises. Madame Lortet botaniste, Lyon : A. Vingtrinier. – A. Westphal, Lettres inédites d’Edgar Quinet au docteur Lortet, Paris : Stock, 1907. – F. Dutacq, « Une belle figure lyonnaise », Lyon Universitaire, septembre-novembre 1907 (non vidi). – F. Dutacq, « L‘élection d’un représentant du Rhône à l’Assemblée nationale au mois de septembre 1848 », RHL 7, 1908, p. 443-469. – M. Brisac, « Lyon et l’insurrection polonaise de 1830-1831 », RHL 8, 1909, p. 161-204. – A. Magnin, « Les Lortet botanistes lyonnais particulièrement Clémence, Pierre et Louis Lortet et le botaniste Roffavier », Ann. Soc. bot. Lyon 36, 1912, p. 29‑109. – Dict. des parlementaires. – G. C., DHL.
Ouvrages originaux et traductions : Le sourd-muet grec en Allemagne, ou Lettres de M. Alle [...] relativement au jeune sourd-muet [...] arrêté à Bernhausen, en décembre 1821, trad. de l’allemand 2e éd., Lyon : Mistral, 1822. – Fr.-L. Jahn, Recherches sur la nationalité, l’esprit des peuples allemands et les institutions qui seraient en harmonie avec leurs mœurs et leur caractère, trad. de l’allemand avec notes, Paris : Bossange frères, 1825, XXVI + 432 p. – J. G. Fichte, De l’idée d’une guerre légitime : trois leçons faites à Berlin en mai 1813, Lyon : Babeuf, 1831, XVI + 50 p. – Théorie de Kant sur la religion dans les limites de la raison, trad. de l’allemand, Introduction par Francisque Bouillier, Paris : Imbert, 1842, XLII + 106 p. – Du Rhin et de la Syrie, Lyon : Boitel, 1841, 15 p. – De l’importance du Rhône, Lyon : Boitel, 1842. – Rapport à M. le maire de Lyon sur les observations recueillies par la commission hydrométrique, Lyon : Nigon, 1844. – Rapport sur les travaux de la commission hydrométrique […], Lyon : Nigon, 1845 et suiv.
Principaux articles scientifiques (liste comprenant 25 numéros publiée dans le Catalogue of scientific papers, tome 4) : « Ausflug ins Isere-Departement im Monat August 1836 », Leonhard u. Bronn, N. Jahrb., 1837, p. 127-136. – « Ueber die geologischen Vorlesungen des Herrn Fournet », Leonhard u. Bronn, N. Jahrb., 1837, p. 522-535. – « Propagation de la culture du mûrier et du ver à soie », Ann. soc. agric. Lyon 5, 1842, p. 211-222. – « Documents pour servir à la géographie physique du bassin du Rhône », Ann. soc. agric. Lyon 6, 1843, p. 65-108. – « Notice sur une maladie de la Pomme-de-terre, observée en Allemagne », Ann. soc. agric. Lyon 7, 1844, p.122-124. – « Observations sur le sommeil léthargique du Muscardin (Myoxus muscardinus Gmelin) », Ann. soc. agric. Lyon 7, 1844, p.153-166, 430. – « Note sur le Moineau », Ann. soc. agric. Lyon 7, 1844, p. 209-211. – « Note sur un phénomène qui accompagne la végétation de la Soldanelle (Soldanella alpina, L.) », Ann. soc. agric. Lyon 7, 1844, p. 385-386. – « De la constitution atmosphérique des mois d’avril, mai, juin, juillet, août et septembre 1845, considérée comme cause déterminante de la maladie des Pommes de terre », Ann. soc. agric. Lyon 8, 1845, p. 473-481. – « Notice sur une excursion dans les Alpes françaises et sur la nécessité de les reboiser », Ann. soc. agric. Lyon 9, 1846, p. 446-466. – « Origine et extension de la Vigne », Ann. soc. agric. Lyon 9, 1846, p. 548-560. – « Notice sur 1’extension de la culture des céréales », Ann. soc. agric. Lyon 10, 1847, p. 145-150. – « Pénétrations et impressions observées sur les galets de certains conglomérats et nagel-fluhes », Ann. soc. agric. Lyon 3, 1850-51, p. 204-214. – « Instructions sur les instruments destinés à mesurer 1’eau de pluie », Ann. météor. 1851, p. 113-131. – « Sur la taille de la vigne », Ann. soc. agric. Lyon 5, 1853, p. 66-69.