Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

ROGNIAT Louis (1852-1934)

par Maryannick Lavigne-Louis.

 L’architecte Benoît Louis René Rogniat naît le 12 novembre 1852, 84 Grande-rue de la Guillotière au foyer de Jean Rogniat (Chaponnay 1797-Lyon 1889), fils d’un bourrelier, ancien capitaine au 22e de ligne, chevalier de la Légion d’honneur (1845), et d’Élisabeth Gazet (Meyzieu 1816-Lyon 1871). Son frère puîné, Étienne Augustin (1857-1897) également architecte, décédé prématurément, a été son associé.

 Entré en 1871 à l’école des beaux-arts de Lyon, où il obtient une médaille d’or en 1874, il est l’élève d’Antonin Louvier (La Guillotière 1818-Vichy 1892), qui enseigne à l’école des beaux-arts depuis 1861, et qui en 1850 a succédé à son beau-père Antoine Chenavard* comme architecte du département du Rhône. La même année 1874, Rogniat gagne le concours d’émulation lancé par la Société académique de Lyon concernant le projet d’un Hôtel des ventes pour la ville. En 1875 il termine ses études d’architecture à l’école des beaux-arts de Paris avec Honoré Daumet (Paris 1826-1911), chargé de reconstruire le château de Chantilly, dans l’atelier duquel il rencontre Paul Blondel, grand prix de Rome en 1876 ; en sa compagnie, Louis Rogniat fait un périple en Italie, Grèce et Turquie. Ayant répondu en 1876 à un concours ouvert par la ville de Rouen pour la reconstruction du théâtre des Arts, il gagne la troisième place, assortie d’une prime de 2 000 francs. En 1879, il fonde avec quelques autres l’Union architecturale de Lyon. Un peu avant 1880, Rogniat est sollicité à Cannes pour effectuer des transformations dans la villa Flora, 3 avenue Amiral-Wester-Wemys (édifiée en 1867), ainsi qu’à la villa des Quatre-Saisons, 40 boulevard de la Croisette (édifiée en 1864). En 1880, il y construit un ensemble de trois villas indépendantes (actuellement immeuble Le Raphaël, 4 et 10-14 rue Médecin-Lieutenant-Bertrand-Lépine), ainsi que la villa Yarrow (Sun-Sea, 50 boulevard d’Oxford), mais aussi le monumental hôtel Continental, pour un coût de plus de 2 millions de francs (actuelle résidence Parc Continental, 3 place Stanislas). En 1881 Louis Husson (rentier, originaire de Longwy) lui commande une villa (act. Hôtel Bleu-Rivage 59-60 boulevard de la Croisette). Le 7 février de la même année, Louis Rogniat devient, à Lyon 5e, le gendre d’Antonin Louvier, en épousant Geneviève, née à Lyon 5e, le 22 octobre 1857, décédée en 1928, du second mariage de l’architecte avec Jeanne Million (1830-1907). La première femme de Louvier, Junie Stéphanie, fille d’Antoine Chenavard*, était morte en 1853. Le couple Rogniat-Louvier a quatre enfants, deux filles, Germaine et Christine, et deux fils Jean Antoine (1881-1959) et René (1886-1944), tous les deux architectes.

 En 1883, Louis Rogniat devient le collaborateur de son beau-père, alors chargé du chantier de l’hospice du Vinatier (Bron), et qui vient de se voir confier la construction de l’Hôtel de la préfecture du Rhône (cours de la Liberté). Au décès de celui-ci en 1892, Rogniat est chargé par le département du Rhône d’en terminer les travaux. Au moment de son mariage, Louis habite avec son père 8 place Vendôme (act. place Victor-Basch) ; toute la famille y est installée. En 1885, il construit un ensemble de trois immeubles de rapport sur le prolongement de l’avenue de Saxe au-delà du cours Gambetta ; à partir de 1887 il réside jusqu’à la fin de sa vie dans l’un d’eux, le 281 (devenu le 5 de l’avenue Jean-Jaurès) ; son frère Étienne s’installe au 279, l’adresse officielle de l’atelier de Louis Rogniat, où vont se côtoyer Tony Garnier*, Emmanuel Cateland, Jules Armbruster, Paul Cret, Félix Françon, Raymond Morel, Gabriel Rambaud, Jean Bacconnier.

 Louis Rogniat décède le 27 juin 1934 à son domicile ; après une cérémonie à l’église Saint-Louis, il est inhumé le 29 au cimetière de la Guillotière.

 Les productions de l’architecte sont innombrables : édifices publics, bâtiments industriels, immeubles, maisons et châteaux... Outre les constructions déjà citées, retenons : hôtel particulier de Charles Sigaud, directeur du gaz de Lyon (quai Claude-Bernard, Lyon, 1883-1889) ; maison pour M. Marquis, entrepreneur de menuiserie (angle cours Gambetta/rue Boileau, Lyon, 1883-1889) ; villa et asile Alamagny (Saint-Chamond, 1885-1886) ; réfection du château de Curraize pour le compte d’Émile Alamagny (Précieux [Loire], 1886-1889 et 1900) ; maison de Frédéric Pigeat ferblantier à la Guillotière (114 cours Gambetta, Lyon, 1887) ; maison du sculpteur Pierre Aubert (angle boulevard du Nord, act. boulevard des Belges/rue Duquesne, Lyon, 1888) ; tombe Jaubert-Baboin (Cimetière de Loyasse, 1888) ; maison du docteur Marcel Ogier, maire de La Verpillière de 1892 à 1910, et château de la Verne pour le teinturier et chimiste Joseph Corron (La Verpillière [Isère], 1890) ; transformation de la brasserie Faure devenue brasserie de la Guillotière (place du Pont, 1890) ; château de Pressavin pour Léon Riboud (Saint-Christophe-la-Montagne [Rhône], 1890) ; transformation du domaine de la Tourtière pour le comte Joseph de Raousset-Soumabre (actuellement 8 rue Abbé-Joseph-Pourrat, Millery, Rhône, 1890) ; mairie-école de garçons (Chaponnay [Isère, act. Rhône], 1890-1894) ; immeuble de rapport pour son propre compte (56 cours Gambetta, Lyon, 1891) ; immeuble de rapport pour M. Brunard, entrepreneur de serrurerie (26 Grande Rue de la Guillotière, Lyon, 1891) ; villa Delorme (Vaugneray [Rhône], 1891) ; réfection de la toiture de l’église d’Hauteville [Ain], 1893) ; réaménagement et agrandissement de la mairie-école de Toussieu (actuellement Rhône, 1893-1898). À partir de 1894, Louis Rogniat prend en main les chantiers laissés en suspens par son collègue et ami Jean Corret, décédé subitement à 52 ans le 2 septembre 1893, soit les églises paroissiales de Parves (Ain), Lochieu (Ain), Brégnier-Cordon (Ain) et Courzieu (Rhône) ; à la demande de Léon Riboud, il reconstruit la chapelle de pèlerinage Saint-Roch (Pressavin, Saint-Christophe-la-Montagne [Rhône], 1895) ; monument à la mémoire du vétérinaire François Quivogne (Cimetière d’Oullins [Rhône], Aubert sculpteur, 1895) ; usine de teinture Corron, Christophe et Bunand (Villeurbanne, 1896) ; immeuble de rapport pour le compte de M. Marquis, entrepreneur de menuiserie (6-7 quai d’Occident, Lyon, actuellement 5 quai Maréchal-Joffre, 1897) ; travaux à l’église Saint-Louis de la Guillotière (1897) ; hangar pour les frères Lumière (rue Saint-Maurice, Lyon 8e, 1898) ; deux maisons rue Godefroy, l’une pour Adolphe Thevenet, apprêteur, l’autre pour un membre de la famille Corron (Lyon, 1898) ; quatre maisons de rapport, dont une pour lui-même (rue Malesherbes, Lyon, 1898) ; usine de confection masculine pour Jean et Jules Gorse (57 rue Servient Lyon, 1898-1900, devenu bâtiment des Archives départementales du Rhône de 1980 à 2013, démoli en 2016) ; mairie (Saint-Pierre-la-Palud [Rhône], 1901) ; hôtels particuliers de Francisque et René Aynard, banquiers (29 et 42 boulevard du Nord, Lyon, act. boulevard des Belges, 1901-1902) ; monument à la mémoire du chirurgien Louis Léopold Ollier* avec le sculpteur Alfred Boucher (place Ollier, Lyon, 1904) ; hôtel particulier de Jean Gorse (17 boulevard du Nord, 1905) ; immeuble du grand magasin de confection Henri Esders (67-69 rue de la République, Lyon, 1905, agrandi en 1922-1925) ; dispensaire antituberculeux (9 rue Chevreul, Lyon, 1905) ; villa d’Étienne Paul, ingénieur des arts et manufactures (hameau de Gémens, Estrablin [Isère], 1906) ; villa Gueymard (Saint-Romain-au-Mont-d’Or, 1906) ; Institut bactériologique de la ville de Lyon et du Sud-Est (61 rue Pasteur, Lyon, 1906-1907) ; transformation du couvent des Carmes déchaussés en bâtiment des Archives départementales (8 chemin de Montauban, Lyon, 1907-1912) ; construction du lycée du Parc (1 boulevard Anatole-France, Lyon, 1909-1913) ; restauration du château de Dracy-le-Fort (Dracy-le-Fort [Saône-et-Loire], 1909-1910) ; groupe scolaire (Saint-Pierre-la-Palud, 1910) ; monument à la mémoire de Jules Coste-Labaume avec Jean Chorel (rue Alsace-Lorraine, Lyon, 1911) ; travaux à l’hôpital de Vans (Ardèche 1911-1912) ; villa de Francisque Morel pépiniériste horticulteur (43 rue du Souvenir, Lyon, 1912) ; villa de Jules Gorse (chemin du Saquin, Écully [Rhône], 1913) ; tombeau d’Édouard Aynard* (Ecully, 1913) ; restauration de la maison de Georges Pichat, conseiller d’État (Clos Pichat, Le Bois-d’Oingt, 1914). À partir de 1919, Louis Rogniat s’associe à son fils Jean : reconstruction des Établissement Ronzière, négociants en vin (58 rue de l’Université, Lyon, 1919) ; constructions industrielles pour Maurice Privat de Garilhe, ingénieur ECL (rue de la Bannière, Lyon, 1922) ; château de Rajat pour Charles Guérin fabricant de soieries (limites de Saint-Pierre-de-Chandieu, Heyrieux [Rhône], et de Grenay [Isère], 1922-1925) ; villa de la famille Peiron (Poule-les-Echarmeaux [Rhône], 1925-1926) ; agrandissement de l’immeuble de Charles Guérin, fabricant de soieries (15 avenue de Noailles, act. avenue Maréchal-Foch, Lyon, 1925-1926) ; agrandissement de l’école Saint-Joseph (103 Grande Rue de la Guillotière, 1930). Constructions non datées : transformations (avant 1899) du château de Louis Charvet, négociant 9 place Carnot à Lyon (Le Mollard, Vaulx-Milieu [Isère]) ; monument à la mémoire de Léon Piguet, ingénieur, fabricant de locomotives à Vaise (Lyon, après 1901) ; villa Maderni (Point-du-Jour, Lyon) ; atelier du sculpteur Joseph Bourgeot (rue Duquesne, Lyon) ; tombe Riboud (cimetière de Loyasse, Lyon) ; tombe Rodarie (Collonges-au-Mont-d’Or [Rhône]). De 1903 à 1920, Louis Rogniat est architecte divisionnaire du département du Rhône, et à partir de 1904 du service des Bâtiments civils et des Palais nationaux, ce qui le conduit à intervenir sur des bâtiments publics comme la préfecture et le palais de justice.

 Par ailleurs, Louis Rogniat est un peintre aquarelliste reconnu, exposant notamment à la Société des Amis des Arts de Lyon (1886 et 1887), au palais des Champs-Elysées à Paris (1er mai 1895), au Salon d’automne de Lyon (1908), talents récompensés par de nombreuses médailles

 Parallèlement à son travail d’architecte, Louis Rogniat a des activités diverses. À partir de 1881, il est membre de la Société lyonnaise d’horticulture. Entré en 1884 à la Société académique d’architecture de Lyon, il en est secrétaire général en 1889-1890 et 1895-1896, vice-président en 1905-1906, puis président à deux reprises en 1912-1913 et 1930-1931. À partir de 1894 il est membre du conseil d’administration de l’école des beaux-arts de Lyon, dont il devient vice-président puis président en 1911 ; de 1914 à 1919 il y assure bénévolement l’enseignement de l’architecture, en remplacement d’Eugène Huguet décédé. Pendant cette période, il s’occupe également des écoles municipales de dessin et de broderie. Il est consulté pour tous les problèmes liés au logement : vice-président des Offices publics des habitations à bon marché du Rhône, de Lyon et de Villeurbanne, membre de la Commission d’études du plan d’extension de Lyon, membre de la Commission du Vieux-Lyon. Intéressé par les questions d’enseignement et de formation, il est membre des conseils d’administration des lycées et de l’école normale primaire, administrateur de la SEPR (Société d’enseignement professionnel du Rhône), pendant 38 ans (1896-1934) après y avoir enseigné le dessin en 1890 et 1891, et membre du comité de patronage et de surveillance des prisons. Préoccupé des problèmes hygiénistes, il est administrateur de l’institut bactériologique de Lyon et membre du conseil départemental d’hygiène. Il est administrateur de la Caisse d’épargne, et fait partie du comité départemental du Rhône pour l’exposition universelle de Lyon de 1900, et chargé de la section de l’enseignement à celle de 1914.

 Les mérites de Louis Rogniat sont reconnus par de nombreuses distinctions : officier d’Académie et de l’Instruction publique, médaille de bronze de la Mutualité, grande médaille d’or de la Société centrale des architectes français (1900), lauréat du prix Jean-François-Delarue au Congrès des architectes français (pour le lycée du Parc, 1920), association provinciale des architectes (médaille d’argent du professorat, 1929), Société centrale des architectes (médaille d’argent de la jurisprudence) et chevalier de la Légion d’honneur en qualité d’administrateur de l’école des beaux-arts de Lyon (15 janvier 1928).


Académie

En 1882, sur proposition de l’architecte Louis Bresson*, Louis Rogniat se voit décerner le prix Dupasquier créé en 1873 à la demande de Louis Dupasquier*. Il devient membre titulaire le 3 juin 1924 au fauteuil 6, section 4 Lettres et arts, et prononce son discours de réception le 21 juin 1927 sur Les cités-jardins : l’encombrement des villes, le logis populaire, les habitations à bon marché (MEM 1931). En 1933, il succède comme président à C. Cadéac*, qui fait de lui une présentation louangeuse. Dans ce cadre, il prononce les éloges funèbres de Magnus de Sparre* et de Maurice de Boissieu* (20 mars 1933), reçoit successivement Félix Garcin*, Auguste et Louis* Lumière, Martin Basse*, et Léon Schulz*, donne un compte rendu des travaux de l’Académie pour 1933, et prononce une allocution pour son départ de la présidence, interventions toutes reproduites dans MEM (3) 1936. Louis de Longevialle*, prononce son éloge funèbre le 29 juin 1934 (MEM 1936).

Bibliographie

Charvet. C. Cadéac, « Allocution en quittant le fauteuil de la présidence », MEM 21, 1933, p. 337-345 – L. Michel, « Louis Rogniat », BSAAL 27, 1934-35, p. 87-96 – G. Corneloup, DHL, 2009. – Base Mérimée.

Publications

« L’Acropole d’Athènes », Ann. de l’Union architecturale de Lyon, Lyon, 1881-1907, illustré (dessins à la plume). – Chapiteau trouvé dans les fouilles du quartier de Trion à Lyon-Saint-Just en 1885, étude, Lyon : Mougin-Rusand, 1890, 10 p. ; et BSAAL 9, p. 77 – Notes sur l’hygiène du bâtiment, imprimerie du Salut public, 1894, 12 p. – La maison à construire, Congrès de la propriété bâtie, 1894. – « Notice biographique sur Casimir Échernier* architecte », Ann. de l’Union architecturale de Lyon, 1898, p. 12. – « Nos ancêtres, distribution solennelle des récompenses de la Société académique d’architecture le 19 novembre 1905 », La Construction lyonnaise, 16 avril 1906. – L’encombrement des villes, le logis populaire, les habitations à bon marché, discours de réception à l’Académie, 1927, MEM.1931. – Éloge funèbre de Maurice de Boissieu, Lyon : Rey, 1933, 4 p. ; et MEM 1936.