Alexandre Bottex est né le 11 brumaire an V (1er novembre 1796) à Neuville-sur-Ain (Ain), fils d’Étienne Bottex (Neuville 17 juillet 1754-5 mars 1808) – d’une famille de notaires depuis deux siècles et demi, cultivateur modèle et négociant en grain, maire de Neuville-sur-Ain de 1794 à 1808 – et de Jeanne Éléonord Riboud (Bourg-en-Bresse 5 juillet 1761-Neuville 30 mars 1844). Le mariage avait été célébré le 13 mai 1783 à Poncin (Ain). Un oncle, l’abbé Jean Baptiste Bottex (1749-1792), théologien, professeur de séminaire puis curé de Neuville-sur-Ain, avait été élu député aux États-Généraux de 1789. Il s’y lia avec l’abbé Maury (1746-1817), futur archevêque de Paris sous Napoléon, mais alors ardent défenseur contre Mirabeau des intérêts du clergé et de la noblesse. Arrêté comme suspect en 1792 à cause de cette fréquentation, l’abbé Bottex, bien qu’acquitté, mais refusant de prêter serment, fut victime des massacres, le 3 septembre à La Force. L’Église l’a déclaré Bienheureux en 1926. À la disparition du père d’Alexandre Bottex, mort à 54 ans, la mère qui se retrouve seule avec huit enfants (Alexandre n’avait que 12 ans, le dernier, Jules Napoléon, 6 ans) est soutenue par son fils aîné Victor (1785-1862), qui deviendra à son tour notaire et maire de Neuville (1810). Alexandre fait de très brillantes études au lycée de Bourg. C’est alors un garçon « disposé à la gaieté », mais avec des accès de mélancolie, et un « tempérament nerveux » qu’il gardera toute sa vie et qui lui jouera des tours. À 17 ans, en 1813, il commence des études de médecine à l’Hôtel-Dieu de Lyon, où exerce et enseigne depuis 1811 son cousin, le docteur Louis François Trolliet (Vignieu [Isère], 25 avril 1778-Alger 1er décembre 1852), professeur de médecine clinique à l’Hôtel-Dieu de Lyon, professeur d’anatomie à l’École spéciale de dessin (act. école des Beaux-Arts), futur médecin-chef de l’hôpital d’Alger, dont la mère, née Michaud, était la nièce de sa grand-mère paternelle.
Deux de ses frères sont devenus notaires et maires : Victor (voir plus haut), et César (1786-1861), notaire et maire à Saint-Martin-du-Mont ; un autre, Auguste Rodolphe, est entré à l’école polytechnique en 1810, où il est mort en 1812 ; un autre fut prêtre : Henri (1800-1848), curé de Saint-Jean-le-Vieux ; un autre commerçant : Napoléon (1802-1883). Sa sœur Zoé (1790-1864) a épousé un médecin de Lagnieu, Charles Berlie ; une autre sœur, Julie (1788-1863) est restée à Neuville. Admis premier, le 4 septembre 1816, au concours d’élève en chirurgie de l’Hôtel-Dieu, il part poursuivre ses études de médecine, comme on le faisait alors, à Paris, où il est reçu par son compatriote Richerand et par un autre de ses parents Joseph Michaud (1767-1839), l’auteur de la célèbre Biographie universelle, membre de l’Académie française (la grand-mère d’Alexandre, Anne Montagnat [1725-1792] épouse de Mamert Bottex, est la sœur de Marie Anne Montagnat, mère de Joseph Michaud).
Rentré à Lyon, en 1819, pour remplir ses fonctions d’interne, il tente le 2 décembre 1822 le concours de chirurgien-major. À la stupéfaction du public, il ne peut que balbutier quelques mots devant le jury et tombe évanoui. Ramené chez lui, il fait une « fièvre cérébrale » qui le laisse un temps dans un grand état de tristesse. Retourné à Paris, il y soutient, le 6 août 1823, une thèse intitulée : Essai sur les émissions sanguines dans le traitement des fièvres continues. S’inspirant de Pinel et de sa classification des fièvres, il ose prendre le contrepied de François Broussais (1772-1838) sur l’irritation, la pratique systématique des saignées et l’usage abusif des sangsues. Le 9 novembre 1825, il se présente à nouveau au majorat. Classé second à l’issue des épreuves principales, il n’est finalement pas admis. Il décide alors de s’installer en pratique privée et connaît un rapide succès. Son mariage à Lyon, le 9 août 1826, avec Antoinette Jeanne Martin (née à Lyon le 27 germinal an VII) – fille d’un ancien magistrat, Antoine François Marie Élisabeth Martin, et de Joséphine Marie Delpon (Louis François Trolliet est témoin au mariage) –, contribue à son aisance. Malheureusement, cette union, brisée par le décès de son épouse le 30 octobre 1833, est de courte durée. Le couple a deux filles : Marie Joséphine (Lyon 1er juin 1830-Mollon 13 juillet 1909) mariée à Lyon le 3 décembre 1852 avec Jean-François Édouard Chappet – médecin des Hôpitaux de Lyon, maire de Mollon –, et Julie Prospérine (Lyon 16 février 1832-Neuville-sur-Ain 9 mai 1854), mariée à Lyon, le 24 novembre 1851, à son cousin germain Marie Étienne Gabriel Bottex (15 décembre 1824-3 janvier 1862), notaire à Neuville-sur-Ain, fils de César.
Nommé médecin titulaire à l’Antiquaille – cette fois par concours sur titres et non sur épreuves –, il prend le 5 janvier 1831 la direction du service des aliénés, où il succède à René Pasquier (1792-1872), lui-même nommé, en 1818, comme suppléant, puis comme médecin-chef, de 1822 à 1830, et qui fut le premier médecin lyonnais à se consacrer exclusivement aux aliénés. René Pasquier démissionne de ses fonctions avant la révolution de juillet. Son successeur immédiat, Adéodat Faivre, au contraire, quitte très rapidement son poste car il refuse de prêter serment au nouveau régime.
Bottex, assisté de deux suppléants, Gauthier et Levrat-Perroton, poursuit l’organisation du service, entreprise non sans difficultés par Pasquier. En 1832, il est délégué à Paris avec Louis Trolliet et Isidore Polinière* pour étudier l’épidémie de choléra qui coûtera la vie au président du conseil Casimir Perrier (1777-1832) et contribuera à déconsidérer la pratique extensive des saignées préconisée par Broussais. Avec ses deux collègues, il adresse au conseil municipal un rapport qui fait date. À l’Antiquaille, il s’efforce de développer un enseignement clinique de médecine mentale, de dermatologie et de syphiligraphie. En 1839, son contrat prenant fin, il laisse sa place à Levrat-Perroton ; mais il revient en fonction par décision du ministre de l’intérieur, probablement sur recommandation du préfet Jaÿr, le 23 novembre 1842, pour occuper jusqu’à sa mort le poste officiel de médecin-chef et d’inspecteur des établissements d’aliénés du département du Rhône, désormais prévu par la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés ; Levrat-Perroton est alors affecté à la direction d’un service d’épileptiques qui deviendra ultérieurement le service de neurologie de l’Antiquaille. Bottex semble avoir dirigé son service dans un grand désir d’humanité que les conditions matérielles d’un hospice surencombré et sous équipé en personnel rendaient difficiles. « Les idées de liberté et de progrès ne se séparèrent jamais, dans son esprit, de celles d’un pouvoir fort et stable, et de la hiérarchie sociale » a noté son biographe et ami, le baron Isidore de Polinière*.
En février 1848, alors qu’il gravit la côte de l’Antiquaille, il ressent une gêne respiratoire, qui ne fait que s’aggraver au fil des mois, et pour laquelle on fait alors le diagnostic de « pneumonie latente ». Malgré une cure aux Eaux Bonnes (alors Basses-Pyrénées), son état s’aggrave et, il rend l’âme de manière très chrétienne chez son frère César à Neuville-sur-Ain, à l’âge de 53 ans, le 23 septembre 1849 ; il laisse ses deux filles encore mineures à la garde de son frère Victor, qui l’avait en partie élevé, et de sa sœur Julie, personne très pieuse, qui tenait son ménage. L’acte de décès est rédigé par son frère Victor, maire, sur la déclaration de César et de Napoléon. C’est Joseph Arthaud (1813-1883) qui lui succède, et qui réussira, après de longues années, à faire construire à Bron (Rhône) l’asile d’aliénés (aujourd’hui le centre hospitalier Le Vinatier) dont avait rêvé Bottex. À l’ouverture de la faculté de médecine et de pharmacie en 1877, Arthaud deviendra le premier professeur titulaire de la chaire des maladies mentales de Lyon.
L’œuvre d’Alexandre Bottex est essentiellement consacrée à la médecine aliéniste, en dehors de quelques réflexions hygiénistes sur le curage des fosses d’aisance ou la salubrité dans la Dombes (il était membre du conseil de salubrité du département du Rhône, médecin consultant et administrateur du dispensaire de Lyon). Alexandre Bottex appartient à la deuxième génération des aliénistes français, celle qui, en dépit de quelques propos respectueux de rigueur vis à vis des pionniers, rompt avec l’approche « médico-philosophique » de Pinel et d’Esquirol, dont Pasquier se réclamait encore, pour prendre sur la folie un point de vue exclusivement organique. La découverte d’Antoine Laurent Bayle (1799-1858), qui en 1822 avait pu mettre en relation les troubles psychiques de la paralysie générale avec une méningo-encéphalite chronique, est passée par là. Dans les trois leçons d’ouverture de son cours sur les maladies mentales professé à l’Antiquaille en 1833, 1836 et 1838, Bottex reprend et développe les idées déjà résumées dans un long mémoire présenté en 1831 devant la Société d’Agriculture. Adoptant une perspective évolutionniste qui préfigure Darwin, il établit la continuité du vivant depuis le végétal jusqu’à l’animal et l’homme. Il montre le développement progressif du système nerveux jusqu’au cerveau humain. On s’étonne de voir ce chrétien convaincu affirmer, contre tous les spiritualismes, que ce n’est pas l’âme qui fait la différence entre l’homme et l’animal, mais le degré d’organisation du cerveau. Très inspiré par la phrénologie de Gall, à laquelle il adhère sans réserve, contrairement à nombre de ses contemporains, notamment son collègue de l’Hôtel-Dieu Jean-Louis Brachet* (1789-1858), il affirme que l’homme possède des organes cérébraux qui lui donnent les « idées sublimes » « de cause, d’effet, de justice, d’âme, de divinité » qui font défaut à l’orang-outang. C’est cette absence d’organes supérieurs qui explique que si l’animal peut devenir fou – Bottex cite en exemple le perroquet de Bougainville « devenu fou par suite de la frayeur éprouvée durant un combat naval » –, sa folie est plus élémentaire que celle de l’homme. Surtout, la division du cerveau en organes différents permet de confirmer l’existence des monomanies, terme repris d’Esquirol, c’est-à-dire des folies partielles. C’est également à Esquirol que Bottex emprunte sa définition des hallucinations comme des perceptions sans objet, qu’il distingue des simples illusions et qu’il attribue à une activité spontanée du cerveau analogue au rêve. Retrouvant les idées de Broussais qu’il avait combattues, il considère que cette activité spontanée et anormale de l’organe cérébral de la vue ou de celui de l’audition est liée à une irritation cérébrale. Toute aliénation pour lui ne peut avoir qu’une origine cérébrale et doit prendre son origine dans des lésions qu’il affirme avoir retrouvées dans ses autopsies. Sur le plan médico-légal, il plaide pour l’irresponsabilité des aliénés, même si l’aliénation requiert un regard spécialisé pour être mise en évidence. Il s’insurge contre les juristes qui, comme Élias Regnault (1801-1868), contestent l’existence des folies partielles ou intermittentes invisibles pour un profane. Sans prononcer les mots de « folie morale », la moral insanity de l’anglais J.C. Prichard (1786-1848), il décrit une « perversité instinctive » qui se manifeste par des actes et non par un délire, et pour laquelle il préconise un internement à vie. Dans des cas moins extrêmes, il se fait l’avocat de la « responsabilité atténuée ».
Élu le 7 juin 1842, Bottex fait partie des académiciens libres créés par décision du 12 mai 1841 et qui ne furent pas titularisés lors de la suppression de cette catégorie le 26 janvier 1847. Il ne semble pas avoir fait de communication à l’Académie en dehors de rapports sur le Traité de l’hypochondrie de Brachet* et sur la Statistique médicale de la province d’Oran de Lucien Trolliet (PV. Acad. 1844).
Membre correspondant des académies de médecine de Paris, de Berlin, de Madrid. Président de la société de médecine de Lyon. Président de la société d’agriculture, d’histoire naturelle et arts utiles de Lyon. Membre correspondant de la société d’agriculture et de la société d’émulation de l’Ain. Membre correspondant des sociétés médicales de Dijon, Bordeaux et Nantes.
Chevalier de la Légion d’honneur.
Isidore de Polinière, Éloge d’Alexandre Bottex, Soc. Méd. Lyon lu 28 janvier 1850, Lyon : L. Perrin, 1850. – H. Bonnet, Histoire de la psychiatrie à Lyon, Lyon : Césura, 1988. – David 2000. – D. Saint-Pierre, Dict. Ain.
Essai sur les émissions sanguines dans le traitement des fièvres continues, thèse médecine, Paris : Didot, 1823, 48 p. – « Mémoire sur les fonctions du système nerveux, et principalement chez l’homme et les divers animaux dans l’état de santé comme dans celui de maladie », Ann. Soc. Agr. Hist. Natur. Lyon, 1832, p. 123-135. – Rapport sur le choléra-morbus de Paris, présenté à M. le maire et au Conseil municipal de Lyon, par MM. Trolliet, Polinière et Bottex, formant la commission envoyée à Paris par la ville de Lyon et désignée par l’Intendance sanitaire et la Société de médecine, Lyon : L. Babeuf, 1832, 166 p. – Du siège et de la nature des maladies mentales, discours prononcé devant l’administration de l’Hospice de l’Antiquaille de Lyon, dans sa séance publique du 15 mai 1833 pour l’ouverture des cours de clinique sur l’aliénation mentale et les maladies syphilitiques et cutanées, Lyon : L. Perrin, 1833, 54 p. – Rapport fait àla Société royale d’agriculture, histoire naturelle et arts utiles de Lyon, au nom de la Commission chargée de proposer des sujets de prix pour être décernés en 1833 et 1837, lu dans la séance du 5 août 1832, Commissaires : MM. Gensoul, Buisson, Jurie et Bottex, rapporteur, s.l., s.n., 1833. – De la nature et du traitement de la syphilis, rapport fait à la Société de Médecine de Lyon, le 16 novembre 1835, au nom d’une commission composée de MM. Lusterbourg, Repiquet, Pasquier, Bottex et Gubian, Lyon : L. Perrin 1835, 52 p. – Essai sur les hallucinations, discours prononcédevant l’Administration de l’Hospice de l’Antiquaille de Lyon, dans sa séance publique du 3 Mai 1836, pour l’ouverture des cours de clinique sur l’aliénation mentale et les maladies syphilitiques, Lyon : L. Perrin, 1836, 82 p. – De la médecine légale des aliénés, dans ses rapports avec la législation criminelle, Paris : J. B. Baillère, Lyon : L. Perrin et Savy Jeune, 1838, 100 p. – Über die durch subjective Zustände der Sinne begründeten Täuschungen des Bewusstseins, Osnabrück, 1838, 68 p. – « Des améliorations à introduire dans la construction et le curage des fosses d’aisance », Ann. Soc. Agr. Lyon, 1838, p. 453-472. – Rapport statistique sur le service des aliénés de l’hospice de l’Antiquaille, suivi de considérations générales sur la folie, Lyon : Savy, Paris : Baillère, 1839, 31 p. – « Des causes de l’insalubrité dans les Dombes », Ann. Soc. Agr. Lyon, juillet 1840 et Paris : Baillère, Lyon : Savy, 1840, 52 p. – Avec A. von Droste, Praktische Abhandlungen über Sinnestäuschungen, psychish-gerichtliche Medizin und Syphilis, Osnabrück : Rachorst, 1844. – Programme et plan pour la construction de l’asile public des aliénés du Rhône, Lyon, Guilbert et Dorier, 1847, 16 p. – Notes sur un cas de monomanie incendiaire, s.l., s.n., 1849, 1 p. – Avec A.Dupasquier, J.B.Monfalcon, I. de Polinière et A. Lacassagne, Hygiène de la ville de Lyon, opinions et rapport de l’ancien conseil de salubrité du département du Rhône, pour les années 1845-1849, et du conseil actuel d’hygiène et de salubrité, pour les années 1849 et 1850, Lyon : Nigon, 1851.