Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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BRUYSET Jean-Marie (1744-1817).

par Dominique Varry.

  Né à Lyon le 8 février 1744, il est baptisé le même jour paroisse Saint-Nizier ; son grand-père le libraire Jacques Bruyset (Lyon Saint-Nizier, 1682-1745) est son parrain. Il est le fils de l’imprimeur-libraire Jean-Marie I Bruyset (Lyon 1719-1793) et de Madeleine Couturier, mariés à Lyon Sainte-Croix le 16 avril 1743. Il appartient à la 4e génération d’imprimeurs-libraires lyonnais de cette famille, originaire de Morestel en Dauphiné.

  Il étudie au collège de la Trinité de Lyon, puis voyage en Allemagne, en Angleterre, Irlande et Écosse, dont il visite les universités. Il est reçu libraire à Lyon en 1768 et exerce avec son père à partir de 1774 et jusqu’en 1791. Jean-Marie I Bruyset est l’imprimeur le mieux en cour de Lyon, protégé de l’intendant et de l’inspecteur de la librairie Claude Bourgelat dont il a contribué à faire créer le poste. Il imprime les ouvrages philosophiques à la mode avec la permission des autorités, ce qui ne l’empêche pas, à l’occasion, de se livrer à des impressions clandestines. En 1783, Jean-Marie I Bruyset démissionne de son poste d’imprimeur du roi suite au décès de Pierre III Valfray. Jean-Marie II est alors nommé imprimeur du roi en la ville et généralité de Lyon par lettres patentes du 26 août 1784, registrées à Paris le 6 septembre 1784, et enregistrées par les syndic et adjoints de la chambre syndicale de Lyon le 11 décembre 1784. De 1787 à 1793, il travaille en association avec son frère Pierre-Marie Bruyset Sainte-Marie (1748-1793). L’atelier familial est installé rue Saint-Dominique (act. rue Émile Zola). Il a les titres d’imprimeur du roi et du clergé (1784-1790), puis d’imprimeur du département de Rhône-et-Loire (1790-1793). À partir de 1803, il travaille avec son gendre Joseph François Anne Buynand des Échelles, jusqu’à leur faillite en 1808 ; son gendre figure encore sur la première liste des imprimeurs soumis au brevet du 30 novembre 1811, avec la mention « décédé depuis quelques jours ». Il est nommé inspecteur de la librairie à Lyon en 1812.

  Il épouse le 13 mars 1777 à l’église Saint-Nizier sa petite cousine Marie Louise Pierrette Bruyset-Ponthus (Lyon, 20 mai 1756-26 juin 1833), fille du libraire Pierre Bruyset-Ponthus (1727-1809, grand-père d’Adélaïde Rubichon, mère d’Eugène Yemeniz*) et de Pierrette Verdat de Sure. De cette union sont nés au moins cinq enfants : 1) Jeanne-Pierrette (1780-1846) mariée à Joseph François Anne Buynand des Échelles (Jujurieux 1774-1811) ; elle reprend l’activité de l’imprimerie en 1811 sous le nom de Veuve Buynand, jusqu’à sa cession en 1821 ; 2) Pierre Edmond (1782) ; 3) Madeleine Zoé (1788) ; 4) Jean-Pierre Marie (Villeurbanne 22 février 1792). « J. P. M. Alfred Bruyset » et « Louise Bruyset » sont les dédicataires du Fablier de la jeunesse publié en 1801.

  Comme son père et son frère Bruyset Sainte-Marie, il appartient à la franc-maçonnerie, et c’est un proche de Jean-Baptiste Willermoz. Il est reçu maçon le 3 octobre 1768. Il appartient en 1773 aux Deux Loges réunies de la Parfaite Amitié et des Vrais Amis. En 1774, il est membre du Directoire écossais d’Auvergne ; à partir de 1776, membre de la loge La Bienfaisance.

  Il est également capitaine enseigne de la milice bourgeoise. Membre de la municipalité de Lyon à partir de mars 1790 (section de Bellecour 1), durant le siège de Lyon, il propose et fait accepter la création de « billets obsidionaux » pour couvrir les dépenses de la ville. Pour cette participation, il est emprisonné avec son frère qui, Jean Marie étant malade, comparaît seul devant la commission révolutionnaire. Alors qu’il lui est demandé si une signature de son frère au bas des bons obsidionaux était la sienne, il répond par l’affirmative ; il est condamné à mort le 5 nivôse an II [25 décembre 1793], et fusillé. D’autres scénarios de ce drame ont été proposés. Jean-Marie, libéré, adopte et élève ensuite les enfants de son frère, nés de Madeleine Andrée Pierrette Bruyset-Ponthus (1757-1834), sœur de Marie Louise Pierrette : Pierre-Marie Bruyset-Sainte Marie, dit Bruyset-Certy (Lyon Ainay 23 septembre 1785), futur imprimeur, et Madeleine Zoé Bruyset-Sainte Marie (Lyon Saint-Nizier 8 août 1788-Lyon 5e 28 janvier 1869), épouse de Pierre Marie de Nolhac.

  À la fin du xviiie siècle, le chiffon se raréfiant, diverses expériences de fabrication de papiers botaniques voient le jour. En 1766, Jean-Marie Bruyset réussit à fabriquer du papier avec les poils soyeux de graines de peuplier. Son procédé, qui se révèle supérieur à celui du pasteur et botaniste bavarois Jacob Christian Schäffer (1718-1790), lui vaut d’être élu membre de la Société physico-économique de la Haute-Lusace. Bruyset est également connu pour avoir mis au point un nouveau type de carton de reliure, fait d’une espèce de feutre qu’il nomme « cartalute ».

  Ne se contentant pas d’être imprimeur-libraire, il est aussi traducteur de Cornelius Nepos et de C. F. Sheridan, et éditeur intellectuel de plusieurs ouvrages. En 1802, il fait paraître un essai Sur la régénération du commerce dans la ville de Lyon, et en 1808 une brochure intitulée Caractères de la propriété littéraire. De la nécessité d’une administration particulière pour la librairie.

  Il décède au soir du 16 avril 1817 en son domicile 3 rue des Colonies (anciennement quartier de l’Arsenal, aboutissant rue du Plat).


Académie

La famille Bruyset (parfois écrit Bruyzet dans les archives académiques) est évidemment familière aux académiciens depuis longtemps, et Jean-Marie II lui-même dès avant son élection. Dès le 17 mai 1768, La Tourrette* « a lu un ouvrage de M. Bruyset, fils de M. J.M. Bruyset libraire de cette ville, sur les vices de notre systême bibliographique » (un résumé en est donné dans le registre). Le 28 mai 1776, on annonce que Bruyset « aspir[e] à la place d’académicien [...] qui vaque par la mort de M. Genève », de même que l’architecte Morand le 21 mai. Les 4 et 11 juin, on lit un écrit de lui qui « a pour objet le commerce considéré relativement à ses effets sur la société & les mœurs des Nations ». Ce texte emporte l’adhésion, et il est élu le 20 août 1776. À la séance du 3 décembre 1776, il lit son discours de réception Sur les avantages du commerce de fabrication, comparé au commerce maritime (Ac.Ms187 f°63-71). Il habite alors rue Saint-Dominique. Il est assez actif dans le travail académique, comme le montrent sa liste de manuscrits, de rapports, et aussi ses dons ou présentations d’ouvrages d’autres auteurs imprimés par ses soins. Nommé directeur pour le 1er semestre 1781, il prononce à ce titre le discours d’ouverture de la séance publique du 1er mai (Ac.Ms267-I f°233-237). Le 20 avril 1790, l’Académie lui fait son compliment comme officier municipal. En 1800, J.M. Bruyset fait partie des premiers membres de l’Athénée nommés par le préfet Verninac*, et devient trésorier dès la deuxième séance, le 3 thermidor an VIII ; il participe régulièrement aux activités, fait périodiquement des rapports de trésorerie. À la séance publique du 6 floréal an XI, il lit un Éloge historique de Claret de La Tourrette*. Quand est constituée en 1809, la catégorie des « titulaires émérites », il y est tout de suite inclus, ce qui correspond à son âge et son activité réduite. Son éloge est lu par J.B. Dumas* à la séance publique du 26 mai 1818 (Ac.Ms140-II f°182-187).

Membre de la Société physico-économique de la Haute-Lusace et de l’académie de Berlin.

Bibliographie

Marius Audin, Somme typographique. Sixième volume : l’imprimerie à Lyon aux xviiie et xixe siècles, en ligne : site du musée de l’Imprimerie de Lyon. – Bruno Béguet, L’Imprimerie et la librairie à Lyon (1800-1850), mémoire ENSSIB, 1986, inédit. – W.D. Edmonds, Jacobinism and the Revolt of Lyon 1789-1793, Oxford : The Clarendon Press, 1990, p. 312. – Pierre Grosclaude, La Vie intellectuelle à Lyon dans la deuxième moitié du xviiie siècle, Paris : Picard, 1933, p. 177-199. – Alice Joly, Un mystique lyonnais et les secrets de la Franc-Maçonnerie. Jean-Baptiste Willermoz 1730-1824, Paris : Demeter, 1986. – Albert Ladret, 1793, Lyon contre la Convention. Les Francs-Maçons sur l’échafaud, Lyon : Elie Bellier éd., 1987, p. 137. – Michaud, t. 6, p. 76. – Roman d’Amat, DBF. – Dominique Varry, « Une famille de libraires lyonnais turbulents : les Bruyset », La Lettre clandestine 11, 2002, p. 105-127. – D. Varry, « Imprimerie et innovation à Lyon au fil des siècles », Gryphe 24, avril 2014, p. 10-15. – Aimé Vingtrinier, Histoire de l’imprimerie à Lyon de l’origine jusqu’à nos jours, Lyon : Storck, 1894. – Manuscrits : Notes sur la vie de J.M. Bruyset : « Notice des travaux littéraires de Bruyset fils » (BML, Ms 1623, 9). – J.B. Dumas, Notice sur la vie et les ouvrages de M. J. M. Bruyzet, 26 mai 1818 (Ac.Ms140-II f°182-187). – D. Reynaud*, « 1766. Jean-Marie Bruyset invente le papier de duvet de peuplier », M. Lavigne-Louis et D. Régnier-Roux (dir.), Lyon. Techniques curieuses, figures et sciences oubliées, Soc. hist. Lyon, 2020. P. 351-360.

Manuscrits

Mémoires et correspondance : Du commerce et de ses rapports avec la société, 3 décembre 1776 (Ac.Ms187 f°63-71). – Mémoire sur l’application du mécanisme des caractères mobiles à la composition et à l’impression des cartes géographiques [...], extrait de l’ouvrage publié à ce sujet à Leipzig en 1777 par J. Gottl. Emanuel Breitkopf, présenté le 17 mars 1778, lu le 6 avril [v. aussi imprimé] (Ac.Ms182 f°142-152). – Essai sur l’amour-propre, 17 et 31 août 1779 (Ac.Ms145 f°104-114). – Avis sur une nouvelle édition du dictionnaire anglais de Boyer [dont il est l’éditeur], 14 mars et 12 septembre 1780 (Ac.Ms151 f°100-105). – Mémoire sur les îles occidentales de l’Écosse appelées Hébrides ou Ébudes, 20 mars 1781 (Ac.Ms136 f°32-39). – Discours d’ouverture de l’assemblée publique, 1er mai 1781 (Ac.Ms267-II f°233-237). – Le Printemps, poème du chevalier Ewald de Kleist, s.d., traduit par Bruyset, 17 décembre 1782 (d’après Bollioud) (Ac.Ms158bis f°297-302). – Essai sur le contrat collybistique des anciens et particulièrement des Romains, s.d. [1784 d’après Bollioud, voir imprimé en 1786] (Ac.Ms158bis f°317-324). – Mémoire sur l’établissement à Lyon d’une chambre d’assurances des maisons, bâtimens, effets, denrées ou marchandises susceptibles d’être détruits par le feu, 8 mars 1785 (Ac.Ms307 f°102-123). – Discours sur les moyens d’étendre et de perfectionner le traitement des insensés, dans l’hopital général de l’hôtel-dieu de Lyon, 15 novembre et séance du 6 décembre 1791 [résumé dans le registre]. – Mémoire sur l’entrepôt en franchise des marchandises étrangères, proposé par la ville de Lyon et trois autres villes maritimes du royaume, 28 février 1792 [résumé dans le registre]. – Fables pour la jeunesse, traduction de l’anglais, 13 pluviôse an IX (Ac.Ms123bis f°113-126). – Quatre lettres autographes signées 1786-1787, et trois lettres à lui adressées 1787-1788 (BML, Ms Charavay 133).

Rapports : Avec Brisson, Rapport sur le métier du Sr Ponson, 5 juin 1781 (Ac.Ms189 f°72-78). – [Rapport sur la presse de M. Anisson], 20 décembre 1785 (Ac.Ms268-IV f°249). – Avec Jussieu*, Rapport sur un imprimé de M. Brisson adopté par l’académie, 20 mars 1787, lu le 27 mars ; titre de l’ouvrage : Sur la nécessité absoluë de l’union de la liberté avec la bonne foy dans le commerce, (Ac.Ms141 f°10). – Avec Ch. J. Mathon*, Rapport sur le livre intitulé : Lettre à la chambre du commerce de Normandie sur le mémoire qu’elle a publié relativement au traité de commerce avec l’Angleterre, 4 août 1788, (Ac.Ms187 f°29-32). – Rapport à l’Athénée sur un Discours prononcé au Lycée des sciences et des arts de Grenoble & des inscriptions en vers françois destinées à être placées au-dessous du nom des hommes illustres du ci-devant Dauphiné (par Gattel ?), vers pluviôse an XI (Ac.Ms123bis f°220-221). – Rapport sur une édition de l’Andrienne de Térence par M. Boinvillers, 2 décembre 1806 (Ac.Ms123bis f°292-293).

Publications

Bruyset étant à la fois auteur, traducteur, éditeur scientifique et libraire-imprimeur, ses « publications » (aux divers sens du terme) sont nombreuses ; les bibliographies usuelles ne précisent pas en général la catégorie dans laquelle il convient de placer un ouvrage ; en outre, il faut se garder des confusions possibles avec son père. Nous avons néanmoins tenté de distinguer ses types d’implications, bien qu’ils ne soient pas toujours explicités dans les ouvrages eux-mêmes.

Auteur : Essai sur le contrat collybistique des anciens et particulièrement des Romains, par J.-M. Bruys et fils..., Lyon : Bruyset, 1786, 16 p. – Sur la régénération du commerce dans la ville de Lyon, Lyon : [s.n.], thermidor an X [1802], 16 p. – Caractères de la propriété littéraire. De la nécessité d’une administration particulière de la librairie (signé : Bruyset aîné, 1er juin 1808), Lyon : impr. Bruyset aîné et Buynand [1808], 13 p. – Notice historique sur Cl.-Marie Gattel. [s.l., s.d.], 8 p ; ce texte fut rédigé pour être placé en tête de l’édition du Dictionnaire de la langue française publié en 1813 à Lyon par sa fille, Jeanne-Pierrette Buynand des Échelles.

Traducteur : « Du sublime & du naïf dans les Belles-Lettres », par M. Moses [Mendelsohn], Journal étranger, septembre 1762, p. 5-59. – Médecine primitive, traduit de l’anglois de Wesley sur le treizieme édition, revu & augmenté considérablement (par Bruyset, d’après Bollioud Ac.Ms271), Lyon : J.-M. Bruyset, 1772. – [Charles Francis Sheridan] Histoire de la dernière révolution arrivée en Danemark, écrite de la propre main de Sa Majesté la reine Caroline Mathilde..., Rotterdam, 1772. – Abrégé de l’Histoire romaine..., traduit de l’anglais du Dr. Goldsmith par M. Bruyset..., Lyon : Tournachon-Molin, 1817 ; Paris : Tournachon-Molin et Seguin, 1821 ; Paris : Tenon, 1835. – Histoire de la dernière révolution de Suède, contenant le récit de ce qui s’est passé dans les trois dernières diètes et un précis de l’histoire de Suède..., précédée d’une introduction sur le sort de la liberté... en Europe. Traduit de l’anglois de Charles François Sheridan..., Londres, 1783, (traduit par Bruyset d’après Quérard). – Vie des grands capitaines de Cornelius Nepos. Traduction nouvelle par M. Bruyset, de l’académie de Lyon. Lyon : Rusand, 1812.

Éditeur scientifique : Préceptes pour l’éducation des deux sexes, à l’usage des familles chrétiennes, par feu l’abbé Blanchard..., rédigés et mis en ordre, d’après son manuscrit, par Bruyset aîné..., Paris : Bruyset aîné, an XI-1803, 2 vol. – Dictionnaire royal françois et anglois..., par Monsieur Boyer... Lyon : J.-M. Bruyset, 1768, 2 vol. Nouvelles éditions en 2 vol., chez le même éditeur, en 1768, 1780, 1783 et 1784, et chez Bruyset frères, 1792.

Cette notice a été révisée.