Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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RIBOUD Thomas (1755-1835)

par Dominique Saint-Pierre.

 Thomas Philibert Riboud est né à Bourg-en-Bresse le 24 octobre 1755, petit-fils de Thomas Riboud (1692-1761), châtelain royal de cette ville, puis syndic général du Tiers État. Il est le petit-neveu de Jean Bernard Riboud (1689-1752), maire de Bourg le 28 mai 1731 et 1er syndic du Tiers, et le fils de Jean Bernard Riboud (1730-1791), dit des Avinières – avocat en parlement, conseiller du roi, élu en l’élection de Bresse (juge fiscal), vénérable de la loge de Saint-Jean-des-Élus – et de Marie Pierrette Perrier (1730-1785). Parrain : Me Thomas Riboud, avocat général de Bresse, le grand-père ; marraine : Marie Philiberte Perrier (grand-tante de l’enfant) épouse de Me Jean Louis Bolozon, conseiller du Roy et son lieutenant en l’élection de Bresse ; en présence de Me Basile Philibert Riboud, prêtre et chanoine en l’église collégiale de Bourg, oncle paternel de l’enfant, et de Jean François Loriol, chanoine de l’église collégiale de Bourg.

 Élève au collège de la ville, dirigé par les jésuites jusqu’à leur expulsion en 1763, puis à celui de Beaune, dirigé par les oratoriens, reçu le 4 août 1774 avocat au parlement de Dijon, il exerce à Lyon. En 1779, avec dispense d’âge, il achète la charge de procureur du roi au bailliage de Bresse et présidial de Bourg, qu’il conserve jusqu’en 1791. Il épouse à Saint-Nizier (Lyon), le 4 août 1781 Marie Catherine Rocoffort (1763-1838), fille d’un négociant aisé. En 1783, nommé subdélégué de l’intendant de Bourgogne pour la Bresse par Charles Henri Feydau de Brou, intendant de Bourgogne, il préside en cette qualité l’ouverture de l’assemblée du Tiers État en 1781, 1784, 1787 et 1789. Favorable à la Révolution, il reste pour l’instant attaché à la monarchie. Sa pensée est résumée dans son discours de 1789 : « Nous vivons dans une monarchie modérée, le meilleur des gouvernements, sans doute le seul qui convienne à un grand État, parce qu’il est aussi éloigné du despotisme que de l’anarchie, qu’il n’a ni les dangers de l’aristocratie, ni les inconvénients de la démocratie ». Nommé membre du conseil général de la commune de Bourg le 14 juillet 1789, il est chargé de diverses missions relatives à la tranquillité publique (« calmer l’effervescence, prévenir et arrêter les dévastations ») et aux subsistances. Il est élu procureur-général-syndic du département, le premier dans l’Ain, le 7 juin 1790, tout en conservant ses fonctions de procureur du roi et de subdélégué.

 Lors de la vente des biens du clergé, Thomas Riboud a l’heureuse initiative d’en exclure les bibliothèques qui sont données au département. Ces livres constituent de nos jours le fonds des bibliothèques publiques de l’Ain. De même pour sauver de la vente l’église de Brou, pour laquelle il se battait depuis un discours du 2 décembre 1790 devant le directoire du département, il obtient un décret du 13 mars 1791 qui range le bâtiment au nombre des monuments nationaux à conserver par l’État. Élu député de l’Ain à l’Assemblée législative le 1er septembre 1791, le 4e sur 6 avec 296 voix sur 320 votants, membre du comité d’instruction publique, il siège avec les Feuillants, se montrant favorable aux réformes, mais hostile aux mesures prises contre le clergé et les émigrés. Son mandat accompli, il se tient à l’écart, vivant principalement dans sa maison de Jasseron (Ain).

 Suspect, inscrit sur la liste de proscription du 22 mars 1793, son nom est rayé le 23 par le conseil général de la commune. Arrêté seulement le 22 pluviôse an II [10 février 1794], à l’initiative de Rollet-Marat, il est écroué aux Clarisses. Malade, il est mis en liberté provisoire le 1er prairial [20 mai] et reste dans son appartement de Bourg, 12 rue des Cordeliers (act. rue Edgar-Quinet), jusqu’au 27 prairial [15 juin]. Puis, avec l’autorisation des autorités, il retourne à Jasseron jusqu’à ce que Boisset prononce un arrêté en sa faveur le 28 thermidor [15 août]. Professeur d’histoire naturelle à l’école centrale de l’Ain, puis d’histoire philosophique des peuples et d’économie, il est nommé de nouveau procureur-général-syndic par les représentants Boisset et Borel le 22 floréal an III [11 mai 1795]. Concerné par la loi du 6e jour complémentaire de l’an III [22 septembre 1795] qui interdit toute fonction publique aux parents d’émigrés – il a une tante dans ce cas –, il démissionne le 17 vendémiaire an IV [9 octobre 1795], mais il est cependant élu juge au tribunal de l’Ain le 27 vendémiaire [19 octobre]. Nommé par Reverchon, représentant en mission dans l’Ain, commissaire du Directoire exécutif près l’administration centrale (du département) le 12 frimaire an V [2 décembre 1796], il écrit dans une adresse aux citoyens le 8 nivôse an V : «Soyons dignes d’être Républicains ! ». Chargé par le ministre de l’Intérieur d’inspecter les frontières du département pour proposer « des vues sur la répression de la contrebande et l’introduction des marchandises prohibées », il est autorisé à pénétrer en Suisse et à Genève par arrêté du 29 thermidor an V. Il est destitué de son poste de commissaire, comme les autres administrateurs, par arrêté du Directoire exécutif du 22 fructidor an V, motifs allégués : négligence de l’administration envers les prêtres inconstitutionnels et les émigrés. Il en profite pour voyager et visiter la Flandre et la Belgique. Candidat aux élections du Corps législatif du 12 avril 1797 sous le Directoire, il est battu par Picquet, qui paraît plus conservateur que lui dans cette période de réaction, mais il est élu pour un an, dans le dernier tiers, membre du Conseil des Cinq-Cents au scrutin du 20 au 25 germinal an VII par 121 voix sur 226 votants, malgré l’opposition de Groscassand-Florimond qui demande vainement l’annulation des élections. Il est chargé, en fructidor, de prononcer l’éloge funèbre de son compatriote, le général Joubert, au pied du mausolée de Turenne au musée des monuments. Il intervient le 19 vendémiaire an IX [11 octobre 1800] au Conseil des Cinq-Cents en faveur de la réorganisation de l’École polytechnique. Bien qu’il soit rallié au nouveau régime, les sénateurs ne retiennent pas son nom pour composer le Corps législatif. Il refuse le 1er avril 1800 le poste de conseiller de préfecture pour être installé le 27 mai président du tribunal criminel de l’Ain, tout en étant membre du tribunal d’appel de Lyon. Le 12 mai 1801, il tombe de cheval en revenant de dîner au château de Châtenay ; « emporté sur quarante pas, affligé de 150 blessures, [il] échappe à la mort ». Élu sur la liste de notabilité nationale dans le département de l’Ain, en l’automne 1801, le premier par les suffrages, il devient président du canton de Bourg. Elu candidat au Corps législatif en 1806 par le conseil électoral de l’arrondissement de Bourg, il est désigné, tout en restant magistrat, membre du Corps législatif par le Sénat le 7 mars 1807, mandat renouvelé le 6 janvier 1813, après que le conseil électoral l’a élu candidat le 28 février 1812. Membre du comité de législation de 1808 à 1811, dont il devient secrétaire, il rapporte sur plusieurs titres du code criminel et sur l’expropriation pour cause d’utilité publique. Président de chambre à la cour impériale de Lyon le 2 avril 1811, il se rallie aux Bourbons sous la première Restauration. Élu le 14 mai 1814 à la Chambre des représentants des Cent-Jours par 60 voix sur 119 votants et 278 inscrits, son élection est annulée par la Chambre, car il est considéré comme trop royaliste. Après le retour du roi, il ne peut être élu car ses ennemis le font passer pour bonapartiste ! Président honoraire à la cour royale de Lyon le 25 octobre 1815, il se retire à Jasseron. En 1822, il est nommé conseiller de l’arrondissement de Bourg jusqu’en 1829. Il est mort à Jasseron le 6 août 1835. Une plaque en marbre le représentant, œuvre de Muscat, a été apposée en 1925 sur un angle du prieuré de Brou, qu’il a contribué à sauver. Un autre médaillon a été apposé à l’emplacement de sa maison de Jasseron le 12 octobre 1985. Une rue de Bourg porte son nom depuis 1887. Chevalier de la Légion d’honneur le 23 messidor an 12, officier de l’ordre royal de la Légion d’honneur le 25 janvier 1815 (LH/2316/61).


Académie

La passion de Riboud pour les sociétés savantes est évidente : qu’il ait été à Lyon, Dijon ou Bourg-en-Bresse, son nom est toujours associé aux académies locales. Il fonde à Lyon en 1778, avec Gerson, Geoffroy et Delandine*, avec lequel il restera très lié, la Société littéraire de Lyon. Lorsqu’il quitte la ville en 1779, il a fait trente-et-une lectures dans cette société. Son éloge y est prononcé le 23 février 1780 par Geoffroy. En 1780, « attaché » à l’Académie de Dijon, il y dépose plusieurs manuscrits et objets relatifs à l’histoire naturelle et à la physique. En 1782, il fonde la Société d’émulation et d’agriculture du département de l’Ain, qui sera interdite en 1793 jusqu’à sa restauration autorisée par le préfet Ozun le 18 prairial an IX, dont il est et restera secrétaire perpétuel. Il est alors membre correspondant des académies et sociétés de Lyon, Dijon, Bordeaux, Arras, Harlem, Rouen, Besançon, Villefranche, Valence et de la Société d’agriculture de Paris. Lorsqu’il est admis à l’académie de Lyon comme membre correspondant en 1784 (lettre de remerciement de Riboud : Ac.Ms268-IV f°173), Delandine* l’informe qu’il était du nombre des neuf élus sur une cinquantaine de compétiteurs, et que seul, il a obtenu la presque unanimité des suffrages : 17 sur 18. L’Institut de France le nomme membre associé (classe de littérature et histoire) dans sa séance du 5 vendémiaire an 7 (27 septembre 1798). Plus tard, il en sera membre correspondant selon sa nouvelle organisation. À son retour à Lyon en 1812, le 28 janvier il est inscrit sur la liste des membres titulaires de l’académie, section des sciences, dont il était l’associé depuis le 11 décembre 1783. Le 12 mai, il est nommé membre titulaire, et le même jour lit son mémoire sur Les moyens de rendre le Rhône navigable de Lyon à Genève. Il redevient membre correspondant en 1816 après sa retraite à Jasseron. Là, il poursuit ses travaux sur l’agriculture, l’histoire ancienne et moderne, la topographie, les sciences physiques et la statistique et les ressources naturelles de l’Ain. Il écrit dans nombreux journaux comme le Journal de l’Ain ou le Journal de Paris.

Bibliographie

C.-J. Dufaÿ, Galerie civile de l’Ain, Bourg-en-Bresse : Martin-Bottier, 1882. – R. et C. – J.-L. Halpérin, in Dict. Napoléon. – M. Passot, « Un oublié, le sauveur de Brou, Thomas Riboud », Visages de l’Ain, n° 33, 1956. – A. Gros, « Thomas Riboud », Ibidem, n° 145, 1976. – Dumas. – Saint-Pierre, Dict. Ain.

Manuscrits

Manuscrits de l’Académie liés à Riboud : Cochard*: Rapport sur la description d’un olifant par M. Riboud, janvier 1811, Ac.Ms123 f° 262 [le célèbre olifant dit de Portes, en ivoire, trouvé à Bénonces, Ain, dans la grotte du Luyset]. – Abbé Rozier* : Rapport sur un ouvrage de M. Riboud sur les avantages qui doivent résulter pour le département de l’Ain de la nouvelle administration, 22 juin1790, Ac.Ms141 f°2. – Cochard : Rapport sur l’ouvrage de M. Riboud concernant les monuments du territoire de Brou, Ac.Ms159 f397. – Diplôme de membre de la société d’Émulation et d’Agriculture de l’Ain de Monsieur Folliet, Bourg, 17 janvier 1816, signé Riboud, Ac.Ms373 f°65.

Publications

L’œuvre considérable de Riboud, remarquable par sa variété : politique, archéologie, histoire, topographie, minéralogie, poésie, etc., ne peut être énumérée ici. On se reportera aux ouvrages de son petit-fils, l’historien Philibert Le Duc (1815-1884) : Thomas Riboud et la Société littéraire de Lyon de 1878 (Lyon : Léon Boitel, 1852, 12 p.), et Vie et poésies du président Riboud (Bourg : Milliet-Bottier, 1862, 118 p.). Ses écrits se retrouvent également dans les annuaires de l’Ain jusqu’en 1827. Dufaÿ indiquait dès 1882 que ses tirés à part étaient très recherchés.