Georges Camille Joseph Martin est né le 6 janvier 1867 à Mostaganem (Algérie). Son père, Jean Martin, était capitaine de hussards ; sa mère, Blanche Witkowska, était la fille d’un officier polonais, Lucien Witkowski, émigré en France en 1831 après l’insurrection de Varsovie, comme environ 10 000 Polonais – surtout des diplomates et des militaires –, en même temps que Frédéric Chopin. Il perd son père à l’âge de 2 ans, le 3 mai 1869 (à Auch), et retrouve alors son grand-père Lucien Witkowski, devenu professeur de piano à Angers. Sa mère s’installe à Rennes et se remarie avec un autre musicien, Eugène Henry. Celui-ci, organiste de la cathédrale de Rennes, est un ami de César Franck (1822-1890) et d’Alexandre Guilmant (1837-1911), compositeur et organiste, professeur au Conservatoire ; il est aussi professeur de musique au collège Saint-Paul. C’est là que Georges fera la connaissance d’un futur musicien avec lequel il sera lié d’amitié toute sa vie : Joseph-Guy Ropartz (1864-1955). En souvenir de cette éducation, son grand-père Lucien Witkowski demande à son petit-fils de porter son nom : désormais, il signera G. M.-Witkowski.
Il reçoit sa première formation musicale dans sa famille : son grand-père, sa mère et son beau-père lui donneront des leçons de piano et d’harmonie. Il compose alors de petites pièces à partir de mélodies profanes ou religieuses.
Comme il est orphelin de militaire, il a pu entrer au Prytanée militaire de La Flèche, à 10 ans. Il y passe le baccalauréat. En 1887, il est admis à Saint-Cyr où il choisit la cavalerie. Malgré le peu de temps qu’il pourra consacrer à la musique, sur les conseils de son beau-père, Eugène Henry, il rend visite le dimanche matin à César Franck, alors titulaire de l’orgue de Sainte Clotilde. Il lui voue une grande admiration jusqu’à placer sur son bureau un portrait du Maître. Il continue à composer en particulier pour la fête annuelle de l’école, en 1889, une ouverture à la gloire de la Science Militaire, Irigatoria 23, qu’il dirige avec un orchestre de quarante musiciens. L’année suivante, il est à Saumur et compose une opérette-bouffe, Saumuropol. Il fait exécuter une sarabande et menuet à Nantes.
À sa sortie de Saumur, il est envoyé en garnison à Lyon où il participe à une certaine activité musicale et fait exécuter Harold poème en trois parties pour orchestre. Il rencontre en 1891, Emmanuel Chabrier (1841-1894), très malade, qui lui conseille d’aller travailler avec Vincent d’Indy (1851-1931). En 1894, il se retrouve en garnison à Vouziers dans les Ardennes. Il rencontre enfin Vincent d’Indy qu’il verra une fois par mois, et qui le conseillera sur les œuvres qu’il lui présente. En 1896, c’est le retour définitif à Lyon où il est affecté à l’état-major du XIVe corps, au service de la cartographie et de la photographie.
Il devient célèbre le 16 mars 1901, lorsqu’on joue salle Erard à Paris sa Première Symphonie en ré mineur dirigée par Vincent d’Indy, et accueillie avec enthousiasme par Claude Debussy. Par la suite, elle sera jouée aux Concerts Lamoureux. En 1894, trois musiciens parisiens, Charles Bordes (1863-1909), maître de chapelle à l’église Saint-Gervais, Alexandre Guilmant et Vincent d’Indy ont créé la Schola Cantorum, pour remettre en honneur le chant grégorien et la polyphonie de Palestrina (1525 ou 26-1594). Fin 1902, une réunion de musiciens lyonnais se tient autour de Vincent d’Indy avec le docteur Jamin afin d’étudier la possibilité de créer une société comme celle de Paris. Plusieurs personnalités y participent : Louis Aguettant (1871-1951) professeur de littérature aux facultés catholiques et musicologue, Antoine Sallès*, Léon Vallas*, … et Georges M.-Witkowski. Le 6 décembre 1902, la Schola Cantorum de Lyon est née. À la différence de celle de Paris, ce n’est pas une école, mais un groupe choral de 100 voix de femmes et de 80 voix d’hommes.
Witkowski en devient le directeur et quitte l’armée. Son premier concert public a lieu le 29 avril 1903, est dirigé par Charles Borde ; Bach et Rameau sont au programme. C’est un succès. Le troisième concert devait être dirigé par Vincent d’Indy, mais à cause d’un deuil familial, il ne peut venir à Lyon. Witkowski en assure la direction en privé. Un cinquième concert est dirigé par Guy Ropartz. C’est alors la naissance de la Société des Grands Concerts (futur orchestre national de Lyon) dont Witkowski est l’un des fondateurs. La Schola devient une annexe de l’Orchestre pour se consacrer aux grandes œuvres chorales. Plus de 167 concerts seront produits en 50 ans de 1903 à 1953. Witkowski se révèle un administrateur hors pair et obtient la construction de la salle Rameau, ouverte en 1908. En 1924, il est appelé par Édouard Herriot, maire de Lyon, à succéder à Florent Schmitt (1870-1958) à la tête du Conservatoire. Il assurera cette fonction jusqu’en 1941, et son successeur sera son ami Ennemond Trillat*. Possédant une maison de vacances à Paladru (Isère), il devient, de 1919 à sa mort, maire de la commune. Le lac de Paladru et sa propriété lui inspireront plusieurs œuvres comme Mon Lac – un poème symphonique créé le 20 novembre 1921 par la pianiste Blanche Selva –, ou Le Poème de la Maison – un oratorio profane pour contralto, basse, ténor et orchestre, sur des textes de Louis Mercier (1870-1951), poète forézien, ami de Louis Aguettant, donné à Lyon en première audition le 7 mai 1922, sous la direction du compositeur, puis à Paris au Théâtre des Champs Elysées. Cette œuvre reçoit notamment les louanges de Florent Schmitt, qui écrit « Toutes les écoles, tous les partis, toutes les chapelles devraient s’incliner devant la beauté de l’œuvre ». Quant au musicologue Norbert Dufourcq (1904-1990), il parle d’« un des chefs d’œuvre du poème symphonique français ». Malheureusement, comme bien d’autres compositeurs, Witkowski tombera dans l’oubli, attendant quelques bonnes volontés pour le ressusciter… Georges Martin-Witkowski dirigera la Schola Cantorum de Lyon jusqu’à sa mort. Elle prendra le nom de Schola Witkowski en 1953, à la mort de son fils Jean, qui a pris sa suite. En 1974, la Schola se sépare de l’orchestre pour avoir ses propres programmes sous la direction de Paul Decavata, puis à partir de 1984 de Jacques Berthelon, auquel succède en 2016 son collaborateur Manuel Simonnet.
Witkowski a épousé à Lyon le 3 octobre 1892, Céline Jeanne Giraud (Grasse 29 octobre 1870-Paladru 19 avril 1960), fille d’un fabricant de soieries, Jacques Auguste Giraud (1831-1917), et de Magdeleine Cécile Camel (1833-1889), Il en a eu sept enfants : Jacques (1893-1915), mort pour la France ; Jean (1895-1953), blessé à la bataille de la Somme, violoncelliste, chef de chœur et chef d’orchestre, assistant puis successeur de son père à la direction de la Schola Witkowski ; Odette (1896-1949) ; Loïc (1898-1919) mort dans un accident de moto en allant rejoindre son régiment ; Simone (1899-1976), mariée au général de division, Pierre Pouradier-Duteil ; Gabrielle mariée à Marc Pouradier-Duteil ; et Suzanne (1904-2005). Georges Martin-Witkowski est décédé à Lyon le 12 août 1943, et a été inhumé à Paladru. Depuis le 22 juillet 1968, une rue du 5e arrondissement porte son nom.
Sa candidature au fauteuil 4, section 4 Lettres, libéré par le passage à l’éméritat de Léon Paliard*, est présentée le 26 mai 1908 par Paul Trillat* qui le décrit comme « le vrai disciple de Vincent d’Indy » ; dans son rapport, il se réjouit de la renaissance de la musique française sous l’influence de Ch. M. Vidor (1844-1937) et surtout de César Franck en qui il voit le « père et le chef de l’école moderne » qui rassemble « des jeunes qui quittent tout pour la musique ». Witkowski est élu le 2 juin 1908 et reçu le 16 juin par le président Pierre François Aubert*. Il dépose le 1er décembre 1908 son discours de réception : De la musique religieuse en France depuis le Moyen Âge à nos jours. En 1912, il organise au Conservatoire la partie musicale des séances solennelle pour l’inauguration des Jeux floraux. Sa participation aux séances de l‘Académie semble avoir été ensuite sporadique. Il accède à l’éméritat en 1932.
Son éloge funèbre est prononcé par Henri d’Hennezel* (MEM 24, 1945).
Y. Ferraton, Cinquante ans de vie musicale à Lyon, Trévoux : éditions de Trévoux, 1984. – Isabelle Bretaudeau (dir.), Le mouvement scholiste de Paris à Lyon, un exemple de décentralisation musicale avec Georges Martin-Witkowski, Lyon : éd. Symétrie, 2003.
De ses nombreuses œuvres, outre celles qui sont citées plus haut, on retiendra : Un opéra-comique : Le maître à chanter. – 2e symphonie en la mineur. – Quatuor à cordes en mi majeur (1902). – Sonate pour violon et piano en deux mouvements. – La princesse lointaine, un opéra sur une pièce d’Edmond Rostand, créé à l’Opéra de Paris le 26 mai 1934. – Mélodies pour chant et piano ou pour chant et orchestre. – Pièces sacrées dont plusieurs sont manuscrites, certaines inachevées : deux Agnus Dei, un Ave Maria, un Ave verum, un Kyrie, un Sanctus, une Messe, un O Salutaris…