Georges Édouard Coutagne, né le 20 septembre 1854 à Lyon, 3 rue de la Barre, est un frère cadet d’Henry Coutagne*. Présents : Édouard Laurent, directeur de messageries à Lyon, son oncle maternel), et Claude Noël Voron, employé. Il passe sa jeunesse à Lyon et ses vacances à Trémolin près de Saint-Just-en-Chevalet (Loire). Il vient de terminer son année de rhétorique lorsque la guerre franco-allemande éclate en 1870, et il s’engage dans le corps des Francs-tireurs libres du Rhône ; il est affecté à Dijon. Après la guerre, il revient à Lyon, et se consacre très activement à l’étude des sciences naturelles en adhérant dès avril 1871 à la Société physiophile de Lyon, laquelle, fondée en 1870 par Gabriel Roux* (1853-1914), démarre alors son activité et regroupe un petit nombre d’étudiants (principalement en médecine), rejoints par quelques naturalistes chevronnés. Il présente de nombreuses communications sur des sujets variés, de la zoologie à la géologie et la préhistoire en passant occasionnellement par la botanique. Les membres de la Société physiophile portent un vif intérêt aux théories darwiniennes, au point d’envisager la création d’une Société darwinienne qui sera à l’origine de la Société botanique de Lyon, établie en 1872, dont Coutagne est membre fondateur. Il fait à la Société physiophile un exposé sur les travaux de Darwin relatifs la fécondation des Orchidées, et y joint ses propres observations, très originales puisqu’il effectue un comptage comparatif des fleurs dont les pollinies avaient été enlevées par les insectes au sein de deux populations d’Orchis laxiflora. Vingt ans plus tard, dans le même ordre d’idées, il constatera l’existence de l’hétérostylie (c’est-à-dire les différences dans la longueur du style) chez deux espèces de Liliacées appartenant au genre Narcissus, étendant ainsi la portée des observations effectuées par Darwin chez les Primulacées et quelques autres familles.
De 1873 à 1876, Georges Coutagne poursuit ses études au lycée de Clermont-Ferrand, puis à l’École polytechnique où il est admis en 1875 (en même temps qu’à l’École normale supérieure). Il est ensuite élève ingénieur à la poudrerie d’Angoulême, acquiert une licence ès sciences physiques. Sans cesser de s’intéresser à l’histoire naturelle, il débute une carrière d’ingénieur dans le corps des Poudres et salpêtres, qui le mène de Vonges (Côte-d’Or) à Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône), jusqu’à sa démission en 1886.
Il épouse à Lyon (3e) le 18 juin 1879 Adeline Agathe Gabrielle Million (Lyon 1er février 1856-Rousset [Bouches-du-Rhône] 14 septembre 1934), fille d’Aimé François Million, propriétaire rentier, et de Joséphine Dumollard. Les témoins du marié sont deux de ses cousins établis à Lyon, Antoine Busson, architecte, et Émile Coutagne, docteur en médecine. Le couple aura neuf enfants, parmi lesquels Aimé Coutagne* (1882-1970).
En 1886, Georges Coutagne acquiert le domaine du Défends à Rousset (Bouches-du-Rhône), où il pratique la viticulture et la sériciculture, tout en se livrant à des investigations sur le polymorphisme des végétaux ainsi que des mollusques, et à des études consacrées aussi bien aux maladies de la vigne qu’aux vers à soie. Ses recherches sur l’amélioration de la production de soie à la suite de croisements se concrétisent en une thèse de doctorat ès-sciences naturelles soutenue à Paris en 1902. Il essaye de démêler expérimentalement ce qui peut constituer l’hérédité des caractères acquis, sujet qui est très à la mode chez les biologistes français de cette époque, acquis pour la plupart au néolamarckisme. Procédant à une analyse mathématique poussée des résultats obtenus, il élabore une théorie de l’hérédité faisant jouer un rôle à des combinaisons d’éléments supports de l’hérédité, qu’il désigne sous le nom de « mnémons », dont il revendiquera plus tard l’identité avec les gênes proposés par Johansen en 1909.
Sans interrompre ses recherches dans divers domaines de la biologie, il entame en 1898 une carrière industrielle. Il crée une entreprise d’électrochimie, la Volta lyonnaise, dont les usines sont installées à Pomblière près de Moutiers (Savoie) et à Pierre-Bénite (Rhône), qui produisent de l’acide chlorhydrique, de la soude, de la chaux, ainsi que du ferri-silicium. Cet établissement continue de fonctionner. Pendant la guerre de 1914-18, il installe à Saint-Fons (Rhône), une usine d’explosifs, reconvertie après la guerre en fabrique de produits chimiques et pharmaceutiques. C’est alors qu’il fait l’acquisition à Saint-Genis-Laval (Rhône) d’une propriété où il poursuit des études sur les hybrides et sur l’acclimatation de plantes tropicales. Il établit en outre à Grimaud (Var), en collaboration avec son ami de longue date l’agronome Georges Couderc (1850-1928), une station botanique, sise dans un massif siliceux, ce qui lui permet d’étudier des plantes calcifuges qui ne peuvent croître sur les sols calcaires du Défends ; cette station est dédiée aux espèces fourragères, aux plantes grasses, aux végétaux aromatiques ; ces derniers l’intéressent particulièrement car il crée en 1924 avec Couderc une société de parfumerie ; elle ne survivra pas à la mort des fondateurs.
Tout au long de sa vie, Georges Coutagne s’est intéressé à des problèmes de biologie fondamentale qu’il a abordés avec une grande rigueur scientifique et dont certains résultats ont été remarqués par quelques uns des plus grands savants contemporains, Bateson par exemple. Outre ses recherches sur l’hérédité des caractères acquis, il s’est particulièrement attaché à l’étude du polymorphisme chez les végétaux et les animaux, notamment chez les Mollusques. Il est tout d’abord un partisan du concept d’espèces affines, défendu par Alexis Jordan* et appliqué aux Mollusques par Arnould Locard*, et il décrit lui-même de nouvelles espèces de Mollusque sur la base de ce concept ; il se rend compte rapidement qu’il ne s’agit « que de simples combinaisons des modes de caractères variables, […] innombrables le plus souvent, qu’on peut distinguer et même définir brièvement au moyen de notations algébriques appropriées. » (Coutagne, 1895). Ayant examiné 4 239 lots de coquilles (soit près de 30 000 spécimens), Coutagne met en relation les formes avec les conditions du milieu, et il se trouve ainsi amené à rejeter presque toutes les prétendues espèces décrites par l’école de Bourguignat et ses disciples (dont A. Locard). Il poursuit dans la nature ses observations à ce sujet, et sa dernière publication, posthume, est consacrée aux variations des Mollusques de la Tarentaise.
Georges Coutagne décède le 18 août 1928 à Saint-Genis-Laval où il est inhumé avec son fils Aimé.
Sur un rapport de Claudius Roux*, il est élu le 1er juin 1909 au fauteuil 6, section 1 Sciences. Plusieurs communications (publiées in extenso ou en résumé : voir infra). Prononcée quelques semaines avant sa mort, le 26 juin 1928, sa dernière communication, intitulée La vie est-elle un phénomène exclusivement physico-chimique ?, n’est connue que par le compte rendu de séance rédigé par Claudius Roux.
Georges Coutagne a appartenu à plusieurs sociétés savantes locales : Société linnéenne de Lyon, Société d’agriculture, sciences et industrie de Lyon, Société botanique de Lyon et nationales (Société botanique de France) ; il a été président de la Société linnéenne de Lyon en 1925.
L’importante collection de Mollusques constituée par Georges Coutagne à la suite de ses recherches sur le terrain est conservée depuis 2005 au Centre de conservation et d’étude des collections du muséum à Lyon, à la suite du don effectué par ses descendants.
Notice St. Le Tourneur, DBF. – C. Roux, « Georges Coutagne, ingénieur et biologiste », discours prononcé à ses funérailles, MEM 20, 1928, p. 239-247. – J. Beauverie, « Trois mécènes de la botanique : Benjamin Delessert, Edmond Boissier, Prince Roland Bonaparte », MEM 21, 1933. – R. Burian, « M., Coutagne, Delage and the reception of Weismann in France », Bull. Hist. Épistém. Sc. Vie 2-2, 1995, p. 182-192. – C. Audibert et F. Vivien, « Georges Coutagne (1854-1928), biologiste : des Mollusques aux Vers à soie », Cahiers scient. Musée des Confluences Lyon 13, 2007, p. 11-71 (bibl.). – Vivien et Audibert, « Georges Coutagne (1854-1928) : a scientist from Lyon working on the notions of species, heredity, and evolution », in M. Morange et O. Perru (éd.), Embryologie et évolution (1880-1950) : Histoire générale et figures lyonnaises, Paris : Vrin, 2008, p.129-150.
Vivien et Audibert (2007) ont recensé 171 articles, notes et mémoires publiés par Georges Coutagne entre 1872 et 1928 ; quelques titres significatifs :
Dans les Mémoires de l’Académie : « Les caractères tritaxiques », 27 mars 1917, MEM 16, 1919, p. 257-278) ; « L’acclimatation », 24 avril 1923, MEM 18, 1924, p. 193-216) ; « Les plantes calcifuges », 21 décembre 1926 (MEM 19, 1926, p.175).
Autres : « La fécondation par les Insectes des Orchidées (d’après Darwin) et observations faites sur l’Orchis laxifera Lamk à Yvour et à Dardilly », Ann. Soc. Physiophile Lyon. 2, 1873, p.69-72. – « De l’influence de la température sur le développement des végétaux », Ann. Soc. Bot. Lyon 9, 1880-1881, p. 81-127. – « Notes sur la faune malacologique de la partie centrale du bassin du Rhône », ASLL 28 1881, p. 1-55. – « Sur l’amélioration des races européennes de vers à soie », Rapport Lab. Étude soie Lyon 5, 1889-1890, p. 1-42. – « Première note sur le polymorphisme des végétaux », Ann. Soc. Bot. Lyon 18, 1891-1892, p. 163-174. – « Recherches sur le polymorphisme des Mollusques de France », Ann. Soc. Agric. Sc. Ind. Lyon (7) 2, 1894, p. 396-460 ; 3, 1895, p. 290-452. – « Remarques sur l’hérédité des caractères acquis », Rapport Lab. Étude soie Lyon 8, 1895-1896, p. 1-24. – « Recherches expérimentales sur l’hérédité des vers à soie », Bull. scient. France et Belgique 37, 1902, p. 1-193 (thèse). – « Sur les facteurs élémentaires de l’hérédité », CRAS 137, 1903, p. 1075-1077. – « De la sélection des caractères polytaxiques dans le cas des croisements mendéliens », CRAS 138, 1904, p. 298-300. – « Des caractères polytaxiques chez les espèces à l’état sauvage », CRAS 138, 1904, p. 1521-1523. – « La sélection des caractères fluctuants », Revue bot.appl. agr. colon., 5, 1925, p.331-338. – Les Mollusques de la Tarentaise, Ann. Soc. Linn. Lyon 74, 1928, p.7-79.