Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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JOLINON Joseph (1885-1971)

par Jacques Hochmann.

 Jean Baptiste Joseph Jolinon est né à La Clayette (Saône-et-Loire) le 9 décembre 1885, fils de Jean-Baptiste Jolinon (né en 1857) établi à La Clayette comme marchand drapier et de son épouse, Benoîte Ravier (née en 1858), sans profession. Les témoins de l’acte sont Claude Couturier (né en 1833), secrétaire de mairie, et Jean-Marie Augros (né en 1823) cordonnier, demeurant tous deux à La Clayette. Après des études au collège des jésuites de Dôle (Jura), poursuivies à Semur-en-Brionnais (Saône-et-Loire), vécues comme un enfermement étouffant et au cours desquelles il s’est montré un élève indiscipliné et fugueur, « dernier en tout sauf en lettres et en gymnastique » (Louis Pize*), il entre à la faculté catholique de droit de Lille. Il passe ses examens de licence à Paris et soutient une thèse de doctorat en droit à Dijon le 11 juillet 1914. Parallèlement, il a commencé à écrire un roman sur le sport, Le jeune athlète, mais la mobilisation générale vient mettre un terme à sa production littéraire. Participant aux grandes batailles de France et d’Italie, il est décoré de la croix de guerre à Verdun, où il est affecté comme téléphoniste, et reçoit, en 1917, la médaille militaire italienne. Du fait de sa formation juridique, il est chargé de défendre les mutins du 370e régiment d’infanterie à Cœuvres. Il gardera de cette double expérience de soldat et d’avocat un pacifisme militant qui parcourt toute son œuvre.

 Après la guerre, il fait un bref passage comme clerc chez un avoué de Charolles puis entame à Lyon sa formation d’avoué chez Maître Sestier. Il publie le roman commencé avant la guerre (Paris : éditions de la Sirène, 1923) puis fait, dans Le valet de gloire (Paris : Rieder, 1923), un portrait sombre de l’armée sous le commandement désastreux du général Nivelle au Chemin-des-Dames, qui justifie les mutineries de 1917. Il reprendra le sujet dans Les revenants dans la boutique (Paris : Rieder 1930). Ses premiers livres ayant eu un grand succès, il abandonne en 1925 la carrière juridique pour se consacrer uniquement à la littérature. Son œuvre peut se classer en quatre parties : des romans sur la guerre où il proclame son antimilitarisme et son pacifisme, des romans sur la vie provinciale notamment lyonnaise et les changements de mœurs apportés par la guerre, ainsi que des chroniques sur la campagne charolaise, des biographies et des romans historiques, enfin des romans sur le sport. Il est un des premiers à avoir fait du sport un sujet littéraire, malgré les premières réactions négatives des éditeurs. L’un d’eux lui aurait affirmé pour le décourager : « Les lettrés se moquent du sport et les sportifs se foutent de la littérature », mais il est soutenu par le critique découvreur de talents, éditeur entre autres de James Joyce, Félix Fénéon (1861-1944). Esprit rebelle, Jolinon s’élève contre la boucherie dont sa génération fut victime : « Ma jeunesse fut un esclavage, la moitié de ma génération est morte. Il en reste un levain de révolte. Nous chamboulerons avec ténacité ces régimes qui tuent les uns et enrichissent les autres. Leur puissance nous enjoint de nous concerter. » (Le Valet de gloire). Prophétique, il s’interroge : « Les dix millions de chômeurs et les cinq millions d’étudiants sportifs qui succèdent en Europe aux dix millions de mort de 1920 ne seront-ils pas quinze millions de tués dans quelques temps ? » (Dame de Lyon, Paris : Rieder 1932).

 Écrivain prolixe et reconnu, Joseph Jolinon a manqué de peu le prix Théophraste-Renaudot, pour La paroissienne (Paris : Rieder 1926) [le prix a été attribué à Armand Lunel, 1892-1977 pour Nicolo Peccavi ou l’affaire Dreyfus à Carpentras, Paris, Gallimard, 1926]. Considéré comme « un des écrivains les plus originaux de l’après-guerre » (L. Treich, Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques n° 343 du 11 mai 1929), il a, en revanche, obtenu en 1929 le prix de la Renaissance pour Le joueur de balle (une réédition du Jeune athlète publiée chez Rieder en 1929). Joseph Jolinon aime créer des séries où l’on retrouve les mêmes personnages : Claude Lunant, son alter ego qui traverse la guerre et l’après-guerre, la famille lyonnaise Debeaudemont, Fesse-Mathieu, le hussard napoléonien, ou la saga des Provinciaux. Ce sont du reste les premiers volumes de cette série de six tomes (Paris : Milieu du monde, 1948 à 1955) qui sont couronnés en 1950 par le grand prix du roman de l’Académie française.

 Malgré cette consécration nationale, Joseph Jolinon a continué à résider à Lyon, 28 montée des Carmélites. De nombreux amis l’y retenaient parmi lesquels Gabriel Chevallier (1895-1969) l’auteur de Clochemerle, le docteur Edmond Locard* (1877-1966), le célèbre criminaliste, Marius Mermillon (1890-1958), négociant en vins et collectionneur d’art, le sculpteur Georges Salendre (1890-1985). Avec ces deux derniers, Joseph Jolinon a créé le Salon du Sud-Est. On le décrit à la fois comme « un homme de cœur prompt aux indignations généreuses » (Louis Pize*), mais aussi comme un bon vivant, toujours à la tâche, qui aurait eu pour devise : « un bifteck, un litre, un chapitre ».

 Joseph Jolinon a épousé le 10 février 1936 une femme peintre, Marie Louise Serol, dont il a eu un fils, Jean-Jacques. Il possédait à Briant, dans sa région natale de Saône-et-Loire, une résidence campagnarde où il est décédé le 17 février 1971.

 Croix de guerre 1914-1918, Médaille militaire d’Italie, officier de la Légion d’honneur.


Académie

Sur rapport de Jean Dufourt*, le 20 mai 1952, Joseph Jolinon a été élu le 10 juin 1952 au fauteuil 7, section 1 Lettres, succédant à Mathieu Varille* qui accédait à l’éméritat. Sa participation aux travaux semble avoir été modeste. Le 3 mai 1960, Jolinon souffrant « d’une fatigue passagère », Louis Pize* donne lecture d’une communication sur un prochain livre consacré à Garibaldi (texte dactylographié Dossier Acad.) : Joseph Jolinon y esquisse une intéressante réflexion sur les rapports de la fiction et de l’histoire, et enracine sa propre vocation littéraire dans les contes que lui narrait sa grand-mère de qui il dit tenir son goût des livres.

Bibliographie

Anonyme, « Un bifteck, un litre et un chapitre, telle est la méthode de Joseph Jolinon », La Presse, n° 333, semaine du 29 mars au 4 avril 1952. – L. Treich, « Joseph Jolinon obtient le prix de la Renaissance » , Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques n° 343, 11 mai 1929. – Louis Pize, Hommage prononcé le 20 février 1971, Dossier Acad. – Gérard Corneloup, DHL. – T. de Morembert, DBF. – M. Rieunau, Guerre et révolution dans le roman français de 1919 à 1939, Paris : Klinksieck, 1974.

Publications

Outre les livres déjà cités, on rappellera en particulier : La tête brûlée, Paris : Rieder, 1924. Le meunier contre la ville, Paris : Rieder, 1925. – La Foire, Paris : Rieder, 1928. – Marie Bourgogne, Grenoble : Didier Richard, 1931. – Dame de Lyon, autre éd. Paris : Le livre moderne illustré, ill. de Claude Escholier, 1937. – L’arbre sec, Paris : Rieder 1933. – Mandrin par un de sa bande, Paris : Gallimard, 1935. – Le Bât d’argent, Paris : Rieder, 1935. – Képi-Pompon ou la petite châtelaine, Les Feuillets bleus, Hebdomadaire littéraire, n° 300, 1935, portrait. – Fesse Mathieu l’anonyme, Paris : Gallimard 1936. – Les Coquines, Paris : Gallimard, 1937. – Il y a vingt ans les mutineries de mai-juin 1917, Paris : éd. de la Patrie humaine, 1937. – Guerillas 1808, Alger : Charlot, 1942. – Charmes de Lyon, Lyon : Lardanchet, 1942, photogr. Antoine Demilly. – Le chat du second, Lyon : Lugdunum, 1943. – Les Malandrins du Beaujolais, Lyon : Lugdunum, 1944, ill. par Jacques Laplace. – Petite Châtelaine, Lyon : Audin, 1946, ill. par Bernard Milleret. – La belle auberge, Paris : Ferenczi, 1950 – Pauline Jaricot, patronne des chrétiens sociaux, Paris : Fayard, 1957. – Le curé d’Ars, Paris : Fleurus, 1959. – Garibaldi, Paris : Del Duca, 1960.