Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

GOIFFON Georges Claude (1713-1776)

par Yves Boucaud-Maître.

 Il ne faut pas le confondre avec l’abbé Joseph Goiffon (1692-1751), principal du collège de Thoissey, astronome, membre associé de l’Académie des beaux-arts de Lyon (17 novembre 1740) et correspondant de Jacques Cassini à l’Académie royale des sciences de Paris (23 janvier 1732).

 Né à Lyon le 11 août 1713, baptisé le lendemain paroisse Saint-Nizier, Claude Georges [sic] est le fils cadet de Jean Baptiste Goiffon (Cerdon [Ain] 25 février 1658-Sainte-Foy-lès-Lyon 30 septembre 1730) – seigneur de Bramafan à Sainte-Foy-lès-Lyon, échevin lyonnais et médecin de l’archevêque François Paul de Villeroy* –, et de Claudine Pinardy (1679-Ainay 1717-Lyon), dont le père Claude, originaire d’Italie, était marchand tireur d’or à Lyon. Parrain : Georges Simonet, président aux traites et fermes du Bugey, et en son absence Jean Claude Blanchet ; marraine : Marie Estinal, femme de Pierre Jobert, écuyer. Son père ayant été anobli par sa charge consulaire, il porte le titre d’écuyer et fait probablement des études de dessin et d’architecture à Lyon. Marié à Éléonore Tardy, il n’a pas eu de descendance, éteignant la lignée directe de Jean Baptiste Goiffon, dont il gère la fortune de manière désastreuse. Dans son évocation de Claude Georges Goiffon, Barou du Soleil* écrit que « dez l’âge de quinze ans il se livroit avec ardeur aux opérations les plus délicates de la chimie, et aux recherches pénibles de la Botanique » (Ac.Ms267-II f°490bis). Personnage éclectique, il a été décrit comme architecte, dessinateur, professeur d’anatomie artistique, mais aussi ingénieur et mécanicien. Il a été membre de nombreuses sociétés : École royale académique de dessin, Société d’agriculture de Lyon. Goiffon projeta en 1755 de construire avec Vincent de Montpetit (auteur notamment d’un portrait de Bourgelat) un pont de fer à une seule arche sur le Rhône, qui aurait pu avoir « cent toises d’ouverture ».

 C’est son amitié pour Claude Bourgelat, né neuf mois plus tôt et baptisé comme lui à St-Nizier, qui guida la carrière de Georges Claude Goiffon. Il est probable que les deux hommes se sont connus très tôt : fils de notables anoblis par l’échevinage, ils habitèrent dans le même quartier de Lyon pendant leur jeunesse, se passionnèrent pour le cheval et quittèrent ensemble leur ville natale pour Alfort. Bourgelat avait créé en 1761 la première école vétérinaire d’Europe, avec l’appui du futur intendant des finances Henri Léonard Bertin*, dans une maison du faubourg de la Guillotière. Elle deviendra en 1764 École royale vétérinaire, avant la création à Paris, voulue par Bertin, en 1765, d’une deuxième école, transférée à Alfort en 1766. Goiffon participe, avec l’architecte Soufflot*, à la transformation du château d’Alfort en lieu d’enseignement de l’art vétérinaire et assura des fonctions dans l’organisation technique de l’école. Lors de la rédaction de son premier livre, Bourgelat avait remarqué des erreurs dans les descriptions de l’anatomie du cheval et entreprit de les corriger. En 1768, il institua un cours d’anatomie animale et recruta à cet effet son ami Goiffon, assisté d’Antoine François Vincent (1743-1789), peintre animalier, graveur et ancien élève de l’école. Leurs planches d’anatomie du cheval eurent un grand succès. Après la mort de Goiffon en 1776, Vincent termina seul leurs recherches et réédita en 1779 leur Mémoire artificielle des principes relatifs à la fidèle représentation des animaux, tant en peinture et sculpture, dans lequel il fait état des travaux menés avec Goiffon. Les deux mêmes personnages, associés à Bourgelat, inventèrent l’hippomètre, instrument destiné à mesurer les dimensions et les proportions des chevaux. Ils s’attachèrent également à décrire les mouvements du cheval au cours de la locomotion par un astucieux procédé : ils accrochèrent aux quatre membres des clochettes de timbres différents et notèrent sur une portée la « musique » des déplacements, obtenant ainsi une des premières représentations des allures. Ils en tirèrent une théorie décomposant en six intervalles l’appui et en six autres intervalles le soutien d’un membre du cheval, qui fait date dans l’histoire de l’équitation. On leur doit enfin le « travail de Bourgelat », imposante pièce de bois destinée à la contention des chevaux durant les soins vétérinaires, conçu et fabriqué en 1768, qui servait à la maréchalerie et à la chirurgie équine. Cet objet fait aujourd’hui partie des collections du musée Fragonard de Maisons-Alfort. Des dessins de Goiffon figurent dans le traité que Bourgelat a consacré aux bandages des chevaux. Bourgelat lui rendit hommage dans la préface, écrivant que « la seconde partie est moins notre œuvre que celle de M. Goiffon. Une ancienne amitié a porté à unir les plus grands talents à notre zèle. C’est lui qui a dirigé la construction du travail destiné dans nos hôpitaux à contenir les chevaux, ainsi que le travail pour les bêtes à cornes. On lui doit aussi la description de ces deux édifices. Nous la donnons d’autant plus volontiers qu’en acquittant l’école envers lui, nous répondons encore au désir qu’on nous a témoigné de connaître parfaitement les conditions et la structure ».

 Goiffon participa à de nombreux articles de l’Encyclopédie signés Bourgelat, mais il ne publia guère d’ouvrage sous son nom : on peut citer un curieux traité consacré à « l’art du maçon piseur », qui décrit les techniques de la construction des maisons en pisé, dont le savoir-faire semblait sur le point de se perdre. Il souligna les qualités de ce matériau : économie, durabilité, isolation thermique, salubrité et incombustibilité. Cet ouvrage a été critiqué par l’abbé Rozier*, farouche ennemi et successeur de Bourgelat à l’École vétérinaire de Lyon, qui jugea que ce guide n’était « ni assez clair, ni assez méthodique ». Par ailleurs, Saboureux, rédacteur d’un livre consacré à la traduction d’ouvrages anciens relatifs à l’agriculture et à la médecine vétérinaire, déclare s’être fait aider dans la partie architecturale par « un amateur très intelligent, Mr Goiffon, de l’École royale vétérinaire, qui a bien voulu se charger de donner les desseins des planches explicatives du texte, avec des notes particulières, tant pour le faire entendre, que pour rendre raison des motifs qui ont déterminé a y faire quelques changements ».

 Décédé à Maisons[-Alfort] le 10 mai 1776, Georges Claude Goiffon a été inhumé le lendemain au cimetière « de ce lieu », en présence de Philibert Chabert, directeur de l’école royale vétérinaire, et d’Antoine François Vincent.


Académie

Élu membre ordinaire de l’Académie des beaux-arts le 19 juin 1748, « libre dans les mathématiques », il prononce son remerciement le 3 juillet. Le directeur Ruolz* : « l’Etude assiduë que vous avez fait Monsieur, de la Peinture et de l’Architecture vous ont acquis le droit de pretendre une place dans la Classe des Arts. Celle que vous venez remplir dans les Mathematiques et que vous meritez egalement par votre application à la geometrie et a la perspective ne vous exclud point de la premiere » (Ac.Ms263 f°180). Il y lit peu de mémoires, mais est plusieurs fois commissaire pour examiner divers ouvrages et inventions mécaniques. C’est Goiffon qui est le premier à intervenir à l’Académie dans l’affaire opposant D’Alembert à Tolomas*, par une lettre à Christin du 3 janvier 1755 (Ac.Ms-II f°138-139), et c’est lui qui communique la lettre de D’Alembert du 30 janvier 1755 à la séance du 14 février. Il démissionne de l’Académie le 28 février 1755. Goiffon est (ré)élu le 5 juin 1764 (sur proposition de Charles Bordes*) à l’Académie (réunie) des sciences, belles-lettres et arts, classe des sciences, et dispensé de la cérémonie d’installation. Attaché à l’École vétérinaire d’Alfort, Goiffon ne semble pas être revenu assister à une séance de l’Académie après le 7 mai 1765. Considéré comme « honnoraire », il n’est pas l’objet d’un éloge en bonne et due forme par le secrétaire de l’Académie, mais sa carrière est évoquée par Barou du Soleil*, directeur du semestre, au cours de la séance publique du 3 décembre 1776 (Ac.Ms267-II f°483-491).

Bibliographie

Jacques Guillerme, « De l’écorché au schéma anatomique. A propos de la Mémoire artificielle de Goiffon et Vincent (1779) », Rev. d’histoire des sciences 25, 1972, n° 2, p. 151-170. – Claude Bourgelat, Éléments de l’art vétérinaire: Essai sur les appareils et sur les bandages propres aux quadrupèdes, Paris : Impr. royale, 1770. – Saboureux de La Bonneterie, Traduction d’anciens ouvrages latins relatifs à l’agriculture et à la médecine vétérinaire, Paris : Didot, 1773. – Léonard Boitel et Aimé Vingtrinier, « D’Alembert, le P. Tolomas, et la société royale de Lyon », RLY 4, 1836, p. 196-216. – Bertrand Joseph, D’Alembert, Paris : Hachette, 1889. – Françoise Launay, « Les identités de D’Alembert », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, 47, 2012, p. 243-289.

Manuscrits

« Raport de Mrs. Bollioud*, l’abbe de Valernod* & Goiffon sur plusieurs ouvrages [instruments de musique] du Sr. Micot, du 8 avril 1750 », Ac.Ms189 f°19-28. – Rapport sur le rouet à quatre guindres du sieur Claude Raimond, 24 février 1751 par Delorme* et Goiffon, présenté le 18 novembre 1750, deux versions, Ac.Ms189 f°191-197. – Rapport des commissaires de l’Académie pour la nouvelle construction du carosse proposée par le Sieur Zac[h]arie le jeune horloger, séance du 9 février 1753, Ac.Ms182 f°42-55. – Rapport sur un métier pour la fabrication des étoffes de serge or et argent façonnées et brochées sans tireuses des Sieurs Jacques et Nicolas Currat, (mention ajoutée f. 75r° : 3 mai 1754), lu les 22 mars 1754 et 10 mai 1754, Ac.Ms110 f°62-75. – « Avant-propos » d’un ouvrage : Mémoires pour servir à la description des Arts dont l’objet est la Tissure, séance du 24 juillet 1764 et séance publique du 28 août 1764, Ac.Ms189 f°136-136bis.

Publications

Hippomètre, ou instrument propre à mesurer les chevaux et à juger des dimensions et proportions des parties différentes de leurs corps, avec l’explication des moyens de faire usage de cet instrument. Paris : Valat La Chapelle, 1768, 38 p. – Lettre écrite par M. de Goiffon, [...] à M. Parent, à l’occasion du mémoire de M. Le Payen sur la question : doit-on regarder la différence des terroirs comme la seule cause de la différence des vins ? [9 octobre 1768], impr. de J. Antoine, 7 p.L’art du maçon piseur. Paris : Le Jai, 1772 (cote BnF V22308), 57 p. – Mémoire artificielle des principes relatifs à la fidelle représentation des animaux, tant en peinture qu’en sculpture, première partie concernant le cheval, par feu M. Goiffon et par M. Vincent..., Alfort : chez l’auteur ; Paris : Valat La Chapelle ; Lyon : Bruyset, 3 vol., 1779.