Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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GUIART Jules (1870-1965)

par Jacques Hochmann.

  Pierre Louis Jules Abel Guiart est né à Château-Thierry (Aisne) le 4 juillet 1870, fils de Vincent Timothée Linné Guiart (né à Chézy-sur-Marne le 18 août 1831, fils d’un officier de santé, devenu marchand épicier à la suite de son mariage), et de Louise Céleste Gilquin, née à Château-Thierry le 29 janvier 1828, veuve en 1854 d’Alfred Thiercelin, épicier, dont elle gère le fonds jusqu’à son remariage. Témoins : Louis Jules Gilquin né à Château-Thierry le 10 mars 1800, aïeul de l’enfant, et Jules Victor Auguste Gilquin, notaire, 35 ans, oncle de l’enfant, tous deux domiciliés à Château-Thierry. Depuis trois siècles et demi, la famille (graphie primitive Guyart) comptait des maîtres en chirurgie, des officiers de santé et des docteurs en médecine exerçant dans la Brie champenoise.

  Après des études secondaires à Château-Thierry et un double baccalauréat en lettres et en sciences (1889), Jules Guiart vient suivre à Paris à la fois des études de médecine et de sciences naturelles. Il est nommé externe des hôpitaux de Paris en 1891, licencié ès sciences naturelles en 1893, et soutient une thèse de médecine en 1896 inspirée par le Pr. Eugène Gley, futur professeur de biologie au Collège de France et futur président de l’Académie de médecine, sur La glande thyroïde dans la série des vertébrés et en particulier chez les sélaciens (Paris : P. Steinheil, 1896). En même temps, il devient, au Muséum, l’élève d’Henri de Lacaze-Duthiers. Chef de travaux pratiques de parasitologie à la faculté de médecine de Paris, en 1897, sous la direction de son maître Raphaël Blanchard, il est nommé agrégé d’histoire naturelle et de parasitologie en 1901, dans la même faculté. Il exerce également au Muséum et dans le laboratoire de biologie marine de Banyuls, puis celui de Roscoff dont il devient le directeur. Il soutient en 1901 une thèse de sciences intitulée Contribution à l’étude des gastéropodes opisthobranches et en particulier des céphalaspides (Paris : Bigot frères, 1901), sous la présidence du professeur Yves Delage, qui avait dirigé avant lui le laboratoire de Roscoff.

  Le professeur Louis Lortet*, doyen de la faculté mixte de médecine et de pharmacie de Lyon et professeur d’histoire naturelle, ayant pris sa retraite, Jules Guiart postule à sa chaire, où il est nommé en 1906, sur un rapport du professeur Weil. N’étant pas Lyonnais, son élection contre deux concurrents locaux ne se fait pas sans difficulté. Il l’emporte grâce à la valeur de ses titres scientifiques et au soutien du professeur Charles Bouchard (1837-1915), lui-même ancien interne des hôpitaux de Lyon, puis de Paris, médecin des hôpitaux de Paris et professeur à la faculté de médecine, membre de l’Académie de sciences et de l’Académie de médecine ainsi que du conseil supérieur de l’enseignement public, qui a gardé des attaches lyonnaises. L’année suivante, Guiart ajoute la parasitologie à la dénomination de sa chaire qu’il occupera jusqu’en 1941.

  S’intégrant dans le milieu lyonnais, résidant alors 36 quai Gailleton, il épouse, à Lyon 2e, devant Édouard Herriot*, le 9 avril 1908, Hélène Pauline Barbe Pierret, née à Bron le 10 juillet 1887, fille d’Antoine Auguste Pierret (Verdun 5 juillet 1856-Cannes 18 novembre 1920) ancien interne des hôpitaux de Paris, élève de Charcot, professeur d’anatomie pathologique puis professeur de clinique des maladies mentales de la faculté de Lyon, après Joseph Arthaud (1813-1883). Belle-sœur de Charles Bouchard, la mère d’Hélène Pierret, Anna Rüffer (Lyon 1856-Cannes 1947) était la fille du baron Alphonse Charles Jacques Rüffer (Genève 1819-Norwood 1896), banquier protestant d’origine silésienne, établi à Lyon (associé à Edouard Aynard* dans la banque Aynard et Rüffer) puis en Angleterre, et la sœur de Sir Marc Armand Rüffer (Lyon 1859-1917) – médecin bactériologiste et hygiéniste, professeur à la faculté de médecine du Caire, décédé près de Salonique, dans le torpillage de son bateau, le SS Arcadian, par un sous-marin allemand – considéré comme le fondateur de la paléo-pathologie.

  Jules Guiart va poursuivre à Lyon une triple carrière : comme parasitologiste, il accumule, seul ou en collaboration, 310 mémoires et plusieurs traités. Il effectue de nombreuses missions à l’étranger : Athènes, Constantinople, la Macédoine, la Roumanie, en 1913 Beyrouth où il joue un rôle important dans la création de l’université. Collaborant avec son parent Sir Marc Armand Rüffer, il montre l’existence de la bilharzioze au temps des pharaons. Il défend l’idée selon laquelle les vers intestinaux inoculent des micro-organismes, de la même manière que les insectes inoculent le paludisme ou la fièvre jaune. Il attribue donc à ces vers un rôle dans l’étiologie de la typhoïde, du choléra, de l’appendicite. Cette hypothèse, alors très discutée et aujourd’hui abandonnée, a toutefois le mérite d’attirer l’attention sur l’importance des traitements vermifuges, qui étaient négligés depuis la découverte des microbes. Auguste Lumière* lui ayant fait don d’un appareil, il réalise un certain nombre de films médicaux sur le développement des helminthes, sur les parasites de la grenouille (film Gaumont), et il devient un actif propagandiste de la cinématographie scientifique, illustrée par sa conférence du 22 mars 1914 aux Amis de l’Université, sur « La vie révélée par la cinématographie ». Pendant la guerre de 1914-1918, il exerce dans différents corps et hôpitaux militaires et fonde le laboratoire de bactériologie de l’hôpital de Villers-Cotterêts, en Picardie, où il peut contribuer à arrêter des épidémies de diphtérie et de méningite cérébrospinale. Mobilisé comme médecin-aide major de 1re classe, il termine la guerre avec le grade de médecin major de 1re classe, rattaché au sous-secrétariat d’État au service de santé militaire occupé par Justin Godart*.

  Alexandre Lacassagne* souhaitant se retirer du musée d’Histoire de la médecine qu’il avait créé, en confie en 1920 la direction à Jules Guiart, cofondateur, depuis 1902, avec Raphaël Blanchard, de la Société française d’histoire de la médecine, qui entame ainsi une deuxième carrière d’historien de la médecine. Il développe le musée dont il établit un précieux catalogue, écrit de nombreux articles historiques sur la médecine au temps des pharaons, sur les épidémies de peste ancienne, la médecine gauloise, les saints guérisseurs.

  Il professe au-delà de sa retraite, jusqu’à la fin de ses fonctions de conservateur en 1945, un cours d’histoire de la médecine. De 1921 à 1939, il est également professeur d’histoire de la médecine à la faculté de Cluj, en Roumanie, où son nom est donné à un musée d’histoire de la médecine. S’intéressant enfin à l’anthropologie, il isole, à une époque où le terme n’avait pas les connotations actuelles, une « race galate » parmi les principales races européennes. Il étudie également les origines du peuple roumain.

  Il est décédé le 19 février 1965, âgé de 95 ans, dans sa propriété du 58 boulevard de la Croix-Rousse à Lyon. Son épouse lui survit peu et décède, à Lyon, le 22 mai de la même année. Son fils, Jean Guiart, né à Lyon le 22 juillet 1925, ethnologue, spécialiste des arts et des religions mélanésiennes, a été directeur d’études à l’École pratique des hautes études, professeur à la Sorbonne puis au Museum d’histoire naturelle.

  Jules Guiart a appartenu à de très nombreuses sociétés savantes. Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine en 1919, il a notamment été secrétaire général de la société zoologique de France (1901-1906) et a présidé la société linnéenne de Lyon. Il a été aussi auditeur au Conseil supérieur de l’hygiène publique (1906) et délégué régional de la Croix-Rouge française.

  Officier de l’étoile d’Anjouan, ordre colonial comorien (1905). Officier de l’Instruction publique (1907). Chevalier de la Légion d’honneur à titre militaire (3 février 1917, LH/1226/18). Commandeur de l’ordre royal de l’Étoile de Roumanie (1925).


Académie 

Succédant à Pierre Just Navarre*, il est élu le 6 juin 1922 au fauteuil 5, section 2 Sciences, sur rapport de François Xavier Lesbre* (1858-1942). Reçu le 20 juin 1922, il consacre son discours de réception le 17 juin 1924 aux Origines du peuple roumain, MEM 19, 1927. Il préside l’académie en 1926, prononce les Éloges funèbres de Georges Guigue* (1861-1926), MEM 19, 1927 ; Eugène Vincent* (1843-1926), Rapports 1924-1946 ; Joseph Teissier* (1851-1926), Rapports 1924-1926 ; Camille Latreille* (1870-1927), MEM 19, 1927 ; Frédéric Roman* (1871-1943), MEM 24, 1945. Il présente plusieurs communications : 22 janvier 1924, Louis XIV a-t-il eu le ténia ou fut-il diabétique ? (MEM 18, 1924) ; 8 juin 1943, La médecine de demain (compte rendu dans le Salut public du 20 juin 1943) ; 23 novembre 1943, L’histoire du cancer ; 8 février 1944, Un médecin original du xixe siècle, le docteur Gruby ; Le professeur Nicolas Jorga (historien roumain, 1871-1940), MEM 24, 1945 ; 28 janvier 1947, Histoire du bacille tuberculeux ; 4 mai 1948, Gustave Flaubert étudié par un médecin ; 16 et 30 novembre 1948, Le docteur Prunelle d’après sa correspondance ; 25 avril 1950, Le venin des serpents et la médecine ; 8 février 1955, Souvenirs de Roumanie ; 15 février 1955, À travers les Carpathes ; 28 avril 1959, La Belle Époque. Émérite en 1952.

Bibliographie 

P. H., « La retraite de M. le professeur Guiart », Le Salut public, 28 septembre 1940. – Anonyme, Biographie manuscrite (dossier Acad.). – Paul Bertoye*, « Éloge du professeur Jules Guiart prononcé devant l’Académie le 23 février 1965 », Journal de Médecine de Lyon, 8 juin 1965. – G. Lavier « Le professeur Jules Guiart » Bull. acad. nat. médecine 150, n° 26-27, p. 535-537, 1966. – David 2000. – Louis-Paul Fischer*, « Jules Guiart, médecin parasitologue, de la création de la Société française d’histoire de la médecine (SFHM), en 1902, à la présidence de l’académie de Lyon (1926) », Séance d’accueil de la Société d’histoire de la médecine par l’Académie (MEM 2009). – J.-J. Luthl, DBF.

Publications 

De ses très nombreuses publications on retiendra : Précis de parasitologie, Paris : Baillière, 1910. – Avec L.L. Grimbert, Précis de diagnostic chimique, microscopique et parasitologique, Paris : Lamarre, 1911. – Les parasites inoculateurs de maladie, Paris : Flammarion, 1911. – Recherche et identification des anophèles, Paris : Poinat, 1919. – Hommage à Pasteur, biographie, portraits, Paris : Baillière, 1922. – La médecine aux temps des pharaons, Paris : Poulenc, 1922. – « La médecine grecque aux temps héroïques de Minos à Homère » Biologie médicale 7, 1925 p. 293-328, et 8, 1925 p. 341-361. – « Contribution à l’étude d’une nouvelle race européenne, la race galate », Comptes rendus annuels, Paris : Association française pour l’avancement des sciences, 1926. – Considérations historiques sur la nomenclature et la classification des tetraphynques, Paris : Société générale d’imprimerie et d’édition, 1926. – « La place du bacille tuberculeux et autres bactéries dans la classification des champignons » Lyon médical, nov. 1927. – Avec Ch. Garin et M. Léger, Précis de médecine coloniale, maladies des pays chauds, Paris : Baillière, 1929. – Une incursion médicale dans la préhistoire, Lyon : Spécia, 1932. – Histoire de la peste à Bourg-en-Bresse, xve-xviie siècle, Lyon : A. Rey, 1933. – Pourquoi la peste nous a-t-elle quittés, histoire de la peste en France du xve au xviiie siècle, Lyon : A. Rey, 1933. – « Les historiens de la médecine à Lyon », Bull. de la Société française d’Histoire de la médecine, 1933, 27, p. 351-368. – « Cestodes parasites provenant des campagnes du prince Albert 1er de Monaco », Monaco, Résultats des campagnes de Monaco, 1935. – « La peste reviendra-t-elle ? » Revue d’hygiène 59, n° 4, 1937, p. 241-247. – « Marc-Antoine Petit »*, Les Biographies Médicales, Paris : Librairie J.-B. Baillière, mars 1937, 16 p. – « Joseph-Pierre-Eléonord Pétrequin* », Les Biographies Médicales, Paris : Librairie J.-B. Baillière, n° 7, octobre 1937, p. 81-96. – L’école médicale lyonnaise, catalogue commenté du musée historique de la faculté mixte de médecine et de pharmacie de Lyon, Paris : Masson, 1941. – « La vie extraordinaire de J.E. Gilibert, médecin et botaniste lyonnais, Biologie médicale 34, nos10-12, nov-déc. 1945, p. 164-190. – Histoire de la médecine française, Paris : Nagel, 1947. – « Le docteur Gabriel Prunelle, médecin consultant à Lyon et maire de Lyon », Cahiers lyonnais d’histoire de la médecine 4, octobre 1956.

Cette notice a été révisée.