Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

CHRISTIN Jean Pierre (1683-1755)

par Michel Dürr.

 Jean Pierre Christin, né le 31 mai 1683, rue du Pas-Étroit à Lyon (act. rue du Bât-d’Argent), est baptisé à Saint-Pierre Saint-Saturnin le 1er juin 1683. Il est le fils de Jean Christin, marchand tireur d’or, né à Lyon le 5 novembre 1662, marié à Lyon, Saint-Pierre Saint-Saturnin, le 23 juin 1682, et de dame Benoîte Vilet. Il a pour parrain Sr Pierre Christin, marchand et maître tireur d’or, et pour marraine Antoinette Bouillon, femme de Sr Jean Vilet, marchand passementier. Il ne s’est jamais marié. Il a un frère aîné, frère M. Christin, des chartreux à La Sylve (Isère), puis procureur de La Valsainte (canton de Fribourg).

 Il est mort à Lyon le 19 janvier 1755 : « Sr Jean Christin, bourgeois de Lyon, capitaine en chef du quartier de rue Neuve, breveté de la cour, ancien inspecteur de l’académie des beaux-arts, bibliothécaire perpétuel de la Société royale, âgé d’environ 72 ans, décédé avant-hier dans sa maison rue du Bât-d’argent, a été inhumé dans l’église paroissiale de Saint-Saturnin par moi curé soussigné ce 21 janvier 1755, en présence de Messire Charles Joseph de Ruolz*, chevalier, seigneur de Francheville, conseiller en la cour des monnaies, sénéchaussée et présidial de Lyon et sieur Étienne Thévenet », ont signé également Valernod*, Mathon de la Cour*, Dareste.

 Trois passions ont rempli sa vie : la musique, l’activité académique, la physique, en particulier la mise au point du thermomètre à mercure. Grâce au témoignage de Pernetti* (Ac.Ms124 f°40), nous le suivons dans sa jeunesse: « S’il avait pu suivre son goût, il serait allé à Rome avec le Père de Colonia* par admiration pour les Beaux-Arts qu’il aima dès son enfance, ou il se serait livré à l’étude de la géométrie qui en est le vrai principe sous le Père de St-Bonnet*. Il s’était attiré l’amitié et l’estime de ces deux jésuites qui avaient été ses maîtres, si capables d’apprécier leurs élèves et de perfectionner leurs talents. Le père de M. Christin était absolu dans sa famille, il se refusa longtemps à ces dispositions naturelles qui devraient décider de la vocation des hommes et ce fut moins par égard pour le penchant de son fils que pour le récompenser de sa docilité mise à de fortes épreuves qu’il le laissa aller à Paris en 1701. »

 La musique. « Le long séjour qu’il y fit le perfectionna dans la musique pour laquelle il semblait être né. La beauté de sa voix, sa facilité à jouer de plusieurs instruments l’associèrent à cette société connue sous le nom des Mélophilètes. Ils faisaient des concerts un jour par semaine chez Mr le Président de Lubert ». Rentré à Lyon, Christin y fonde en 1713 avec Nicolas Bergiron du Fort-Michon* « un concert de musique, composé de plusieurs citoyens de cette ville, amateurs de cet art ». Cette société prend le nom d’Académie des Beaux-Arts, officiellement constituée en août 1714 sous la protection du maréchal de Villeroy, gouverneur de Lyon, et dotée de Lettres patentes en août 1724. Ses statuts prévoient l’organisation de séances musicales hebdomadaires, et des conférences consacrées aux Beaux-Arts, qui restent exceptionnelles jusqu’en 1736 et réservées à l’examen de poésies à mettre en musique. Selon une lettre de Sarrau de l’académie de Bordeaux, citée par Léon Vallas*, Christin sait jouer du violon et du pardessus de viole. Il compose des divertissements, tel « Le Triomphe de Vénus », qui a été conservé. Il fait fonction de bibliothécaire de la bibliothèque du Concert dont l’importance devient telle qu’en 1743, on lui adjoint un garde aux appointements de 400 livres par an. Christin lui-même possède une bibliothèque musicale de douze recueils de motets, trente-trois opéras, trente et un recueils de cantates et trente-quatre de symphonies qu’il lègue à la Société Royale.

 Société des conférences de l’académie des Beaux-Arts et Société royale. Le 12 avril 1736, douze membres de l’Académie des Beaux-Arts se rassemblent et tiennent la première séance de la Société des conférences de l’Académie des Beaux-Arts, placée sous la direction de Camille Perrichon*, prévôt des marchands de Lyon. Christin, « ancien inspecteur de l’Académie [des Beaux-Arts] », en est jusqu’à sa mort le secrétaire perpétuel et le bibliothécaire perpétuel. Cette Société, orientée vers les sciences, obtient des Lettres patentes du Roi en date du 1er juin 1748 et devient alors la Société Royale des Beaux-Arts jusqu’à sa réunion à l’Académie des Sciences et Belles-Lettres en 1758. Christin rédige le journal des séances sauf en 1752, année où il est directeur. Ruolz* le remplace alors comme secrétaire. Le 22 décembre 1738, il lit une lettre du prévôt des marchands qui voudrait, pour faire autoriser par lettres patentes de l’Académie des Beaux-Arts, une assemblée académique dépendant d’elle, pour dessiner, peindre et sculpter. Nommé commissaire pour étudier ce projet avec Delamonce*, Gacon* et Clapasson*, il expose le 26 janvier 1739 des réflexions sur l’établissement à Lyon d’une société de peintres et de sculpteurs. Aucune suite n’est donnée. Il prononce divers éloges lors des assemblées publiques : Guilhaumat* (13 avril 1739) ; Pestalozzi* (5 décembre 1742) ; le père Duclos* (4 décembre 1743) ; Grollier de Servière* (5 mai 1745) ; Borde* (24 avril 1748) ; Dugas* (4 décembre 1748) ; Gacon* (23 avril 1749) ; Martiny (2 décembre 1750) ; Delamonce* (7 décembre 1753) ; l’abbé Cayer* (6 décembre 1754). Un service funèbre à sa mémoire est célébré le 4 février 1755 en l’église des Cordeliers aux frais de la Société. Clapasson*, directeur, et Bollioud*, nouveau secrétaire, font son éloge lors de l’assemblée publique du 18 avril. Par son testament, il lègue à la Société royale sa bibliothèque, les instruments de géométrie et de physique de son cabinet de curiosités, divers portefeuilles de manuscrits et dessins, une bourse de 134 jetons.

 Prix Christin. Par son testament daté du 30 août 1750, Christin met à la charge de son héritier Charles Joseph de Ruolz* une rente de 300 livres pour fonder un prix, « consistant en la remise d’une médaille d’or de 300 livres récompensant un savant ayant œuvré la première année pour les mathématiques, la seconde pour la physique et la troisième pour les Arts et ainsi de suite à perpétuité. Chaque année, le sujet d’un concours sera fixé par l’Académie qui jugera du meilleur envoi ». Le premier concours, en 1760, porte sur la meilleure figure à donner aux pales et aux rames. Les événements de 1793 interrompent la succession des prix Christin. Il faut attendre 1818 pour que le marquis de Ruolz reconstitue la rente dont il était redevable comme héritier de Christin. La fondation Christin de Ruolz subsistera jusqu’en 1938.

 Interventions académiques. Le 12 avril 1736, Christin présente un mémoire sur l’observation de l’éclipse de lune du 1er décembre 1732, puis le 11 juillet une dissertation faite en 1723 pour conserver le nom d’Académie des Beaux-Arts dans les lettres patentes et un mémoire sur l’Académie des Beaux-Arts, écrit en 1729 pour l’histoire littéraire du père Colonia. Le 26 juillet, il insiste sur la nécessité de remettre les discours au secrétaire. Le 19 novembre 1736, après avoir traité de l’esprit académique, il revient aux sciences, parle de l’usage de la jauge de Lyon, met en parallèle les diverses méthodes « pour calculer les cercles » Le 21 janvier 1737, il donne la mesure d’un cylindre tronqué parallèlement à son axe. Le 11 août 1738, il fait la critique de l’automate joueur de flûte (« le fluteur ») de Vaucanson qui avait été décrit lors de la séance précédente. Le 30 juin 1740, il expose une méthode pour tracer une méridienne par les hauteurs du soleil et est désigné le 28 novembre 1742 pour tracer la méridienne de la ville avec le père Béraud, l’abbé Cayer, Borde, Delorme et Deville. Il présente un mémoire sur les baromètres le 1er décembre 1740. Le 17 juillet 1743 ainsi que le 11 décembre de la même année puis le 4 mars 1750 et le 28 juillet 1751, il lit des lettres de son frère dom Christin, qui a inventé un hygromètre (voir Ac.Ms268-II f°26 et f°43). Enfin, le 13 septembre 1742, il décrit les expériences qu’il a faites sur divers aimants, tant naturels qu’artificiels.

 Le thermomètre de Lyon. « Christin faisait depuis plusieurs années des observations météo-rologiques, mais, par suite de sa scrupuleuse exactitude, il en vint à renoncer à celles du thermomètre, parce qu’il ne savait-dit-il, à quoi comparer ses degrés de chaleur et de froid d’une manière qui pût le satisfaire ». En 1736, il disposa de trois thermomètre à alcool de Réaumur « tels que l’académie royale des sciences en faisait distribuer en divers endroits du royaume, afin d’avoir des observations correspondantes à celles de Paris… Mais ni les uns ni les autres ne concordaient dans leurs indications ». Il se procure alors deux thermomètres à mercure, utilisés avant lui par Fahrenheit et Muschenbroek, et il oriente ses efforts vers la mise au point d’un instrument constant dans ses indications et reproductible. Il l’annonce à la société des Beaux-arts le 14 septembre 1740 où il lit le 15 mars 1741 une lettre qu’il a envoyée le 15 février à Joannon*, alors en voyage à Paris, pour qu’il obtienne de Réaumur divers éclaircissements sur ses thermomètres à esprit de vin. Le 22 août 1742, il expose à ses confrères des observations sur le thermomètre universel de M. Micheli du Crest, où il réfute diverses propositions du Mémoire de cet auteur intitulé Méthode d’un thermomètre universel. Il montre qu’il faut choisir pour zéro de l’échelle la température de la glace fondante plutôt que celle de la congélation commençante, difficile à observer. Le 21 décembre 1742, l’Académie des Beaux-Arts décide d’envoyer au Mercure de France et aux Mémoires de Trévoux les observations précédentes. Le 2 mai 1743, il traite de La dilatation du mercure dans les thermomètres et rapporte les expériences du sieur Casati, constructeur à Lyon d’appareils de géométrie et de physique. Le 11 septembre 1743, il lit sa réponse à une lettre du 5 août de M. de Moronval, auteur d’un thermomètre à mercure. Ses communications portent ensuite sur les observations qu’il fait en utilisant son thermomètre : La chaleur naturelle du corps humain (3 mai 1747) ; La chaleur directe du soleil (23 août et 6 décembre 1747) ; La chaleur des eaux de Barèges (3 avril 1748) ; L’incubation des œufs de poule (19 avril 1752).


Bibliographie

David 2000. – Dumas. – J. Fournet, Sur l’invention du thermomètre centigrade à mercure faite à Lyon par M. Christin, notice lue à la société d’agriculture de Lyon dans sa séance du 4 juillet 1845. – François Casati, Le Thermomètre de Lyon, ELAH, 1992. – Léon Vallas, La Musique à l’académie de Lyon au dix-huitième siècle, éd. Revue musicale de Lyon, 1908.

Manuscrits

Éloges : M. Guilhaumat lu le 9 février 1739 et assemblée publique du 13 avril 1739, Ac.Ms124 f°57 ; Pestalozzi, assemblée publique du 5 décembre 1742, Ac.Ms124 f°64 ; R.P. Duclos, jésuite, assemblée publique du 4 décembre 1743, Ac.Ms124 f°79 ; Grollier de Servière, assemblée publique du 5 mai 1745, Ac.Ms124 f°89 ; Borde, assemblée publique du 1er mars 1748, Ac.Ms124 f°104 et Ac.Ms124 f°116 (double du précédent) ; président Dugas, assemblée publique du 4 décembre 1748, Ac.Ms124 f°96 ; Gacon, assemblée publique du 23 avril 1749, Ac.Ms124 f°128 ; Martiny, assemblée publique du 12 octobre 1750, Ac.Ms124 f°134 ; abbé Cayer, assemblée publique du 6 décembre 1754, Ac.Ms124 f°143.

Éloge de J.P. Christin le 19 avril 1752, prononcé à l’Assemblée publique du 16 mai 1765 par l’abbé Pernetti, Ac.Ms124 f°40-41.

Physique, astronomie : Éclipse de lune observée à Lyon le 1er décembre 1732, Ac.Ms205 f°117-118. – Lettres sur la jauge de Lyon, 19 novembre 1736, Ac.Ms307 f°69. – Discours, 26 juillet 1736, Ac.Ms264 f°150. – Tracer une méridienne par les hauteurs du soleil, quelque jour de l’année que l’on voudra. 30 juin 1740, Ac.Ms179 f°6-6bis. – Présentation du monomètre de Dom de Rougemont, 25 janvier 1737, Ac.Ms201 f°59. – Observations sur la construction des thermomètres à l’esprit de vin et au mercure, 13 juillet 1740, Ac.Ms199 f°125-126. – Sur les thermomètres, 14 septembre 1740, Ac.Ms199 f°123-124. – Lettre à M. Joannon sur le thermomètre, 15 février 1741, Ac.Ms199 f°127-134. – Mémoire contenant des observations critiques sur la méthode du thermomètre universel, 22 août 1742, Ac.Ms199 f°152-160. – Observation sur la méthode d’un thermomètre universel, 12 décembre 1742, Ac.Ms199 f°161-170. – Lettre au Prince des Dombes sur son thermomètre (copie), 13 juillet 1742, Ac.Ms268-I f°177. – Lettre de Lyon, 17 juin 1746, Ac.Ms181 f°249. – Remarques sur la chaleur naturelle humaine et sur la chaleur des bains, 13 mai 1747 et 7 avril 1748, Ac.Ms257 f°159. – Observations sur la chaleur directe du soleil faites avec le thermomètre de Lyon, 23 août 1747, Ac.Ms207 f°55-64. – Réponse à M. de Moronval sur ce thermomètre, 1747, Ac.Ms199 f°171-176. – Expérience de la chaleur du four à pain à l’occasion des œufs de poule à éclore, 24 août 1750, Ac.Ms226 f°30-31. – Expériences pour trouver la chaleur fixe de 22 degrés pour faire éclore la graine de vers à soie et les élever par le moyen du feu dans une caisse faite exprès, 5 mai 1751, Ms226 f°139-141. – Lettre au sujet des mesures lyonnaises, le pied de ville, la pinte ou le pot, l’année, etc. à M. le R.P. Grégoire ancien définiteur du tiers-ordre de St-François et de l’Académie de Lyon, à Marseille 8 août 1741, BML fonds Coste Ms1112.

Vie académique : Des fonctions de secrétaire, 10 mars 1738 et 23 mars 1746, Ac.Ms264 f°89. – Changement de la dénomination d’honoraires en associés, 24 septembre 1743, Ac.Ms264 f°148. – Effets faisant partie du legs de M. Christin, Ac.Ms265 f°235. – CR Assemblée publique, Ac.Ms267-II f°3. – CR Assemblée publique, 19 avril 1752, Ac.Ms267-II f°164. – CR Assemblée publique, 7 décembre 1752, Ac.Ms267-II f°175. – Catalogue des livres d’estampes légués à la Société Royale par M. Christin, Ac.Ms352 f°41. – Réponse au chevalier de Grimaldi, 3 mai 1748, Ac.Ms268-I f°270. – Lettre à dom Nicolas Jalabert pour accompagner la note sur l’Académie des Beaux-Arts que lui remettra M. De Ruolz pour être insérée dans la nouvelle édition de l’État de la France qu’il prépare (copie), 16 octobre 1747, Ac.Ms268-I f°263 ; voir aussi Ms268-II f°13 (18 novembre 1749) et f°32 (10 août 1750).

Bollioud signale aussi (mais non retrouvés) : Instrument propre aux opérations de géométrie et d’astronomie, 1736.Recherches sur les véritables dimensions du pied du roi et du pied de ville, 1736.Discours sur le véritable esprit qui doit régner dans les assemblées académiques, 1736. – Parallèle des diverses méthodes de calcul pour mesurer le cercle, 1736. – Démonstration de divers problèmes de géométrie, 1737. – Mémoire sur le projet d’une école de dessin dans la ville de Lyon, 1736. – Réflexions sur l’établissement d’une école de dessin, 1739. – Sur les baromètres des différents genres, 1740. – Sur le thermomètre universel de M. Micheli, 1741. – Réponse aux objections de M. Micheli, 1744. – Fixation de la latitude ou élévation du pôle à Lyon, 1745. – Sur la chaleur des eaux minérales de Barèges, estimée selon l’échelle du thermomètre de Lyon.Expériences sur des aimants naturels et artificiels de diverses grandeurs, 1752.

Publications

Recueil de paysages, vues des anciens édifices de Rome et de plusieurs autres vues, mêlé de diverses pièces, s.l., 1732. – Éloge de M. Pestalozzi, prononcé dans l’assemblée publique de l’Académie des Beaux-Arts de Lyon le mercredi 5 décembre 1742, 1743, 18 p. – Motets à I, II et III voix choisis des meilleurs auteurs tant italiens que français, 94 p. – « Observations sur la méthode d’un thermomètre universel, lues à l’Académie des beaux-arts de Lyon, dans la séance du 22 août 1742 », Mémoires de Trévoux, février 1743, p. 197-222.Le Triomphe de Vénus, divertissement composé de fragments.Universal Thermometer von Mons. Christin ; aus dem Französichen in das Deutsche übersetzt von Herrn Jacob Bianchi dem Verfertiger dieses neuinventierten Thermometer, Zürich, 1754, 11 p. – « Thermomètre de Lyon divisé selon la mesure de la dilatation du mercure trouvée en 1743 par M. Christin, de l’académie des Beaux-Arts de Lyon », Almanach astronomique et historique de la ville de Lyon revu et augmenté pour l’an de grâce 1754. – Bollioud signale aussi « Invention et construction du thermomètre de Lyon divisé selon la mesure de la dilatation du mercure sur une échelle de 100 degrés entre le point de la chaleur de l’eau bouillante et celui de la congélation de la glace pilée, avec des instructions sur l’usage de cet instrument, imprimé à Lyon en 1747 ».