Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

PONSARD François (1814-1867).

par Dominique Saint-Pierre.

  François Ponsard est né à Vienne (Isère) « dans une maison qui fait le coin de la rue des Boucheries et de la rue des Clercs » le 1er juin 1814 ; il est le fils unique de Jean Marie Hercule Ponsard (Chavanoz [Isère] 19 juin 1786-Lyon 20 mars 1847), ancien avoué et président des avoués de Vienne, alors avocat car démis de ses fonctions par le président du tribunal, et de Françoise Joséphine Modeste Bruant (Vienne, 28 juin 1789-22 novembre 1858) – fille de Joseph François Bruant (Grenoble 1761-Vienne 1831), magistrat à Vienne, et de Françoise Reine Gontard (Vienne 1753-Sainte-Colombe 1810) dont le père, Joseph Gontard (Agnin 1718-Sainte-Colombe 1775), receveur des traites, était le grand-père de Nicolas Cochard*. Témoins : Jean Louis Charvet, rentier, Jean Sertilange, marchand.

  Élève du collège de Vienne, puis du lycée de Lyon pour sa rhétorique et sa philosophie, où il fut l’élève de Noirot*, il fait son droit à Paris. Licencié en 1836, il s’inscrit comme avocat à Vienne, et devient un actif collaborateur de la Revue de Vienne, créée en 1837 par Feytaud et Joseph Timon (Rochas donne une liste détaillée de ses articles). Attiré par l’art poétique, il traduit en 1837 Manfred de Lord Byron et termine à Vienne en 1842 sa première tragédie en 5 actes en vers alexandrins, Lucrèce, imprimée paraît-il à Lyon, sous la signature de « P…, avocat » : il avait eu toute sa vie sous les yeux dans la maison paternelle du mont Salomon, aux portes de Vienne, un tableau de Lucrèce enfonçant un poignard dans son sein. Un de ses amis viennois, Charles Reynaud (Vienne 1821-Paris 1853), emporte le texte à Paris et, grâce à Ricourt et Lireux, réussit à la faire jouer à l’Odéon le 22 avril, interprétée par Marie Dorval et Bocage, après avoir déclamé les vers de la pièce devant les étudiants du café Tabourey en guise de publicité préalable :

  Reynaud prit dans ses bras la naissante Lucrèce,

  Et l’emportant ainsi qu’un amant sa maîtresse,

  Il la promena dans Paris.

  Quand il eut entassé miracles sur miracles,

  Épuisé les dégoûts, renversé les obstacles,

  Je vins en recevoir le prix.

  Avec cette pièce, qui connut un énorme succès, Ponsard apparaît comme le représentant d’une nouvelle école (l’école du bon sens, qu’illustrera Émile Augier), proche, mais différente, du classicisme, et opposée au romantisme combattu par l’Académie qui primera cette œuvre en 1845 (sur rapport de Villemain, Grand prix de la tragédie d’un montant de 10 000 francs). La bataille de Lucrèce est une nouvelle bataille d’Hernani opposant les Hugolâtres – Hugo avait subi un échec au Théâtre-Français le 7 mars 1843 avec Les Burgraves devant un public lassé des excès du drame romantique – et les Ponsardiens, quoique Ponsard, d’ailleurs soutenu par Lamartine, Vigny et Sainte-Beuve, soit étranger aux excès de cette polémique très parisienne ; d’autant qu’ayant assisté à la représentation des Burgraves, il en était sorti enthousiaste. Il admirait d’ailleurs Hugo (interview de François Ponsard fils dans Le Temps du 28 avril 1894). Ses tragédies postérieures, qui s’éloignent cependant des classiques – Agnès de Méranie, en cinq actes et en vers, donnée au Théâtre-Français le 22 décembre 1846 ; Charlotte Corday (1850), tragédie en 5 actes et en vers jouée le 23 mars 1850 à la Comédie-Française, retirée car paraissant trop républicaine ; Ulysse, tragédie mêlée de chœurs en trois actes avec des chœurs de Gounod, jouée au Théâtre-Français le 18 juin 1852 (publié sous le titre Études antiques avec Homère, poème en 5 chants) – ne bénéficièrent pas du même engouement. Il réussit mieux dans la comédie de mœurs avec Horace et Lydie (une ode d’Horace), en un acte et en vers, donnée au Théâtre-Français le 19 juin 1850 (avec dans le rôle de Lydie, Rachel) ; L’Honneur et l’argent, en cinq actes, jouée (cent vingt fois de suite) à l’Odéon le 11 mars 1853, satire contre la spéculation effrénée de l’époque ; et avec La Bourse, comédie en cinq actes, jouée à l’Odéon le 6 mai 1856, qui attaque la chasse à l’argent. Candidat à l’Académie Française, il est battu le 1er mars 1855 par Ernest Legouvé, mais il est élu le 22 mars de la même année en remplacement de Louis Pierre Baour-Lormian, Émile Augier s’étant retiré en sa faveur. Il a été reçu par Désiré Nisard le 4 décembre 1856 et a prononcé son discours de réception le 4 décembre 1856 : s’il fait l’éloge de son prédécesseur, il y fait aussi celui d’Hugo et de Lamartine. Ce qui plaît aux femmes, comédie en trois actes, en prose et en vers, donnée au théâtre du Vaudeville le 30 juillet 1860, qui dépeint la corruption, fut mal reçu.

  Il épouse à Paris 9e, le 18 juillet 1863, Marie Pauline Dormoy (Avesnes-sur-Helpe [Nord] 19 août 1836-Paris 7e 31 mai 1876), fille d’un colonel. D’où un fils, François Joseph Henri Ponsard (Sainte-Colombe [Rhône] 9 juillet 1864-Cannes 17 mai 1928), journaliste, rédacteur au Temps.

  Le Lion amoureux, donné comme son chef-d’œuvre, joué au Théâtre-Français le 18 janvier 1866, décrit la France sous le Directoire. En 1867, Galilée, drame en trois actes joué à la Comédie-Française, dans lequel la science s’oppose à l’autorité et la raison aux préjugés, provoqua l’ire du parti clérical.

  Ami personnel et politique de Lamartine depuis Lucrèce, au grand étonnement des romantiques, il lui servit parfois de secrétaire et rédigea en 1843 et en 1847 quelques épîtres à la gloire du grand homme dans le Bien Public ou La Démocratie Pacifique. Soutenu par Lamartine, il sera candidat dans l’Isère aux élections de l’Assemblée Constituante en 1848, professant un discours très républicain. Après le 2 décembre 1851, il est nommé bibliothécaire du Sénat. Le journal Le Charivari attribua cette nomination aux sollicitations de Laetitia Bonaparte-Wyse (1804-1871), fille de Lucien Bonaparte. Il provoqua en duel Taxile Delord, l’auteur de l’article, et démissionna en juin 1860 sans avoir occupé son poste. Ami également (et soupirant malheureux, détrôné par Eugène Sue) de Marie de Solms (1831-1902), fille de Laetitia Bonaparte-Wyse, qui séjournait à Aix-les-Bains, il lui prêta des poèmes pour sa musique et rédigea à l’occasion quelques poèmes tels que : Le lac du Bourget ou Les Charmettes. Camille Latreille* a lu à la séance de l’Académie du 30 juin 1914 une petite étude sur Ponsard et madame de Solms.

  Malade depuis trois ans, il est mort à Passy (Paris 16e), chez Jules Janin, le 7 juillet 1867, et a été inhumé à Vienne.

  Chevalier de la Légion d’honneur (26 avril1853), officier (12 avril 1853), commandeur par décret du 2 mai 1866 (LH/2197/83)

  Une rue à Paris 16e porte son nom sur décision du 12 juillet 1903, ainsi que le collège de Vienne, qu’il fréquenta.


Académie

Ponsard fait partie des académiciens qui ont obtenu entre 1841 et 1847 le statut particulier d’ « académicien libre », pouvant participer à toutes les séances, mais sans droit de vote. Il a été élu à la séance du 5 décembre 1843. RLY 1900, p. 461 : « Séance du 13 mars 1900 […]. M. de Terrebasse donne communication d’un numéro de la Revue du Dauphiné, renfermant une lettre dans laquelle le poète François Ponsard raconte sur un ton plaisant, sa réception en séance publique de l’Académie de Lyon ». Lettre de remerciement (Ac.Ms277-III, 5 décembre 1843). Il s’offre à faire une communication (Ac.Ms277-IV, juillet 1845). Il adresse à l’Académie un exemplaire d’Agnès de Méranie, qu’il appelle Agnès (Ac.Ms277-IV, 20 janvier 1847.

Bibliographie

Jules Janin, F. Ponsard, 1814-1867, Paris : Libr. des Bibliophiles, 1872, 120 p., portrait par Léopold Flameng. – Eugène de Mirecourt, Ponsard, Paris : G. Havard, 1855, 96 p., portrait, 3 édit. – Adolphe Rochas, Biographie du Dauphiné…, notice Ponsard, 1856, p. 283-288. – Dreyfus, notice Ponsard, La Grande Encyclopédie.... – Camille Latreille, « Lamartine et Ponsard », Rev. Hist. Litt de France, 1898, p. 117-124. – C. Latreille, La fin du théâtre romantique et François Ponsard, d’après des documents inédits, thèse, Paris : Hachette, 1899, 435 p., portrait. – Fernand Letessier, « Lamartine, François Ponsard et la famille Duréault », Bull. Guillaume-Budé, 1964, n° 3, p. 377-386. – Discours de M. Autran prononcé dans la séance publique du 8 avril 1869, en venant prendre en séance à la place de M. Ponsard, Recueil des discours […]de l’Académie française, vol. 1860-1869 pt 02, p. 265-287. – « Statue de Ponsard à Vienne », Rev. Dauphiné Vivarais, n° 8, août 1878, p. 344-347. – Souvenirs et anecdotes, Le Radical, 2 juin 1909. – L’intermédiaire des curieux, 1914, n° 1393, vol. LXIX, p. 315-317, dans lequel François Ponsard (fils) donne la généalogie de sa famille en réponse à une question). – François Ponsard (fils), « La première représentation de Lucrèce (22 avril 1843) », Revue des deux mondes, 1899-5, p. 168-186. – Arsène Houssaye, Alexandre Dumas, Les Confessions, Souvenirs d’un demi-siècle (1830-1880), Primeno, 2015.

Iconographie

Sa statue en bronze, sculptée par Adolphe Louis Victor Geoffroy-Dechaume, fondue par Barbedienne, avait été exposée devant le pont des Arts du 15 septembre au 10 octobre 1869, avant d’être inaugurée à Vienne, place Neuve, le 15 mai 1870 (CP et gravure par S. Magdelin dans Rev. Du Dauphiné et du Vivarais, août 1878, n° 8, p. 22) ; elle avait été financée par une souscription organisée sous les auspices du prince Jérôme Napoléon. Fondue sous Vichy, elle a été remplacée par une statue de Claude Grange. – Une médaille ronde à son effigie (ø 50,9 mm) gravée par Valentin Borrel a été frappée pour l’inauguration de la statue à Vienne le 15 mai 1870 (un exemplaire est conservé dans le médaillier de l’Académie sous le n° M 01). Cette médaille existe aussi avec un revers qui rappelle ses principales tragédies, ou encore avec la date de 1867 pour l’élévation au grade de commandeur de la Légion d’honneur. – On peut lire dans le Temps du 22 septembre 1868 que « M. Joliot, maire de Vienne vient de faire placer dans la bibliothèque de la ville le portrait de François Ponsard. Le poète est représenté au moment où il écrivait le Lion amoureux. Le tableau est l’œuvre d’un peintre viennois M. Eugène Ronjat ». – Une photographie de Ponsard prise par L. Cremière se trouve dans les collections du musée d’Orsay (PHO 1995 6 33). – Autre photographie par Nadar. – Dans les œuvres du sculpteur Antony Samuel Adam-Salomon figure un buste en marbre de François Ponsard (1874) pour le musée de Versailles.

Publications

Discours de réception à l’Académie Française, 4 décembre 1856, Paris : Michel-Lévy frères, 1856, III + 35 p., et impr. Firmin-Didot frères. Ses tragédies et comédies (citées ci-dessus), ont été abondamment publiées chez tous les éditeurs, mais elles sont regroupées dans Œuvres complètes de F. Ponsard, préface de Marie de Flavigny comtesse d’Agoult, Paris : M. Lévy, puis Calmann Lévy, 3 vol. (XXXIX + 388, 470, 411 p.), 1865-1876, 4 éd. – On peut retenir par ailleurs : Manfred, poème dramatique en trois actes, de Byron, traduit en vers français, Paris : Gosselin, 1837, 180 p. – Le Cahier bleu du poète. Le Corset de Lucy. Le Rossignol, s.l. , n.d., 2 f. – Molière à Vienne, comédie en 2 actes en prose, extrait du Moniteur Viennois du 10 octobre 1851, 22 ff., joué à Vienne le 9 octobre 1851. – Harmonie (arme-au nid), charade en 3 tableaux, par M. Ponsard, jouée au Palais de Compiègne en présence de Leurs Majestés, le 15 décembre 1863, Paris : impr. impériale, 1863, 39 p. – La Cascade de Grézy. Souvenir d’Aix-les-Bains. Poésie inédite de F. Ponsard, musique de la Comtesse Rattazzi, née Princesse Wyse Bonaparte [Marie de Solms], Paris : E. Gérard, [1866]. – Les Charmettes. Souvenir de Chambéry..., Turin : impr. Botta, 1856, 4 p. – Chœur des mineurs. Paroles inédites de F. Ponsard, musique de la Comtesse Rattazzi, née Princesse Wyse Bonaparte [Musique], Paris : E. Gérard, [1866]. – La clé d’or n’ouvre pas toutes les portes, proverbe inédit, signé Ponsard, extrait des matinées italiennes par le Baron Stock [alias Marie de Solms], Florence : Stock, s.d. [1870 ?], p. 128-134. – « La Première représentation de Lucrèce », Revue des deux mondes, 1er septembre 1899, 28 p. – Le mariage d’Angélique, comédie en 2 actes, [création à l’Odéon le 1er janvier 1902], Paris : C. Lévy, 1902, 59 p. – Jacques Albert Vier, « La Comtesse d’Agoult et François Ponsard, d’après une correspondance inédite », Rev. Hist. Litt. France, octobre-décembre 1949.

Rochas cite les écrits (avant 1856) relatifs aux ouvrages de Ponsard.

Cette notice a été révisée.