Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

ISAAC Auguste (1849-1938).

par Jacques Hochmann.

  Auguste Paul Louis Isaac est né à Roubaix le 5 septembre 1849, fils de Louis Aimé Léopold Isaac fabricant (1824-1899), et Pauline Eugénie Trousseau (1823-1895) fabricante, domiciliés à Roubaix. Témoins : Prosper Amédée Mallet, 34 ans, commissaire de police à Roubaix, et Henri Dumont, 25 ans, tisserand, à Wattrelos (ne sait pas signer).

  La famille Isaac est originaire de Calais. Le grand-père d’Auguste, Louis Isaac (1800-1872) marié avec Anne Bodin veuve Waymel (1789-1832), était lui-même fils d’un homme de condition modeste également prénommé Louis (Calais 13 septembre 1772-Paris 15 août 1845), employé d’octroi, convoyeur en vins puis guide pour touristes étrangers à Paris, marié le 10 novembre 1795 avec Marie Joseph Isabelle Gathy (1784-1832). Ce grand-père était comptable à Lille, dans le négoce en denrées coloniales de Prosper Derode (1818-1892), président du tribunal de commerce, beau-frère de son frère Augustin Isaac (Calais, 26 juin 1810-Calais 15 décembre 1869).

  Augustin Isaac – grand-oncle d’Auguste – est à l’origine de la fortune familiale. Propriétaire d’une fabrique de tulle et dentelles à Calais et inventeur d’un procédé permettant d’insérer fleurs et jours dans le tulle, il fusionne son entreprise en 1841 avec la maison Dognin fondée à Lyon en 1805 par Jean Claude Dognin (1785-1848), avec des métiers anglais importés en contrebande (c’était l’époque du blocus continental) et dirigée par le fils de la maison, Michel dit Camille Dognin (27 janvier 1812-1886). Au départ, les tulles sont fabriqués à Calais puis livrés à Lyon pour être apprêtés, teints et brodés, jusqu’au regroupement dans une vaste manufacture à la Croix-Rousse (8 rue Pelletier) construite en 1858-1860, dotée de quarante-trois métiers anglais à vapeur et complétée par des ateliers de broderie et une école de dessin à Condrieu (Rhône). Augustin avait fait venir à Calais son neveu Louis, troisième du nom –le père d’Auguste –, qui tenait un atelier de tissage à Roubaix. Louis s’établit ensuite à Lyon en 1859 comme directeur de la firme Dognin fils et Isaac, déplacée secondairement en 1880 à Villeurbanne. À Lyon, Louis Isaac réside d’abord 22 rue d’Algérie, puis, en 1872, 15 rue de Constantine. À sa mort, il loge 74 rue de la République. Il a ses bureaux rue Puits-Gaillot et acquiert à Oullins (Rhône) le domaine de Boispréau, vaste demeure dans un parc de 13 hectares, avec ferme et étang (qui est toujours propriété de la famille Isaac). Outre ses activités industrielles et commerciales, il participe à la création de l’École centrale lyonnaise et de l’École supérieure de commerce dont il est le président, et où les héritiers des dynasties lyonnaises vont désormais se former. C’est dans ce milieu que grandit Auguste Isaac.

  Contrairement à certains de ses contemporains de la même classe sociale qui fréquentent alors l’établissement des jésuites de Mongré à Villefranche-sur-Saône, il est scolarisé au lycée impérial de Lyon (act. lycée Ampère) ce qui le rendra plus tard suspect aux yeux des catholiques intégristes. Bachelier en 1867, il parfait sa formation par un séjour en Angleterre. En 1869, il entre comme salarié dans l’entreprise familiale, sert en 1870-1871 dans la garde nationale mobile, participe à la défense de Belfort et à la répression de la Commune à Lyon. Démobilisé, il devient doublement associé par son mariage à Paris, le 25 octobre 1873 (mariage religieux à N.-D. d’Auteuil le 27), avec Élisabeth, Camille, Marie, Amélie Dognin (Lyon, 18 février 1853-29 avril 1939), fille de Camille. Il en aura onze enfants.

  Son beau-frère Émile (1839-1929), fils aîné de Camille Dognin, est également entré dans l’affaire et joue, par ses dessins, un rôle important dans le développement de la maison qui travaille pour la haute couture et multiplie ses établissements de tulle et dentelles à Calais, Lunéville, Nottingham, Londres, et jusque dans le Rhode Island aux États-Unis. Émile Dognin avait épousé en 1863 Joséphine Bianchi (1839-1917, fille de l’industriel lyonnais Claudius Bianchi, également trisaïeul de Marguerite Yon-Calvet*) et ils avaient eu six enfants : deux filles étaient mortes jeunes, trois étaient religieuses du Cénacle et leur unique fils Joseph était jésuite. En 1889, Émile se retire de l’affaire, entre dans un tiers-ordre franciscain à la mort de sa femme et consacre sa fortune à des œuvres sociales. Son frère Paul Dognin (1847-1931) continue à participer à la firme, avant de se retirer en 1911 pour devenir gentilhomme campagnard en Anjou ; par ailleurs entomologiste de renom, il a laissé au Museum national d’histoire naturelle de Paris et au Museum de Washington d’importantes collections de papillons.

  La même année, Auguste Isaac se retire également de l’entreprise dont il est l’actionnaire majoritaire pour se consacrer à une carrière d’administrateur de sociétés et d’homme politique. Il tient régulièrement un journal (de 1906 à sa mort), en partie édité aujourd’hui. Il est remplacé par ses trois fils aînés Louis, Humbert et Joseph et par son gendre Paul Perrin. Louis (1875-1960) est marié à Élisabeth Hoppenot (1883-1959) d’une famille de filateurs de Troyes, dont le frère, Joseph Hoppenot (1890-1954), épouse Marie-Amélie Isaac (1893-1980) dernière fille d’Auguste. Humbert (1878-1975) est marié à Marie Louise Antoinette Tresca (1883-1943), fille de Pierre Tresca (1844-1920) de la maison de soieries Tresca frères et Sicard, président de l’association de la fabrique lyonnaise en 1891, lui-même marié à Marie-Camille Riboud. Son frère, Antoine Riboud, préside le conseil d’administration de la Société lyonnaise de dépôts où siège Auguste. Joseph Isaac-Dognin (1882-1961) est marié à Lucie Motte (1891-1920), fille d’Eugène Motte (1860-1930), industriel du textile, député du Nord et maire de Roubaix. Paul Perrin (1874-1930), époux de Pauline Isaac (1876-1965), est le petit-fils du docteur Théodore Perrin* et de Paul Brac de la Perrière, compagnon d’Ozanam, président de la conférence Saint-Vincent-de-Paul, petit-neveu de l’architecte Tony Desjardins* et le neveu de Louis Sainte-Marie- Perrin*, architecte de N.-D. de Fourvière. Trois fils de Paul Dognin sont également associés à la maison, devenue Dognin et Cie.

  Des autres enfants du couple Isaac-Dognin, un fils, Émile, est mort en bas âge. Jean (1884-1977), ingénieur, ancien élève de l’École centrale de Paris, époux d’une fille de soyeux, Simone Devèze, dirige une entreprise de tôlerie, Les Ateliers rhodaniens, à Villeurbanne. Son jumeau, Paul (1884-1927), également ingénieur, ancien élève de l’École centrale de Lyon, est un temps associé à une entreprise de mécanique. Mort accidentellement, il n’aura pas de descendance. Daniel (1886-1975), époux de Germaine Tresca (1888-1944) – la sœur de Marie Louise, épouse de son frère Humbert –, ancien élève de l’École supérieure de commerce de Lyon, dirige la fabrique de soieries Devay et Paule. Philippe (1887-1915) polytechnicien (X-1907), lieutenant d’artillerie, époux d’Anne Balaÿ (1891-1972) petite-fille de Joseph Gillet*, qui se destinait à une carrière de chimiste dans la maison Gillet, est mort de ses blessures à Saint-Hilaire-au-Temple (Marne) pendant la bataille de Champagne, le 26 septembre 1915. Une autre fille, Marguerite (1889-1960) a épousé Henri Grandgeorges (1884-1969) industriel textile.

  Les Isaac sont traditionnellement des catholiques fervents. Quand la sœur d’Auguste, Louise (1848-1932), épouse le docteur Humbert Mollière*, le père du marié, le philosophe Antoine Mollière*, s’inquiète des « consonances suspectes du nom ». En réponse, la famille pourrait alléguer une longue lignée de serviteurs de l’église : un oncle Laurent, desservant de paroisse à Calais au xviie siècle, le grand-père d’Auguste, Louis, marguillier de la sienne à Lille. Le journal d’Auguste témoigne d’une foi profonde, soutenue par son ami et confesseur, l’abbé Camille Rambaud (1822-1902), figure du catholicisme social à Lyon. Auguste va à vêpres chaque dimanche, fait ses « stations du Jeudi saint dans les églises de la Croix-Rousse », pélerine une fois par an à Fourvière, réunit tous les matins sa nombreuse famille pour une prière commune, lit l’Imitation de Jésus Christ et commente saint François d’Assise. Sa morale sexuelle est rigoureuse. Il combat la « pornographie », est partisan de la censure au théâtre et voit dans le christianisme un « affranchissement des plaisirs charnels ». Il supplie ses enfants de respecter la continence jusqu’au mariage (qu’il souhaite précoce) et leur enjoint de refuser d’entrer dans une famille où il y a des divorcés. Mais, en même temps, sur le modèle de son maître et ami le banquier et homme politique Édouard Aynard*, il est d’une grande liberté d’esprit et se défie de la réaction cléricale de la fin du xixe siècle. Réticent devant les miracles de Lourdes, il tolère mal les démonstrations publiques politisées du culte du Sacré-Cœur. Pour lui, la religion est une affaire privée, une foi raisonnée en un « Dieu-providence qui favorise l’honnêteté et les initiatives modérées », et dont l’ordre de l’univers suffit à prouver l’existence. Il condamne l’ultra-montanisme, s’élève contre les prétentions du pape Pie X et de certains membres du clergé français à intervenir sur le plan politique et défend ces idées dans l’éphémère hebdomadaire Demain qu’il fonde, en 1905, avec Aynard. S’il déplore l’exil des congrégations et s’oppose à la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, qu’il juge excessive, il est favorable, en 1906, à l’instauration des associations cultuelles, estimant les laïcs plus aptes que les prêtres à gérer financièrement les paroisses. Il applaudit aux accords du Latran (1929) par lesquels le pape Pie XI renonce à ses droits sur les anciens états pontificaux et, limitant son domaine temporel aux quelques hectares du Vatican, affirme la primauté d’un magistère spirituel, face auquel Auguste Isaac, tout en se soumettant, en bon catholique, au dogme de l’infaillibilité, réclame sa liberté de douter. Critique de l’école communale laïque, « école sans Dieu », et ferme partisan des écoles primaires catholiques, il ne souhaite pas que les prêtres enseignent les matières profanes. Pour l’enseignement secondaire de ses enfants, il préfère aux jésuites le lycée public assorti d’une éducation religieuse à l’école Ozanam. Ses positions avancées de « catholique libéral », respectueux des différences de croyance ou d’opinion, ont toutefois des limites. Il n’est pas favorable à toutes les recommandations de l’encyclique Rerum novarum du pape Léon XIII en 1891 et à sa critique du régime de concurrence effrénée et sans règles, ainsi que de la concentration du capital instaurés par le libéralisme économique, dont il est, au contraire, un ardent défenseur. Dans l’entreprise familiale, se démarquant de l’idéal démocratique d’Ozanam et défendant l’autorité patronale, tout en acceptant d’être jugé « réactionnaire », il s’oppose à son beau-frère Émile Dognin qui « veut syndicaliser le prosélytisme religieux ». Il combat également le corporatisme du comte Albert de Mun, royaliste rallié à la république, qui milite pour une réglementation du marché du travail et pour l’attribution de nouveaux pouvoirs aux ouvriers. A. de Mun espère rétablir l’influence politique de l’Église et christianiser les prolétaires en se souciant autant de leur bien-être matériel que de leur salut. Vain projet aux yeux d’Auguste Isaac qui refuse aux ouvriers la participation à la gestion d’une entreprise qui ne leur appartient pas et dont ils n’ont pas la capacité de comprendre tous les ressorts. Il n’apprécie pas davantage les émergences de la gauche chrétienne (Jeune République de Marc Sangnier et Parti démocrate populaire) dans lesquelles il subodore un socialisme masqué. Déniant le droit de l’État à intervenir dans le fonctionnement de l’entreprise, il limite son rôle dans les contrats de travail aux questions de police, de sécurité et d’hygiène. C’est avant tout un partisan de la négociation directe entre les représentants des ouvriers et les patrons avec une défiance marquée vis-à-vis des fonctionnaires et des réglementations. Il aura l’occasion de mettre ses idées en pratique au sein du Conseil supérieur du travail créé en 1900 par Waldeck Rousseau (1846-1904) avec des syndicalistes, des patrons et des politiques de tous bords. Il reste cependant sensible à la misère ouvrière, aux conditions pénibles du travail industriel, à l’insécurité de l’emploi et à la dureté de la vie dans des taudis insalubres et surpeuplés. Il est favorable à la réduction du temps de travail (à 10 heures par jour, mais pas à 8 !), à la triple condition qu’elle ne soit pas imposée par la loi, qu’elle n’élimine pas la valorisation de l’effort et n’aboutisse pas à favoriser la paresse et à multiplier les séjours de l’ouvrier au cabaret ! Son libéralisme se teinte de paternalisme. S’il apporte son aide aux sociétés de secours mutuel, il voudrait une législation plus stricte sur le droit de grève. Il affirme cependant que la science économique n’est pas la doctrine du laissez-faire : « elle a pour limites la loi morale et les devoirs réciproques des hommes les uns envers les autres ». L’envie, du côté du pauvre, l’orgueil, du côté des riches, sont les deux maux de notre société. Tout en gérant une fortune évaluée en 1930 à 11 millions de francs-or et très soucieux de l’établissement et de l’avenir économique de ses enfants et petits-enfants (auxquels il impose néanmoins une proximité avec « le monde du travail et la vie modeste ») il considère la richesse comme un « don dangereux », une « malédiction » et mène un train de vie discret. Au lieu de bâtir, comme plusieurs de ses contemporains, un hôtel particulier luxueux boulevard du Nord (act. boulevard des Belges), en bordure du parc de la Tête-d’or, et de susciter par-là l’envie des classes laborieuses, il se contente de vivre dans son appartement du 12 quai des Brotteaux (act. quai Général-Sarrail) et dans sa maison de campagne de Celette à Irigny (Rhône). Il consacre une part de ses ressources à des œuvres chrétiennes dont il souhaite qu’elles restent encadrées par des laïcs. Avec ses amis Félix Mangini (1836-1902), Édouard Aynard*, Joseph Gillet*, il participe au développement de l’habitat et des jardins ouvriers, devient président de la Fondation franco-américaine qui assure la protection maternelle et infantile et est nommé président d’honneur de la Société d’enseignement professionnel du Rhône (S.E.P.R.) qui vise la promotion de la classe ouvrière par la formation. Il est aussi membre des Amis de l’université de Lyon. Après la guerre de 1914-1918, tout en restant réservé sur l’encadrement par l’État de la liberté d’entreprendre, il devient plus favorable au syndicalisme chrétien dans lequel il voit une défense contre le communisme et la franc-maçonnerie.

  Après avoir brièvement défendu dans sa jeunesse des thèses monarchistes, il est devenu, selon le mot d’un de ses commentateurs, « républicain modéré, mais pas modérément républicain ». Il n’est pas tendre pour la démocratie parlementaire, mais reconnaît à la Révolution, qu’il estime irréversible, le mérite d’avoir aboli les monopoles des corporations. Il conserve un certain mépris pour le personnel politique républicain, qu’il voit composé majoritairement d’avocats francs-maçons, auxquels il reproche leur irréligion et leur anticléricalisme, leur arrivisme, leur démagogie électoraliste, leur inexpérience dans la gestion des affaires et leur ignorance des lois économiques. Admirateur des démocraties anglaise et américaine, il soutient que le suffrage universel « sans contrepoids » (sous-entendu religieux et moral) « qui donne le pouvoir à la masse ignorante et envieuse » est « une stupidité » ; il reste longtemps réticent devant le vote des femmes, mais se laisse gagner, dans l’après-guerre (sans trop croire à sa possibilité), par le projet de vote familial qui avantagerait les familles nombreuses. Au début des années 1910, il redoute dans la guerre qui approche des sacrifices inutiles, la ruine d’une civilisation et doute de l’utilité du service militaire de trois ans qui prive l’industrie de bras. Loin de l’esprit revanchard, il s’interroge sur l’opportunité du retour de l’Alsace-Lorraine auquel il préférerait la création d’une Lotharingie état-tampon. Pourtant, les manifestations antimilitaristes qu’il attribue au manque de patriotisme distillé selon lui par l’école laïque, le révoltent. Une fois la guerre déclarée (une guerre qui lui prendra un fils), il partage, malgré sa foi chrétienne, la haine de l’Allemand, figure de brutalité et de non-droit ; il devient jusqu’auboutiste, ennemi des pacifistes, et reproche au pape Benoit XV sa neutralité dans le conflit. Il se réjouit ensuite de la condamnation de l’Action française par Pie XI. Il ne pense, en revanche, que du mal de « l’ignoble révolution russe » et imagine que Robespierre aurait réservé à Lénine et à Staline le sort des hébertistes ! À la fin de sa vie, il regrette la multiplication des frontières et les nationalismes issus du traité de Versailles, reste sceptique devant la SDN et s’inquiète de la montée des totalitarismes tant soviétique que fasciste ou nazi. Membre de la Fédération républicaine fondée et présidée, en 1903, par son ami et allié Eugène Motte pour regrouper la droite républicaine, et qu’il présidera de 1921 à 1925, il est élu député du Rhône à 70 ans, avec le soutien du Cardinal Maurin (1859-1936) archevêque de Lyon, pour la législature 1919-1924 dite de la Chambre bleu horizon. Adversaire des mesures douanières protectionnistes ainsi que de l’impôt sur le revenu, il y défend surtout la politique de la famille et le natalisme et préside le Conseil supérieur de la natalité en même temps que la Fédération des associations de familles nombreuses. Nommé ministre du commerce et de l’industrie le 20 janvier 1920, dans le cabinet d’Alexandre Millerand, il doit faire face à la grève générale déclenchée par la CGT qu’il abhorre. Il adopte alors des positions répressives, mobilise à Lyon les élèves des grandes écoles pour remplacer les cheminots grévistes, approuve la décision de Millerand de demander la dissolution de la CGT (sentence prononcée par les tribunaux, mais jamais exécutée) et demande le licenciement des grévistes. Après l’élection de Millerand à la présidence de la République, il poursuit ses fonctions dans le cabinet de Georges Leygues jusqu’au 16 janvier 1921. Il est battu par Édouard Herriot* aux élections de 1924, qui voient la victoire du Cartel des gauches et provoquent la démission de Millerand.

  Outre la présidence de la chambre syndicale de la Fabrique lyonnaise de 1887 à 1890, de la Société d’économie politique et d’économie sociale de Lyon de 1889 à 1892, de la Chambre de commerce de Lyon de 1899 à 1911, de l’office de transport des Chambres de commerce du Sud-Est, il participe à plusieurs conseils d’administration (la Société lyonnaise de dépôt, la Société du canal de Suez, la Société des chemins de fer PLM, les Mines de Roche-la-Molière et Firminy, la Caisse d’épargne). Il y retrouve ses amis lyonnais : Édouard Aynard et son fils Francisque, Félix Mangini, Joseph Gillet (grand-père de sa belle-fille Anne) et son fils Edmond Gillet (1873-1921). Il y retrouve aussi le Marseillais Jules Charles-Roux (1841-1918), dont Auguste partage les idées économiques libre-échangistes, ou le Lillois Eugène Motte, beau-père de son fils Joseph et dont une nièce, Léonie Motte (1883-1965), épouse d’Edmond Gillet, semble avoir favorisé un mariage qui scelle une alliance des trois familles. En 1894, il a joué un rôle important dans l’organisation de l’Exposition universelle, internationale, coloniale et ouvrière de Lyon.

  Chevalier de la Légion d’honneur le 7 mai 1895, il est promu officier le 4 août 1910 (insignes remis par son ami Édouard Aynard, alors député du Rhône ; dossier LH/1335/67).

  Auguste Isaac est mort à Lyon le 23 mars 1938, à 89 ans, conscient de ce qu’il appelait, après Daniel Halévy, « la chute des notables » et de la disparition d’un monde où l’on pouvait vivre sans travailler. Ses funérailles ont été célébrées à l’église Saint-Pothin. Il est inhumé à Écully (Rhône). Une rue du 9e arrondissement à Lyon, depuis 1942, et une rue à Vénissieux (Rhône) portent son nom. La réalisation d’une stèle a été confiée en 1940 à l’architecte Pierre Verrier et au sculpteur Auguste Linossier pour faire pendant à celle d’Édouard Aynard* devant le Palais du Commerce.


Académie

Il est élu le 6 décembre 1904, au fauteuil 6, section 3 Lettres, sur rapport d’Isidore Gilardin* du 29 novembre, succédant à Émile Charvériat*. Il préside l’Académie en 1913 et devient membre émérite en 1930. Dans son journal, trouvant la durée d’une présidence trop courte pour impulser un changement, il reproche à l’Académie d’être « vieillotte, sans entrain et sans unité de vue, tout en ayant eu un soin jaloux de ne se recruter, depuis longtemps, que parmi les éléments conservateurs et cléricaux ». Il regrette le « temps où les Jean-Jacques Rousseau et les Bonaparte y apportaient des mémoires sur des problèmes de haute philosophie sociale ». Communications : Les jeux floraux de la comtesse Mathilde (MEM 14, 1914). – Avec Ennemond Morel*, Les droits de la France dans le Levant à l’issue de la guerre (MEM 15, 1915), où il propose la constitution des Lieux Saints en État neutre. – Réflexions sur le dernier quart d’heure et les années qui le suivront (MEM 16, 1919), où il plaide pour un redressement économique par un travail persévérant, une sage politique fiscale et une mise à l’écart des « dangereuses utopies socialistes ». – Réflexions sur le néo-malthusianisme (MEM 19, 1927), où il s’alarme devant le passage de la France du 3e au 5e rang de nations européennes quant à sa population, s’élève contre les pratiques abortives et la contraception, prône une politique du logement et d’allégement d’impôts pour favoriser la natalité (dans son Journal, il ironise sur l’hypocrisie de ses auditeurs qui l’applaudissent tout en n’ayant, pour la plupart, que deux ou trois enfants). Il prononce des éloges funèbres : le bâtonnier Dubreuil*, Édouard Aynard*, Mgr Neyrat* (Rapports 1912-1914), et fait le compte rendu des travaux de l’Académie pendant sa présidence de 1913 (MEM 14, 1914). En mémoire de leur fils mort pour la France en 1915, les époux Isaac créent un prix Philippe Isaac dit « du septième fils », qui doit être décerné à une famille de travailleurs français ayant sept fils vivants au moment du concours, « élevés dans l’amour de la France et du christianisme ». Ce prix a aujourd’hui disparu. Son éloge funèbre est prononcé le 29 mars 1938 par Maurice Lannois* alors président (MEM 23, 1939).

Cette notice a été révisée.