Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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GUIMET Émile (1836-1918)

par Louis David.

 Émile Étienne naît à Lyon le 2 juin 1836, fils de Jean-Baptiste Guimet* et de Rosalie Marguerite dite Zélie Bidauld. Les témoins à la déclaration sont Étienne Chantre et Jean Louis Lambert. Tout jeune il pratique la peinture et la sculpture, et s’initie à la musique ; plus tard, il fera des études d’ingénieur chimiste.

 Émile se marie le 3 septembre 1868 à Paris à Saint-Philippe-du-Roule avec Lucie Sanlaville (1850-1868), fille de propriétaire en Beaujolais ; elle meurt la même année. Il se remarie avec la sœur de Lucie, Marthe Sanlaville (1857-1915), le 4 juin 1877 : ils ont une fille, Lucie Marie Françoise morte en son année de naissance (1878), puis un fils Jean (1880-1920) qui sera marié à Pauline de Niéport (1876-1959), et aura lui-même un fils, Jacques (1908-1989).

 Émile est mort le 12 octobre 1918 à Fleurieu-sur-Saône ; le 17 octobre, après une cérémonie à l’église Notre-Dame Saint-Vincent à Lyon, il est inhumé à Lyon dans le caveau familial au cimetière de Loyasse. C’est le président François Xavier Lesbre* qui prononce l’allocution aux obsèques (Ac Rapports 1915-1918, p. 397-403).

 L’éducation d’Émile est peu connue mais n’est pas négligée puisqu’il obtient son diplôme d’ingénieur chimiste dans la continuité de son père, tandis que sa mère forme et encourage son goût pour la musique. Non seulement il succède à son père à la direction de l’usine de Fleurieu (1860), mais avec lui il participe à la création de la Compagnie des produits chimiques d’Alais et de la Camargue, dont l’activité majeure sera la fabrication de l’aluminium, dont il deviendra le président en 1887 et qui sera à l’origine de la société Péchiney. Patron paternaliste de la fin du xixe siècle, il crée non seulement des logements pour les ouvriers de Fleurieu, mais une fanfare et un orphéon pour leur donner le goût de la musique et de la fête. Ces activités industrielles ne suffisant pas à absorber toute son énergie, il les accompagne d’un réel travail de musicien quasi professionnel, écrivant deux oratorios, un ballet et surtout un opéra sur un thème chinois et sur un livret d’Ernest d’Hervilly, Taï-Tsoung, qui sera créé à Marseille en 1894. Il construit d’ailleurs à Lyon, en même temps que son futur musée, un théâtre en centre-ville qui deviendra ensuite le siège du journal Le Progrès (act. magasin FNAC, 85 rue de la République).

 Le musée Guimet à Lyon. En 1860, Émile a succédé à son père à la direction de l’usine de Fleurieu : il bénéficie d’une relative fortune ainsi que de loisirs, aussi commence-t-il par voyager en Europe. En 1865, c’est son premier voyage en Égypte et une révélation. Il est pris par la passion des voyages et surtout par celle du collectionneur : il est fasciné par l’Orient. En 1876-1877, muni d’un ordre de mission du ministère de l’Instruction publique, c’est un véritable périple autour du monde, qui commence par l’exposition universelle de Philadelphie pour continuer par le Japon, puis la Chine et l’Inde : accompagné du peintre Félix Régamey, il accumule livres, documents et objets. Dans son rapport de mission auprès du ministère de l’Instruction Publique, il écrit : « J’espère pouvoir établir à Lyon : 1) un musée religieux qui contiendra tous les dieux de l’Inde, de la Chine, du Japon et de l’Égypte […] ; 2) une bibliothèque […] traitant des questions religieuses […] ; 3) une école dans laquelle les jeunes Orientaux pourront venir apprendre le français, et les jeunes Français pourront étudier les langues mortes ou vivantes de l’Extrême-Orient. » En février 1878, il achète un terrain boulevard du Nord (act. boulevard des Belges) et prend Jules Chatron comme architecte. En septembre 1879, le premier bâtiment est inauguré par Jules Ferry : il abrite le musée et la bibliothèque. Mais le grand projet s’arrête là : « J’avais fait […] une sorte d’usine scientifique, et je me trouvais loin de la matière première et loin de la consommation. Dans ce cas-là on déplace l’usine : je transportai le musée à Paris. ». En 1883, Guimet propose le transfert et, le 7 août 1885, une loi ratifie l’accord entre Guimet, la ville de Paris et l’État. Il transfère en 1888 ses collections dans le musée qu’il fait construire à Paris (6 place d’Iéna 16e) et qui est inauguré en 1889 : c’est le Musée national des Arts asiatiques-Guimet. Guimet réussit à vendre la propriété lyonnaise en 1897 ; après diverses péripéties (Herriot* regrettant d’avoir laissé partir les collections à Paris), la ville rachète les créances du dernier propriétaire en 1909, et en 1911 décide d’y transférer le muséum d’histoire naturelle. En 1913, est signée une convention avec Guimet pour l’occupation de trois salles de l’ancien bâtiment pour installer des collections venues de Paris (environ 3 000 objets d’art asiatique), du musée des Beaux-arts, et du muséum. La municipalité de Lyon confie à Guimet la direction du musée qui rouvre en 1913 (il sera notamment dirigé par Louis David* de 1964 à 1999). Après la mort de Guimet en 1918, c’est le muséum qui assurera la gestion de ces salles. Elles seront définitivement fermées en 1968, les collections étant réparties entre le musée gallo-romain, celui des Beaux-Arts, et le Muséum (dont les collections seront plus tard transférées au musée des Confluences, ouvert en 2014). L’aventure du musée Guimet à Lyon est terminée.


Académie

Après le décès du musicien Jules Ward* en 1866, sa succession n’est ouverte qu’en 1867. Après un premier rapport non signé (13 pages manuscrites) lu le 26 février, un second rapport est présenté à la séance du 28 mai par Jean Marie Reignier* (6 pages). Il est élu le 4 juin 1867 au fauteuil 4, section 4 Lettres-Art, et prononce son discours de réception le 21 décembre 1869 : La musique populaire, MEM L, 14 1869, p. 339, et Lyon : Assoc. Typogr., 1870, 32 p. Il aurait dû être président en 1919. Communications : Un problème d’harmonie : l’accord de quinte augmentée, MEM 16, 1919 – Travaux de M. Chabas sur les temps de l’Exode (CR), MEM L, 17, 1876, p. 39. – Hospice des enfants trouvés à Canton, MEM L, 18, 1878, p. 225. – Note sur la réunion des ouvriers de l’ameublement à Paris, MEM L, 22, 1884, p. 159. – Note sur les outremers, MEM S, 23, 1878, p. 29. – Divers rapports sur les prix, en particulier celui sur Les chants populaires du Lyonnais pour le prix Christin-Ruolz, 1882.

E. Guimet est chevalier de la Légion d’honneur le 10 avril 1877, promu officier le 20 juillet 1895 (LH/1244/25). Il est élu correspondant de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en 1918, peu avant sa mort.

Bibliographie

K. Omoto et F. Macouin, Quand le Japon s’ouvrit au monde (Émile Guimet et les arts d’Asie), Paris : Gallimard, Musées nationaux, 1990, 176 p., ill. [c’est l’ouvrage le plus complet et le plus illustré, surtout par les œuvres de Régamey, du voyage au Japon, de la création du musée parisien, etc.]. – O. Keiko, « Émile Guimet et le Japon », L’Œil 448, 1993, p. 20-25. – F. Chappuis et F. Macouin dir., D’outremer et d’Orient mystique […] les itinéraires d’Émile Guimet, Paris : Éditions Findakly, 2001, 157 p., 113 fig. [9 auteurs, 12 articles, panorama très complet]. – Jean-François Jarrige, « Émile Guimet (1836-1971), un novateur et un visionnaire », CRAI, 2009, p. 1361-1368. – F. Macouin, « Guimet Émile », notice in Dictionnaire critique des historiens de l’art, 2009, public. numérique de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), 7 p. (portrait, bibl.). – H. Beaumont, Les aventures d’Émile Guimet (1836-1918), un industriel voyageur, Paris : Arthaud, 2014, 376 p., ill. – T. de Morembert, DBF.

Iconographie

Une plaquette rectangulaire au sommet cintré est gravée par Léo Laporte-Blairsy (110 x 71 mm) pour la Compagnie des Produits chimiques d’Alais et de la Camargue ; au droit, deux bustes superposés de Jean-Baptiste et Émile, avec la durée de leurs présidences à la tête de la société ; au revers, trois sites industriels : la conduite forcée par-dessus l’Arc [conçue par P. Héroult pour alimenter l’usine de La Praz à Saint-Jean-de-Maurienne], la conduite forcée de l’usine Calypso à Saint-Michel, l’usine de Salindres avec ses fumées. Un exemplaire en aluminium est conservé dans le médaillier de l’Académie.

Œuvres musicales, Publications

« Les notes qu’il écrivait à partir de matériaux préparés par des assistants ne constituent pas une œuvre scientifique marquante » (Francis Macouin, 2009). Citons cependant : Chansons d’amour, Paris : Durand, Schoenewerk, [1878], poèmes de V. Hugo et A. de Musset, ill. par Régamey, 129 p. – Avec Ernest d’Hervilly librettiste, Taï-Tsoung, opéra en 5 actes et 7 tableaux, Paris : Choudens fils, 1895. – Le feu du ciel, orientale symbolique, oratorio joué à Paris et à Londres, paroles de Victor Hugo, musique d’Émile Guimet, partition réduite par A. Simiot, Paris : Léon Grus, 130 p. – Ballet, L’Œuf blanc et l’Œuf rouge.

Croquis égyptiens. Journal d’un touriste, Paris : Hetzel, 1867, 294 p., ill. – L’Orient d’Europe au fusain, notes de voyage, Paris : Hetzel, 1868, 230 p., ill. – Esquisses scandinaves (relations congrès antropol., archeol. préhist.), Paris : Hetzel, 1875, 257 p., ill. – Aquarelles africaines, études et correspondances, Paris : Hetzel, 1877, 213 p., ill. – Promenades japonaises, Tokio-Nikko, Paris : G. Charpentier, 1878 1re éd. ; 1880 2e éd., 288 p., ill. par F. Régamey. – « L’Isis romaine », CRAI, 1896, p. 155-160, 18 pl. – « Les fouilles d’Antinoë », Rev. Génér. intern. Sci. Litt. Art 14, 1897, p. 225-234, ill. – « Les Isiaiques de la Gaule », Rev. Archéol. 36, 1900, p. 75-86 ; 1912, p. 197-210 ; 1916, p. 184-210, ill. ; et Paris : Leroux, 1900, 12 p. – « Les Chrétiens de l’empire romain », La Nouvelle Revue, 1909, p. 49-66 et 203-217. – Le jubilé du musée Guimet : vingt-cinquième anniversaire de sa fondation 1879-1904, Paris : Leroux 1904, et Lyon : A. Rey, 1909 2e éd., 54 p., ill. – Lucien de Samosate, philosophe, Paris : Leroux, 1910, 66 p. – Guide illustré du musée Guimet de Lyon, Chalon-sur-Saône : E. Bertrand, 1913, 191 p., ill. (attribué à E.G.). – Avec Gustave Lebon, Mirages indiens, de Ceylan au Népal, 1876-1886, Paris : Phébus, 1992, 270 p., ill. Guimet a publié dans les Annales du musée Guimet et dans diverses revues locales.