Au xvie siècle, les Bégule étaient implantés à Saint-Symphorien-le-Château, où ils étaient marchands et notaires. Marie Lucien Bégule voit le jour le 10 mai 1848 au château de la Tour à Saint-Genis-Laval. Présents : Paul Reverchon, « propriétaire rentier », et Hippolyte Joachim Jouffret de Bonnefond, également rentier, ancien militaire, chevalier de la Légion d’honneur, de Saint-Louis et de la Couronne de fer. Le père de Lucien, Georges Joseph Bégule, a acheté une partie du château de la Tour vers 1844 à un certain Couvert, maître-maçon, et il la revendra en 1862. Georges, né le 18 ventôse an XIII [8 mars 1805], 65 rue Basseville (act. rue de l’Arbre-Sec), est le fils de Jean Marie Bégule (il se fait prénommer Joseph), négociant et tisseur en fil d’or, qui décède à Lyon, 7 rue du Plat, le 30 septembre 1850 « à l’âge de quatre-vingt-dix ans et dix mois » (il a en fait été baptisé à Saint-Nizier le 27 mars 1762). Compromis en 1793 avec les muscadins, il échappe de peu à la guillotine grâce à l’intercession de Georges Caminet, procureur, frère de Simon l’époux de Catherine Bégule, sa sœur. En 1828, Jean Marie Joseph Bégule envoie son fils Georges à Cuba dans le but de lui faire recouvrer une très grosse créance auprès de son cousin Étienne Jean Marie Peillon, ancien négociant, qui exploite une hacienda à Santiago. C’est pour Georges l’occasion de découvrir l’île, puis l’Amérique d’où il rapporte de nombreux croquis ethnologiques et des dessins de botanique. Il revient un an plus tard, sans l’argent attendu, en compagnie de la fille du cousin, Agathe Stéphanie Peillon (Lyon, 24 décembre 1807-20 juillet 1898) qu’il épouse à Lyon le 16 juin 1829. Georges devient alors commissaire-priseur. En 1863, ayant vendu sa part du château de la Tour, il achète un terrain 3 rue des Tourelles (86 montée de Choulans) où il fait construire une maison bourgeoise par son ami, l’ingénieur civil Jean-Baptiste Fusy.
Enfant tardif, né en 1848 19 ans après le mariage de ses parents, Lucien est un fils unique, après la naissance de Joseph Antoine Victor (1830) et d’Antoinette Victoire (1837), morts en bas âge, probablement en nourrice ; il n’a pas connu non plus Jeanne Marie (1836-1847). On peut donc penser qu’il a dû être particulièrement choyé. Intéressé très jeune par l’histoire du Moyen Âge, il fait d’abord sa scolarité au pensionnat Notre-Dame-des-Anges que Joseph Bland vient d’ouvrir à La Mulatière en 1857 ; à 15 ans il poursuit ses études au collège de Mongré à Villefranche où, sous l’impulsion de son professeur de chimie, il découvre la photographie qui devient l’une de ses passions. Il semblerait avoir eu des contacts avec Antoine Lumière, qui au début des années 1870 tenait rue de la Barre un atelier de photographie. Cependant son goût pour le Moyen Âge l’incite à s’orienter vers l’art. Admirateur de Bossan, il lui rend visite à Valence pendant quelques semaines en 1868 : « Désireux de profiter plus amplement des conseils et de la direction d’un maître qui excellait comme éducateur et que je savais apprécier, je lui demandai la faveur d’aller passer quelque temps auprès de lui à Valence où il se consacrait exclusivement aux études de Fourvière et de la Louvesc ». En 1870, Lucien suit des cours de dessin dans l’atelier de Jean-Baptiste Chatigny, dont le beau-frère Pierre Miciol, second grand prix de Rome de gravure en 1858, a ouvert, 9 rue Jarente, un atelier de peinture sur verre. Séduit par cette technique, Lucien Bégule est son associé de 1872 à 1876. Entre temps, se qualifiant alors de « dessinateur », il se marie le 22 juin 1874 avec Marie Joséphine Bonnet (Lyon, 5 juin 1853- Saint-Cyr-au-Mont-d’Or 14 septembre 1890), fille de Jean François Bonnet, maître-teinturier 29 quai des Brotteaux, et de Marguerite Louise Jaÿ. De 1877 à 1879, Lucien travaille rue des Prêtres (act. rue Monseigneur-Lavarenne) avec Jacobé Razuret, peintre décorateur, collaborateur de Bossan, auquel il rendra hommage dans ses Souvenirs : « Si, par la suite, j’ai pu aisément composer les dispositions d’ensemble et les détails d’ornementation de toutes mes verrières, je le dois, en grande partie, à ma collaboration aux travaux de Razuret ». Pendant un an il travaille dans l’atelier du peintre Joseph Guichard, montée du Chemin-Neuf ; puis au décès de celui-ci, il décide de voler de ses propres ailes, et, avec l’accord de ses parents, fait construire en 1880 par l’architecte Auguste Monvenoux de vastes ateliers derrière la maison des Tourelles : « Je résolus de créer à Lyon un atelier de peinture sur verre, aussi parfaitement organisé que possible, exclusivement destiné à des travaux d’art, religieux principalement ». Cette importante entreprise, Les Ateliers de Choulans, qui occupait une bonne dizaine de personnes, a connu un très grand succès, et a produit beaucoup de vitraux tant religieux que civils, dont il a assuré tous les dessins : « pas un seul vitrail [c’est lui qui souligne], de 1880 à 1912, grisaille, mosaïque, grande verrière à personnages, travaux d’appartement, n’a été mis en œuvre sans que j’en aie dessiné la maquette », ce qui ne l’empêche pas de faire appel à des artistes reconnus (notamment Eugène Grasset, Gaspard Poncet, Charles Joseph Lameire ou Tony Tollet*). Il obtient une médaille d’argent à l’exposition universelle de Paris en 1889 pour le vitrail de Saint Georges combattant le dragon, qui ornait la salle à manger des Tourelles (donné au musée des Beaux-Arts de Lyon), et une médaille d’or à l’exposition universelle de 1900 pour le beau vitrail de Louise Labbé (Musée Gadagne). L’entreprise a fermé en 1912, mais déjà, à partir de 1905 (séparation de l’Église et de l’État), les commandes se sont beaucoup raréfiées. C’est l’occasion pour Lucien Bégule d’entamer une seconde vie. Car sa passion pour l’histoire, l’archéologie et la photo ne l’a pas quitté : en 1877, il est admis à la Société historique et littéraire de Lyon, puis il devient membre de la Société française d’archéologie fondée en 1834 par Arcisse de Caumont. En 1879, sort son premier ouvrage, Les Peintures murales de Saint-Bonnet-le-Château, suivi en 1880 par Monographie de la cathédrale de Lyon (précédée d’une notice historique de Marie Claude Guigue*) qui le fait apprécier du milieu catholique lyonnais. Il ne cesse dès lors de publier des monographies de caractère artistique et religieux illustrées par ses propres photographies. En 1924, il est nommé conservateur des antiquités et objets d’art du département du Rhône, et inspecteur divisionnaire de la Société française d’archéologie, dont il devient inspecteur général en 1927. Il est décoré de la Légion d’honneur le 6 septembre 1928 par Tony Tollet. « Maître verrier, M. Bégule a révolutionné l’art du vitrail en retrouvant les secrets des anciens maîtres verriers du Moyen Âge et de la Renaissance et en améliorant leurs techniques, grâce aux découvertes de la science moderne ; il a créé une école lyonnaise de peintres-verriers qui occupe actuellement le premier rang. [...] M. Bégule a fait preuve d’un dévouement peu commun pour la conservation des œuvres artistiques intéressantes du département du Rhône, et il est très digne de la distinction pour laquelle il est présenté » (base Léonore, 19800035/194/25373).
De son mariage avec Marie Joséphine Bonnet sont nés : Georges Marie Louis, qui a été son élève, mais qui est décédé à 21 ans (Lyon 27 juin 1875-23 janvier 1897) ; Jeanne Stéphanie (Saint-Cyr-au-Mont d’Or, 22 juillet 1876-Lyon, 22 février 1920) ; Marie Louise Stéphanie (Saint-Cyr-au-Mont-d’Or 25 août 1878-Lyon 25 octobre 1966) ; Joseph Émile (Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, 25 août 1880-Lyon 7e 18 novembre 1972) ; et Camille (mentionnée seulement dans le recensement de 1896 au 31 rue du Plat). Devenu veuf en 1890, Lucien Bégule se remarie le 29 avril 1897 à Lyon 2e avec une artiste, Catherine Marie Alicie Bernard-Guelle, née le 3 novembre 1861 à Annonay, avec pour témoin Paul Mougin-Rusand, imprimeur. Elle décède vers 1902, laissant Lucien Bégule veuf une seconde fois. Il a habité successivement 86 chemin de Choulans (1874), 5 quai de l’Hôpital (act. quai Jules-Courmont) (1875), 75 impasse de Choulans (1886), 31 rue du Plat (1896), 86 montée de Choulans (1901), 3 rue Sala (1903-1935).
Il décède le 1er février 1935 au 6 rue de la Charité. À l’issue d’une cérémonie à Ainay, il est inhumé le 4 au cimetière de Loyasse.
Son nom est attribué à une petite rue de Saint-Genis-Laval. Depuis 2018, une allée Lucien Bégule relie le cours Charlemagne et la rue Smith, dans le 2e arrondissement de Lyon. Deux expositions consacrées à Lucien Bégule ont été présentées à la mairie du 3e arrondissement de Lyon, l’une du 3 au 14 avril 2006 (organisée par son arrière-petit fils Thierry Wagner et accompagnée d’une rétrospective de l’œuvre de Louis Rousselon* – beau-frère d’Émile Bégule – réalisée par le Cercle lyonnais de Numismatique), l’autre du 6 au 17 octobre 2014. Émile, formé dans les ateliers de son père, a été son collaborateur, puis s’est installé à Paris en 1911 comme artiste peintre décorateur et dessinateur de vitraux. Il a été chevalier de la Légion d’honneur et Croix de Guerre 1914-1918. Il exposait dans les salons parisiens et lyonnais, et en 1920 il a obtenu une médaille d’argent au Salon des Artistes français.
Après un rapport d’Antoine Vachez* sur sa candidature le 27 mai 1902, Lucien Bégule est élu le 3 juin suivant, au fauteuil d’Armand-Calliat*, auquel il rend hommage le 12 mai 1903 dans son discours de réception : Un orfèvre lyonnais : T.-F. Armand-Calliat et son œuvre, 1822-1901 (MEM 7, 1903). Il fait de nombreuses interventions : Le symbolisme de certains ornements de sculpture dans les églises de la période ogivale (3 février 1903) ; L’emploi des incrustations comme décoration monumentale au Moyen Âge et en particulier dans les cathédrales de Lyon et de Vienne (31 mai 1904 et 9 mai 1905) ; Le tympan de la porte de l’ancien cloître de Saint-Jean, à Lyon, démoli en partie au milieu du xviiie siècle (3 avril 1906, MEM 1907, p. 297) ; le 24 avril 1906, il présente une introduction au travail qu’il prépare sur les anciens vitraux de la Région ; Deux statues de marbre blanc du sculpteur Pauli Olivieri Romani trouvées en 1830 dans la propriété des quatre Tisseur [voir Clair Tisseur*] (23 avril 1907) ; Récit d’une visite au Mont Cassin en septembre 1906 (21 mai 1907) ; L’ancienne chapelle de Kermaria près de St-Quay en Bretagne et sa danse des morts (8 décembre 1908) ; Étude sur le Dôme de Parenzo en Istrie (23 novembre 1915) ; Rapport sur la candidature de Bonnière de Vienne comme correspondant (23 mai 1916) ; Les dictionnaires d’art religieux (28 novembre 1916) ; Récit d’un voyage en 1912 aux principaux sanctuaires grecs (6 février 1917) ; Suite du voyage en Grèce aux fouilles de Mycènes, Tirynthe et Cnossos (17 avril 1917), communications agrémentées de « remarquables projections lumineuses » (MEM 1917, p. 283) ; Les peintures murales des chapelles Saint-Sébastien et Saint-Antoine à Lanslevillard et Bessans (Maurienne) (25 juin 1918, MEM 1919) ; L’histoire de la sculpture au début du xive siècle (18 mars 1919) ; L’art religieux moderne dans quelques églises de la Suisse (19 décembre 1922) ; Étude sur les mesures à prendre pour sauvegarder les monuments historiques et œuvres d’art du département (27 février 1923) ; L’art du vitrail dans la région lyonnaise (8 mars 1927) ; Le Mont Cassin (9 février 1926) ; La cathédrale de Sens (30 décembre 1927) ; Le symbolisme au Moyen Âge (9 avril 1929) ; Voyage à Assise et dans l’Ombrie de Saint François (18 mars 1930) ; La Louvesc (3 mars 1931) ; L’architecture religieuse à notre époque. Pierre Bossan 1814-1888 ; Les églises de Savoie (10 novembre 1931) ; Souvenirs de Rome, ses monuments, ses premières basiliques (22 novembre 1932) ; Le baroque à Rome (29 novembre 1932) ; Monuments religieux de la haute Savoie (10 mai 1933) ; Les Rapatriés à Évian et l’œuvre du Secours aux rapatriés ; Notre-Dame de Reims son martyre, sa restauration (30 mai 1933). Le 24 mars 1925, il s’est vu attribuer un prix de 6 000 francs pour son ouvrage Inventaire des antiquités et richesses d’art du département du Rhône. Le 1er mai 1934, Bégule passe à l’éméritat. Son éloge funèbre est prononcé par le président Louis de Longevialle* (MEM 1936 et Lyon : Rey, 1935).
Thierry Wagner, Martine Villelongue, Lucien Bégule, maître-verrier lyonnais, Lyon : La Taillanderie, 2005 (contient une bibliographie des études consacrées à Bégule). – Association pour la Conservation des Vitraux de Bégule, site internet. – BML, fonds Lucien Bégule.
Les peintures murales de Saint-Bonnet-le-Château, Lyon : Mougin-Rusand, 1879. – Mono-graphie de la cathédrale Saint-Jean Baptiste de Lyon, Lyon : Mougin, 1880. – « Les peintures murales de Saint-Bonnet-le-Château (xve siècle) », Congr. Archéol. France 52, 1885-1886, p. 398-412. – Le vitrail, un atelier lyonnais de 1880 à 1900, Lyon, 1900. – L’œuvre de Charles Dufraine, statuaire, Lyon : Vitte, 1902. – Un orfèvre lyonnais T.-J. Armand-Calliat et son œuvre, Lyon : Rey, 1903. – Peinture sur verre, vitraux d’appartement, Lyon : 1904. – Les incrustations décoratives des cathédrales de Lyon et de Vienne, Lyon : Rey, 1905. – Avec Émile Bertaux, « Un vitrail profane du xve siècle », Gazette Beaux-arts, 1906, (3) 36, p. 407-416. – « Fontaine d’ablutions conservée à l’Hôtel de Ville de Carcassonne », Congr. Archéol. France 73, 1906, p. 310-316. – Les vitraux : aperçu sur l’évolution de l’art du vitrail dans la région lyonnaise depuis ses origines jusqu’à nos jours, Lyon : Rey, 1906. – L’Abbaye d’Ambronay : son église, ses vitraux et son cloître, Lyon : Rey, 1907. – Le Mont-Cassin et ses travaux d’art, Lyon : Rey, 1908. – La chapelle de Kermaria-Nisquit et sa danse des morts, Paris : H. Champion, 1909. – « Les chapiteaux byzantins à figures d’animaux ; à propos de quatre chapiteaux découverts à Lyon », Bull. monumental 75, 1911, p. 199-211. – Les vitraux du Moyen Âge et de la Renaissance dans la région lyonnaise et spécialement dans l’ancien diocèse de Lyon, Lyon : Rey, 1911. – « Chapiteau à incrustations et «chef-d’œuvre» de vitrerie au musée de Reims », Congr. Archéol. France 78, 1911, p. 146-150. – L’Abbaye de Fontenay et l’architecture cistercienne (préface d’Édouard Aynard*), Lyon : Rey, 1912. – « Ambierle », Congr. Archéol. France 80, 1913, p. 233-241. – L’église Saint-Maurice, ancienne cathédrale de Vienne en Dauphiné, son architecture, sa décoration, Lyon : H. Lardanchet, 1914. – Les peintures murales des chapelles Saint-Sébastien et Saint-Antoine à Lanslevillard et Bessans, Lyon : Rey, 1918. – Antiquités et richesses d’art du département du Rhône, Lyon : Rey, Masson, 1925. – La cathédrale de Sens, son architecture, son décor, Lyon : Rey, 1929. – L’Architecture religieuse à notre époque, notes et souvenirs, Lyon : Rey, 1931.
Le corpus des vitraux de Lucien Bégule est très important (inventaire par Martine Villelongue, thèse de 3e cycle, Université Lyon 2, 1984). Signalons entre autres : Le Vœu des échevins, chapelle de Fourvière, 1882 ; vitraux de l’église du Bon Pasteur, 1882 ; vitrail de la chapelle des fonts baptismaux de la cathédrale Saint-Jean (en partie détruit), 1886 ; vitraux de l’église de la Rédemption, 1889-1904 ; vitraux de l’hospice de la Charité, dessins de Charles Lebayle, 1890 ; grande verrière sommitale de la salle des délibérations de l’hôtel du Département, dessins de Charles Lebayle, 1895 ; vitrail civil 23 cours de la Liberté, 1898 ; vitraux de l’église Saint-Irénée, 1901. Certains vitraux ont été expédiés jusqu’à Nagasaki et Rio de Janeiro, d’autres ont orné des châteaux et des villas du Rhône.