Arthur Jean Kleinclausz est né le 8 avril 1869 à Auxonne (Côte-d’Or) ; témoins : Jean-Louis Crochetelle, maître tailleur, et Paul Philippe Mouton, sergent, tous deux du 12e bataillon de chasseurs à pied en garnison à Auxonne, bataillon où son père Ignace est maître cordonnier. Le père d’Arthur est d’origine alsacienne, né en 1828 à Dauendorf (Bas-Rhin) dans le village où son grand-père Joseph (décédé le 11 octobre 1808 à Dauendorf) et son père Michel (décédé le 11 décembre 1866, à Dauendorf) étaient cultivateurs, où le maire sous la Monarchie de Juillet et sous l’Empire s’appelle comme lui Ignace Kleinclausz. Sa mère Zélie Bergé, en revanche, est d’une famille bourguignonne de propriétaires et de notaires. Elle est née le 4 février 1846 à Saint-Seine-en Bâche (Côte d’Or), à une dizaine de kilomètres d’Auxonne ; elle y a vécu avec ses parents (Jean Bergé et Jeanne Petet, mariés le 26 mars 1844 à Saint-Seine) et c’est là qu’elle se marie le 9 juillet 1868 avec Ignace Kleinclausz, en garnison à Auxonne. Arthur Kleinclausz est donc Alsacien par son père, Bourguignon par sa mère et par sa naissance ; il montre son attachement à la Bourgogne tout au long de sa carrière.
Il épouse le 14 mars 1898, à Paris 5e, Paule Marie Jeanne Bayet (Lyon 2e 11 janvier 1879-Lyon 6e 3 février 1966). À cette date, ses parents sont dits rentiers, et habitent avec lui 6 Petite-rue des Roses à Dijon ; son beau-père Charles Bayet (Liège 1849-Toulon 1918), historien, ancien doyen de la faculté de lettres de Lyon, est directeur de l’enseignement primaire au ministère de l’Instruction publique ; parmi les témoins de ce mariage, Alfred Rambaud, ministre de l’Instruction publique et Louis Liard, célèbre directeur de l’enseignement supérieur, auquel Bayet succédera en 1902. Leur fille unique Anne Marie Charlotte (Dijon, 25 mai 1899-Bron, 24 sept.1988) a épousé Léon Félix Guyonnet le 22 février 1928 à Lyon 6e (tous deux ont été professeurs d’histoire à l’université de Nancy) ; leur fille Marie-Claire Guyonnet (Lyon, 11 juin 1929-Régnié-Durette 16 janv. 2015), épouse Burnand (Lyon 6 avril 1925-Arnas 22 janv. 2012), membre associée de l’Académie de Villefranche, a consacré une conférence, présentée en séance publique de l’Académie le 14 mars 1998, et écrit deux articles sur son grand-père.
Après son baccalauréat, en 1888, Arthur s’inscrit à la faculté des lettres de Lyon, comme étudiant boursier. Il y rencontre Charles Bayet, son futur beau-père, qui en est alors le doyen et lui donne une vocation de médiéviste, et Jean-Hippolyte Mariéjol* dont il restera toujours fort proche. Reçu à l’agrégation d’histoire et géographie en 1891, il est nommé au lycée de Belfort en 1892, puis au lycée de Dijon en 1897 ; parallèlement, il est chargé de cours d’histoire de l’art et de la Bourgogne à la faculté des lettres de Dijon. Il soutient en 1902 à Paris une thèse sur l’empire carolingien, autour de l’évolution de l’idée impériale avec des idées novatrices ; il soutient juste après une « petite » thèse en latin (nécessaire pour une carrière universitaire) sur le gouvernement des premiers ducs de Bourgogne de race capétienne. Il est alors nommé professeur à la faculté des lettres de Dijon en 1902, chargé du cours d’histoire et des antiquités de Bourgogne. Dans l’Histoire de France d’Ernest Lavisse, à laquelle collaborent aussi son beau-père Charles Bayet et J.-H. Mariéjol, il rédige les cinq premiers chapitres du Livre 3 consacré aux Carolingiens (t. 2, 1re partie). À côté de l’histoire générale, il est un des pionniers de l’histoire locale ; il commence par l’histoire de l’art bourguignon où il enrichit l’étude des monuments par celle des documents ; il écrit des livres d’art, analyse l’art funéraire, les peintres et les architectes des ducs de Bourgogne, et le sculpteur Claus Sluter en le replaçant dans son siècle, son milieu social et sa pratique. Même installé à Lyon, il continue d’écrire sur lui et étudie aussi ses prédécesseurs. Il publie encore une Histoire de Bourgogne qui décrit non seulement les institutions, mais l’art, la littérature, les mœurs de cette principauté. En 1904, il revient à Lyon où il a fait ses études et est nommé sur la chaire d’histoire du Moyen Âge. Pendant presque quarante ans, il incarne à Lyon cette discipline dont il est le maître incontesté ; beaucoup doivent leur vocation d’enseignant et de médiéviste à ses qualités pédagogiques, à sa clarté, à son sens des plans, à son énergie et à l’attention qu’il porte aux agrégatifs. Toujours soucieux d’histoire locale, pour développer l’histoire lyonnaise et la collaboration avec d’autres disciplines, il fonde la Société des études locales ; il organise des ouvrages collectifs sur l’art et l’histoire de la région lyonnaise. Un ouvrage qu’il dirige – Lyon des origines à nos jours. La formation de la cité – lui vaut un prix de l’Académie de Lyon (1925), qui couronne ainsi le premier livre qui étudie une ville comme un « organisme vivant », sous l’angle de la géographie humaine. Elle présente encore quelques petites erreurs de détails, qui sont corrigées dans l’Histoire de Lyon en trois volumes, sans doute son œuvre la plus importante d’histoire locale, pour la rédaction de laquelle il fédère un groupe d’historiens de grande qualité dont certains ont déjà participé au livre primé. Il en conçoit le plan et le contenu, et ouvre l’histoire événementielle sur la société et l’économie ; le premier tome est publié de son vivant, le deuxième peu après sa mort, et le troisième, toujours selon ses indications, par André Latreille*. Au sein de la faculté, il continue la tradition de son beau-père, soutient la science auxiliaire qu’est à cette époque la géographie pour en faire une discipline à part entière. Il est l’un des fondateurs et l’un des membres actifs de la Commission des Études rhodaniennes, créée en 1923 avec le soutien du recteur Cavalier et du conseil général du Rhône, afin de développer la recherche en géographie, géologie, hydrographie ; cette commission est animée par l’Institut de géographie de la faculté des lettres auquel il apporte ses conseils. Assesseur du doyen en 1924, il est élu doyen en 1931 et le demeure jusqu’à sa retraite. Afin de réunir à la fois ses condisciples et ses anciens élèves, en 1928, il fonde et préside l’Association des anciens élèves de la faculté des lettres de Lyon. Sous son décanat s’opère le transfert de la Faculté des lettres du 15 quai Claude Bernard (qu’elle partageait jusque-là avec la Faculté de droit) au 16, quai Claude Bernard. Il continue ses recherches personnelles et publie en 1934 Charlemagne, qui lui vaut le grand prix Gobert (9 000 francs) de l’Académie des inscriptions et belles-lettres et qui continue d’être régulièrement réédité. Toujours sur cette période, il consacre un peu plus tard deux ouvrages aux conseillers de Charlemagne : Eginhard (paru en 1942), et Alcuin – artisan selon l’auteur du renouveau de l’idée impériale à l’époque carolingienne – (qui ne paraît qu’en 1948 après son décès). À Lyon comme à Dijon, il s’intéresse à l’histoire de l’art et dirige un ouvrage de synthèse. Il écrit sur le portail de Saint-Nizier, sur Jérôme Durand, peintre et maître verrier du xve s., etc. Il entre en 1906 dans la Commission des musées de la ville de Lyon, et en devient président (1922-1941). Il prend la direction de l’École des beaux-arts en 1925, puis en 1928 de celle de l’École d’architecture. Dans ces deux écoles, son influence transforme les méthodes pédagogiques. En 1936, lorsqu’il achète une maison en Beaujolais – La Pépicherie, à Régnié-Durette –, il l’orne de panneaux décoratifs d’un professeur de l’École des beaux-arts, Jean Coquet (1907-1990).
Il préside aussi la Commission du Vieux-Lyon. Bien inséré dans la ville, il assume aussi d’autres charges ; il est membre du conseil général de l’administration des Hospices et administrateur de contrôle des hospices des Charpennes, de la maison de convalescence du val d’Azergues et de la Fondation Mangini-Gensoul aux Halles (Rhône).
Il fait valoir ses droits à la retraite en 1939, mais il continue de publier et d’écrire presque jusqu’à son décès le 2 décembre 1947 (à l’hôpital, 1 avenue Rockfeller, Lyon) Il est alors toujours domicilié 48 rue Pierre Corneille, à Lyon 6e, appartement dans lequel il a reçu tant d’étudiants. Après une cérémonie à Saint-Pothin, il a été inhumé à Régnié (Rhône).
Légion d’honneur 19800035/1319/52693, AN Fontainebleau, notice c-153325. Chevalier le 13 août 1924, insignes remis par J.-H. Mariejol* ; officier le 13 juillet 1933, insignes remis par Jean Ehrhard, doyen honoraire de la faculté des lettres de Lyon.
Il existe une rue Professeur-Kleinclausz à Lyon 8e (quartier des États-Unis), et une rue Arthur-Kleinclausz à Dijon.
C’est Jean Hippolyte Mariéjol, son ancien professeur et son collègue à la faculté des lettres de Lyon, qui présente sa candidature à l’Académie le 29 mai 1928 ; il rappelle comment Kleinclausz a démontré que l’empire de Charlemagne était une création originale, empire franc et non romain, et comment cet empereur était un Franc que les historiens allemands ont, à tort, cherché à s’approprier. Démonstration scientifique convain-cante puisqu’il lui est rendu hommage outre-Rhin. Le rapport souligne aussi les études locales sur l’art et l’histoire. Les élections ont lieu la semaine suivante comme il était de coutume à cette époque. Kleinclausz n’a pu faire les visites car sa semaine a été occupée par un voyage à Paris, le décès d’un ami et des maladies dans sa famille. Malgré cela, le 5 juin 1928, il est élu au fauteuil 6, section 2 Lettres. Le 26 juin, sa communication porte sur le célèbre portail de Saint-Nizier avec l’inscription « In templo eius omnes dicent gloriam », attribué à tort, d’après lui, à Philibert Delorme ; il avait expliqué ses doutes à Georges Guigue*, qui a entrepris des recherches, et trouvé dans les archives de Saint-Nizier que le portail était dû à Jean Vallet qui en fut chargé en 1578. Cette communication rend ainsi hommage à Georges Guigue, au fauteuil duquel il succède. Il dépose le 28 mai 1939 son discours de réception : La légende française de Charlemagne. Le 25 avril 1933, il communique sur le Couronnement de Charlemagne ; le 11 décembre 1934 sur Lyon au ve siècle. Le 5 novembre 1935, il prononce l’éloge de Maurice Courant* qui l’avait choisi pour lui remettre la légion d’honneur (MEM, 1936).
En 1939, on ne le voit guère, mais il revient à la fin de l’année avec une communication sur les dangers du pangermanisme ; le jour prévu, le 12 décembre, la séance est levée pour cause de deuil (décès de Camille Riboud*), puis la séance publique est supprimée et le nombre des réunions est réduit de moitié, il ne peut faire sa lecture que le 16 janvier 1940. Le thème est d’actualité et porte sur les racines profondes du pangermanisme. Kleinclausz présente : La véritable Allemagne, et explique qu’il serait mortellement dangereux de croire qu’il y a deux Allemagne, l’une des poètes, des musiciens, des philosophes, l’autre des soldats. Il s’appuie sur des textes médiévaux et démontre qu’après avoir conservé la couronne de Charlemagne, Otton Ier et ses successeurs (Henri II, Frédéric Barberousse, etc.) ont revendiqué, et au-delà, tout le domaine de cet empereur, et qu’ils ont employé pour ce faire les méthodes les plus brutales. Il fait part de ses inquiétudes : l’Allemagne contemporaine veut dominer le monde entier du fait de sa race élue et veut rentrer dans l’héritage de ses ancêtres.
Le 2 décembre 1947, l’Académie apprend en cours de séance la mort de Kleinclausz, qui n’est plus revenu depuis avril 1940. La séance est levée et la semaine suivante, le 9 décembre 1947, Jean Thibaud* prononce son éloge, « il a sans doute été un homme heureux, puisqu’à l’érudition, il joignait le goût et que la science qu’il nous montrait était toujours parée, comme pour s’excuser, des charmes de l’œuvre d’art ».
André Allix*, « Arthur Kleinclausz (1869-1947) », Les Études rhodaniennes, 23, nos 1-2, 1948, p. 76-82. – Marie-Claire Burnand, « Arthur Kleinclausz (1869-1947), historien lyonnais », Bull. de la Société historique, archéologique et littéraire de Lyon 31, 2001, p. 17-34. – T. de Morembert, DBF. – Bruno Benoît, DHL. – Tania Lévy, « Kleinclausz Arthur », Dictionnaire critique des historiens de l’art, INHA, juillet 2012.
Un portrait de Kleinclausz par André Aillaud se trouve dans la maison de Régnié-Durette que conservent ses descendants.
A.D.Rh. 2399 W 134, 135 ; 2400 W 336 et 338 (procès verbaux des conseils de l’Université et de la faculté des lettres de Lyon, rapports des doyens) ; AML dossier Kleinclausz 524 WP 516 ; École des Beaux-Arts, registres des conseils 1928-1940 ; Institut de France Ms 7308 (4 lettres à Ferdinand Lot).
« Les Origines de la ville et de la commune de Belfort et la politique de Renaud de Bourgogne, comte de Montbéliard », Bull. de la Société belfortaine d’émulation, 1895, 59 p. – Leçon d’ouverture du cours d’histoire de la Bourgogne, Université de Dijon, 9 février 1897, Dijon : impr. Darantière, 1897, 26 p. – L’Empire carolingien : ses origines et ses transformations (thèse), Paris : Hachette, 1902, XVI + 614 p. (reimpr. Genève, 1979). – Quomodo primi duces Capetaniæ stirpis Burgundies res gesserint (1032-1162), Dijon : Barbier-Marillier, 116 p. – Avec Charles Bayet et Christian Pfister, Le Christianisme, les Barbares, Mérovingiens et Carolingiens, in Ernest Lavisse, Histoire de France des origines à la Révolution, t. II, 1re partie, Paris : Hachette, 1903 ; nombreuses rééd. ; réimpr. présentation de Jean-Pierre Poly, Paris : éd. des Équateurs, 2009, XV + 443 p. – Claus Sluter et la sculpture bourguignonne au xve siècle. Paris : libr. de l’art ancien et moderne, 1905, 180 p. [24 f]. – Dijon et Beaune. Paris : H. Laurens, Les villes d’art célèbres, 1907, 164 p. ; rééd. 1927. – Histoire de Bourgogne, Paris : Hachette, 1909, VII + 453 p. ; 2e éd. revue 1924. – Avec collaborateurs, Lyon et la région lyonnaise depuis les origines jusqu’à nos jours, Sté d’études locales..., Lyon : s.n., 1913, 153 p. ; rééd. Brignais : Les Traboules, 2013. – Avec collaborateurs, L’art à Lyon et dans la région lyonnaise depuis les origines jusqu’à nos jours, Sté d’études locales..., Lyon : s.n., 1914, 218 p. – Avec Georges Guigue* et Henri Focillon, Les dessins d’élève et notes de comptabilité de Jérôme Durand, peintre et verrier lyonnais (1555-1605), Lyon : M. Audin, 1924, 162 p., ill. – Avec A. Cholley, L. Dubois, F. Dutacq, C. Germain de Montauzan*, L. Guéneau, L. Lévy-Schneider, Lyon des origines à nos jours. Les origines de la cité, Lyon : Masson, Lyon, 1925, XII + 429 p. – « Philibert de l’Orme et le portail de l’église Saint-Nizier », Rev. de l’Université de Lyon, mai 1928. – Charlemagne, Hachette, Paris, 1934, XXXIV + 404 p. ; rééd. Paris : Tallandier, 1977, 1984, préface de Régine Pernoud 2005. – Eginhard, [Annales univ. Lyon, Lettres, 12], Paris : Belles Lettres, 1942, 278 p. – Alcuin, [Annales univ. Lyon, Lettres, 15], Paris : Belles Lettres, 1948, 318 p. – Avec J. Deniau, R. Doucet, L. Dubois, F. Dutacq, C. Germain de Montauzan, A. Latreille, Ph. Pouzet et alii, Histoire de Lyon, 1. Des origines à 1595, Lyon : Masson, 1939, xiv-559 p. ; 2. De 1595 à 1814, 1948, VIII + 440 p. ; 3. De 1814 à 1940, 1952, 347 p. ; rééd. Marseille : Laffitte, 1978.