Né vers 1680, fils unique de Jacques Poulletier (1644-4 avril 1711) – écuyer, commis à la régie des cartes, puis à la marque de l’étain, receveur général des finances de Normandie, commissaire ordinaire des guerres à la suite de son père, puis garde du trésor royal en 1700, secrétaire du roi, fermier général en 1701, intendant des finances le 22 février 1708 – et de Marguerite Aubert (décédée le 12 juin 1724, veuve de Nicolas Herbin, secrétaire du roi, greffier en chef au grand conseil), mariés le 3 mars 1680.
Pierre est seigneur de Nainville, avocat en parlement, provisionné à l’office d’avocat du roi au Châtelet le 4 mars 1701 (pension annuelle de 100 livres attribuée le 19 février 1702), conseiller au parlement de Paris le 22 décembre 1702, en la deuxième chambre des enquêtes le 23 janvier 1704, maître des requêtes ordinaire en son hôtel le 17 décembre 1707 (avec dispense d’âge), intendant des finances en 1708 à la suite de son père ; il devient intendant de justice, police et finances de la ville et généralité de Lyon de 1717 (commission du 20 décembre, puis lettres patentes sur arrêt du Conseil d’État qui accordent 6 000 livres par an pour ces fonctions) à 1738, conseiller d’État en janvier 1738 premier président du Grand Conseil le 17 décembre 1742, renouvelé le 14 décembre 1748. Il est mort à Paris Saint-Paul le 8 août 1765.
Il avait épousé à Paris (acte de mariage Me Jean Louis Le Semellier à Paris du 13 septembre 1704), le 21 septembre 1704, Henriette Guillaume de la Vieuville (vers 1685-Lyon 14 mai 1727), fille de Joseph Guillaume de La Vieuville (1645-1700), marquis de la Maule en Vexin, conseiller au parlement de Metz, et de Marie Lhuillier (1654-1742) [Voir Mercure galant, octobre 1704, p. 208-210]. Ils ont eu sept enfants : 1. peut-être Antoine, écuyer, conseiller du roi, élu en l’élection de Compiègne, époux de Marie du Chesnay. 2. Marie Gabrielle Olympe (inhumée à Paris, église Saint-Sauveur, le 11 juin 1767), qui a épousé à Bourg-en-Bresse le 23 août 1725 Anne Claude Claude François de Joly, baron de Choin, de Langes et Chalionne, seigneur de Chazelles Dommartin, lieutenant du roi des provinces de Bresse, Bugey, Valromey et Gex, gouverneur de Bourg, fils de défunt François Melchior de Joly (décédé en 1722), lieutenant du roi des mêmes provinces et gouverneur de la ville de Bourg, et de Jeanne de Grolier de Ferrières, dame de Chazelles (contrat de mariage du 20 août 1725 à Lyon, AD69 3E5-663) ; on lui prête d’avoir eu une fille, Claudine Denis (née à Lyon Saint-Pierre Saint-Saturnin 13 novembre 1739) avec Bourgelat (Hugues Plaideux, Bull. soc. fr. hist. méd. sci. vét., 2012, 12, p. 161-176). 3. Angélique (née vers 1710), épouse en 1731 d’Augustin Louis Marie Rouillé de Roissy (inhumé à Paris Saint-Eustache 16 juin 1764 à 78 ans), chevalier, conseiller au Parlement, seigneur de Clichy la Garenne. 4. Jeanne Ursule (née vers 1712), épouse en 1731 de Jean François Rémy de Turicque. 5. Marie (vers 1710-29 février 1736), épouse en 1731 d’Edme Louis de Boulogne, receveur général des finances à Tours, puis en 1734 de Pierre François Doublet de Bandeville, conseiller au parlement de Paris. 6. Marie Louise (vers 1715-1er mars 1781). 7. François Paul Lyon Poulletier de la Salle, né à Lyon le 30 septembre 1719, ondoyé à Ainay le même jour, baptisé à Saint-Pierre et Saint-Saturnin le 5 décembre par l’archevêque François Paul de Neuville, avec comme parrain la ville de Lyon représentée par M. Cholier, prévôt des marchands, quatre échevins, le procureur général, le secrétaire et le receveur de la Ville, et comme marraine Guyonne Françoise Judith de Cossé de Brissac, abbesse de Saint-Pierre, en présence du duc de Brissac, pair de France. Avocat au parlement de Paris le 5 septembre 1740, conseiller au Grand Conseil le 17 décembre 1742, il délaisse sa charge (lettres de conseiller honoraire au Grand Conseil avec dispense de service, le 19 juin 1750), pour exercer la médecine et la chimie à Paris, où il créa trois hospices. Il composa aussi des opéras. François est décédé le 20 mars 1788.
Le 25 avril 1718, Aubert et Dugas lisent à l’Académie le compliment qu’ils ont fait la veille à Mr Poulletier, nouvel intendant. Le 4 mars 1720, Brossette est chargé par l’archevêque d’informer l’Académie que Poulletier souhaitait être académicien. Une députation est organisée ; la réception de l’intendant est prévue le lundi suivant ; mais il semble qu’il n’y ait jamais eu de suite. Poulletier est cité par Dumas comme académicien en 1720, mais il ne se trouve pas sur les listes traditionnelles des membres ordinaires de l’Académie des sciences et belles-lettres.
Il est omniprésent dans la correspondance Saint Fonds* et Dugas* entre 1717 et 1738. Intime de Saint Fonds, il partage avec lui le goût de la versification, et s’entretient avec lui librement des sujets politiques délicats de l’époque. La lecture de cette correspondance permet de mieux connaître le rôle d’un intendant au xviiie siècle, chargé de la police, de la justice et des finances, sans compter les aventures de madame Poulletier, qui se voit livrer un habit dont les manches brodées d’or ont été coupées et dérobées pendant la livraison, ou qui revient, furieuse, d’un concert auquel, invitée et emmenée par le maréchal de Villeroy, elle s’est retrouvée assise sur un banc ou une chaise, les seuls fauteuils disponibles ayant été réservés au maréchal et à l’archevêque.
Madame Poulletier eut l’initiative de créer en 1718 une compagnie artistique, l’Académie des Jacobins, qui fusionnera avant 1725 avec l’Académie des beaux-arts. Selon Vallas* (La Musique à l’académie au xviiie siècle, p. 47), ses partitions (Lully, Campra, Lalande…), « dont certaines portent, en lettres d’or, sur la reliure, des inscriptions rappelant qu’elles avaient été offertes par Mme Poulletier intendante de Lion », ont été versées dans la bibliothèque du Grand Concert. L’existence éphémère de deux académies consacrées à la musique provoqua quelques confusions, comme dans le Mercure de juillet 1721 (p. 8-10) qui attribue à une société une manifestation organisée par l’autre : « Lundi 14 de juillet, veille de saint Henry, l’Académie de Musique donna à Madame Poulletier un très beau concert à l’occasion de sa fête, où toutes les dames les plus qualifiées de Lyon assistèrent, de même que la plus grande partie des principaux du pays, qui sont membres de cette Académie, formée par les soins de Madame l’Intendante : le nom d’Henriette qu’elle porte y fut célébré par des vers à la louange de ses charmes et de toutes ses qualités. Le lendemain à l’entrée de la nuit, un grand bateau artistement décoré (qui portait dans son enceinte un magnifique salon, dont les portiques étaient ornés de guirlandes de fleurs, avec les armes de Madame l’Intendante, et des H qui marquaient son nom et le sujet de la fête) fut conduit sur la Saône, au son des timbales et des trompettes, par des matelots en habits galants et uniformes, chargés de rubans de ses livrées : ce grand bateau était précédé d’un brigantin, et suivi de quatre gondoles où les Académiciens étaient placés ; ils se rendirent dans cet ordre à la vue d’un appartement que Madame l’Intendante occupe à l’Arsenal ; l’ancre fut jetée au milieu de la rivière, et le bateau qui représentait le Temple d’Apollon, s’arrêta devant les fenêtres de Madame Poulletier ; Monsieur le comte de Suze, chef de l’Académie de Lyon, et Monsieur de Grange Blanche avocat général de la ville, s’approchèrent de la terrasse qui donne dans les jardins de l’appartement de Madame l’Intendante. On lui présenta au nom de toute l’assemblée un bouquet des plus belles fleurs de la saison, et on lui fit un discours aussi galant que rempli d’éloquence ; dans l’instant, le Temple d’Apollon éclairé par plusieurs lustres de cristaux en dedans, et par une infinité de lampions et de quantité de gros flambeaux de cire blanche placés au dehors, retentit du son des hautbois, flûtes, violons et autres instruments de musique, qui firent un concert qui ne cédait en rien à celui de la ville […] ». Une longue mise au point parut en septembre dans le même journal (p. 197-201) : « On s’est trompé lorsqu’on a mis dans le précédent Mercure que l’Académie des beaux arts de Lyon, qui est sous la protection de M. le maréchal duc de Villeroy, et dont il est le chef, a donné une fête à Madame Poulletier, intendante de cette ville. C’est la seconde académie qui l’a donnée, laquelle a été établie depuis peu d’années sous la protection, et par les soins de Madame l’Intendante, et plusieurs années après l’établissement de la première, qui commença en 1713 […] ». Il est possible que la belle Poulletier ait par la suite commis quelques imprudences, notamment en se liant avec un membre de la bande de Cartouche : « On a pendu le nommé Pelissier, que l’on avait amené de Lyon, où il faisait une très grosse figure depuis un an au moins. Il était tous les jours chez M. Poulletier, intendant ; il jouait avec madame l’intendante et toutes les dames. Il était chez l’intendant quand l’ordre vint pour l’arrêter. Cela est triste pour l’intendante surtout, sur laquelle on fait des contes » (Journal de Barbier, juillet 1722).
Dumas. – Bréghot.
Lettres patentes et commissions relatives à Pierre Poulletier de Nainville et à son fils François-Paul (1701-1750) : BMLyon Ms2286.