Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

GUIMET Jean Baptiste (1795-1871)

par Georges Boulon.

 Jean Baptiste Guimet est né à Voiron (Isère) le 20 juillet 1795, fils de Jean Guimet (Voiron 3 mai 1747-1839), ingénieur des Ponts et chaussées, et de sa seconde épouse, Anne Malet (Voiron 1771-22 janvier 1799). On doit à son père, ingénieur de mérite, les premiers plans du port de la Joliette à Marseille et un projet pour amener dans cette ville les eaux de la Durance.

 Ayant perdu sa mère à l’âge de 4 ans, Jean Baptiste est élevé par ses tantes, notamment une religieuse du couvent de la Visitation de Voiron, et il est envoyé à Paris, à 10 ans, à la pension Hix, 3 rue Matignon. Après avoir suivi les cours du lycée Napoléon, il est admis le 29 septembre 1812, à 17 ans, à l’École polytechnique ; mais il donne sa démission pour l’intégrer à nouveau en 1813 afin de sortir à un rang plus élevé : il est alors 20e. Toujours à l’X en mars 1814, il prend part à la défense de Paris comme canonnier à la barrière du Trône, puis sur les hauteurs de Charonne. Cherchant à rejoindre l’armée de la Loire, il est fait prisonnier à Blois, mais peut s’échapper. En 1815, il est admis à l’École au 63e rang ; comme ce classement est insuffisant pour entrer dans les Ponts et chaussée, il reste avec les élèves. Polytechnique ayant été fermée le 13 avril 1816, il quitte l’établissement le 19 avril et, l’année suivante, admissible le 28 octobre 1817 au concours pour l’admission des services publics, sorti 6e sur 72, il entre en qualité d’élève dans les Poudres et Salpêtres à l’Arsenal de Paris, puis à la poudrerie du Bouchet, près d’Arpajon, et à la poudrerie du Ripault, près de Tours.

 En 1821, il est envoyé en qualité de commissaire adjoint surnuméraire à Esquerdes, près de Saint-Omer (Pas-de-Calais). Le commissaire et l’inspecteur de cet établissement voyagent de l’autre côté du détroit pour essayer de découvrir le secret de la fabrication de la poudre rousse des Anglais. Guimet fait cette recherche, réussit et envoie ses produits au directeur général qui le prend dans ses bureaux. Jean-Baptiste Guimet demande à entrer dans le service actif : il est nommé le 9 août 1823 commissaire surnuméraire adjoint à Paris et, le 18 mai 1825, commissaire titulaire à Toulouse.

 Son épouse, artiste peintre, l’aurait convaincu de s’attaquer au problème de la fabrication du Bleu d’outremer artificiel réunissant les mêmes qualités de celles qu’on retire du lapis-lazuli, pour lequel la Société d’encouragement pour l’industrie nationale venait de créer le 22 novembre 1826, après un échec en 1824, un prix de 6 000 Francs. L’intérêt de l’invention était de trouver un colorant mis à la disposition du public pour un faible prix, en dessous de 300 francs le kilo au lieu de 4 000 francs environ pour le lapis-lazuli, importé surtout d’Afghanistan (azurro ultramarino = le bleu au-delà des mers) avec d’importants frais d’extraction. Il réussit après de nombreux essais et propose, chez Tardy et Blanchet, 7 rue du Cimetière Saint-Nicolas à Paris, la commercialisation d’un outremer artificiel bleu, produit obtenu par la combinaison du soufre, de la silice, de l’alumine, du sodium de formule Na8Al6Si6O24(SO4,S,Cl)x dénommé pigment de thiosulfate d’aluminosilicate de sodium, caractérisé par son insolubilité dans l’eau, sûr et inoffensif pour l’organisme. Ce sont des expériences de résonance paramagnétique électronique (RPE) qui ont montré, en 1970, que la couleur est due au radical trisulfure S3 dans une cage d’aluminosilicate de type zéolithe, et non pas à un élément métallique comme dans la plupart des pigments minéraux. Cette espèce absorbe dans le rouge, ce qui explique sa couleur bleue.

 Plus tard, le produit sera en vente chez son beau-frère Jean Louis Bidauld à Lyon, quai d’Halincourt (act. quai Saint-Vincent). Dès 1827, les peintres utilisent le bleu outremer, notamment Ingres pour peindre la draperie de l’une des principales figures de l’Apothéose d’Homère au musée Charles X. Guimet remporte le concours présidé par Chaptal le 3 mars 1828, sur un rapport de Prosper Mérimée. Le bleu outremer sera utilisé progressivement pour l’azurage des soies, du linge et du papier, le blanchissage du sucre, la savonnerie et la fabrication des encres. Nommé commissaire à Lyon le 30 décembre 1830, Guimet dirige la Poudrerie lors de l’émeute des Canuts de novembre 1831 et réussit à empêcher les insurgés de s’emparer des poudres en les noyant dans la Saône. Nommé encore à Toulouse en 1833, il démissionne le 5 juillet 1834, revient à Lyon et reprend la direction de l’établissement de production du Bleu d’outremer qu’il avait créé en 1831 à Fleurieu-sur-Saône et fait diriger par son beau-frère Bidauld, et où il emploie près de 80 ouvriers. Ses travaux sont récompensés par des médailles aux expositions nationales de 1834, 1839, 1844 et 1849, et par la grande médaille d’honneur à l’Exposition universelle de Paris de 1855 ainsi qu’à l’Exposition universelle de Londres en 1851 (Council medal) et en 1862. À l’Exposition universelle de Paris en 1867, il est déclaré hors concours.

 En 1855, il crée avec Henri Merle la Société Henri Merle et Cie, qui produit de la soude et possède une usine à Salindres (Gard) : elle deviendra la Compagnie des produits chimiques d’Alais et de la Camargue, embryon du groupe Pechiney, dont il a été le premier président ; à sa mort en 1871, il sera remplacé par son fils Émile qui dirigeait déjà l’établissement depuis 1860 et qui continuera jusqu’en 1918.

 Jean-Baptiste Guimet a été élu, par la section du Jardin des Plantes, conseiller municipal de Lyon (1843-1848), et il a été l’un des artisans de l’approvisionnement de la ville en eau potable, combattant pour l’utilisation des eaux du Rhône (projet Jean François Terme*), plutôt que celles de la rive gauche de la Saône (projet d’Alphonse Dupasquier*), jusqu’à ce qu’un rapport de Prunelle* lui donne raison. Membre de la commission municipale en 1852 et du conseil municipal qui lui a succédé en 1855. Président de la Société d’agriculture en 1844 et 1845. Membre de la commission de la Martinière. Officier de la Légion d’honneur (LH/1244/26).

 Le 20 mai 1825, il avait épousé à Paris Marguerite Rosalie, dite Zélie, Bidauld (Lyon place de la Charité, 21 frimaire an VII-1 place de la Miséricorde 2 février 1876), artiste peintre élève de Girodet et musicienne, fille de Jean Pierre Xavier Bidauld (Carpentras 30 juin 1745-Lyon 1er novembre 1813), peintre et graveur, et de Philiberte Souton (Lyon, 1766-1843). Elle est la nièce du peintre et membre de l’Institut, Jean Joseph Xavier Bidault (Carpentras 1758-1846), peintre de Charles X et de Louis-Philippe, et aussi la tante du peintre lyonnais Henri Bidauld (1839-1898), maire de Rossillon (Ain), fils de son frère Jean Louis (1807-1870). Elle lui donna trois enfants, dont deux filles dont la disparition frappa Jean Baptiste Guimet : Berthilde, née en 1829, décédée en 1846 à 17 ans ; Louise Dorothée, dite Louisa, née à Lyon le 20 avril 1833, décédée le 15 décembre 1867 au château de Fontmagne, près de Castries (Hérault), épouse en 1851 du baron Gaston Durand de Fontmagne, conseiller général de l’Hérault (Montpellier 1821-Château de Fontmagne 2 février 1877) ; et Émile Guimet* (Lyon 2 juin 1836-Fleurieu 12 octobre 1818).

 Jean Baptiste quitta la vie active après la mort de sa fille Louisa en 1867, mourut à Lyon le 7 avril 1871. Il est inhumé à Loyasse (Hours, 196) le 10, sous une pluie battante interdisant tout discours.

 Une rue porte son nom à Voiron, ainsi qu’à Saint-Nicolas-de-Macherin (Isère).

 L’usine de Fleurieu et ses dépendances seront mises en vente par voie de licitation judiciaire le 16 novembre 1872 (Journal de Lyon 3 novembre 1872). Émile reprendra toutes les activités industrielles, puis, en 1900, il cédera la direction du « Bleu Guimet » à son fils Jean qui va développer considérablement l’entreprise sur les marchés étrangers. Jacques Guimet, son fils, qui n’avait que 12 ans lors de l’accident de son père, maintiendra l’activité de l’entreprise jusqu’en 1967, date à laquelle le « Bleu Guimet » sera vendu à la société britannique Reckitt et Colman. Il est fabriqué actuellement à Comines (Nord), sous la marque Holliday Pigments.


Académie

Élu membre de l’académie le 1er juin 1847 dans la classe des sciences, il se retrouve lors de la création des fauteuils, la même année, au fauteuil 6, section 1 Sciences. Il lit son discours de réception le 9 janvier 1849, sous le titre : Considérations sur l’application des sciences à l’industrie (MEM S, 1847). Il est président de la classe des sciences en 1852-1853. Le 19 mars 1872, Étienne Mulsant* lit une notice sur J.-B. Guimet. Son fils, Émile, a lu à l’Académie une Note sur les outremers, dans laquelle il s’interroge sur leur formule chimique et leurs variations de couleur, écrite à Fleurieu le 12 novembre 1877 (MEM S, 1878-1879, p. 29-36). Les mémoires de ces deux années comportent plus loin une Note sur la production des Outremers de différents métaux par Forcrand et Ballin, qui présentent le travail sur les outremers effectués dans le laboratoire d’Adrien Loir* (p. 173-180), un mémoire sur la Formation des Outremers organiques, présenté à l’Académie par M. Robert de Forcrand (p. 267-274), des Notes historiques sur la découverte de l’Outremer artificiel, par Loir (333-355) et en annexe le Cahier d’expériences 1826 de J. B. Guimet (publié aussi Lyon : Assoc. typogr., 1879). Loir conteste ici les prétentions allemandes de considérer Christian Gmelin comme auteur de la découverte du Bleu outremer.

Bibliographie

Drefus, La Grande encyclopédie. – Glaeser, Biographie nationale des contemporains, 1878. – David 2000. – Mulsant, « Notice sur J. B. Guimet », Opuscules entomologiques, p. 41-63, et MEM S, 1872. – Daisy Bonnard, « Le bleu outremer, inventions d’un pigment », La revue du musée des arts et métiers 46-47, septembre 2006. – Bernadette Anglereau et Catherine Pellissier, Les dynasties lyonnaises. Des Morin-Pons aux Mérieux, du xixe siècle à nos jours, Paris : Perrin, 2003. P. Hamon, DBF.

Iconographie

Une plaquette rectangulaire à sommet cintré, gravée par Léo Laporte-Blairsy, frappée en bronze et en aluminium pour la Compagnie des Produits chimiques d’Alais et de la Camargue, associe son buste à celui de son fils Émile Guimet. Le revers présente trois sites industriels de la Compagnie. Un exemplaire en aluminium est conservé dans le médaillier de l’Académie (n° Drevon 03).

Publications

« Considérations sur les moyens de procurer à Lyon des eaux pures, fraîches et limpides, et en quantité illimitée, par l’infiltration des eaux du Rhône dans le sol lyonnais », Annal. Soc. Agri. Lyon 7, 1844, p. 295-310.