Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

POUTEAU Claude (1725-1775)

par Pierre Crépel, Jean-Pierre Hanno Neidhardt.

 Né à Lyon le 14 août 1725, fils aîné de Pierre Antoine Pouteau, place Saint-Pierre, et de Clémence Hygonnet, mariés à Lyon Saint-Nizier le 19 septembre 1724, il est baptisé le lendemain (paroisse Saint-Pierre et Saint-Saturnin). Parrain : Claude Lombard, marchand bourgeois (né en 1680, époux de sa tante Marguerite Pouteau, née en 1688) ; marraine : Guillemette Laurence Fantet, sa grand-mère, veuve du marchand Jean Hygonnet. Son père (vers 1696-Lyon La Platière 1782), seigneur du Fresne (château et fief en franc alleu à Saint-Rambert-l’Isle-Barbe, acheté en 1753 aux Saladin), fils lui-même d’un maître chirurgien, Pierre Pouteau (ou Jean Pierre, maître chirurgien rue Saint-Côme, inventaire après décès du 3 décembre 1748), est maître chirurgien juré de Lyon en 1756, et deviendra doyen du collège de chirurgie en 1782.

 Il eut treize enfants : Claude, Jean-Baptiste (1727), Pierre (1728), Jeanne (1729, épouse de son cousin germain Louis Lombard de Buffières), Jean François Pierre (1732), Benoît (1733), Marie (1734, épouse Clavier), Anne Angélique (1735), Étienne (1737), Marguerite (18 août 1739-guillotinée le 18 décembre 1793 « comme contre-révolutionnaire, recevant et logeant des prêtres réfractaires et comme ayant donné 600 francs pour les frais du siège »), Denis (1743), et Clément Claude (1746). Étienne et Denis arrivèrent à s’échapper lors du siège de Lyon, pour s’exiler en Angleterre d’où ils rapportèrent à Lyon le goût du thé.

 Claude fait de bonnes études à Lyon, puis à Paris, où son père l’envoie se perfectionner auprès de Morand, Ledran et J.-L. Petit (mais on n’a pas retrouvé sa thèse) ; il obtient à l’âge de 23 ans la place de chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu de Lyon, jusqu’en 1753, et travaille ensuite en clientèle privée. Il remporte un prix à Rouen en 1748.

 À la fois médecin et chirurgien, dit Pouteau le fils, Pouteau n’a laissé une œuvre marquante que dans le champ de la chirurgie, à propos de trois questions: la description d’une fracture du poignet, connue sous le nom de fracture de Pouteau-Colles, les principes de l’hygiène hospitalière, la taille à niveau. Ses mémoires médicaux reproduisent essentiellement les erreurs du temps, mais leur lecture est agréable et ils font parfois preuve d’esprit critique. Il affectionne particulièrement le traitement par le feu ou la moxa, il s’intéresse aux grossesses tardives sans bien élucider les divers cas. Sa théorie des deux sortes de cancer (post-traumatiques et liés au terrain) est assez subtile, mais ne peut rien expliquer et d’ailleurs les moyens de l’époque ne le permettaient pas, car on ne pouvait étudier les cellules cancéreuses. Il est partisan de l’inoculation de la petite vérole, avec Grassot* et contre Rast*, et fait à ce sujet des remarques sensées.

 Pouteau décrit la fracture du poignet avec déplacement du radius, évidemment sans radio, différente de la fracture du scaphoïde sans déplacement. Une nouvelle description a été donnée beaucoup plus tard par l’Irlandais Colles en 1814. En ce qui concerne la saleté des hôpitaux, Pouteau n’est pas le premier à la constater, mais c’est lui qui comprend que les infections sont propagées par la main des médecins et par les linges. Il propose un certain nombre de mesures de parfait bon sens, notamment vers l’usage unique, l’utilisation du papier au lieu du textile tissé, il a un siècle d’avance sur Semmelweiss, mais n’est guère écouté. C’est un chirurgien adroit : pour l’opération de la taille (extraction de calculs dans la vessie), il est réputé n’avoir eu que six morts sur cent vingt-cinq, performance remarquable à l’époque. Sa méthode consiste à bien orienter le cathéter et le couteau pour pénétrer dans la vessie au point donné, il est probable que c’est davantage son habileté et sa propreté que sa méthode, qui sont à l’origine de sa réputation.

 Il meurt à Lyon le 11 février 1775, rue Lanterne, à la suite d’ « une chûte qu’il fit en rentrant chez lui » (Imbert). Il est inhumé le 13 dans l’église Saint-Pierre ; signent l’acte : Denis et François Pouteau, Chatagnier, Lombard et Clavier.


Académie

Proposé le 21 novembre 1755 à l’Académie des beaux-arts (alors appelée Société royale), il est élu le 12 décembre « libre dans la physique », et prononce son remerciement de réception le 19. Il devient membre de l’académie réunie dès la fusion de 1758. C’est un des académiciens les plus actifs. Il est lié à Lecat, personnage central de l’Académie de Rouen ; au moment où l’Académie de Lyon cherche à nouer des liens privilégiés avec cette compagnie, Pouteau lit le 5 février 1761 des extraits de l’assemblée publique de l’académie de Rouen. Le 3 avril 1764, il est nommé commissaire, avec Belleroche et Rast pour examiner les mémoires reçus pour le prix de physique, relatif à « l’air infect des hôpitaux ». Le prix est reporté, mais Pouteau, qui est élu directeur le second semestre 1764, prononce un discours à l’ouverture de la séance publique des mardis 28 août « sur les effets nuisibles que l’air infect des hôpitaux opère sur les malades » et 4 décembre 1764 (non conservés au Ms267). Pouteau lit de nombreux mémoires, qui seront en général publiés, pour la plupart à titre posthume. Ils concernent notamment l’opération de la taille, la cautérisation et le traitement par le feu, la propreté chirurgicale, la pratique de l’inoculation, les fractures et luxations et des sujets divers.

À l’Académie, Pouteau est très engagé contre le « vice cancéreux » ou le « virus cancéreux », puis contre la « phtisie pulmonaire ». Il lit en 1768 des lettres sur le vice cancéreux, il est nommé commissaire avec Collomb* et Devillers* pour déterminer le sujet du prix de physique; on annonce le 21 juin 1768 qu’il y en aura deux, un sur la lymphe et l’autre « sur le virus cancéreux auquel M. Pouteau offre d’attribuer à ses frais le prix de 600 livres », il s’engage sur la somme par un billet le 5 juillet. Un anonyme double la mise. Pouteau est nommé commissaire avec Collomb, Grassot et Rast, mais le 14 août 1770, les commissaires constatent qu’aucun mémoire n’a répondu de façon satisfaisante à la question et le prix est renvoyé à 1773. Les mêmes commissaires sont renommés, avec Pouteau, le 9 février 1773. Le prix est attribué les 16 et 30 novembre en séance privée, puis le 7 décembre en séance publique à un mémoire en latin de Bernard Peyrilhe (1737-1804), membre des académies de Toulouse et de Montpellier, dont le mémoire est publié en latin en 1774 et en français en 1776 (comme l’académie le lui suggère). Lors de la séance du 16 novembre 1773, Pouteau, qui a déjà abordé la question le 11 juillet 1769, propose, toujours à ses frais, un prix de 600 livres sur « la phtisie pulmonaire » ; il explique à cet égard que le cancer épargne les jeunes, mais que la phtisie touche tout le monde. L’Académie approuve cette proposition et décide un intitulé relatif aux « maladies chroniques du poumon ». Le 23 novembre, un académicien, dont le nom n’est pas précisé, « fit sur le champ à ce sujet le quatrain suivant :

Touché des mots des Mortels aux abois,

Pouteau veut en tarir la source.

Pour les guérir il emploie à la fois /

Sa main, son génie & sa bourse. »

La date limite de remise des mémoires est fixée au 1er avril 1775 ; le prix est décerné le 29 août 1775 à Camper, médecin à Francker en Frise, avec un accessit à Binninger en Basse-Alsace ; malheureusement Pouteau n’est plus là pour le voir, car il est mort accidentellement quelques mois plus tôt. Son éloge est lu par La Tourrette* à la séance publique du 2 mai 1775. Il était prévu (f°89) de le publier à la tête des œuvres posthumes de Pouteau, mais cela n’a pas été le cas et il est resté, semble-t-il, inédit. C’est juste une courte notice de l’éditeur (Colombier) qui a été mise à la tête de ces œuvres parues seulement en 1783.

Une rue de la Croix-Rousse, 1er arr., créée le 18 juin 1829, porte son nom.

Bibliographie

Bollioud, p. 175-176 et 214-216. – « Éloge », par La Tourrette, Ac.Ms124 f°89-105. – Colombier, « Notice sur la vie et les œuvres posthumes de M. Pouteau », in Œuvres posthumes de M. Pouteau, Paris : Ph.-D. Pierres, 1783, t. I, p. V-IX. – Dumas, t. I, p. 256. – Notule de Bréghot du Lut sur Pouteau, document relatif à l’Histoire de l’Académie de Dumas (AcMs270 f° 88). – Bouchet. – Khadidja Touil, Contribution à la biographie de Claude Pouteau (1725-1757), thèse méd., Lyon, 1996. – Louis-Paul Fischer*, Khadidja Touil, « Claude Pouteau (1725-1775), chirurgien de l’Hôtel Dieu de Lyon : son “asepsie” au moyen de l’eau, du feu et du linge propre », Hist. sci. méd. 32, 1998, 1, p. 27-37, portrait. – Imbert (AcMs255 f°66-67). – Baron Olivier Faye et Louis Montandon, La Descendance de Pierre Pouteau.

Iconographie

Buste par J. Legendre-Héral*, Lyon, Hôtel-Dieu. – Portrait [...], devise: « Igne, ferro sanabat ».

Manuscrits

Il reste peu de manuscrits dans les fonds de l’académie, car ceux qui y ont été déposés ont souvent été remis aux imprimeurs et publiés soit dans les Mélanges de chirurgie [MC] en 1760, soit dans les Œuvres posthumes [OP] en 1783. Nous donnons les dates et références dans les registres (où figurent souvent des résumés) et éventuellement les correspondances dans les publications : les titres varient selon qu’il s’agit de ceux des registres, de ceux de Bollioud ou de ceux des imprimés ; nous n’avons indiqué les variantes que lorsqu’elles étaient importantes. Explication d’un phénomène anatomique observé à la suite d’une opération de la taille, ou « Sur une feve de haricot qui servoit de noyau à un calcul de la vessie urinaire », 13 février 1756 (MC, p. 293-298 et OP, t. 3, p. 290-293). – Remarques sur la guérison d’une paralysie opérée par le secours de la chirurgie ou « Sur le danger des coups à la tête, lors même qu’ils n’intéressent que le cuir chevelu », 17 décembre 1756 (MC, p. 273-293 et OP, t. 2, p. 77-110). – Observations sur une grossesse de 7 ans et demi, 18 novembre 1757 (MC, p. 383-405). – Mémoire sur l’effet salutaire de l’huile d’olive contre la morsure de la vipère, 20, 27 mars 1759 et lu par Sozzi* à la séance publique du 1er mai 1759 (MC, p. 141-179 et OP, t. 3, p. 73-111). – Sur l’opération de la taille, 10 juillet 1759. (AcMs260 f° 202-214 et MC, p. 197-214). – Question : un séton, un cautère, une ventouse, les vésicatoires sont-ils capables d’attirer sur les parties où on les applique la portion viciée des humeurs qui causent les maladies ? 17 juillet 1759 (MC, p. 71-92 et OP, t. 3, p. 269-289). – Observations sur l’usage du camphre pour la guérison de certaines maladies, 31 juillet 1759 (MC, p. 180-189). – Mémoire sur le cautère actuel, ou action du fer appliquée aux parties attaquées de douleurs Rhumatismales invétérées, 14 et 21 août 1759 (MC, p. 1-70 et OP, t. 1, p. 202-299) [voir aussi une lettre de Foubert lue par Pouteau le 3 mars 1761]. – Sur la luxation de la cuisse en haut et en dehors, 5 février 1760 (MC, p. 239-259 et OP, t. 2, p. 215-251). – Sur la luxation des muscles dans le corps humain, 11 mars 1760 (MC, p. 45-437 et OP, t. 2, p. 277-310). – Réponse à la lettre de M. le Cat sur l’inoculation de la petite vérole, 11 septembre 1760 (AcMs260 f° 174-181) [non trouvé]. – Mémoire sur l’insuffisance des paralleles qu’on a fait de la petite verole naturelle et de la petite vérole inoculée et sur les moyens d’en établir un qui soit exact, 9 février 1762. (AcMs262 f°282-292), publié in MEM 2009, p. 156-168. – Invention et explication des usages d’un nouvel instrument propre à l’opération de la taille, 8 juin 1762. – Mémoire sous forme de lettre sur l’inoculation pour répondre à celui de Rast, 23 août 1763 (Lacroix*, Charles Bordes* et de Bory* sont nommés commissaires, rapport non trouvé). – Recherches sur les maladies héréditaires, 24 janvier 1764. – Recherches sur le tænia, à propos d’un article du Mercure de France de décembre 1749 sur un ver solitaire, 17 janvier 1764, puis Lettre sur le ver solitaire, imprimée dans le Mercure de France de 1764 (v. publications), 1er mai 1764. – Avec Collomb, Rapport sur un mémoire de Hugon (chirurgien d’Arles) proposant de nouveaux bandages à ressorts pour les espèces de hernies inguinales appelées entérocelles, 29 mai 1764 (AcMs259 f° 42-43) (objections auxquelles répond Hugon, 12 juin). – Essai sur la cause physique des douleurs de l’Accouchement, & sur la légitimité de quelques naissances précoces & de quelques naissances tardives, 26 juin et 3 juillet 1764 (OP, t. 3, p. 1-29). – Usage des remedes exterieurs pour la guérison des maladies chroniques, 17 juillet 1764. – Exposition du traitement de quelques maladies singulières, 30 juillet 1765. – [12] Lettres sur les cancers adressées à une dame [dont 4 sur les « causes externes » et les autres sur les « causes internes »] ou « Recherches sur le vice cancéreux, & sur les moyens de le combattre », 8 et 22 mars, 26 avril, 7 et 14 juin 1768 (OP, t. 1, p. 1-165). – Guérison d’une hydropisie operée par l’usage de l’eau à la glace, 24 mai 1768. – Mémoire sur la guerison de la Phtisie pulmonaire opérée par l’application du fer, 11 juillet 1769 (voir OP, t. 1, p. 313-536). – Mémoire sur le traitement d’une petite vérole compliquée avec une rougeole maligne, 26 juin 1770. – Remarques sur les dangers de l’usage trop prompt du blé nouvellement cueilli par rapport à la santé, 17 juillet 1770. – Recherches sur les causes des douleurs que les malades pensent ressentir dans un membre qui leur a été coupé, 5 février 1771 (AcMs154 f°168-169). – Extrait de deux observations sur les avantages superieurs du feu ou de la brulure pour la guerison des maladies les plus inveterées, 9 juillet 1771 (AcMs154 f°165-167). – Remède employé par [l’empereur] Auguste contre la sciatique avec un essai de traduction du passage de Suétone qui indique ce remède, 9 février 1773. (AcMs 262 f°310-323 et OP, t. 1, p. 299-306). – Expériences sur l’état des noyés, sur les signes de leur mort et sur les moyens de les en préserver, 7 juillet 1772 [il montre une seringue pour injecter par l’anus la fumée de tabac], 9 mars 1773 et séance publique du 27 avril (OP, t. 2, p. 139-214). – Dissertation sur les bains de Terre employés pour la guerison de phtisie pulmonaire, 18 janvier 1774 (voir OP, t. 1, p. 313-536). – Sur la gangrène humide qui se contracte dans les hôpitaux, 15 mars 1774 (OP, t. 3, p. 227-268).

Publications

Mélanges de chirurgie, Lyon : Regnault, 1760, XIJ + 526 p. + pl., présentés à l’Académie le 25 novembre 1760 [ouvrage critiqué de façon satirique par l’ouvrage anonyme de Louis Vitet, Avis d’un serviteur d’Esculape sur les Mélanges de chirurgie, par M. Claude Pouteau, Docteur en Chirurgie. Aux citoyens de Lyon, s.l., n.d., 1761]. – Essai sur la rage, Lyon 1763, 48 p. (présenté à l’Académie le 24 mai 1763). – « Observations sur le Ver Solitaire », Mercure de France, janvier II, 1764, p. 140-157 (à laquelle répond de Saint-Angel, mai 1764, p. 150-154). – La Taille au niveau, mémoire sur la lithotomie par l’appareil latéral, circonstances & dépendances, avec addition de quelques nouveaux instruments pour cette opération, Avignon, 1765, 116 p. – Œuvres posthumes de M. Pouteau, docteur en médecine, chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu, Lyon : impr. de Ph. D. Pierres, 1783, 3 vol., X + 631 p., portrait ; 536 p. ; 428 p. (recensions dans le Journal encyclopédique, 1783, p. 398-407; 1784, p. 14-19 et 233-242).