Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

PATRIN Melchior (1742-1815)

par Louis David.

 Eugène Melchior Louis Patrin est né à Lyon le 3 avril 1742 et baptisé à Saint-Nizier le 4, fils d’Antoine François (La Chapelle-sous-Brancion [Saône-et-Loire] 24 octobre 1709-Lyon 1763) – conseiller du roi, notaire à Lyon de 1740 à 1775, dont le père était chirurgien à Nogent –, et de Marie Claudine Cornet (Lyon, 28 août 1720-7 décembre 1793). Parrain : Louis Chazotte, conseiller du roi, notaire à Lyon (en activité de 1711 à 1748) ; marraine : Marie Claudine Laurenson (1688-1769), veuve de Jean Cornet (1681-1730), maître chapelier, aïeule maternelle. Antoine François Patrin acheta à Mornant en 1752 la propriété de Madame de Vernon, appelée clos-Patrin, puis clos-Donzel car elle était devenue la propriété de l’entomologiste Hugues Donzel (1791-1850) avant d’être celle de la commune qui y a fixé la bibliothèque municipale. Une rue de Mornant porte le nom de « rue Patrin ».

 Il est décédé à Saint-Vallier (Drôme), le 4 août 1815. L’acte de décès porte : « […] sieur Eugène Melchior Louis Patrin, âgé de soixante-treize ans, homme de lettres, natif de Lyon, demeurant à Paris, rue du Bacq, numéro quatre-vingt-cinq, est décédé à huit heures du soir dans l’hospice de Saint-Vallier ».

 Destiné au barreau, il devient avocat ; mais il préfère les sciences naturelles et fait à l’université de Paris des études en ce sens. Mais ses connaissances théoriques ne lui suffisant pas, il décide de parcourir en observateur et à ses frais la plus grande partie de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Bohème, de la Hongrie, de la Pologne... À Vilnius (Lituanie), il rencontre Jean-Emmanuel Gilibert* qui lui donne des lettres de recommandation pour l’académie de Saint-Pétersbourg. Il rencontre le naturaliste Simon Pallas et obtient l’autorisation d’explorer la Sibérie avec le titre d’officier des mines, accompagné d’une petite escorte et d’un officier russe, contre la promesse de remettre à l’Académie les échantillons d’histoire naturelle qu’il pourra récolter. Le voyage va durer huit ans, explorant les montagnes de l’Asie boréale, depuis les monts Oural jusqu’au-delà du méridien de Pékin ; il revient en 1787, mais se fâche avec Pallas qui avait conservé pour lui les échantillons les plus intéressants. De retour en France avec près de trois tonnes de minéraux soigneusement répertoriés, il offre cette riche collection au cabinet du roi (futur muséum national), mais ce don généreux est refusé faute de place pour le loger...

 Sa réputation grandissant, il devient député de Rhône-et-Loire à la Convention nationale (7 septembre 1792-26 octobre 1795). En son sein, Patrin vote la déchéance de Louis XVI, mais non la condamnation à mort, en ces termes : « Louis a mérité mille fois la mort ; mais si son existence est utile à la république, qu’il soit condamné à vivre. Oui, son existence est utile, puisque sa mort est dangereuse. Louis mort, son fils devient formidable par ses malheurs et son innocence. Je vote pour la réclusion ». Pendant la Terreur, un décret de la Convention du 11 juin 1793 ordonne son arrestation, ainsi que celle des députés du Rhône-et-Loire, et l’apposition de scellés sur leurs papiers. Il est incarcéré le 27 juillet 1794, mais, libéré plus tard, il cherche à se faire oublier. Après la chute de Robespierre, le comité de salut public le retrouve et le nomme, par décrets du 15 nivôse an III [4 janvier 1795]et du 2 ventôse an III [20 février 1795], chargé de mission avec les pleins pouvoirs pour : 1. reprendre le contrôle des manufactures d’armes de la Loire, à l’arrêt et soumises au pillage ; 2. remettre en route les houillères du bassin de la Loire. En ce domaine de prédilection, il réforme toute l’organisation des mines et les engage sur la voie de la modernisation. Le 23 germinal an III [12 avril 1795], il écrit au comité de salut public qu’il reste à Saint-Étienne sur la demande des administrateurs afin de consoler les ouvriers qui gémissent dans la plus affreuse disette de pain et de fer. Le même jour, il dénonce auprès du même comité le citoyen Boyer, commissaire de la commission des armes à Saint-Étienne, comme un despote incapable, coupable de dilapidations. Il résulte des notes du 25 germinal qu’il se débat au milieu de difficultés financières, ne pouvant trouver le million dont il a besoin pour la manufacture. Il insiste pour le remplacement de Boyer dont il a fait contrôler les actes par le directoire du district de Saint-Étienne. Le 24 floréal, nouvelles plaintes de Patrin sur la pénurie de fonds pour payer les ouvriers et sur l’embarras dans lequel va se trouver son successeur Bonnet du fait du décret du 19 floréal interdisant aux représentants la faculté de tirer aucun mandat. Finalement, il obtient gain de cause. Lorsque sa mission prend fin, il laisse derrière lui une équipe d’ingénieurs compétents, et une industrie houillère en expansion qui durera un siècle.

 Il est enfin nommé bibliothécaire à l’école des Mines de Saint-Étienne lors de sa création : c’est là que ses collections trouvent enfin un accueil digne d’elles.


Académie

Le 2 mars 1790, Le Camus* présente un Mémoire sur l’histoire naturelle de M. Patrin, qui souhaite concourir aux places d’académiciens vacantes dans la classe des Sciences. Le 9 mars, Le Camus et Gilibert* désignés pour examiner le mémoire de M. Patrin ont fait leur rapport, et l’académie a pensé que cet essai présente des observations intéressantes sur l’histoire naturelle des montagnes de la Sibérie, que l’auteur a parcourues. Patrin est élu à la séance de 23 mars, et il comparaît à la séance du 4 mai où il prononce son discours de réception sur Les mœurs des peuples de Sibérie, recueillant à nouveau les éloges du président et de l’académie. Lorsque le préfet Verninac rétablit l’Athénée de Lyon, le 24 messidor an 8, « Patrin, ex-législateur, de la ci-devant académie de Lyon », figure sur la liste des associés honoraires. Lors de la mise à jour de la classification des membres de l’Athénée à la séance extraordinaire du 15 frimaire an XI, il est porté au nombre des membres émérites.

Il est correspondant de l’Académie des sciences en 1796, et de l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg.

Un genre de valérianacée lui a été dédié par Antoine-Laurent de Jussieu : Patrinia. Il a décrit, sous le nom de calamine verdâtre, l’aurichalcite qu’il avait découverte en Sibérie (Journal de physique 33, p. 81).

Bibliographie

Michaud. – L. R. Villermé, « Notice sur feu Eugène Louis Melchior Patrin, bibliothécaire à l’école des mines, correspondant de l’Institut de France, etc. », Annales Encyclopédiques, juillet 1818, 16 p. – A. Locard*, Ac1900, p. 27. – L. Delorme, « À travers Mornant, la rue Patrin. Patrin cet inconnu », L’araire, 56, 1984, p. 27-32. – A. Chermette*, Minéraux, mines et minéralogistes lyonnais au 19e siècle, 1993, Lyon : ELAH (Patrin p. 38-40). – R. et C., Notes sur l’histoire du département de la Loire pendant la révolution française (1789-1799). – Joseph de Fréminville, Inventaire analytique et notice biographique, Saint-Étienne : Librairie Chevalier, 1913.

Manuscrits

Mémoire sur les montagnes de Sibérie, Ac.Ms218 f°48-56 : description des montagnes de roches cristallines (granites…), de roches métamorphiques (gneiss…), leur formation et leur origine. – Mémoire sur les mœurs des habitans de la Sibérie : discours de réception, lu le 4 mai 1790, Ac.Ms158bis f°119-127.

Publications

Relation d’un voyage aux monts d’Altaïce en Sibérie, fait en 1781, Saint-Pétersbourg : Logan, 1783, 40 p. (38 selon la BNF), repris par Pallas dans les Nouveaux essais sur le Nord. – Recherches sur les volcans d’après les principes de la chimie pneumatique, lu à l’Institut le 1er ventôse an VIII, 1800, Paris : s.n., 27 p. – Histoire naturelle des minéraux contenant leur description, celle de leur gîte, la théorie de leur formation..., Paris : Deterville, 1800-1801, 5 vol. (1 : LXXX + 251 p., 3 pl. ; 2 : 327 p., 7 pl. ; 3 : 353 p., 17 pl. ; 4 : 342 p., 3 pl. ; 5 : 399 p., 10 pl.) ; 2e éd., 1803 ; trad. en italien, 1836. – « Remarques sur la diminution de la mer et sur les îles des mers du Sud », Journ. Phys. Chim. Hist. Nat., 1805, p. 306-323. – Notes de l’ouvrage d’Aimé Martin, Lettres à Sophie sur la physique, la chimie et l’histoire naturelle, Paris : Nicole, 1810, 2 vol., XVI + 354 et 410 p. ; 2e éd., 1811 ; reimpr. Nabu Press, 2011. Nombreuses autres publications dans le Journal de physique, les Annales des mines, la Bibliothèque britannique, le Nouveau dictionnaire d’histoire naturelle