Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

VINCENT Eugène (1843-1926).

par Jacques Hochmann.

 François Eugène Alexis Vincent est né à Voiron (Isère) le 17 août 1843, fils de François Eugène Vincent (Voiron, 1813-1867) marchand de rouennerie – selon Bondet*, il aurait ensuite enseigné et se serait adonné à la peinture –, et de Marie Angélique Michel (Voiron 1817-Coublevie 1892), marchande. Témoins : Adolphe Henry David, élève en pharmacie, et Jean Baptiste Drevet, secrétaire de mairie.

 Après des études au petit séminaire de la Côte-Saint-André (Isère), alors qu’il a entamé des études médicales, il est engagé volontaire pendant la guerre de 1870 dans une batterie d’artillerie de montagne de l’Isère, et termine la guerre avec le grade de sous-lieutenant. Il découvre alors la chirurgie en voyant le professeur Léopold Ollier* opérer les blessés du combat des barricades du cours des Brosses (act. cours Gambetta) pendant l’insurrection communaliste de la Guillotière le 30 avril 1871.

 Interne des hôpitaux de Lyon en 1872, il doit soutenir à Paris, en 1876, sa thèse, De l’ablation du calcanéum en général et spécialement de l’ablation sous périostée de cet os, car la faculté mixte de médecine et de pharmacie de Lyon, créée en 1874, n’ouvre en fait ses portes qu’en 1877. À cette date, il devient le chef de clinique du professeur Léopold Ollier* dont il restera toute sa vie le très fidèle élève et à qui il consacrera plusieurs écrits. Il est agrégé de chirurgie au concours de 1878. Reçu chirurgien-major de la Charité en décembre 1880, il exerce pendant trois ans des suppléances à l’Hôtel-Dieu (clinique chirurgicale, clinique ophtalmologique) et à la Charité (obstétrique et gynécologie). En 1884, il prend, jusqu’en 1902, la direction d’un service de 300 lits d’obstétrique, de gynécologie et de chirurgie infantile. Tout en enseignant à la faculté, pendant ses neuf ans de fonction d’agrégé, la physiologie, la pathologie externe, la chirurgie et l’obstétrique, il se consacre, dans son service de la Charité, à la formation des sages-femmes et des infirmières, pour lesquelles Hermann Sabran, président du conseil d’administration des hospices civils de Lyon, a créé une école. Adepte des conceptions pasteuriennes et pionnier de l’asepsie et de l’antisepsie, Eugène Vincent fait chuter la mortalité par fièvre puerpérale. Il se distingue surtout par ses traitements orthopédiques et chirurgicaux des malformations rachitiques du squelette et des pieds bots. Adepte de l’ostéoclasie (opération qui consiste à briser certains os pour remédier à des déformations osseuses ou articulaires) et du remodelage du pied ou « tarsoplasie », il obtient des résultats que son rapporteur à l’Académie, le professeur Bondet, vante en des termes quasi hagiographiques : « Ce n’est pas chose commune que de voir les boiteux guéris jeter leurs béquilles […] et de voir de pauvres enfants arrivant à l’hôpital tordus, difformes et infirmes, en ressortir redressés, avec une conformation presque normale et le libre fonctionnement de leurs membres ». Soumis aux attaques des opposants à sa méthode qui l’accusent de provoquer des fractures, des ostéites et des arthrites, il se défend en s’appuyant sur la radiographie naissante pour apporter des documents qui montrent l’efficacité au long cours de ses traitements. En 1914, âgé de 70 ans, il se met bénévolement au service de l’armée et exerce comme chirurgien-chef de l’hôpital auxiliaire des Lazaristes (société de secours aux blessés militaires), ce qui lui vaudra d’être décoré de la Légion d’honneur à titre militaire (décret du 23 février 1921, réception le 13 avril 1921 par Ennemond Richard, président du comité lyonnais de la société de secours aux blessés militaires, LH/2710/31). Membre de la société médicale de Lyon, de la société nationale de médecine de Lyon, président de la société de chirurgie de Lyon, il a contribué à la création d’une école de médecine française à Shanghaï sur le modèle de la faculté de Beyrouth.

 Profondément religieux, apôtre de la liberté d’enseignement, Eugène Vincent a écrit des commentaires sur l’Imitation de Jésus-Christ. Il s’est élevé contre ceux qui, au nom de l’hygiène, voulaient interdire les pèlerinages de Lourdes, et il s’est interrogé, d’un point de vue catholique, sur la conduite à tenir devant une grossesse extra-utérine. Considérant toute forme d’interruption de grossesse comme un crime et opposé à l’enseignement de méthodes contraceptives aux étudiants en médecine et aux femmes, il récuse l’argument de prévention d’un risque mortel pour la mère et enjoint soit la césarienne si le fœtus est viable, soit la prolongation de la grossesse jusqu’à ce qu’il soit viable, « hors les cas de rupture et d’hémorragie interne grave » (où, de toute manière le fœtus est mort).

 Il avait épousé le 20 mars 1876, à Paris, Marguerite Rousselon, née à Paris le 22 novembre 1853, fille de Paul Rousselon (Paris, 1824-1882) et de Marie Prudence Magniol (Paris ca 1831-1905), décédée à Lyon le 29 novembre 1884, à 31 ans, après lui avoir donné six enfants en huit ans : Pauline (Lyon 1877-1915) épouse Albert Mathian ; Antoinette (1878-1941) ; Emmanuel (Lyon 13 août 1879-Annecy 24 décembre 1964), médecin à la Tour-du-Pin (Isère) ; Marie ; Eugène (Grigny 1882-Lyon 1916, mort pour la France, inhumé à Voiron) ; et Bernard.

 Eugène Vincent est mort à Lyon, 2 quai Gailleton, le 27 février 1926. Il a été inhumé à Voiron.


Académie

Élu titulaire le 4 juin 1901, fauteuil 2, section 3 Sciences, sur rapport d’Adrien Bondet, il succède à son maître Léopold Ollier, qui avait souhaité son entrée. Il présente un travail intitulé : Ostéotomie et ostectomie fémorale, dans les ankyloses vicieuses de la hanche (résumé sur le registre, 18 novembre 1902). Il consacre un discours (de réception ?) à un Mémoire sur les œuvres de Caelius Aurelianus, dernier représentant de la secte des méthodistes (MEM 8, 1904, et Lyon : Rey, 1909). Président en 1904-1905 (allocution de présidence, allocution aux nouveaux académiciens, allocution en quittant la présidence : Ac Rapports 1902-1904), il fait le compte-rendu des travaux de l’année 1904 (MEM 8, 1905). Il prononce plusieurs éloges funèbres : celui d’Alfred Léger* (Ac Rapports 1902-1904), d’Arnould Locard* (Ibidem), du Dr. Louis Gubian de la Motte-les-Bains (MEM 1908), ainsi que des discours à l’inauguration du monument élevé en 1905 à la mémoire de Léopold Ollier aux Vans en Ardèche (Ac Rapports 1902-1904), et à l’inauguration en 1909 du monument élevé à la mémoire du professeur Crolas* (Ac Rapports 1905-1908). Il a fait plusieurs communications : Les origines de l’ancien collège des médecins de Lyon, à propos du sceau de 1850 (MEM 10, 1910). – Documents, la plupart inédits, sur les victimes de la Terreur à Lyon, portant le nom de Vincent (Ibidem, et Lyon : A. Rey, 1909) – L’influence française en Chine et les entreprises allemandes. Nécessité de créer en Chine une faculté française de médecine (MEM 14, 1914). Il s’occupe activement pendant plusieurs années de la fondation du baron Lombard de Buffières (ancien député de l’Isère), destinée à « développer dans l’enfance le respect de l’observation de ses devoirs envers Dieu, envers soi-même et envers le prochain », et qui récompense des enfants, des enseignants et des formateurs professionnels méritants. Ses rapports pour les années 1911, 1912, 1914, 1915, 1918 à 1925 figurent dans les mémoires de l’Académie et sont édités chez A. Rey. « Il a voulu honorer la piété filiale en fondant un prix de vertu soutenu par un legs de 3 000 F. autorisé en 1927 d’après un testament de 1910 » (David).

Bibliographie

A. Bondet, Rapport manuscrit pour la candidature du docteur Eugène Vincent, Dossier Acad. 1901 – J. Guiart, Discours prononcé aux obsèques du docteur Eugène Vincent le 2 mars 1926, Dossier Acad. – E. Rollet, « Le docteur Eugène Vincent » Lyon médical 37, 1926, p. 323-324. – J. Guiart, L’école médicale lyonnaise. – David 2000.

Iconographie

Portrait en glyptographie, Archives du musée historique de la faculté mixte de médecine et de pharmacie.

Publications

Traduction de l’allemand du Compendium de physiologie humaine de Julius Budge, Paris : Masson, 1874. – De l’ablation du calcanéum en général et spécialement de l’ablation sous-périostée de cet os, Paris : impr. A. Parent, puis Masson, 1876, 188 p. – Des causes de la mort prompte après les grands traumatismes accidentels et chirurgicaux, thèse d’agrégation, Paris : Masson, 1878. – « Recherches expérimentales sur le pouvoir ostéogène des os », Rev. chir., 1884. – « De l’ostéoclasie sus-malléolaire ou fémorale dans certaines formes de pied bot », Congrès français chir., 1884. – « De la résection de la hanche dans les luxations congénitales de cette affection », Congrès français chir., 1886. – « De la cholécystectomie chez les enfants », Rev. chir. 1888. – Leçons faites aux élèves sages-femmes de la maternité de Lyon, Lyon : Vitte et Perrussel, 1888. – « Contribution à la chirurgie rachidienne : du drainage vertébral dans le mal de Pott », Rev. chir., 1892. – « Traitement des pieds bots varus équins congénitaux difficiles, par l’ostéoclasie sus-malléolaire, la tarsoplasie ou modelage du tarse sous l’ostéoclaste Robin-Mollière et la section sous-cutanée profonde des parties molles résistantes sur les faces interne et plantaire », Arch. provinciales de chir., 1893. – Contribution clinique à l’étude de la résection de la hanche, Le Mans : Ed. Monnoyer, 1895, 348 p. – « Mémoire sur les résultats éloignés de la tarsoplasie. Lésions articulaires et osseuses déterminées par la tarsoplasie sous l’ostéoclaste dans les pieds bots difficiles ou massage forcé instrumental », Rev. chir., 1901. – « Longue étude sur les travaux du professeur Ollier », Arch. prov. de chir., 1901. – Éloge et biographie du professeur Léopold Ollier, Lyon : Impr. Salut public, 1902, 68 p. – Doit-on fermer Lourdes au nom de l’hygiène ? Réponse des médecins qui ne font pas de politique. Non, Lyon : Paquet, 1906. – Leçons de clinique obstétricale, Lyon : A. Rey, 1904. – La Louvesc (Ardèche) ; Station de cure d’air et d’altitude. Étude médicale et souvenirs religieux, Lyon : P. Vitte, 1911. – Autour de l’Imitation de Jésus-Christ, Bourges : Vve Tardy, 1913. – Manuel des infirmières, 3 vol., Paris : J.B. Baillière, 1901-1902. – La médecine en Chine au xxe siècle, Paris : Steinheil 1915, 316 p. – « Contribution à l’étude des septicémies gazeuses dans les plaies de guerre » Lyon chirurgical, 1917. – De la conduite à tenir au point de vue religieux en présence d’une grossesse extra-utérine abdominale ou tubaire, Lyon : Paquet, 1920. – Le Docteur Édouard Chappet (1825-1922), Lyon : Perroud, 1922.