Raymond de Verninac est né à Souillac (Lot) le 8 janvier 1761, et baptisé le lendemain. Parrain : Raymond de Laprade, chevalier de Saint-Louis, lieutenant-colonel au corps de Ficher, son oncle maternel qui avait épousé Marguerite de Montet ; marraine : Marie de Verninac. Son père, Étienne de Verninac (Souillac, 4 mai 1727-16 février 1801), fils d’un bourgeois, juge de Souillac et conservateur des actes publics), avocat en parlement en 1752, juge de paix de Souillac en 1801, ajouta Saint-Maur à son patronyme, nom d’une propriété de Pech Saint-Maur. Sa mère est Suzanne Jeanne de Montet (Souillac, 1731-7 septembre 1801), dont c’est le huitième accouchement sur treize.
Après avoir fait des études au collège de Brive-la-Gaillarde, il se rend à Paris pour étudier le droit. Il publie des vers dans les journaux et les almanachs littéraires (Almanach des Muses) et étudie la procédure criminelle anglaise. Il est un partisan de la Révolution. Le 1er juin 1791, grâce à l’appui de son ami Duport-Dutertre, ministre de la justice, le roi l’envoie, avec Lescène-des-Maisons et l’abbé Mulot, comme commissaire-médiateur dans le Comtat-Venaissin, alors sous l’autorité pontificale, pour apaiser les troubles. Verninac soutient la tendance révolutionnaire de Jean Duprat qui veut prendre le pouvoir à l’occasion de l’annexion. Les deux autres commissaires soutiennent la municipalité modérée de Carpentras qui accepte cependant la réunion à la France. Verninac fait son rapport à l’Assemblée nationale qui, le 14 septembre 1791, sur la proposition du député Armand Gaston Camus, décrète le rattachement des deux enclaves à la France, mais les troubles prospèrent entre Carpentras et Avignon. Le maire d’Avignon, Lescuyer, est mis à mort (16 octobre) par les aristocrates et les prêtres réfractaires, ce qui provoque des massacres en retour. Verninac justifiera sa position par des écrits qui susciteront la polémique.
Nommé ambassadeur en Suède en avril 1792, il arrive à Stockholm le 16 mai. L’exécution de Louis XVI aboutit à un rappel d’ambassadeurs de part et d’autre. Verninac est nommé envoyé extraordinaire près de la Porte le 12 brumaire an III. Il rejoint Constantinople le 26 avril entrant à Constantinople en grand appareil, avec escorte et musique militaire. Il obtient la reconnaissance officielle de la République française par le Grand Vizir, Solim III. Il avait pris l’initiative de rédiger une gazette en français. Il quitte Constantinople en novembre 1796. Arrêté à Naples, il ne peut arriver en France qu’en mai 1797. Introduit par Charles Delacroix, alors ministre des relations extérieures, il est reçu le 9 juin 1797 par le Directoire, où il présente un étendard ottoman et un diplôme de Solim III.
En 1797 (contrat 29 novembre), il épouse Anne Françoise Henriette Victoire Delacroix (4 janvier 1782-Paris 16 avril 1827, inhumée au Père-Lachaise), d’une grande beauté, fille de Charles Delacroix de Contaut (Givry-en-Argonne [Marne] 16 avril 1741-Bordeaux 26 octobre 1805) – conventionnel, ministre des Relations extérieures en 1795 jusqu’à son remplacement par Talleyrand le 19 juillet 1797, ambassadeur en Hollande en novembre –, et de Victoire Oeben (1758-1814), fille de l’ébéniste Jean François Oeben (1721-1763). Henriette est la sœur aînée du peintre Eugène Delacroix (26 avril 1798-13 août 1863), et du général baron d’Empire, Charles Henri Delacroix (1799-1824).
La loi du 28 pluviôse an VIII [17 février 1800] règle l’organisation départementale et institue les préfets. Verninac est le premier préfet du Rhône, nommé le 11 ventôse an VIII, installé le 12 germinal.
À son arrivée à Lyon, ville alors dévastée, il s’installe à l’Hôtel de Ville et, de façon très politique, meuble lui-même ses appartements de fonction. Il régularise l’autorité municipale dans le département, rétablit la garde nationale, organise l’octroi municipal, fonde le quai de communication entre le pont du Change et le quai de la Baleine, crée une chaire de chimie, l’école de peinture de la fleur. Il reçoit Bonaparte revenant de Marengo qui pose la première pierre des façades de la place Bellecour le 10 messidor an VIII [29 juin 1800] et fait frapper une médaille, gravée par Claude Antoine Mercié, à cette occasion ; la légende qualifie le premier Consul de REEDIFICATEUR DE LYON (Morin-Pons*, p. 105-106, pl. XIV n° 2).
Verninac est appelé à d’autres fonctions le 3 thermidor an IX [22 juillet 1801], et devient ministre plénipotentiaire en Suisse, du 23 thermidor an IX [11 août 1801] au 5 brumaire an XI [27 octobre 1802]. Sa politique, visant à l’indépendance du Valais sous la protection de la France plutôt que l’intégration dans un nouveau département, déplaît au Premier consul, et le fait tomber en disgrâce.
L’arrondissement de Gourdon l’élit en 1816 candidat à la Chambre législative, mais sans suite. Démuni, ne pouvant vivre à Paris, Verninac se retire à Aussac (Charente), dans le domaine de la forêt de Boixe, récupéré en 1812 par sa belle-mère Victoire Oeben, sur Jean Pierre Boucher, qui l’avait lui-même acquis en 1805 de son débiteur Charles Delacroix de Contaut. Cette récupération d’héritage ruinera Victoire Delacroix. Le domaine sera revendu par ses héritiers en 1824. Eugène Delacroix, orphelin de son père à l’âge de 7 ans, de sa mère à l’âge de 16 ans, pris en charge par les Verninac, y a fait plusieurs séjours, qu’il raconte dans sa correspondance.
Verninac (Raimond de Saint-Maur) est mort à Aussac, le 23 avril 1822. Il est dit « domicilié à Paris, 22 rue de Laplanche, et depuis quelques années à la Maison des Gardes de la forêt de Boixe », où il est décédé.
À la mort de son mari, Henriette cherche à se placer comme dame de compagnie à la Maison d’éducation de la Légion d’honneur. Elle est pratiquement dans la misère à sa mort en 1827. Leur fils, Charles Verninac (Paris, 97 rue de Grenelle, 29 novembre 1803-New York 22 mai 1834), élève du lycée impérial (act. Louis-le-Grand), puis de l’école de droit de Paris, vice-consul stagiaire à Malte, puis en 1831 vice-consul au Chili à Valparaiso, contracta la fièvre jaune à Vera Cruz en retournant en France, et décéda à New York à l’âge de 30 ans. Son oncle Eugène Delacroix, qui avait peint son portrait entre 1818-1820 (et une copie en janvier 1847), et avec lequel il était très lié – ils n’avaient que 5 ans de différence – a montré dans sa correspondance sa tristesse à l’annonce de la mort « de mon bon neveu, le seul reste de ma triste famille ».
René Bargeton et alii, Les préfets du 11 ventôse an VIII au 4 septembre 1870, Paris : AN, 1981. – Dict. Napoléon, notice par Louis Trénard. – J. Henri-Robert, « Le Quercynois Raymond de Verninac Saint-Maur, diplomate sous la Révolution et le Consulat : sa disgrâce en 1802 », Bull. Soc. Études littér. scient. et artist. du Lot, 1977, 98, p. 23-27. – Lee Johnson, « Eugène Delacroix and Charles de Verninac, An Unpublished Portrait and New Letters », Burlington Magazine 110, 1968, p. 511-518.
Statue d’Henriette de Verninac en Diane chasseresse préparant ses traits, sculptée par Joseph Chinard* (Le Louvre). Chinard en présenta le modèle au Salon de 1800 à Paris. Le marbre n’était pas achevé lorsque Verninac quitta Lyon pour devenir ambassadeur en Suisse. Il a été présenté au salon de 1808. – Portrait de madame de Verninac (Henriette), par L. David, peint en 1799 (musée du Louvre, inv. 1942-16, 145 x 112 cm). À la mort d’Henriette, le tableau est déposé chez un prêteur sur gage par son fils Charles qui est criblé de dettes. Eugène Delacroix parvient à le racheter en 1831 et le conserve rue de Fürstenberg jusqu’à sa mort en 1863. Il l’avait légué à une lointaine cousine, née en 1800, Zélie de Verninac, épouse de Théodore Duriez. Le tableau a été légué au Louvre par le collectionneur d’art Carlos de Beistegui (1895-1970) en 1942. – Médaille gravée par Mercié. Effigie de Bonaparte avec légende : A BONAPARTE RÉÉDIFICATEUR DE LYON. Dans l’exergue : R. VERNINAC, PRÉFET, AU NOM DES LYONNAIS RECONNAISSANS. Au revers, une couronne de chêne avec inscription : Vainqueur à Marengo, deux fois conquérant de l’Italie, il rétablissait la place Bellecour, désormais Bonaparte, et en posait la première pierre le 10 messidor an VIII de la république, premier de son consulat. 1800.v.s. – Médaille gravée par Mercié (Henry Morin-Pons*, p. 107-108 et pl. XIV n° 4). Renommée planant au-dessus du monde. À sa trompette est suspendu un étendard sur lequel on lit : AUX BRAVES DU DÉPARTEMENT DU RHÔNE. Exergue : PRÉFET VERNINAC, 25 MESS. AN VIII. Revers : IL SERA ÉLEVÉ / DANSCHAQUE DÉPAR. / UNE COLONNE A LA MÉM. / DESBRAVESDU DÉP. MORTSPOUR / LA DÉF. DE LA PATRIE ET DE LA LIB. / CONSULS/ BONAPARTE, CAMBACÉRÈS, / LEBRUN. MINISTRE DE L’INTÉR. – Son nom figure aussi sur une médaille gravée par Mercié frappée en 1802 pour célébrer la Paix de Lunéville (Morin-Pons*, p. 108-109, et pl. XV n° 1). – Le masque de Charles Verninac se trouve au musée Delacroix.
Dans le programme des prix proposés par l’Académie pour 1807, figure un prix scientifique « Le prix est une médaille d’or de 300 francs : le fonds en a été fait par M. de Verninac, restaurateur de l’Académie de Lyon en 1800, ex-Préfet du département du Rhône ».
Ac.Ms123bis f°57-64, recto / verso, format 24 x 40 : Lettre de la côte de Troye, 6 novembre 1796, récit manuscrit par Verninac de son voyage de retour de Constantinople jusqu’au village grec d’Erinkeni, envoyée à l’Académie le 24 juin 1807 (Ac.Ms275-1 f°519), suivi (Ac.Ms123bis f°65‑71) d’un extrait du voyage lu et commenté par Claude Antoine Roux* à la séance publique du 25 août 1804. – Ac.Ms270 f°68, Paris, lettre écrite de Paris le 14 novembre 1826 par Charles de Verninac à Dumas* qui lui a adressé des documents relatifs à son Histoire de l’Académie en gestation, et qui lui a demandé une liste d’éventuels souscripteurs. Charles lui indique que « d’incroyables revers de fortune nous ont fait perdre une grande partie de nos connaissances » et que le portrait de son père fait par Dumas l’aidera à obtenir une place dans la diplomatie. – Ac.Ms275-1 f°5 : 18 thermidor an 8 : Verninac propose la salle de la bibliothèque de l’hôtel de ville pour les réunions de l’Athénée « en y rajoutant quelques flambeaux au cas que la séance ne se terminerait pas avant la nuit ». – Ac.Ms275-1 f°11 : Verninac propose de rédiger un projet de lettre de transmission d’un diplôme aux académiciens.
Recherches sur les cours et les procédures criminelles d’Angleterre, extraites des Commentaires de Blackstone, sur les loix angloises, précédées d’un discours sur les principales dispositions de ces procédures, et sur l’abolition de la peine de mort, Paris : Maradan, 1790, 250 p. – Messieurs les médiateurs de la France ont accordé à l’armée du département de Vaucluse la faveur de leur première visite, & M. Verninac de St. Maur lui a adressé le discours suivant, Cavaillon : Esprit Nicolau, imprimeur de l’assemblée électorale du département de Vaucluse, [1791], 2 p. – Réponse à une brochure intitulée Observations sur le projet de 1791, Paris, [1791]. – Rapport fait à l’Assemblée nationale, dans la séance du 10 septembre 1791, [Paris], [1791], 11 p. – Discours prononcé à l’Assemblée Nationale, dans la Séance du 14 septembre 1791, par M.V.S.-M., médiateur de la France entre les peuples d’Avignon et du Comtat Venaissin, [Paris], [1791]. – Discours de M. Duprat le jeune, et de M. Rovère du 9 septembre 1791 ; Réponse de M. Vernier, président de l’Assemblée nationale ; Rapport de M. Verninac-Saint-Maur ; Décret de l’Assemblée nationale qui déclare les Etats-réunis d’Avignon & du Comtat partie intégrante de l’empire français, Avignon : impr. Sabin Tournal, 1791, 34 p. – Réponse à une observation de M. Verninac [du livre Des troubles d’Avignon et du comté Venaissin], avec les pièces justificatives, [Paris], [1792], 8 p. – Des troubles d’Avignon et du comté Venaissin, depuis le mois d’août 1789 jusqu’à ce jour, Paris : C. F. Perlet, an IV, 93 p. – Description physique et politique du département du Rhône, Lyon : Ballanche et Baret, an IX, et Paris : impr. des sourds-muets, et en vente chez Le Clère, an X, 129 p., publié par ordre du Ministre de l’Intérieur, Sources statistiques de l’histoire de France, les enquêtes des préfets de l’Empire.
Verninac signe le 24 messidor an VIII [13 juillet 1800] un arrêté qui vise la création d’une société libre des sciences, lettres et arts, L’Athénée de Lyon, pour remplacer l’ancienne académie « dissoute et dispersée dans le courant de juillet 1792 [en réalité en 1793] » (procès-verbal de l’académie) ; l’Athénée reprendra le nom d’« académie » en 1806. Le même jour, il réunit à l’Hôtel de la préfecture, rue Boissac, les survivants de l’ancienne académie et des personnalités pour la création de ladite société qui adoptent le règlement prévu par l’arrêté : un règlement en 24 articles qu’on peut considérer comme un modèle de sobriété et d’efficacité.
Verninac est élu président, le comte de Laurencin* vice-président, l’abbé Claude Antoine Roux* secrétaire pour la classe des sciences, Laurent Pierre Bérenger* secrétaire pour la classe des lettres, avec Delandine* comme adjoint. Ces deux derniers démissionnent à la séance du 3 thermidor (22 juillet) et sont remplacés par Jacques Pitt*. À cette séance, il alloue des fonds à l’Athénée pour les prix dont il s’occupera activement. Peu autoritaire, favorisant le travail en groupe, il incite les académiciens à travailler en commission. Il préside la séance publique du 20 thermidor an VIII (8 août), en donnant un précis historique du rétablissement de l’Athénée, et cède la parole à Joseph Chinard* qui, pour l’occasion, a déposé dans la salle une statue de Minerve. Il est présent pratiquement à toutes les autres séances jusqu’à son départ de Lyon. Retenons : le 3 brumaire an IX [25 octobre 1800], où l’on apprend que les consuls Cambacérès et Lebrun et d’autres personnalités donnent leur accord par écrit pour devenir membre honoraires (Ac.Ms275-I f°14-15). L’assemblée, ce jour-là, décide d’adresser une lettre au Premier consul en suite de l’attentat (conspiration Jacobine d’Arena et autres), le 23 pluviôse an IX où il présente Najac* conseiller d’État en mission dans le Rhône qui sera élu associé honoraire le 13 ventôse, puis plus tard le 3 brumaire an X (24 octobre 1801) président.
Sa mort est annoncée à la séance du 18 juin 1822. Son éloge a été prononcé à l’Académie le 29 mai 1826 par Jean Baptiste Dumas* (Lyon : Barret, 1826, 43 p.)