Louis Benoît Perrin est né à Lyon, division de l’ouest, rue de Flandre (act. quai de Bondy), le 23 floréal an VII [12 mai 1799], fils de Jean Baptiste Robert Perrin – frère cadet de Théodore Perrin* (le père de l’architecte Sainte-Marie-Perrin*) –, et de Magdelaine Louise Bourgoin. Témoins : Philippe Dussausoy, courrier, rue de Flandre, et Pierre Villionne, peintre, rue de la Déserte. Louis Perrin se marie à Lyon le 14 janvier 1835 avec Marie Joséphine Fayolle (Lyon 8 mars 1806–24 mars 1841), fille de Melchior Mathieu Fayolle, agent de change, et de Benoîte Victoire Tresca ; d’où Marie Cécile (Lyon 14 juillet 1837), mariée le 31 août 1863 avec Georges Benoît de Verdelon (Marcolès [Cantal] 17 mai 1831), notaire à Marcolès. Il épouse en secondes noces, le 18 février 1847 au consulat français de Malte (acte retranscrit à Lyon le 1er février 1848), Catherine Baptistine Cécile Grand (Tarascon ca 1818-Lyon 8 décembre 1892), fille de Pierre François Alexandre Grand, horloger à Malte, et de Claude Satin ; d’où Alexandre Louis Alfred (Lyon 1er mars 1848-Sainte-Foy-lès-Lyon 18 octobre 1904), Louise Horacie Julie Amélie (Lyon 22 octobre 1850 [déclarants : Léonard Boitel, imprimeur et Jean Marie Marcel Tisseur]-Lyon 2e 2 mars 1859), et Marie Louise Gabrielle née en 1856.
Décédé le 7 avril 1865 – déclarants : son gendre, notaire, Georges Benoît de Verdelon, et son neveu, l’architecte Louis Jean Sainte-Marie-Perrin –, il est enterré le 9 au cimetière de Loyasse après un service funèbre dans l’église d’Ainay. Charles Fraisse, au nom de l’Académie, et Jacques Nigon, qui évoqua pour la chambre syndicale des imprimeurs « leur maître à tous », prirent la parole sur sa tombe. Quinze ans plus tard, sur la demande de sa veuve, la ville de Lyon, après avoir rappelé qu’elle avait déjà placé son buste au musée, « considérant que M. Louis Perrin a particulièrement bien mérité de Lyon, sa ville natale, par […] le perfectionnement auquel il a élevé l’art de l’imprimerie » lui accorda une concession perpétuelle et gratuite (délibération du 23 mai1871, Hours, 223).
Il avait suivi des cours de dessin (peut-être de Pierre-Henri Revoil*) au Palais des Arts, et il entre en 1818 comme apprenti dans l’atelier d’imprimerie de Mathieu Placide Rusand (acquis de Pierre-Simon Ballanche*) aux halles de la Grenette (8 rue Mercière) alors dirigé par son gendre Zacharie Durand. Il obtient son certificat de capacité, et rachète en septembre 1822 l’atelier de Cutty qu’il déménage 15 rue du Plat, à l’hôtel de Malte). À la fin de l’année, il s’associe avec Durand, qui avait remarqué la qualité de son travail, et qui édite sous son nom en attendant que Perrin soit titulaire d’un brevet d’imprimeur, ce qui est chose faite le 6 août 1823. Jusqu’à la fin de leur association (au début de 1826) les livres qu’ils impriment portent leurs deux noms. En 1823, Perrin obtient un brevet de libraire qu’il n’exploite pas, et en 1833, soucieux de maîtriser une technique alors nouvelle, un brevet de lithographe. Sa raison sociale devient Imprimerie typographique et lithographique de Louis Perrin. En 1852, il obtient un brevet pour la taille douce. Après avoir déménagé un temps son atelier 49 rue Mercière (1825), il l’installe définitivement en 1833, sur quatre étages 6 rue d’Amboise (près de la place des Célestins). Lui-même habite 3 rue de l’Arsenal (absorbée par la rue du Plat en 1854) puis, jusqu’à sa mort, 19 rue du Plat. La qualité de ses éditions lui vaut une mention honorable à l’exposition universelle de Paris de 1834 et une médaille de 1re classe à celle de Paris de 1855.
Formé au dessin, Louis Perrin est l’auteur de lettrines, bandeaux ou encadrement qu’il grave parfois lui-même. Mais c’est la typographie et l’édition de beaux livres qui le passionnent. Affligé par la médiocrité des éditions de son époque, il pense qu’il faut revenir « au goût du xvie siècle, dont les chefs-d’œuvre ne me semblent pas avoir été surpassés ». Afin d’encourager ce renouveau, il participe en 1840 à la création de l’éphémère Société des imprimeurs, typographes et lithographes brevetés (dissoute en 1851) qu’il préside 10 ans. Après avoir utilisé au mieux les caractères de la classe des didones (Didot), alors couramment employés, il entreprend de dessiner de nouveaux caractères pour imprimer les Inscriptions antiques de Lyon d’Alphonse de Boissieu*. Encouragé par Pierre Revoil, il étudie les inscriptions antiques du règne d’Auguste rassemblées par François Artaud* dans le cloître de Saint-Pierre et dessine, une nouvelle police, gravée et fondue par Francisque Rey (6, place Saint-Jean), qu’il appelle caractères augustaux et dépose le dessin en 1846. D’abord limitée aux capitales, elle sert aussi à l’impression des livres publiés par Monfalcon*, en particulier la Monographie de la Table de Claude (1851) dont il orne la couverture de la représentation d’une monnaie de l’empereur Claude qu’il dessine et grave lui-même. Afin de compléter le bas-de-casse, il s’inspire des éditions lyonnaises du xvie et des caractères du xviiie recherchés dans les ateliers lyonnais, en particulier chez Rey qui disposait de ceux du fondeur Jean-Pierre Marquet (établi de 1770 à 1780), pour dessiner un bas-de-casse complet qu’il fait graver et fondre, toujours par Francisque Rey. René Ponot relève (postface de l’édition du manuscrit de Monfalcon) que « c’est la première fois, dans l’histoire de la création typographique, que l’expérience était tentée ». Dès 1854, il les utilise pour l’impression de livres historiques avant de les choisir pour des textes contemporains, comme les recueils de poèmes de Joséphin Soulary*. Quelques imprimeurs réputés utilisèrent alors cette police, en particulier Jules Claye (1806-1886) à Paris, et Jules-Pierre-Guillaume Fick (1808-1877) à Genève. À la fin des années 1840, il remet en usage les caractères de civilité fondus grâce aux poinçons originaux gravés à Lyon vers 1560 par Robert Granjon (1513 ?-1590). Louis Perrin résume sa conception de l’art typographique dans une lettre adressée à Georges de Soultrait* le 20 février 1855 : « L’École Polytechnique a marqué sur toutes les choses de notre temps, grandes et petites, l’empreinte de son esprit exact, mais froid, rigide, absolu, tandis que chez nous, à la naissance de l’imprimerie, les arts étaient sous l’influence des écoles italiennes inspirées elles-mêmes par l’étude de l’Antiquité. De là la différence» (citée par Monfalcon*). Il apportait grand soin au choix des papiers, comme celui d’un vergé légèrement teinté pour les livres imprimés avec les augustaux. Bien que dessinant et gravant la plupart des ornements qu’il utilisait, Louis Perrin en confia parfois l’exécution à Jean-Marie Fugère (1818-1882) qui contribua, en particulier, à l’illustration des Inscriptions antiques de Lyon et à celle de la Généalogie de la Maison royale de Savoie (1855). Pour la taille-douce, il fit appel à Jean-François Dubouchet (1823-1880) et Antoine Séon (1819-1883) qui illustrèrent les nombreuses publications d’Antoine-Marie Chenevard*. En 1855, son imprimerie emploie treize personnes. Il travaille alors beaucoup pour le libraire lyonnais Nicolas Scheuring. Il s’intéresse aussi à la photographie qu’il utilise dès les années 1850 pour illustrer quelques ouvrages. À partir de 1855, il doit faire face à des difficultés financières liées à la perte des commandes régulières de la Compagnie des chemins de fer de Saint-Étienne à Lyon. L’évolution de ses productions (étudiée par Laurent Guillo), montre qu’il s’est alors spécialisé dans l’impression de livres de qualité recherchés par les bibliophiles les plus exigeants, comme le duc d’Aumale qui le qualifie d’« illustre imprimeur qui occupait si dignement la place des de Tournes et des Rouville » et ajoute que son édition du Château de Chambord de Louis de la Saussaye* « restera un des ornements de ma bibliothèque ». On estime à quatre-vingts ses éditions bibliophiliques sur un total d’un millier de publications.
Après son décès, l’imprimerie, gérée par sa veuve, continue à œuvrer avec le même personnel. En 1870, son fils, Louis-Alfred, associé à Gustave Martinet (1834-1907), en prend la direction. Les difficultés financières les amènent à se séparer en 1880 et à vendre l’imprimerie, y compris les poinçons et les matrices des augustaux (à l’imprimeur parisien Alphonse Lemerre [1838-1912] qui les utilisa largement) et la bibliothèque rassemblant les éditions de Louis Perrin. Trois ans plus tard, Louis-Alfred qui a vainement essayé de poursuivre l’activité de son père doit se résoudre à accepter la faillite qui est prononcée en 1883. Il continue à travailler comme correcteur d’imprimerie jusqu’à sa mort.
Peu après la mort de Louis Perrin, son ami Monfalcon*, qui avait réuni de nombreux documents le concernant, rédigea un manuscrit retraçant sa carrière. Devant le refus de sa veuve de l’imprimer, le manuscrit resta en l’état. Déposé à la bibliothèque municipale de Lyon, il a n’a été édité – par Laurent Guillo, qui l’a annoté – qu’en 1994. Vite oublié à Lyon, Louis Perrin a été mis en valeur au début des années 1920 par Marius Audin*, pour qui « il a créé des lettres, il a créé un style qui se distingue au milieu de vingt autres, il a créé une beauté typographique qui n’était pas avant lui ». Il lui consacre plusieurs publications et organise une grande exposition, Impressions de Louis Perrin et quelques livres lyonnais du xvie siècle, présentée à l’Hôtel de Ville de Lyon en mars-avril 1923 et complété par l’édition d’un catalogue. En 1987, alors que les historiens de l’imprimerie ont reconnu son importance, le musée de l’imprimerie et de la banque de Lyon lui consacre, du 24 janvier au 29 mars, une exposition, Louis Perrin ou l’art du livre à Lyon au 19e siècle, et édite, sous la direction de Bruno Béguet, un catalogue rassemblant les contributions de quatre autres auteurs.
Chevalier de la Légion d’honneur (1859) et de l’ordre des Saints-Maurice-et-Lazare (1857, après la publication de la Généalogie de la Maison royale de Savoie). Ancien juge au tribunal de commerce (1851-1856), il était membre honoraire de la société de secours mutuel typographique et lithographique et siégeait à la commission exécutive de la Société des amis des arts.
Louis Perrin adresse une demande de candidature, enregistrée le 11 août 1857. Il est inscrit, le 25 août suivant, pour une candidature dans la section Histoire et Archéologie, car la section des beaux-arts souhaitait dans l’immédiat l’élection de Fabisch* (qui intervient le 1er décembre 1857). Le 23 mars 1858, il fait une lecture, Des peintures qui décorent les anciens manuscrits, dont l’impression dans les Mémoires est votée. Le 1er mai 1860, Charles Fraisse* présente un rapport, accepté à l’unanimité, concluant à une candidature dans la section des beaux-arts (section 4 Lettres), pour le fauteuil 5, vacant à la suite du décès du graveur Joseph Vibert*. Louis Dupasquier* le qualifie dans son rapport de « typographe hors ligne et de plus dessinateur habile ». Il est élu le 5 juin 1860. Atteint peu après par la maladie (Monfalcon parle de « ramollissement » du cerveau), il n’a pas prononcé de discours de réception, et il cesse pratiquement de participer aux séances à la fin de 1863. Louis Fraisse prononce son éloge funèbre le 25 avril 1865.
A. Vingtrinier, « Funérailles de M. Louis Perrin », RLY (2) 30, 1865, p. 450-455. – Ch. Fraisse, Éloge funèbre de Louis Perrin, Bull. des séances, 1865, p. 87-91. – Jean-Baptiste Monfalcon, Étude sur Louis Perrin imprimeur lyonnais, éd. établie et annotée par L. Guillo, postface de R. Ponot, Paris : éd. des Cendres, 1994, 118 p. et 17 p. d’ill. – Marius Audin, « Perrin imprimeur, lettre aux imprimeurs lyonnais », RLY (6), 1921, p. 505-522. – Id., À la mémoire de Louis Perrin imprimeur, hommage très humble, Lyon : Audin et cie, 1922, 20 p. – Id., Impressions de Louis Perrin et quelques livres lyonnais du xvie siècle, Lyon : Audin et cie, 1923, 204 p., 48 pl. – L. Guillo, Louis-Benoît Perrin et Alfred-Benoît Perrin, imprimeurs à Lyon (1823-1865-1883), Mémoire diplôme supérieur des bibliothèques, dir. Jeanne-Marie Dureau [dactylographié], École nat. sup. bibliothèques, Villeurbanne, 1986. – Bruno Béguet, Louis Perrin ou l’art du livre à Lyon au 19e siècle, avec contributions de G. Blanchard, R. Blanchet, E. Daval et L. Guillo), Lyon : Assoc. des amis du musée de l’imprimerie et de la banque, 1987, 2 vol., 61 et 58 p. – R. Ponot, Louis Perrin et l’énigme des Augustaux, Paris : éd. des Cendres, 1998, 113 p. – L. Guillo, « Louis-Benoît Perrin, ou Janus typographe », Gryphe n° 24, avril 2014, p. 16-21.
Buste en marbre par G. Bonnet*, commandé (1868) par la ville de Lyon pour la Galerie des Lyonnais célèbres (G. Bruyère, « Politique de la mémoire : la fondation Grognard ou la galerie des Lyonnais célèbres », BSHAL 29, 1999, Lyon, 2000, p. 213-262). – Médaillon en plâtre à son effigie (musée de l’imprimerie, Lyon). – Photographie de Camille Dolard, dans Audin 1922.
« Des peintures qui décorent les anciens manuscrits », MEM L, 7 1858-1859 ; publ. intégrale RLY (2) 16, 1858, p. 358-364.