François Camille Marie Joseph Serre est né à Lyon 1er, 30 quai Saint-Vincent, le 9 août 1860, fils de Claude Louis Félix Serre (Lyon, 1817-1899) propriétaire rentier, et d’Antoinette Louise Marie, dite Maria Germain (Lyon, 1827-1886). Présents : Claude Camille Biétrix, droguiste, oncle par alliance, et Jean-Claude Biétrix, commis négociant. « Son enfance s’est passée dans le domaine de Grange-Blanche, à la Demi-Lune, entre ses deux sœurs, dont la plus jeune devint supérieure d’un couvent de carmélites [à Grange-Blanche], et dont l’aînée n’a cessé de veiller avec la plus grande tendresse sur le poète et le philosophe » (Buche). Il est issu d’une famille très catholique, dont la fortune s’est faite en fournissant du drap aux armées de Napoléon Ier. Son oncle, Vincent Serre (1812-1896), propriétaire de Grange-Blanche, a créé une paroisse à la Demi-Lune. Son père, Félix, propriétaire d’une ferme à Bellecombe (act. Lyon 6e), y a également créé une paroisse : Notre-Dame de Bellecombe, avec les revenus de son domaine et une donation de plus d’un million or pour édifier, dans un quartier ouvrier, l’église, une cure, des écoles et des annexes.
Après avoir été l’élève du collège des jésuites, (l’externat Saint-Joseph, aujourd’hui lycée Saint Marc), rue Sainte-Hélène, il obtient aux facultés catholiques de Lyon une licence en droit et une licence en lettres en 1880. Parlant l’anglais et l’allemand, disposant d’une fortune personnelle, il voyage en Suisse et en Allemagne pour se consacrer d’abord à la philologie allemande et à l’étude des sources des textes bibliques. Cet intérêt le fera accuser d’hérésie, lorsqu’il s’intéressera aux travaux d’Alfred Loisy (1857-1940), professeur d’histoire des religions au Collège de France, excommunié en 1908, ou quand il publiera des textes dans Les Entretiens idéalistes de Paul Vuillaud (1875-1950), un commentateur ésotérique de la bible hébraïque et de la Kabbale juive. Il finira cependant par obtenir l’imprimatur. Il participe un temps au quotidien conservateur libéral Le Salut Public avec des chroniques littéraires et collabore à l’éphémère revue Demain (1905-1907), financée par Édouard Aynard* et Auguste Isaac*, organe des catholiques libéraux regroupés dans ce qu’on a appelé « l’École de Lyon ». Cette revue est dirigée par son ami Pierre Jay (1868-1947), également journaliste au Salut Public. Y écrivent entre autres, Léon Chaine, avoué catholique dreyfusard, son gendre, le docteur Marcel Rufaux (1872-1938), chrétien progressiste, Auguste Cholat (1879-1970), défenseur d’une église pour les plus pauvres qui renoncerait à tout pouvoir temporel, Henri Brémond (1865-1933), un ancien jésuite, historien du sentiment religieux et membre de l’Académie française, suspect aux autorités religieuses pour ses opinions d’avant-garde, l’abbé Joseph Brugerette (1863-1943), membre de la Ligue des droits de l’homme et du Comité catholique de défense du droit créé pour soutenir le capitaine Dreyfus, partisan d’un dialogue inter-religieux et avec les non croyants, interdit de tout emploi ecclésiastique en 1904 pour ses prises de position. La revue arrête sa parution au lendemain de l’encyclique Pascendi de Pie X qui condamne le modernisme.
Vers 1890, une grave hémorragie fait de Joseph Serre un valétudinaire, qui abandonne peu à peu ses études historiques et se réfugie dans les lettres. Il publie des poèmes, mais il est surtout connu pour ses réflexions philosophiques. Très influencé par la pensée sociale de Lamennais, mais aussi par la philosophie traditionnaliste de Joseph de Maistre, à la fois membre de la très conservatrice congrégation des Messieurs de Lyon et républicain libéral dreyfusard, favorable à la séparation du temporel et du spirituel, il se définit comme un « pacifiste conciliateur » qui cherche une « synthèse universelle philosophique et religieuse », un chemin pour éviter l’affrontement entre un catholicisme enfermé dans son intransigeance et une « libre pensée radicale et absolue ». Il veut trouver une vérité qui soit « conciliation des contraires et non des contradictoires ». Tous les systèmes sont vrais dans leurs affirmations. L’erreur ne commence que dans ce qu’ils nient ou excluent, lorsqu’ils ne reconnaissent pas leurs limites, une idée que défendait déjà dans la première moitié du xixe siècle le « Socrate lyonnais », l’abbé Noirot*, professeur de philosophie au collège royal. Joseph Serre s’inscrit en effet dans la tradition de ce que Joseph Buche* a appelé « l’école mystique de Lyon » (à distinguer de l’école de Lyon citée précédemment). Il affirme que sa philosophie lui est venue en respirant « l’air mystique de Lyon ». Il est ainsi heureux de se retrouver en familiarité avec un autre philosophe lyonnais antérieur, Blanc de Saint-Bonnet*. Rêvant de réconcilier le Sillon démocrate-chrétien de Marc Sangnier avec l’Action française de Charles Maurras, il ne partage probablement pas les idées politiques ultramontaines de l’auteur de La légitimité et de L’infaillibilité, mais L’unité spirituelle du même lui semble anticiper sa conception du catholicisme comme la seule religion universelle « à l’esprit large », capable d’embrasser les contraires, de rejeter les sectarismes et de concilier foi et raison, croyance et science. Synthétisant et dépassant les vérités partielles du judaïsme, du protestantisme, de l’Islam, du bouddhisme, du monothéisme, comme des polythéismes ou du panthéisme, le catholicisme est bien une « religion intégrale ». Suivant la méthode d’un autre penseur lyonnais, Pierre-Simon Ballanche*, il intègre science et philosophie, ces deux « plans de pensée » formant comme un marchepied à un troisième : une certitude appuyée sur le cœur et l’intuition, l’épanouissement mystique. C’est ce qui lui fait dire : « la vérité est au fond de tous les systèmes, de tous les amours ». D’où son intérêt pour Ernest Hello (1828-1885), écrivain mystique, inspirateur de Léon Bloy et de Georges Bernanos, dont il a écrit la première biographie.
Joseph Serre est mort à son domicile à Caluire le 11 août 1937, et a été inhumé le 13 à Loyasse (Hours, 114).
Alors qu’il habitait 35 place Bellecour, il a épousé à Caluire le 17 novembre 1906 Jeanne Mathilde Dorel (née à Caluire le 26 septembre 1873), fille d’André Dorel et de Françoise Charvet. En 1929, il demeurait 11 impasse de la Carette (act. montée Joseph-Serre), à Lyon Saint-Clair (act. Caluire-et-Cuire).
Candidat le 5 novembre 1929, il est élu le 3 juin 1930, sur un rapport de Joseph Buche* du 27 mai 1930, au fauteuil 1, section 1 Lettres, et reçu le 10 juin. Il prononce son discours de réception le 21 avril 1931, intitulé Un philosophe lyonnais, Lacuria (MEM 21, 1933). Serre qualifie l’abbé Lacuria de « Pythagore lyonnais », proche, lui aussi, de la pensée de Lamennais et également à la recherche d’une harmonie entre la doctrine chrétienne et les données de la science. Joseph Buche a prononcé un discours à ses funérailles le 13 août 1937 et à l’Académie le 9 novembre (MEM 23, 1939, portrait).
Membre de la Société des gens de lettres, de la Société historique de Lyon en 1920.
Bernard Comte, DMR. – J. Buche, L’école mystique de Lyon, Paris : Félix Alcan, 1935. – Musée du diocèse de Lyon, Rev. Demain, Site Internet. – Musée du diocèse de Lyon, Notice sur Joseph Serre, Site Internet.
Une stèle à son effigie est implantée dans le Jardin des Chartreux, cours Général-Giraud.
À la découverte du vrai, voie nouvelle, Lyon : A. Cote, Paris : A. Chapelliez, 1889, VIII + 140 p. – Au large, Lyon : impr. générale, 1890, 303 p. ; nlle éd., préface de Tancrède de Visan, Avignon : Aubanel fils aîné, 1926, XVII + 183 p. – Foi et poésie, Lyon : E. Vitte, 1892, VIII + 102 p. - Idées en fleurs, Paris : Vic et Amat, 1896, 103 p. - Numa Boudet, sa vie et ses pensées, Paris : Perrin, 1898, 250 p. – Les sonnets intimes, Lyon : E. Vitte, 1899, 144 p. - République vraie, Lyon : A. Effantin, 1900, 30 p. - Les Deux ailes de l’âme, Paris : V. Retaux, 1901, 221 p. - La religion de l’esprit large, Paris : Soc. Paris. d’éd., 1903, 236 p. – Ernest Hello, l’homme, le penseur, l’écrivain, Paris : éd. du Mois littéraire et pittoresque, 1904, VII + 413 p. – Le Bois sacré, Lyon : E. Vitte, 1905, 104 p. – Le livre d’une mère, Paris : Lyon : E. Vitte, 1906, 79 p. – L’Église et l’esprit large, essai philosophique sur la mentalité de l’Église, Paris : H. Falque, 1908, 19 p. – Aperçu nouveau du catholicisme, extrait des Entretiens idéalistes, Lyon : P. Phily, 1908, 27 p. – « À propos d’un livre récent. M. Loisy et la clé de sa méthode », extrait de L’université catholique, Lyon et Paris : E. Vitte ; 1909. – Charles Charaux, Lyon : E. Vitte, 1909, 23 p. – Lettres d’un penseur libre à un libre-penseur, extrait des Entretiens idéalistes, Paris : H. Falque, 1909. – La Lumière du cœur. Les trois moments de la vie. Les trois morales, Lyon : E. Vitte, 1909, 317 p. – Un athée catholique. M. Jules Soury, extrait de L’université catholique, Lyon : E. Vitte, 1910, 27 p. – Lettres philosophiques, Paris : H. Falque, 1911, 30 p. – Les Sillons et l’Action française, essai de conciliation et d’harmonie, Paris : H. Falque, 1911, 70 p. – La Foi et l’astronomie, extrait de L’université catholique, Lyon : E. Vitte, 1911, 35 p. – Le Penseur dans Tolstoï, extrait de L’Université catholique, Lyon : E. Vitte, 1911, 63 p. – La Hipotezoj pri Lourdes, nova kompreno pri la miraklo kaj la naturo, de Joseph Serre... Esperantigis Gesroj Ranfaing-Zabilon d’Her, Tours : E. Menard, 1912, 41 p. – Chez les jeunes, les sources et les tendances de la poésie contemporaine, Lyon : E. Vitte, 1913, 16 p. – Maeterlinck philosophe, à propos de sa dernière œuvre [La Mort] et de sa mise à l’Index, extrait de L’Université catholique, Lyon : E. Vitte, 1914, 29 p. – Pour le temps de guerre. Cantiques et prières, Lyon : E. Vitte, 1915, 16 p. – Deuils et gloires, chants patriotiques, Lyon : E. Vitte, 1916, 32 p. – Les Deux règnes : l’avenir de la France et du monde, d’après les vues d’un mystique lyonnais, Lyon : Phily, 1917, 32 p. – Essai sur la loi universelle. Antoine Mollière*, penseur et esthéticien lyonnais (1809-1895), Lyon : E. Vitte, 1920, 87 p. – Faut-il croire aux esprits ?, Avignon : Aubanel fils aîné, 1925, 72 p. – Mme Dorel, ou « la Mère des aveugles », conférence à l’Académie Braille, le 28 mars 1926, Lyon : Impr. Express ; E. Vitte, 1926, 23 p. – Les Hypothèses sur Lourdes, Avignon : Aubanel fils aîné, 1927, 51 p. – Croyant ? ou libre penseur ?, Paris : éd. Éducation intégrale, 1936, 155 p. – Pages d’âme, Les Périodiques du Salon des poètes de Lyon et du Sud-Est, juin 1937, n° 9, Lyon : Le Salon des poètes, s.d., 14 p. – Il a préfacé : Abbé Jean-Marie X..., L’Essor, ou la rapide ascension d’une âme vers la perfection chrétienne, Avignon, 1918. – Eugène Bernier, Coups d’œil métaphysiques. Complément. Trois lettres critiques, Marseille : impr. Saint-Léon, 1900, XII-136 p. – Deux astres du romantisme. [Musset et Lamartine], Lyon, 1929. – Emmanuel Vitte (1849-1928), L’heure du rêve, Lyon : l’auteur, 1911, 267 p. – Ferdinand Breysse (1905-2000), Reflets de nostalgie, poèmes, Lyon : impr. du Nouvelliste, 1932, 56 p.