Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

TOLOMAS Charles Pierre Xavier (1706-1762)

par Pierre Crépel.

 Tolomas est né et baptisé à Avignon, paroisse Sainte-Marie-Madeleine, le 17 mars 1706, de noble « per Illustris » Esprit de Tolomas et de sa seconde épouse, Marguerite de Bouchard des Moriers, fille unique de Charles de Bouchard des Moriers – conseiller du roi, comte palatin et receveur en titre d’office au grenier à sel d’Avignon – et de Catherine de Portalis, mariés le 16 décembre 1696. Parrain: Jean Pierre Buyser ; marraine : Marguerite Camby. Son père, Esprit Gabriel Tolomas (décédé à Châteauneuf-du-Pape en 1729) est docteur en droit canon reçu à l’université d’Avignon le 5 août 1677, agrégé à l’université de la même ville, comte palatin, receveur des gabelles et du grenier à sel d’Avignon, correcteur des bulles apostoliques en la légation d’Avignon et bayle de la confrérie Notre-Dame du Chapelet en l’église métropolitaine. Charles Pierre Alexandre a trois sœurs – Marie Catherine, reçue religieuse carmélite en 1713 ; Hélène Xavière, reçue en 1722 religieuse au monastère de Notre-Dame de Miséricorde ; Marie Élisabeth, reçue religieuse dans le même ordre en 1726 –, et un frère, Joseph Ignace Alexandre Tolomas de Coppola, docteur en droit canon, époux en 1742 à Avignon de Marie Françoise d’Athenosy, famille qui a conservé les archives des Tolomas.

 Il entre chez les jésuites à l’âge de 17 ans. Il enseigne les humanités dans plusieurs lieux, vient à Lyon au collège de la Trinité, où il enseigne diverses matières ; ainsi, il succède au P. de Colonia*, en 1742, dans la chaire de professeur de rhétorique, et au P. Jouve comme bibliothécaire. La Bibliothèque s’enrichit considérablement par ses soins et par son goût.

 Ses mémoires (tous lus dans les académies) portent sur La sympathie et l’antipathie (1740), Les feux d’artifice (1741), L’art de fortifier la mémoire (1742), La superstition sur les nombres (1743), Le passage des Alpes par Annibal (1744), L’architecture et la mécanique des Égyptiens (1745), La pétrification (1746), La musique, la peinture et la déclamation chez les Anciens (1748-1750), L’art d’immortaliser les tableaux (1752), La prétendue hyène qui avait jeté l’épouvante dans le Lyonnais (1755)... Il défend le café contre Pernetti* (1756), Épictète contre Jean-Baptiste Rousseau (1760), discute pourquoi les philosophes sont jugés incrédules (1761) et fait lire, peu avant sa mort, un mémoire sur Les caractères d’arithmétique des Phéniciens (1762). Jésuite, éclectique, c’est aussi un newtonien militant qui traduit partiellement en français Henry Pemberton, A View of Sir Isaac Newton’s Philosophy (1728) « avec des remarques critiques » (1747-1754) [voir article de P. Crépel, dans l’ouvrage collectif Descartes et Newton à Lyon au xviiie siècle, Paris : Hermann, 2016]. Bollioud* relève aussi, dans des cadres autres que l’Académie, notamment au collège, des « harangues françaises et latines, discours complimens tragédies pièces de vers en latin et en français de professeur de belles lettres, [...] des Sermons et Panegiriques sur divers sujets », mais ceux-ci ne semblent pas conservés.

 Bollioud écrit : « Ayant reçu de la nature un esprit vif et ardent, il en modère l’impétuosité par la décence de son état, et en applique la sagacité à pénétrer dans toutes les parties de la littérature.  » Il est vrai que plusieurs des mémoires ont pour point de départ des réponses en partie polémiques à des confrères ou à d’autres auteurs, et cela n’est peut-être pas sans lien avec l’affaire D’Alembert-Tolomas.

 « Il va à Avignon en 1761, se délasser de ses travaux auprès de ses parens, y fait un plus long séjour qu’il n’avait projeté et meurt dans la maison des noviciats de son ordre le 22 septembre 1762 » (Bollioud).


Académie

Élu le 2 mars 1740 à l’Académie des beaux-arts, libre dans la classe de physique, il lit le 9 son remerciement de réception (AcMs263 f°95-96), auquel répond le président annuel Ruolz* (Ac.Ms263 f°173), qui cite le P. Duclos* comme mentor du nouvel académicien. Duclos est un cartésien convaincu, Tolomas va se montrer newtonien décidé, tous deux sont jésuites.

Le P. Tolomas est un académicien actif. Aujourd’hui, il est surtout connu pour avoir défendu les jésuites contre l’article « College » publié par D’Alembert dans le tome III de l’Encyclopédie (1753), et pour avoir, semble-t-il, insulté ce dernier en le traitant (en latin) de bâtard lors d’une harangue de rentrée du collège de la Trinité à Lyon, le 30 novembre 1754. Ce texte n’a pas été retrouvé : certains témoins confirment, d’autres infirment. Dès le 2 décembre, Bourgelat – important personnage lyonnais, qui n’est membre ni de l’Académie des sciences et belles-lettres ni de la Société royale – écrit à Malesherbes pour dénoncer Tolomas qui a « vomi un torrent d’injures contre l’Encyclopédie et les encyclopédistes ». À ce moment, Voltaire (qui n’est certes pas encore aussi proche de D’Alembert qu’il le sera deux ans plus tard) se trouve à Lyon pour quelques semaines ; il est évidemment informé de l’affaire, mais on ne dispose pas de documents plus précis à cet égard. La tension monte depuis plusieurs années entre les encyclopédistes et les jésuites. D’autre part, le cardinal de Tencin est archevêque de Lyon : apparemment choyé par les deux académies, c’est un partisan très marqué des jésuites (contre les jansénistes), et aussi l’oncle de D’Alembert : car celui-ci est le fils naturel de Mme de Tencin qui l’a fait déposer sur les marches de l’église Saint-Jean-le-Rond à Paris [l’identité du père n’étant pas claire, voir F. Launay]. Bien entendu, nous ne disposons que de documents partiels, et les ressorts profonds de cette affaire conservent de nombreux mystères. D’Alembert écrit à l’Académie des beaux-arts de Lyon, pour lui demander l’exclusion du P. Tolomas. C’est Goiffon* qui présente la lettre de D’Alembert le 14 février 1755. Le directeur annuel est alors Soufflot*, mais il est en instance de départ pour Paris, et c’est Clapasson*, directeur l’année précédente, qui doit gérer l’affaire. Visiblement, la Société royale est coupée en deux : Alléon-Dulac*, Berthaud de la Vaure*, Goiffon*, Montucla*, l’abbé Audra*, Devillers* démissionnent ; Béraud*, Bollioud et quelques autres soutiennent Tolomas ou cherchent à apaiser la dispute, arguant notamment du fait que la querelle s’est passée à l’extérieur de la compagnie. L’affaire est présentée (présentée rapidement) dans la Revue du Lyonnais 4, 1836, p. 196-216, par Bréghot du Lut* ou Péricaud*, sous le titre « Querelle littéraire. D’Alembert, le P. Tolomas et la Société Royale de Lyon », qui reproduisent neuf lettres.

L’ensemble des documents disponibles est à présent mis en ligne au fur et à mesure sur le site: http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie/Dossier_Affaire_Tolomas/index.php. Ils seront également reproduits bientôt dans le tome V/3 (Correspondance générale, 1753-1756) des Œuvres complètes de D’Alembert, CNRS-Editions. Dans Michaud, Charles Weiss écrit : « La correspondance de Mathon de Lacour avec Montucla, conservée en manuscrit chez Boucharlat, donne de grands détails sur toute cette affaire. » Cette correspondance n’a pas été retrouvée ; Jean-Louis Boucharlat, mathématicien puis écrivain et poète, a été membre associé de l’Académie de Lyon à partir de 1821 ; il était parent éloigné des Mathon.

Contrairement à ce qui a souvent été écrit, Tolomas n’a pas démissionné à la suite de cette affaire : il reste présent et assidu à la Société royale ; il n’a jamais appartenu à l’Académie des sciences et belles-lettres. À la fusion, il devient membre de l’Académie réunie, et passe dans la classe des belles-lettres et arts, où il siège jusqu’au 13 août 1761, avant son départ pour Avignon. Même en 1762, il donne son « tribut » annuel, sous la forme d’une dissertation lue par le P. Béraud le 2 juin.

Sa mort, pendant les vacances académiques, est annoncée par le secrétaire Bollioud à la séance de rentrée le 16 novembre 1762 (comme survenue le 21 septembre, dit-il).

Bibliographie

Bollioud, p. 126-128 et 196. – Sommervogel 8, col. 85-86. – Michaud 1, t. 46 (1826). – Notule biographique, document relatif à l’Histoire de l’Académie de Dumas (Ac.Ms270 f°89). – Philippe Vincent, « Sympathie et fiction dans l’œuvre de Charles Tiphaigne », in Tropics, n° 1, Université de La Réunion, p. 91-103. – Pierre Guillot, Les jésuites et la musique: le collège de la Trinité à Lyon, 1565-1762, Liège : Mardaga, 1991. – RLY 4, 1836, p. 196-216. – Site ENCCRE. – Françoise Launay, « Les identités de D’Alembert », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, t. 47, 2010, p. 243-289.

Manuscrits

Dissertation sur la sympathie et sur l’antipathie, 24 novembre 1740 (Ac.Ms143 f°260-270) [étudiée par Philippe Vincent]. – Recherches sur les feux de joie des anciens, sur l’art des artificiers et sur l’invention de la poudre à canon, 13 décembre 1741 et 8 mai 1743 (séance publique) (Ac.Ms143 f°66-75). – Sur l’art de fortifier la mémoire, 28 novembre 1742 (Ac.Ms144 f°61-67). – La superstition des nombres et sur les années climacteriques, 21 août 1743 et 1er décembre 1745 (séance publique) (Ac.Ms143 f°210-217). – Interprétation (commentaire) historicophysique du texte de Juvenal Montes rapit aceto, à l’occasion du passage d’Annibal par les Alpes, 2 septembre 1744 (Ac.Ms143 f°330-339). – Dissertation sur l’architecture et la mécanique des Egyptiens, 11 août 1745 (Ac.Ms116 f°191-198). – Mémoire sur la pétrification, 24 août 1746. (Ac.Ms221 f°131-136). – Le Newtonianisme de Pemberton, traduit de l’anglais avec des remarques critiques, 28 juin 1747, 17 février 1751, 30 juin 1753, 15 mars 1754 (Ac.Ms200 f°42-47; f°48-61; f°20-29 (copiste) (Des comètes et de celle de 1680); f° 62-70). – Discours sur les progrès de la musique et de la peinture chez les anciens, 1748. – Dissertation sur la déclamation des Grecs et des Romains, 2 juillet 1749, 29 juillet 1750 (Ac.Ms161 f°73-79 et 81-89). – Discours sur l’immortalité des tableaux avec des réflexions générales sur la gloire attachée à l’invention des Arts, 21 juin 1752 (Ac.Ms158 f°59-65). – Discours sur cette question: Pourquoi les philosophes passent-ils pour des incrédules, 5 mars 1761 (Ac.Ms142 f°226-241). – Lettre sur les caractères d’arithmétique des Phéniciens anciennement mis en usage à Sydon, trad. de l’anglais de Jean Swinton, lu par Béraud le 3 juin 1762 (registre).

Publications

Lettre à M. de D. L., conseiller au Parlement de Paris, sur les réjouissances faites et ordonnées par MM. les comtes de Lyon pour célébrer le rétablissement de la santé du roi Signé : T....., de la C. de J., s. l. s. n., 1744 (BML). – Edoüard I. : tragédie : Hercule à Troïe, ballet, seront représentés par MM. les Pensionnaires du grand Collège de la Sainte Trinité, de la Compagnie de Jésus, les 30. mai & 1. Juin 1749, Tragédie de Charles Pierre Xavier Tolomas, avec Fargues, musicien et Fauvette, maître de danse, Permis d’imprimer par Delaffrasse, Lyon, 23 mai 1749, 16 p. – Dissertation sur l’hyène, à l’occasion de celle qui a paru dans le Lyonnais et les provinces voisines, en 1754, 1755, 1756, Paris : Chaubert et Herissant, 1756, 87 p. avec fig. (v. aussi Ac.Ms223 f°31-54 : Dissertation sur la hyène apparue en Lyonnais en 1754, lue le 27 juin 1755). – La Salubrité du Café prouvée par la raison et l’expérience, Genève : Libraires associés, 1757 (v. aussi Ac.Ms257 f°182-191, n° 1220, lu le 19 novembre 1756). – Discours sur le philosophe Epictete, dédié à quelques philosophes de ce temps, Lyon : Aimé de la Roche, Paris : Herissant, 1760, 60 p. (et Ac.Ms142 f°203-214, lu le 26 juin 1760). – Apologie des philosophes, ou Discours sur cette question: Pourquoi les philosophes passent-ils pour des incrédules ?, 1761, 108 p. (BNF Rz.3312) – Avec René Jean de Botheret, Les Pourquoi, ou Questions sur une grande affaire, pour ceux qui n’ont que trois minutes à y donner. Auxquels on a joint les parce que, pour la commodité de ceux qui ne veulent pas employer une minute à les chercher, s. l. s. n., 1762, 35 p.