Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

MARTIN Henri André (1918-2004)

par Maryannick Lavigne-Louis.

 Henri André Martin naît le 15 janvier 1918 à Lyon 3e où son père, Edme, est docteur en médecine ; Claude Auguste Charles Edme Martin est né le 14 septembre 1884 à Jasseron (Ain) chez son grand-père maternel Jean Louis Edmé Perré, conducteur principal des ponts et chaussées, demeurant alternativement à Bourg-en-Bresse et à Jasseron. Les parents d’Edme, Claudius Marie Martin, propriétaire agriculteur à Simandre-sur-Suran, puis juge de paix à Montluel, et Marie Louise Élisa Perré se sont mariés à Jasseron le 29 mars 1883. Edme Martin fait des études de médecine et publie en 1911 Le casier sanitaire des maisons: son importance dans la lutte contre la tuberculose et le cancer : étude d’un projet pour la ville de Lyon (Lyon : Maloine, 1911). Il est domicilié 4 rue de la Barre à Lyon lorsqu’il épouse le 13 janvier 1913 Gabrielle Cuvillier (Lyon 20 juillet 1887-Bourg-en-Bresse 3 mai 1975), fille de Sosthène Jules Paul Cuvillier, négociant, et d’Éléonore Henriette Marie Fay, demeurant 1 rue de la Barre. L’année suivante naît 20 rue de la Charité le premier de leurs deux fils, Hubert, qui sera chef du service d’oto-rhino-laryngologie et d’ophtalmologie de l’hôpital de Bourg-en-Bresse (décédé à Bourg-en-Bresse le 15 septembre 2009) ; le second, Henri André, naît en 1918. Peu après la naissance de ce dernier, la famille s’installe à Saint-Étienne, où Edme est nommé médecin des dispensaires antituberculeux de la Loire (de Saint-Étienne, Roanne, Montbrison et Saint-Chamond). En 1936 il est inspecteur départemental d’hygiène. Avec Louis Croizier, chef de service à l’hôpital, il publie La fibrose pulmonaire des mineurs, Paris : Masson, 1938.

 Henri André son fils fait donc sa scolarité à Saint-Etienne, mais n’aimant ni le sport ni la lecture, il s’ennuie beaucoup et développe son sens de la contemplation et de l’observation, ce qui lui permet d’écrire plus tard : « Quelle magnifique école que l’ennui pour développer en soi ce qui peut se trouver caché, pour apprendre à regarder, à aimer les choses les plus simples». Il veut devenir peintre, encouragé dans cette voie par Joseph Lamberton (Saint-Jean-en-Royans [Drôme] 1867-Saint-Étienne 1943), par Pierre-Eugène Montézin (1874-1946), et aussi par Henry Grosjean (1864-1948) qui lui donne des cours pendant les vacances d’été dans la maison familiale de Jasseron. Il renonce à aller faire ses études artistiques à Paris pour ne pas déplaire à ses parents, et entame des études de médecine, tout en s’inscrivant à l’école des Beaux-arts de Lyon. Il va ainsi mener, avec autant de brio pour l’une que pour l’autre, deux carrières, celle de médecin et celle de peintre. Il est externe en 1937, est envoyé au front en 1939-40, où il est fait prisonnier ; puis il reprend dès son retour en 1942 la préparation de l’internat des hôpitaux de Lyon qu’il réussit dans les premiers. Ayant soutenu sa thèse de médecine en 1946, il assure des consultations à l’hôpital de la Croix-Rousse (1953-1956) puis à Debrousse (1956-1959). Devenu en 1959 l’adjoint de Marcel Gignoux, il succède de 1972 à 1985 à Pierre Mounier-Kuhn* à la direction du service d’oto-rhino-laryngologie de l’hôpital Édouard-Herriot. Il a continué d’exercer à titre privé jusqu’en 1996. À la pointe de la chirurgie de l’otospongiose, il développe des techniques nouvelles, forme de nombreux élèves et publie beaucoup d’articles notamment avec son fils Christian. C’est avec autant de passion qu’il mène parallèlement sa carrière de peintre. Dessinant dès sa prime jeunesse, il n’a cessé de peindre, notamment des gouaches, jusqu’à ses derniers instants, ayant à son actif sept à huit cents toiles. Intéressé principalement par les paysages, notamment ceux de Provence, il peint des plages, des montagnes et des oliviers, et aussi des vues de Paris, Honfleur, Venise ou Hambourg. Mais ce ne sont pas de simples et jolies figurations : « Le tableau devient un lieu de recherche qui n’est pas seulement formelle […]. Ces ciels immenses, ces horizons lointains, cette épaisseur de lumière ou d’humidité qui nous séparent du tableau et nous maintiennent à distance sont les signes que la peinture tente de conquérir autre chose que le seul univers des formes, qu’elle est aussi dans la recherche du peintre, dans cette mise en scène de soi qu’est le tableau. » (J.-M. Foray, L’Écho-Liberté, 1973). Alors s’amorce une seconde période de son art, où il favorise le travail d’atelier, assombrissant les couleurs et alourdissant la pâte : « La qualité de la matière, l’habileté des maculatures et la pureté de ce qui reste dessiné dans cet impressionnisme lyrique, confèrent de la noblesse à ces grandes odes provençales (Jean-Jacques Lerrant, Le Progrès de Lyon, 1976). À la fin des années 70 et dans les années 80, il s’oriente vers une certaine abstraction, avec d’abord de grandes toiles (Les pétunias bleus, Le champ de colza), qui sont presque des monochromes : « Désormais le monde cède le pas à une sorte d’étendue chromatique où l’artiste cherche et trouve des épaisseurs, non pour obéir à des accents gestuels, mais pour tenir compte des impératifs formels du tableau » (René Déroudille, Recherches passionnées d’Henri André Martin. Catalogue de l’exposition Henri André Martin, Atrium de luditorium Maurice-Ravel, septembre-novembre 1992). Dans la même période, il réalise de grands nus féminins ombrés et également quasiment monochromes, ainsi que des peintures décoratives d’inspiration japonaise. Les dernières années, assombries par des accidents de santé, marquent un retour à la figuration. Henri André Martin disposait de trois ateliers : celui de sa maison d’habitation, 44 boulevard des Belges, celui de sa résidence de Provence, d’abord à Saint-Tropez, puis à Eygalières, et un atelier parisien à partir de 1982, rue du Saint-Gothard (l’ancien atelier de Soutine). Partout il accueille ses nombreux amis peintres, car il est très ouvert et joue en même temps le rôle d’un mécène, comme en témoigne la célèbre galerie Malaval, 1 rue du Président Édouard-Herriot, acquise par lui dans les années 1965, où jusqu’en 2000 il a présenté des œuvres de tous les grands noms de la peinture et de la sculpture lyonnaise de la seconde moitié du xxe siècle. L’artiste est également un grand collectionneur.

 Henry André Martin s’est marié le 8 octobre 1945 à Lyon avec Yvette Véran (Lyon, 22 juin 1921-Saint-Chamond 26 mars 1998). Ils ont eu deux enfants : Christian (né en 1946), chirurgien oto-rhino-laryngologiste, professeur à la faculté de médecine de Saint-Étienne, et France (née en 1948). Il s’est remarié le 1er octobre 1966 avec Anne-Marie Leguillier (Sainte-Foy-lès-Lyon 8 octobre 1932-Lyon 17 janvier 2006), sans postérité. Elle a assuré la direction de la galerie Malaval de 1975 à 2000.

 Henri André Martin est décédé à Lyon le 16 octobre 2004. Il repose au cimetière de Jasseron.

 L’artiste a exposé ses œuvres à mainte occasion –salons, expositions, galeries–, la première en 1962 à Paris (galerie Chardin). En 1964, il remporte le prix international Maurice-Utrillo. Il a reçu la médaille d’honneur de la Société lyonnaise des beaux-arts. Il a été sociétaire du Salon du sud-est, du Salon d’automne de Paris, correspondant de l’Institut de France (1990), correspondant de l’Académie des Beaux-Arts (1993).


Académie

Entré le 7 décembre 1993 comme membre d’honneur associé, il est élu titulaire le 6 décembre 1994 au fauteuil 4, section 4 Lettres, et prononce le 17 octobre 1995 son discours de réception sur le peintre Jean Couty* (MEM 1996). Son éloge funèbre est prononcé par Alain Morgon (MEM 2005). Le 17 janvier 2012, son fils Christian fait une conférence : Henri André Martin, le peintre et le médecin (MEM 2013).

Bibliographie

David 2000. Christian Martin, « Henri André Martin, l’otologiste et l’artiste (1918-2004) », Ann. françaises d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale (2010), p. 247-252.- Christian Martin, Henri André Martin 1918-2004, préface de Jean Cardot, s.l., n.d.

Publications

Outre de très nombreux livres et articles scientifiques (non cités ici), Henri André Martin est l’auteur d’ouvrages concernant sa seconde passion : L’Olivier, choix de textes et sérigraphies, Lyon, 1981, tiré à 115 exemplaires (la typographie composée lettre par lettre en caractère incunable a été achevée pendant l’été de l’année 1981 sous la direction d’Amable Audin* et imprimée sur les presses de Audin-Tixier. Le support est le papier d’Auvergne du Moulin Richard de Bas, spécialement filigrané à sa marque et aux initiales de l’artiste. – La maladie de Van Gogh : le mystère d’une fin tragique, Paris : Buchet-Chastel, 1994. « Essai de compréhension médicale de l’art informel », Journal de médecine de Lyon, sept.1994, p. 269-272.

Édition de livres d’art pour bibliophiles (tirés à une petite centaine d’exemplaires) : Jean Piaubert, Heinz Fuchs, Darius Milhaud, La création du monde, Lyon : Henri André Martin, 1961. Jean Vasca et Joseph Alessandri, Le bestiaire d’insecte, Lyon : H. A. Martin, 1982. Jean Albert Carlotti, René Déroudille, Lyon, Lyon : H. A. Martin, 1984.