François Auguste Victor Grignard est né le 6 mai 1871 à Cherbourg, 51 rue des Carrières, baptisé le 8, fils de Théophile Henry Grignard, chef ouvrier voilier, et de Marie Rosalie Joséphine Hebert. Sont présents : Auguste Lamare, commis de marine, et Auguste Liard, retraité de la marine, « tous deux non parents de l’enfant ».
De brillantes études secondaires dans toutes les matières le font bachelier à 16 ans. Après deux ans à l’École Normale Spéciale de Cluny (fermée en 1892), il poursuit, grâce à une bourse, des études de mathématiques à la faculté des sciences de Lyon. Préparateur puis chef de travaux de chimie générale au laboratoire du professeur Barbier, il présente une première note à l’Académie des sciences le 14 mai 1900 Sur une réaction chimique originale, et une seconde le 11 février 1901 Sur l’action des organomagnésiens. Ces communications ont immédiatement un grand retentissement, provoquent de nouvelles recherches et sont suivies de nombreux mémoires. Grignard conserve son avance en travaillant sans désemparer et soutient sa thèse le 18 juillet 1901 : Sur les combinaisons organomagnésiennes mixtes et leur application à des synthèses d’acides, d’alcools et d’hydrocarbures. Il n’a que 30 ans. Docteur ès sciences, il est chargé de cours en 1905 à Besançon, maître de conférences à Lyon en 1906, nommé professeur-adjoint à Lyon en 1908 et titulaire à Nancy en 1909. Il se marie le 22 août 1910 à Saint-Vaast-la-Hougue (Manche) avec Augustine Marie Boulant (née à Cherbourg en 1871), fille de Constant Léopold Vital, commis de banquier décédé en 1872 ; elle était veuve de Léon Paul Auguste Poindextre, épousé le 21 août 1896 à Saint-Vaast-la-Hougue, décédé à l’âge de 26 ans le 10 avril 1900.
Un organo-magnésien mixte, noté RMgX, est obtenu par insertion de magnésium Mg, en tournure dans de l’éther anhydre, dans la molécule d’un hydrocarbure halogéné RX, par exemple CH3I pour donner l’iodure de méthylmagnésium CH3MgI, ou C2H5Br pour obtenir le bromure d’éthylmagnésium C2H5MgBr. Le 13 novembre 1912, un télégramme de Stockholm annonce à Victor Grignard l’attribution du Prix Nobel de Chimie 1912, conjointement avec Paul Sabatier pour l’hydrogénation par catalyse sur le platine. À 41 ans, Grignard était alors, avec le physicien Rutherford, le plus jeune prix Nobel. La remise solennelle en a eu lieu, comme il se doit, le 10 décembre, jour anniversaire de la mort d’Alfred Nobel (en 1896). La méthode de Grignard, simple et relativement facile à mettre en œuvre, s’est révélée extrêmement riche de possibilités en synthèse organique. Des dizaines de milliers de publications scientifiques et industrielles témoignent aujourd’hui de l’intérêt, de la permanence et des développements de la réaction de Grignard. Elle permet l’élaboration de molécules complexes qu’on retrouve dans nombre de produits pharmaceutiques (cortisone, vitamines, contraceptifs, anesthésiques), en parfumerie, dans le marquage au carbone 14C, dans des catalyseurs de polymérisation pour plastiques, dans des fabrications industrielles de masse : silicones, plomb tétraéthyle, produits d’alimentation du bétail. Pour ne citer qu’un exemple, l’usine Roussel-Uclaf à Neuville-sur-Saône (aujourd’hui fermée) a utilisé la réaction de Grignard à grande échelle.
Mobilisé en 1914 comme garde-voie, ses compétences ne sont utilisées qu’un an plus tard au laboratoire des poudres de la Marine, puis à Paris pour les travaux sur les produits asphyxiants et les explosifs. En 1917, il part avec la mission de guerre Tardieu aux États-Unis, ce qui lui vaut de passer directement du grade de caporal à celui de sous-lieutenant. Il revient à Lyon comme professeur, en 1919 ; il est nommé directeur de l’École de Chimie industrielle de Lyon en 1921, et doyen de la faculté des sciences en 1929.
Bien que lauréat de plusieurs prix décernés par l’Académie des sciences – l’Institut l’accueillera en 1926 –, les autorités de son pays ont été longues à le distinguer. Ce n’est qu’après le prix Nobel qu’il est fait chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur, officier en 1920, commandeur en 1933. Les reconnaissances ont été plus rapides par nombre de sociétés et académies d’Europe et d’Amérique. Dans les postes d’enseignement, d’administration et de direction qu’il a tenus, Victor Grignard, constamment préoccupé des rapports entre la science, la technique et l’industrie, a obtenu, par un travail intense et efficace, d’excellents résultats.
Il est mort à Lyon, à la clinique Saint-Charles, le 13 décembre 1935. Ses obsèques ont été célébrées en toute simplicité à l’église Saint-Alban proche de son domicile, rue Volney Lyon 8e. inhumation au cimetière de la Guillotière.
Il est élu le 2 juin 1931 au fauteuil 6, section 1 Sciences. Ses très lourdes charges extérieures ne lui ont guère permis de participer à ses travaux. Il a accepté de la présider en 1935, sans pouvoir mener son mandat à son terme. Son éloge funèbre a été présenté par le président Jean Lépine* le 14 janvier 1936, MEM 23 (portrait). Le 11 mai 1971, la séance publique de l’Académie, qui se tenait dans le grand amphithéâtre de l’Université, a entendu Roger Grignard revenir sur la vie et les travaux de son père, et Maurice Jacob* évoquer ses souvenirs d’ancien élève (MEM 28). Le 4 mars 1986, Raymond Hamelin* a présenté l’« actualité des réactifs de Grignard » (MEM 41).
Jean Cantacuzène, « Grignard et les magnésiens », Le Monde, 5 mai 1971. – Roger Grignard, Centenaire de la naissance de Victor Grignard, 1871-1971, Lyon, 1972. – CRDP Lyon, Victor Grignard, Prix Nobel de chimie 1912, Lyon, 1971. – B. Benoît, DHL. – Gabrielle et Louis Trénard, DBF. – J. Burdy, « Victor Grignard, Prix Nobel de chimie 1912 », BMO Lyon, 10 décembre 2012.
Un beau médaillon à son effigie orne sa tombe. – Plusieurs médailles présentent l’effigie de Grignard. Son buste, gravé d’après nature par Louis Bertola pour une plaquette en 1934, a été repris sur une médaille éditée par la Monnaie de Paris en 1972 et, à l’occasion du centenaire de sa naissance, sur une médaille coulée. – Une autre effigie, par Jacques Hardy, figure sur une autre médaille éditée par la Monnaie de Paris en 1971.– Son effigie est aussi associée à celles de Pasteur, Berthelot, Moissan, Dumas et Sabatier sur une médaille gravée par Robert Cochet, commémorant le centenaire de la Société chimique de France (1957) ;
dans un listel, LOUIS • PASTEUR - MARN BERTHELOT - VICTOR • GRIGNARD - HENRI • MOISSAN - PAUL • SABATIER - JEAN•BAPTE DUMAS - ;
autour de SOCIETE / CHIMIQUE / DE FRANCE, leurs effigies à côté de leur nom ;
à gauche R• COCHET, à droite MCMLVII.
Le 8 mai 1971 a été inaugurée à l’atrium de l’hôtel de ville de Lyon l’exposition « Vie et œuvre d’un savant » pour commémorer le centenaire de la naissance de Victor Grignard. Un bureau de poste temporaire oblitérait le « Premier jour » du timbre à son effigie dans la série 1971 des « Personnages célèbres ». De nombreuses manifestations ont eu lieu simultanément, dont un hommage de la Société chimique de France au grand amphithéâtre de l’INSA, une intervention du recteur P. Louis*.
Le nom de Victor Grignard a été attribué au lycée de Cherbourg ; au « collège Victor-Grignard », 177 avenue Paul Santy, Lyon 8e ; à la « rue Professeur-Grignard » (ex-rue Parmentier, tronçon ouest), Lyon 7e (quartier de l’université).
Comme directeur : Traité de chimie organique, encyclopédie (23 vol.), Paris, 1930- . – Traité de Chimie Organique, Paris, 1935, 500 p. – Allocution prononcée à la séance du le 8 janvier 1935 en prenant possession du fauteuil de la présidence, MEM 22. – Discours prononcé à la séance de clôture du LXVIIIe Congrès des Sociétés savantes à Lyon le 27 avril 1935, MEM 22.