René Hippolyte Gagès naît à la Croix-Rousse le 21 mai 1921, fils de Joseph Michel Gagès (Lyon 3e 4 septembre 1887-Lyon 4e 7 septembre 1964), comptable, et d’Annette Claudia Avet (Lyon 1er 7 février 1900-Lyon 4e 24 décembre 1964), fille de François-Régis Avet, lithographe, et de Rose Moine, dévideuse. Les parents de René Gagès se sont mariés le 1er juin 1920 à la Croix-Rousse.
Muni du certificat d’études, très doué pour le dessin, à 17 ans il souhaite entrer à l’école nationale des Beaux-arts de Lyon, mais faute de place, sa mère le fait inscrire comme auditeur libre à la section architecture. Il y rencontre François Régis Cottin*, son condisciple et indéfectible ami. Il entre dans l’atelier Tony-Garnier* de l’école régionale d’architecture de Lyon, dirigé alors par Pierre Bourdeix, et termine ses études à Paris chez Auguste Perret. Il est architecte DPLG en 1947, Tony Garnier (1869-1948) étant rapporteur de son diplôme consacré à un studio de cinéma (Ph. Panerai, « Éloge de René Gagès »).
Le 20 mars de la même année, il épouse à la mairie du 3e arrondissement Christiane Bret, née le 19 août 1926 à Lyon 6e. Il a deux enfants, Patrice, juriste, et Véronique, architecte. En 1950, il construit l’immeuble du 9 boulevard de la Croix-Rousse où il réside, tandis que son agence se trouve au 5. Décédé le 3 février 2008, René Gagès repose dans le tombeau familial du nouveau cimetière de la Croix-Rousse.
Esprit ouvert, passionné de design, de jazz et de cinéma, sportif et enthousiaste, il est doué d’une curiosité intellectuelle et d’un sens des affaires remarquables, il sait rapidement monter des opérations et lancer de grands projets. Dès 1949, il multiplie les rencontres : Albert Gleizes, avec lequel il mène des recherches sur la polychromie dans l’architecture, le galeriste Marcel Michaud, Max Bill, Charlotte Perriand, Jean Prouvé, Étienne-Martin, Le Corbusier qu’il accompagnera à Chandigarh en 1958. Marquée par le Bauhaus, l’œuvre d’architecte et d’urbaniste de René Gagès est considérable. Il faut dire que l’immédiate après-guerre, suivie des Trente glorieuses, est une période particulièrement favorable, comme il le reconnaît lui-même : « Une certitude habitait les jeunes architectes que nous étions à l’époque : la certitude que l’avenir nous appartenait. » (Le Moniteur, 1984). Tournant délibérément le dos à ce qu’il appelle l’architecture du trottoir, il s’oriente vers la conception d’un urbanisme tridimensionnel consacré à de grands projets d’ensemble. Dès 1950, il se voit confier par le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme une mission d’étude sur les Unités de voisinage et en 1952 le ministre Eugène Claudius-Petit (1907-1989) le désigne comme architecte en chef des immeubles de Bron-Parilly, le premier grand ensemble industrialisé en France, 2 607 logements sociaux dont le chantier dure huit années. Meneur d’hommes, il sait fédérer ses nombreux collaborateurs. En 1960, il réalise un groupe de logements à Berlin-Tegel, et l’année suivante ouvre à Berlin-Ouest en pleine reconstruction un atelier d’architecture. En 1964 il élabore le plan-masse du quartier résidentiel de Caluire-Montessuy avec l’architecte Gabriel Roche. Il ouvre une agence à Paris en 1966. En 1968-1976, il est chargé de l’édification, avec la participation de Jean Prouvé, du centre d’échange multimodal de Perrache, ensemble révolutionnaire, verrue très contestée, mais incontestablement indispensable. Parmi les nombreuses constructions à son actif figurent l’usine Gambin à Viuz-en-Sallaz (Haute-Savoie, 1957-1967), le lycée international de Ferney-Voltaire [Ain] (1959), le bureau de poste de Caluire-et-Cuire (1965-1968), le hameau d’habitation du Menel (Meximieux [Ain]) pour les cadres EDF de la centrale du Bugey (1970-1975), le centre commercial Carrefour à Bourg-en-Bresse (1975), le bureau de poste de Rillieux-la-Pape (1976-1978), l’hôtel Novotel de Gerland (1984), la couverture des tribunes du stade de Gerland (1984), le Galaxie, bâtiment multifonction rue Maurice-Flandin, derrière la gare de la Part-Dieu (1985), et le Clip, à l’emplacement du Prisunic de la place Gabriel-Péri (1995-1998). Il fait des propositions visionnaires qui ne sont pas retenues : tour du Tonkin (1973), projet concernant la gare de la Part-Dieu (1975), aménagement du confluent (1985) et de la rue Moncey (1990), modernisation du stade de Gerland (1997)...
Résolument avant-gardiste, René Gagès enseigne l’architecture de 1950 à 1969 et forme de nombreux élèves dans son atelier. Il est très rapidement reconnu comme un architecte de premier plan : architecte-conseil des départements du Rhône, Ain, Savoie et Haute-Savoie (1950) ; membre du Cercle des études architecturales de Paris (1953) ; architecte des Postes et télécommunications pour la région Rhône-Alpes (1964) ; membre du Conseil régional de l’Ordre des architectes (1966) ; professeur conférencier à l’Institut national des sciences appliquées (1970) ; membre de la Société française des urbanistes (1970) ; membre de la Société académique d’architecture de Lyon (1977) ; correspondant (1985), puis membre titulaire de l’Académie d’architecture (1986). Il participe à des expositions : Akademie der Künste avec l’architecte Hans Scharoun à Berlin (1962). Lyon-Europe-100 ans d’architecture moderne (1987), comme commissaire d’exposition, Espace lyonnais d’art contemporain. Centre Pompidou (2003).
Chevalier de la Légion d’honneur (janvier 1992).
Le 23 juin 1992, il donne une conférence : Vers une nouvelle architecture : L’école du Bauhaus (1920-1930), MEM 47, 1993 ; il est élu au fauteuil 6, section 4 Lettres, le 3 novembre 1992, Filleul* étant rapporteur. Il prononce son discours de réception le 5 octobre 1993 : Le confluent : espoir pour Lyon ?, MEM 48, 1994. Il est émérite en 2004. Jean-François Grange-Chavanis* prononce son éloge funèbre (MEM 2009).
« René Gagès architecte, 1921-2008 », Bull. n° 16, Société académique d’architecture, octobre 2008. – Philippe Panerai, Éloge de René Gagès (1921-2008), Académie d’architecture, 8 janvier 2009. – Lyon-Europe, 100 ans d’architecture moderne [Exposition Lyon, Espace Lyonnais d’Art Contemporain. 1988], René Gagès, Alain Charre, Liège : Mardaga, s.d. – Patrice Gagès, L’avenir, entreprise coopérative : 70 ans de l’histoire d’une métropole (Lyon), Liège : Mardaga, 1989, 184 p. – Forma urbis : les plans généraux de Lyon, xvie-xxe siècles, Lyon : AML, 1997 ; 2e éd. revue, corrigée et augmentée, 1999, (en ligne). – Bernard Marrey, Guide Rhône-Alpes de l’architecture xxe, Paris : URCAUE / Picard, 2004. – Gérard Corneloup, DHL.
Fonds René Gagès, Société académique d’architecture de Lyon. – Recherches sur l’urbanisme spatial Lot R-Part Dieu, dessin à l’encre de Chine sur papier calque, donné au Centre Pompidou en 2002.
Avec P. Bourdeix, Fr. Grimal et H. Moïse, L’Unité de voisinage de Bron-Parilly : secteur industrialisé, programme de 2600 logements, Paris : Institut technique du bâtiment et des travaux publics, 1958. – Avec A. Charre, Les chemins de la modernité, Liège : P. Mardaga, 1988. – Avec J. Moulinier et André Mure, Lyon-Europe, 100 ans d’architecture moderne, Milano, Barcelona, Birmingham, Frankfurt, Liège : Pierre Mardaga, 1988. – « Bron-Parilly », Bull. Soc. Acad. Archit. 5, mai 2003, p. 3-9 ; 6, octobre 2003, p. 3-5. – Atelier d’archit. et d’urban. René Gagès : 1950-1978, Paris : SCORE, et Chiasso (Suisse), 1978.