Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

BONDET Adrien (1830-1909)

par Jacques Hochmann.

 Marie Hubert Adrien Bondet est né le 27 octobre 1830 à Coligny (Ain). Jean Baptiste Jacques, âgé de 75 ans, avocat et Henri Colin, garde-champêtre, âgé de 70 ans, tous deux domiciliés à Coligny étaient témoins de la déclaration de naissance faite par son père, Louis Marie Hyacinthe Bondet (11 juillet 1762-23 avril 1854). Celui-ci appartenait à une famille de notables de la région de Coligny dont il avait été par deux fois le maire, d’abord au début de la Révolution puis à la Restauration. Maître-chirurgien comme son père Antoine César André, officier de santé, enfin docteur en médecine, il avait contracté une première union en 1790 à Pressiat avec Marie Anne David, dont étaient issus une fille Marie Sophie (née en 1791) et un fils Erasme, médecin à Beaupont (Ain), décédé le 26 mars 1852. Son frère Pierre François (1760-1823), notaire et maire de Verjon, était témoin à son mariage ; le 5 août 1829, à 67 ans, il avait épousé à Coligny Rosalie Rose Ruffier née à Coligny le 1er octobre 1794, fille d’un lieutenant-colonel. Le couple eut, après Adrien, deux filles : Victorine Clotilde (1832-1833) et Marie Léontine (1834-1850).

 Élève de l’école de Coligny, il poursuit ses études au collège libre de Thoissey, puis au lycée de Bourg. Il commence sa médecine à Lyon en 1850. Externe des hôpitaux de Lyon en 1852, interne de 1853 à 1857, Adrien Bondet se lie pendant son internat avec le chirurgien Louis Léopold Ollier* (1830-1900), et avec Jean-Baptiste Augustin Chauveau* (1827-1917) : celui-ci deviendra en 1863 professeur d’anatomie à l’école vétérinaire puis, en 1877, bien que n’ayant pas fait d’études de médecine, professeur de médecine expérimentale à la faculté mixte de médecine et de pharmacie de Lyon lors de sa création, avant de finir sa carrière à Paris, professeur au Muséum d’histoire naturelle, et membre de l’Institut.

 Bondet soutient sa thèse à Paris en 1857 sur La nature et les causes des affections utérines. En 1858, Adrien Bondet est, à l’école préparatoire de médecine, chef de clinique du professeur Benedict Teissier* (1813-1889) dont il restera l’élève et l’ami fidèle. Nommé médecin des hôpitaux en 1860, il devient professeur de pathologie interne en 1877, à l’ouverture de la faculté, et succède, en 1884, à son maître Benedict Teissier comme professeur de clinique médicale à l’Hôtel-Dieu. Il prend sa retraite en 1907. Membre de plusieurs sociétés savantes : l’association des amis des sciences naturelles, la société anthropologique de Lyon, la société médico-chirurgicale des hôpitaux de Lyon, la société nationale des sciences médicales, il préside, en 1885, la société protectrice de l’enfance et, en 1890, la société nationale de médecine. Il est aussi membre correspondant de la société d’émulation de l’Ain. Il avait été élu, en 1880, membre correspondant de l’Académie de médecine dont il devient, en 1902, membre associé. Très aimé de ses collègues, il préside encore la société du Tiercelet – qui regroupe lors d’un banquet annuel d’anciens internes des hôpitaux de Lyon – ainsi que le comité qui prépare la pose d’une plaque commémorative à l’emplacement de l’ancien Tiercelet, à l’angle des actuelles rue Bellecordière et de la Barre, où logeaient jadis les internes. Très attaché à l’Hôtel-Dieu, il aime, après sa retraite, à en parcourir les cours et se désole, peu avant sa mort, devant les projets de désaffectation de cet hôpital, sans savoir que le conseil d’administration des hospices civils de Lyon présidé par le professeur de droit Exupère Caillemer* accordera un siècle de sursis à l’activité médicale de « l’édifice dont l’existence était menacée ».

 Adrien Bondet est mort dans sa maison familiale de Coligny, le 5 juillet 1909. Ses obsèques sont célébrées à Coligny le 8 juillet, avec des discours du Professeur Hugounencq, doyen de la faculté de médecine, du docteur Pierre Aubert* représentant le professeur Caillemer président de l’Académie, du docteur Leclerc*, au nom de la société de médecine, du docteur Gouilloud*, au nom de la société des sciences médicales, du docteur Garel, de la société médicale des hôpitaux, du docteur Bussillet, au nom des habitants du pays, ainsi que de deux de ses élèves et amis Thomas Bernard Nogier* et Chatin.

 Décrit par ses contemporains comme « un homme de foi chrétienne et d’une inépuisable charité », Adrien Bondet avait épousé à Genève, le 7 janvier 1865, Marie Sophie Louise Chamay, d’une famille catholique d’origine savoyarde, propriétaire d’une entreprise de bonneterie. Le couple, qui résidait 2 quai de Retz (act. quai Jean Moulin) avait une fille, Marie Louise Rosalie née en 1873, épouse Audras, dont le fils, Hubert Louis Marie Audras (né à Lyon 2e le 21 octobre 1896), engagé volontaire en 1914 au 2e dragons, aspirant, fut tué à l’ennemi le 17 avril 1918, près de Bailleul.

 Bondet semble avoir été un remarquable clinicien en même temps qu’un esprit rigoureux, ennemi des systèmes et des « idées préconçues », et attaché à l’observation des faits. Sa première publication rattache les bourdonnements d’oreille dont se plaignent certains patients anémiques au passage plus rapide du sang dans la jugulaire, d’un point élargi à un point rétréci. Il montre que ce bourdonnement disparaît à la pression de la veine. Poursuivant dans le même esprit expérimental, avec Chauveau, l’étude des bruits organiques, il distingue le bruit glottique – qui a son origine dans le passage de l’air à travers le larynx – du « frémissement pulmonaire » lié au passage de l’air des bronchioles dans les alvéoles. Chez le cheval, il montre que la trachéotomie fait disparaître le bruit glottique, alors que la section du nerf pneumogastrique, qui paralyse les bronches, fait disparaître le frémissement. Grâce à l’auscultation du claquement qui permet de localiser les valvules de l’artère pulmonaire à la base du cœur, il invente une méthode nouvelle de mensuration du volume cardiaque. Très favorable aux découvertes pasteuriennes, il utilise précocement le sérodiagnostic pour diagnostiquer la typhoïde. Il est aussi le premier médecin à équiper son service d’un appareil de radiologie. Cette prise en compte résolue des progrès de la médecine grâce à l’anatomopathologie, à la physiologie, à la bactériologie, à la chimie et à la physique, ce souci scientifique et ses réserves vis à vis d’un diagnostic fondé sur la seule intuition, ne l’empêchent pas de plaider auprès de ses étudiants pour l’examen de « ce que nous devons à l’observation des siècles passés », et surtout de relativiser les excès de la méthode statistique et d’une iatrochimie ou d’une iatrophysique. Tout en admettant que les mêmes lois physicochimiques gouvernent le fonctionnement des corps animés et des corps inanimés, il soutient, en effet, qu’on ne peut réduire les organes humains à une simple cornue, et il défend l’originalité de chaque patient et la nécessité de comprendre à la lumière de son histoire personnelle et familiale et de son contexte corporel (ce qu’on appelle alors la diathèse) les particularités de son évolution et la manière dont il utilise « les ressources dont il dispose ». Malgré l’importance de remonter jusqu’à la cause anatomophysiologique du mal, « tout n’est pas dit, pense-t-il, avec la connaissance de la lésion ». D’ailleurs, son intérêt s’étend vers des troubles fonctionnels, non lésionnels, notamment l’hystérie, cette « grande névrose » du siècle, au point de l’amener, comme beaucoup de ses contemporains, à venir assister à Paris aux démonstrations de la méthode hypnotique, orchestrées à l’hôpital de la Salpétrière par le professeur Jean Martin Charcot (1825-1893). Il aurait pu y rencontrer le jeune Sigmund Freud (1856-1939).


Académie

Élu le 7 décembre 1897, au fauteuil 6, section 3 Sciences, en remplacement de Pierre Antoine Berne* (1830-1900) admis à l’éméritat, il est parrainé par son élève Joseph Teissier*, fils de son maître Benedict Teissier*, et qui sera son successeur à la chaire de clinique médicale.

En 1902, il préside l’Académie et prononce plusieurs éloges funèbres : celui du géologue Albert Falsan* et celui de Théodore Aynard* (Ac. Rapports 1902-1904). Son compte rendu des travaux de l’Académie l’année de son mandat (MEM 1903) est particulièrement intéressant. Il rapporte le long mémoire du chanoine Chevalier* sur l’abjuration de Jeanne d’Arc au cimetière de Saint-Ouen, qui fut une pièce importante du procès de béatification alors en cours. Dans la même veine, il résume une intense discussion, à laquelle participent aussi bien des théologiens comme Ulysse Chevalier et André Devaux* que des médecins anthropologues comme Alexandre Lacassagne*, et qui fait justice de la thèse de l’authenticité du saint suaire de Turin.

Nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1896 (LH/278/42), il reçoit les insignes du recteur de l’académie de Lyon, Émile Charles (1825-1897). Officier de l’instruction publique depuis 1889.

Bibliographie

P. Aubert, Discours prononcé aux funérailles du professeur Adrien Bondet, Ac. Rapports V, 1909-1912. – J.L. Teissier*, Rapport sur la candidature du professeur A. Bondet, manuscrit de 1897, dossier Acad. – Roque, Le professeur A. Bondet, extr. Bull. Soc. Amis Univ. Lyon, Lyon : impr. A. Rey, 1909, portrait, 14 p. – J. Guiart, L’école médicale lyonnaise, Paris : Masson, 1941. – D. Saint-Pierre, Dict. Ain.

Iconographie

Buste en bronze sculpté par Louis Prost* (1876-1945, 2e grand prix de Rome), musée d’histoire de la médecine et de la pharmacie de Lyon. – Médaillon en bronze par Prost au même musée, ainsi qu’un portrait par Auguste Raynaud (1854-1937. – Photographie (cliché de Jean François Armbruster, 1835-1912), don du professeur Lacassagne, dans les archives du même musée.

Publications

Recherches sur la nature et les causes des affections utérines, Paris : impr. Rignoux, 1857 (thèse médecine n°125). – Étude sur le bourdonnement d’oreille, extr. de La gazette médicale, et Lyon : Impr. Vingtrinier, 1862, 36 p. – Étude physiologique sur une variété de bourdonnements d’oreille placés sous la dépendance du courant sanguin dans la jugulaire, Paris : Victor Masson, 1862, 58 p. – De l’expectation dans la pneumonie, Lyon : Vingtrinier, 1863, 23 p. – Avec A. Chauveau, Recherches physiologiques sur le mécanisme des bruits respiratoires, Lyon : Victor Masson, 1864. – Étude sur la respiration. Recherches physiologiques sur le mécanisme des bruits respiratoires. Paris : Victor Masson, 1864, 18 p. –La variole dans les hôpitaux, lettre sur l’isolement des varioleux adressée à MM. les administrateurs des hôpitaux de Lyon. Lyon : impr. Pinier, 1865, 24 p. – La fièvre typhoïde et les bains froids à Lyon pendant l’épidémie des mois d’avril et mai 1874, Paris : Adrien Delahaye, 1874, 23 p. – Résumé des maladies qui ont régné à Lyon en 1873-1874 et 1875-1876, Lyon : Pitrat, 1874 et 1876. – Leçon d’ouverture du cours de pathologie médicale (1er décembre 1877), Lyon : Assoc. Typo., 1878, 27 p. – De la mensuration du cœur, note sur un procédé de mensuration du cœur basé sur le choc sigmoïdien de l’artère pulmonaire, Paris : A. Parent, 1880, 7 p. – Discours sur le nervosisme (rentrée solennelle des facultés, 15 novembre 1881), Lyon : impr. Pitrat, 1882, 41 p. – Leçon d’ouverture du cours de clinique médicale, Lyon : impr. Pitrat, 1884, 25 p. – Relation d’une épidémie de fièvre typhoïde au point de vue de l’étiologie, Lyon : Assoc. Typo., 1887, 11 p. – Traitement de la tuberculose pulmonaire, quatre malades traités par la tuberculine (leçons de l’Hôtel-Dieu recueillies par Jules Courmont), Lyon : impr. Delaroche, 1891, 46 p, 2 pl. – De l’organisation de l’Assistance hospitalière il y a un siècle et de l’organisation actuelle, Lyon : A. Waltener, 1894, 92 p. – Sur le sérodiagnostic de la fièvre typhoïde : son importance dans les formes frustes de cette maladie, Lyon : Assoc. Typo., 1897, 12 p. – Albert Falsan (allocution prononcée aux funérailles, 11 février 1902). Lyon : impr. A. Rey, 1902, 9 p. – Théodore Aynard (allocution prononcée aux funérailles, 14 juin 1902). Lyon : impr. A. Rey, 1902, 8 p.