Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

SOUSTELLE Jacques (1912-1990)

par Dominique Saint-Pierre.

 Il est né à Montpellier le 3 février 1912, d’un père ouvrier métallurgiste devenu comptable, et d’une mère employée, tous deux protestants. Il fait sa scolarité à Villeurbanne, puis, boursier, au lycée du Parc. Reçu 1er au concours de l’École Normale Supérieure en 1929, diplômé d’ethnologie en 1930, il est reçu 1er à l’agrégation de philosophie en 1932.

 En 1931, il avait épousé Georgette Fagot (Tunis 2 mai 1909-6 mai 1999), qui poursuivait des études d’histoire à Lyon : ils resteront sans enfant. L’ethnologue Paul Rivet (1876-1958), titulaire de la chaire d’Anthropologie du Muséum (qui deviendra chaire d’Ethnologie des hommes actuels et des hommes fossiles), obtient une bourse qui permet au couple de se rendre au Mexique, à Ixtlahuaca. Georgette Soustelle établit une carte linguistique de la famille Otomie. Jacques prépare ses deux thèses de doctorat d’État ès lettres qu’il soutiendra en 1937 : La famille Otomi-pame du Mexique central, et La culture matérielle des Indiens Lacandons. En 1935, ils travaillent sur la région de la Sierra Gorda, puis sur le territoire Lacandon. Ils ont été d’éminents spécialistes des civilisations d’Amérique précolombienne, pouvant s’exprimer dans plusieurs langues mayas.

 Après leur retour en France, Soustelle est professeur de sociologie à l’École pratique des Hautes Études, puis en 1938, il est nommé sous-directeur du nouveau musée de l’Homme, au palais de Chaillot, dont Paul Rivet est le directeur. Son épouse participe à la mise en place des collections. Il enseigne à l’école nationale de la France d’outre-mer. En 1939, il prononce une série de conférences au Collège de France, dans le cadre de la Fondation du duc de Loubat, avec pour thème : « La pensée cosmologique des anciens Mexicains ». En 1940, les Soustelle repartent pour le Mexique, dans l’État de Veracruz, pour étudier la culture nahua.

 Soustelle était déjà un militant politique : pacifiste d’obédience marxiste depuis 1934, il écrit dans les revues Masses, puis Spartacus de René Lefevre, sous le pseudonyme de Jean Duriez. Membre du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes créé en 1934 par Paul Rivet, Alain et Paul Langevin, il le quitte, comme beaucoup d’autres, lors des accords de Munich auxquels il s’oppose. Il participe alors à la direction de l’Union des intellectuels français pour la justice, la liberté et la paix. Lors de la déclaration de guerre en 1939, il rentre en France pour être mobilisé. Nommé en décembre chargé de mission à Mexico, il devient en février 1940 adjoint de l’attaché français. Puis, il rejoint les Forces Françaises Libres à Londres. De Gaulle lui confie l’organisation d’un comité de soutien au Mexique, puis dans toute l’Amérique latine. Entré au Comité national français de Londres, il y assure en 1942 l’importante direction du Commissariat national à l’information, qui supervise notamment les radios de la France Libre.

 Le 27 novembre 1943 à Alger, il dirige jusqu’en avril 1945 les services spéciaux (DGSS), devenus DGER à la Libération. Nommé en mai commissaire régional de la République à Bordeaux, il devient le 30 mai ministre de l’Information du gouvernement provisoire. Élu (UDSR) le 21 octobre 1945 par la Mayenne à la première Constituante, il est ministre des Colonies le 21 novembre de la même année, jusqu’au départ du général de Gaulle le 26 janvier 1946. Quoique battu en Mayenne aux législatives du 2 juin 1946, il poursuit sa vie politique en participant à la création du RPF, dont il devient le premier secrétaire général de 1947 à 1951. Il est nommé cette année-là professeur à l’École des hautes études en sciences sociales, à la suite de sa démission du musée de l’Homme. Élu député dans le Rhône le 17 juin 1951, il préside le groupe parlementaire RPF et entre au conseil municipal de Lyon en 1953. Nommé gouverneur général de l’Algérie le 26 janvier 1955 par le gouvernement de Pierre Mendès-France, dont il a voté l’investiture le 18 juin 1954, il prône l’assimilation des musulmans. Réélu député (Républicains sociaux) dans le Rhône le 2 janvier 1956, il est remplacé au gouvernorat par le général Catroux. Cette décision du gouvernement de Guy Mollet provoque une immense manifestation à Alger le 2 février 1956. En mars, il crée l’Union pour le renouveau de l’Algérie française. Ministre de l’Information dans le gouvernement de Gaulle le 7 juillet 1958, réélu député (UNR) dans la 3e circonscription du Rhône le 30 novembre 1958, ministre délégué chargé du Sahara et TOM et des affaires atomiques des DOM auprès du Premier ministre, Michel Debré, le 8 janvier 1959, il fonde avec Georges Bidault le Rassemblement pour l’Algérie française. Il n’accepte pas l’évolution du général de Gaulle sur l’Algérie. Sorti du gouvernement le 5 février 1960, il quitte l’UNR, rejoint l’OAS après le putsch des généraux d’avril 1961, et démissionne du conseil municipal de Lyon en octobre. Parti en exil en 1962, pour éviter un mandat d’arrêt délivré pour atteinte à l’autorité de l’État, il voyagera en Europe durant sept ans écrivant beaucoup.

 Il fonde le 20 mai 1962, avec Georges Bidault, Antoine Argoud et Pierre Sergent, le Comité National de la Résistance. De son exil, il se présente sans succès aux élections législatives des 5 et 12 mars 1967. Bénéficiaire de la loi d’amnistie de juin 1968, il rentre en France le 24 octobre, et il est nommé professeur à l’École pratique des hautes études. Réélu au conseil municipal de Lyon en 1971, il retrouve l’Assemblée nationale le 11 mars 1973 et siège parmi les non-inscrits, puis rejoint le CDS en 1974. Candidat à la mairie de Lyon en 1977, il est devancé par la liste socialiste menée par Claude Bernardin, et par la liste de droite de Francisque Collomb qui est élu, cette dernière liste ayant bénéficié des ralliements de ses anciens amis politiques (Béraudier, Miriot…). En 1978, il est battu aux législatives par Michel Noir. Directeur du Centre d’études et de recherches anthropologiques de l’université Lumière Lyon-2 de 1980 à 1985, il dirige des fouilles au Nayarit (Mexique, côte ouest, ). Président du groupe Pact, il est chargé de coordonner, sous l’égide du Conseil de l’Europe, les techniques appliquées à l’archéologie dans dix-sept pays européens. Il a reçu le prix international Alfonso-Reyes en 1981. Président du Centre universitaire européen pour les biens culturels, à Ravello, Italie, relevant du Conseil de l’Europe à Strasbourg en 1982. Président d’honneur de la Société des Américanistes depuis 1987.

 Il est mort à Neuilly-sur-Seine le 6 août 1990 et a été inhumé à Miribel (Ain).


Académies

Il est successivement membre correspondant de la classe des sciences (7 juin 1955-1959, membre d’honneur associé le 2 juin 1959, élu titulaire le 7 décembre 1976. Son discours de réception le 16 janvier 1979 a pour titre : Histoire des découvertes archéologiques françaises au Mexique (MEM, 34 1980). Il est réélu membre d’honneur associé à la séance du 6 décembre 1983.

Il est élu à l’Académie française le 2 juin 1983 au fauteuil de Pierre Gaxotte, et reçu le 24 mai 1984 par Jean Dutourd. Il prononcera d’ailleurs un discours pour l’inauguration de la place Pierre Gaxotte, le 15 décembre 1984 à Revigny-sur-Ornain (Meuse).

Bibliographie

Collectif, Soustelle (Jacques), GDU, 1982, p. 9733. – J. de Durand-Forest, CNRS pourquoi ?, In memoriam, Journ. Soc. Américanistes 76, 1990, 2e p., p. 229-235. – P. Jaussaud et É.-R. Brygoo, Du jardin au muséum en 516 biographies, Collection Archives, Paris : Muséum National, 2004, 630 p., ill.

Publications

Amérique précolombienne et ethnologie : Le Totémisme des Lacandon, Maya Research, New Orleans : Tulane, University of Louisiana, 1935. – Mexique terre indienne, Paris : Grasset, 1936, 272 p., 42 ph. – La Famille otomi-pame du Mexique central, Paris : Institut d’ethnologie, 1937, 571 p. – « La Culture matérielle des indiens Lacandons », Journ. Soc. Américanistes 29-1, 95 p., 1937. – Avec Georgette Soustelle et Gabriela Mistral [pseudonyme de Lucila Godoy y Alcayaga], Folklore chilien. Textes choisis et traduits, avec des annotations, Paris : Inst. intern. de coopération intellectuelle, 1938. – Introduction et notes à : J.-P. Sartre et Pierre Verger, Au Mexique, 170 photographies de Pierre Verger, Paris : Paul Hartmann, 1938. – La pensée cosmologique des anciens Mexicains (représentation du monde et de l’espace), conférences prononcées au Collège de France (chaire d’antiquités américaines, Fondation Loubat) 1939, Paris : Hermann, 1940. – Rencontre de la civilisation hispanique et des civilisations indigènes de l’Amérique, Paris : Centre de doc. univ., 1954. – Deuxième note sur l’ethnographie, la préhistoire, l’archéologie, l’art musulman, les beaux-arts en Algérie, Alger : impr. officielle, 1955. – Les Aztèques à la veille de la conquête espagnole, Paris : Hachette, 1955, 318 p. – Mexique : Peintures pré-hispaniques, Paris : New York Graphic Society et Unesco, 1958. – L’Art du Mexique ancien, Paris : Arthaud, 1966, 183 p., 206 pl., 42 cartes et dessins. – Les quatre soleils : souvenirs et réflexions d’un ethnologue au Mexique, Paris : Plon, 1967, 340 p. – Mexique, Genève, Paris : Nagel, 1967. – Rapport sur la recherche française en archéologie et anthropologie, Paris : Doc. française, 1975. – L’Univers des Aztèques, Paris : Paul Hartmann, 1979, 170 p. – Les Mayas, Paris : Flammarion, 1982, 253 p. – Les Olmèques : la plus ancienne civilisation du Mexique, Paris : Arthaud, 1983, 217 p. [prix de 10 000 francs de l’Académie française] – 3. Relación = Troisième relation et autres documents, Paris : L’Harmattan, 1987. – L’Anthropologie française et les civilisations autochtones de l’Amérique, Oxford : Clarendon press ; New York : Oxford University Press, 1989, 16 p. – Tumaco : 1 000 ans d’art précolombien : collection Yves Sabolo, Paris : Guy Loudmer, 1989. – Mexique, terre indienne, Paris : Hachette, 1995, 268 p. – Les Aztèques, collection Que sais-je ?, Paris : PUF, 1970, 124 p.

Politique : Envers et contre tout : t. 1 : De Londres à Alger. Souvenirs et documents sur la France libre, 1940-1942, Paris : Laffont, 1947, 470 p. ; t. 2 : D’Alger à Paris, souvenirs et documents sur la France libre, 1942-1944, Paris : Robert Laffont, 1950, 457 p. – Lettre d’un intellectuel à quelques autres, [Alger : Impr. officielle du gouv. général de l’Algérie, 1955]. – Aimée et souffrante Algérie, Paris : Plon, 1956, 305 p. – Que faire en Algérie ? Conférence prononcée le 21 mars 1956, Paris : s.n., 1956. – L’Orient, foyer de guerre : conférence prononcée par Jacques Soustelle le 23 novembre 1956 au Théâtre des Ambassadeurs [Paris].., Paris : Impr. SPI, 1957. – .Le drame algérien et la décadence française : Réponse à Raymond Aron, Paris : Plon, 1957. – The Wealth of the Sahara, New York : Council on Foreign Relations, 1959. – L’Espérance trahie (1958-1961), Paris : L’Alma, 1962, 326 p. - La page n’est pas tournée, Paris : La Table ronde, 1962, 238 p. – Pour une politique de paix et de progrès en Algérie : Extraits des déclarations faites par Jacques Soustelle, s.n., s.d. – A New Road for France, New York : Speller, 1965. – Vingt-huit ans de gaullisme, Paris : La Table ronde, 1968, 473 p. – Jacques Soustelle vous parle… Déclaration du 12 février 1967, Paris : Conférence des Ambassadeurs, 1967. – Sur une route nouvelle, Paris : éd. du Fuseau, 1964, 315 p. – La Longue Marche d’Israël, Paris : Fayard, 1968, 338 p. – Progrès et liberté : Discours prononcé à Lyon le 12 avril 1970, Paris : La Table Ronde, 1970. – Que faire en Méditerranée ?, Paris : Conférence des Ambassadeurs, 1970. – Vingt-huit ans de gaullisme, Paris : J’ai lu, 1971. – Lettre ouverte aux victimes de la décolonisation, Paris : Albin Michel, 1973, 190 p. – Discours de réception de M. Jacques Soustelle à l’Académie française et réponse de Jean Dutourd, Paris : Flammarion, 1984.