Jean Frédéric de La Tour de Gouvernet – l’abbé de Gouvernet, seigneur de Mures – serait né le 25 mars 1671, à Charenton. Les registres du temple de Charenton ayant été détruits dans l’incendie de l’Hôtel-de-ville de Paris en 1871, avec les mentions d’abjurations des registres de catholicité de la capitale, il faut s’en remettre à La France protestante. Il appartient à la branche de Gouvernet de la très ancienne famille dauphinoise de la Tour-du-Pin, de confession réformée depuis plusieurs générations. Son père, Charles III de La Tour, marquis de Gouvernet (1630-Olliergues 23 juillet 1683), seigneur de Mures, vicomte de Paulin, marquis de Cènevières (Lot), sénéchal de Valentinois et de Diois, maréchal des camps et armées du roi, avait épousé, le 22 février 1656, d’après le registre de Charenton cité par Haag (contrat reçu par Parque et Valtier notaires à Paris le 19 mai 1655), Esther Herwart ou Hervart (1637-Londres 1722), dame de Hüningen, fille de Barthélemy Hervart, baron de Hohenberg contrôleur des finances (successeur de Fouquet) et conseiller d’État de Louis XIV, et d’Esther de Vimart. « MM. d’Hervart et de Gouvernet étaient de la religion prétendument réformée. Leurs enfants ont eu à combattre les préjugés de l’éducation » (Mercure galant, janvier 1703 [décembre 1702], p. 195). Ces enfants sont : Esther (30 décembre 1665-mai1694) mariée en Angleterre en avril 1684 à Henry Savile, lord Eland (fils aîné de George Savile, marquis d’Halifax, baron d’Eland, pair d’Angleterre, et de Dorothy Spencer), naturalisée anglaise le 22 février 1688 ; Charles Barthélemy (12 avril 1663-23 décembre 1702) qui épouse en juillet 1691 Louise Émilie Goussé de la Roche-Allard, décédée à Cénevières le 11 octobre 1717 ; Madeleine Sabine, dame de Bois-le-Vicomte, qui épouse le 2 janvier 1690 Joseph François de Grolée, marquis de Viriville (décédé à Lyon le 26 septembre 1705). Après la révocation de l’édit de Nantes, Esther Hervart, qui résidait en Suisse, obtient en février 1666 un passeport pour rejoindre sa fille en Angleterre, où elle meurt en 1722, et est inhumée à Londres avec sa fille et sa mère. Elle avait dû laisser ses enfants en France où, après conversions, ils devaient recouvrer la grande fortune de leur mère. Plusieurs années s’écoulent avant l’obtention de lettres patentes limitées à la jouissance de ces biens : « Brevet de don aux enfants de dame Esther Ervard, veuve messire Charles de La Tour de Gouvernet de la R.P.R. des biens qu’elle a en France : Aujourd’hui, 1er mars 1692, le Roy étant à Versailles, voulant favorablement traiter les sieurs marquis de Gouvernet, abbé de Gouvernet, et comte de Viriville en qualité de mary de la demoiselle de Gouvernet, leur sœur, enfants de ladite de Gouvernet de la R.P.R., sortie du royaume en vertu de la permission que sa Majesté lui a cidevant accordée, sa dite Majesté leur a accordé et fait don de l’administration de tous les biens situés en France appartenant à la dite dame de Gouvernet, leur mère. »
D’interminables actions en justice s’ensuivent, y compris entre les héritiers, la dernière en 1847-1850, au sujet de la terre de Landser en Alsace. Le Mémoire pour les héritiers d’Hervart, intimés et incidemment appelants contre Monsieur le Préfet du Haut-Rhin, intimé représentant l’État et les héritiers Burse, appelants au principal, Colmar, 1847, en donne le détail, p. 51 sqq.
Après s’être converti et avoir embrassé la prêtrise, Jean Frédéric est connu comme l’abbé de Gouvernet. Au témoignage de Pernéty (Ac.Ms301 p. 80-81), « M. de Saint-Georges, archevêque de Lyon, l’avait fait son grand vicaire, il devint ensuite chanoine de l’église de Paris, il se contenta de cette place dans laquelle il est mort, ayant refusé plusieurs fois d’être évêque. On ne peut guère imaginer un esprit plus agréable avec un corps plus difforme. Il plaisantait souvent sur cette difformité. Il dit un jour à un homme de considération qui avait dit une bêtise et qui était bossu comme lui : “Monseigneur, allez, vous ne méritez pas d’être bossu”. On aurait pu faire un livre de ses bons mots. Sa liberté et son indépendance avec les grands étaient singulières, elles n’étaient pas chez lui l’effet de la liberté ou de la vanité qu’il tirait de sa naissance, il était affable et familier avec tout le monde. » Selon le Mercure de janvier 1703, l’abbé de Gouvernet a passé une vie exemplaire, « dans les exercices de la haute piété, et à prêcher, catéchiser ou confesser. Soit qu’il se trouve à Paris, ou qu’il soit dans ses terres en Dauphiné, partout il mène une vie apostolique, et le diocèse de Vienne retentit des bonnes œuvres qu’il a faites, et des fruits qu’il y a opérés. On sait assez son indifférence pour les dignités ecclésiastiques, et l’éloignement qu’il a toujours eu pour l’épiscopat, où il aurait été élevé si sa grande humilité ne s’y était opposée ». « Le 21 [novembre ou octobre 1738], Jean Frédéric de La Tour de Gouvernet, seigneur de Bois-le-Vicomte, de Mitry en France, etc., prêtre, docteur en théologie, chanoine de l’Eglise métropolitaine de Paris depuis le 16 février 1718, mort âgé de 67 ans, et fort regretté des pauvres, au besoin desquels il employait le restant des 50 000 livres de rente dont il jouissait, après avoir prélevé ce qui lui était nécessaire pour ses dépenses ordinaires. Le 23 dans la matinée, le Chapitre de Paris en Corps, vint lever son corps à l’Hôtel de Louvois, rue de Richelieu, où il demeurait chez François Olivier de Senozan, intendant général du clergé [le mari de sa nièce, Jeanne Anne de Grolée de Viriville] et on le conduisit à Notre-Dame où, après la célébration de ses obsèques, il fut transporté aux Nouvelles Catholiques, rue Sainte Anne, où le défunt avait choisi sa sépulture » (Mercure de France, novembre 1738, p. 2502).
Il est reçu à l’Académie des sciences et belles-lettres en 1704, et quitte Lyon en 1714. Il ne subsiste pas de trace de son activité au sein de cette compagnie, dont la bibliothèque ne conserve aucun manuscrit. « Quoique M. l’abbé de Gouvernet n’eût pas entretenu beaucoup de correspondance avec cette académie, elle l’a toujours compté au nombre de ses académiciens. […] Il avait vu naître cette académie. On se souvient encore de sa franchise à condamner les vers qu’on y lisait s’ils n’étaient pas de son goût. Nous avons de lui des réflexions morales sur la Genèse dédiées à M. de Montmorin, archevêque de Vienne, qui prouve bien qu’il avait la science de son état » (Pernéty).
Pernéty. – Mercure galant, janvier 1703. – Gazette de France, octobre 1738. – Mercure de France, novembre 1738. – Eugène et Émile Haag, La France protestante, Paris, 1885, vol. 6, p. 408.
Réflexions morales sur la Genèse, dédiées à Armand de Montmorin, archevêque de Vienne, Lyon, De Ville, 1699, 378 p. – Au Roi, Requête de Jean-Frédéric de la Tour, abbé de Gouvernet, demandeur en annulation des actes des 22 et 23 février 1701, et en restitution du tiers usurpé par Charles-Barthélémy de la Tour, marquis de Gouvernet, son frère dans la succession d’Esther d’Herwart, veuve de Charles III de La Tour, marquis de Gouvernet, leur mère commune, Impr. J. Josse, 1701 (on trouve des détails sur cette querelle de succession dans les lettres de Mme de Caylus à Mme de Maintenon. Par exemple : « L’abbé de Gouvernet jouit d’une terre qui vaut 50 000 écus ». Voir Françoise de Maintenon, Marthe-Marguerite de Caylus, Sophie Marie Dangeau, L’Estime et la tendresse, Albin Michel, 1998, p. 123 sqq et 175 sqq.).