Depéret est Catalan de souche, ayant vécu son enfance et son adolescence à Perpignan, et il restera très attaché à sa province. Son grand-père, Jean Baptiste, était marchand faïencier dans la ville ; Charles Jean Julien naît le 25 juin 1854, dans la maison Albar, rue des Jésuites (act. rue J.-J. Rousseau) où son père, Louis Antoine Jean Julien Dèperet ou Déperet (Perpignan 30 mars 1817-...) marié à Antoinette Rosalie Joséphine Argiot (Poitiers 9 novembre 1830), modiste, fille d’un officier, tient une quincaillerie ; témoins : Hippolyte Argiot, imprimeur, frère de l’épouse, et Casimir Carner commis quincaillier. En 1856, son père s’installe comme teinturier de coton dans le quartier des tanneries, et c’est la naissance de sa sœur Joséphine Louise. En 1858, son père fonde une mercerie 8 rue Saint-Sauveur, près du muséum d’histoire naturelle de la ville.
Charles fréquente le collège de 1864 à 1871 : il est cité plus de soixante fois au palmarès annuel, avec trois premiers prix d’excellence et seize premiers prix dans presque toutes les disciplines. Il obtient le baccalauréat ès Lettres en 1871. C’est aussi l’année d’une rupture importante pour l’adolescent : Louis Companyo, directeur du muséum depuis trente années, meurt, alors qu’il avait été l’initiateur de Charles à l’histoire naturelle dont il recevait la visite les jeudi et dimanche après-midi ; il lui avait transmis ce que Gignoux appellera « la passion du collectionneur qui le poussait tout enfant dans les ravins du Roussillon ».
Dès ce baccalauréat acquis, Charles s’inscrit à la faculté de médecine de Montpellier : il réussit ses examens de fin d’année 1872, puis 1873, tout en obtenant un baccalauréat ès Sciences, et il devient élève du Service de santé des armées. Il est partagé entre sa vocation de naturaliste et son futur métier de raison, la médecine militaire, pour des contraintes financières évidentes : d’ailleurs il court la garrigue, guidé par Rouville, professeur de géologie à la faculté de Montpellier. Âgé de 20 ans, il intègre l’hôpital du Val-de-Grâce où ses études sont moyennes ; mais il en profite pour rencontrer Edmond Hébert et Albert Gaudry, les professeurs en Sorbonne et au Muséum, qui auront une grande influence sur son avenir.
Sa thèse de doctorat en médecine (6 avril 1876) est intitulée Du traitement de l’eau froide sur la production d’hémorragie intestinale dans la fièvre typhoïde. Il est promu, le même jour, médecin stagiaire et, le 27 décembre, nommé médecin aide-major et affecté à la division d’Alger. Pendant deux années, il conforte son expérience médicale, surtout en chirurgie, et il profite de son temps libre pour observer et chasser les mammifères de la savane. Devenu aide-major de 1re classe, il revient en France affecté à un régiment du Sud-Ouest. 1878 est l’année de parution de sa première note sur les chauves-souris du Roussillon, 1880 l’année de la première publication géologique. En 1881 il devient licencié ès sciences naturelles et membre de la société géologique.
Ses affectations militaires sont multiples : à Grenoble il rencontre Pierre Termier, à Lyon il enseigne à l’école du Service de Santé et rencontre Fontannes. En 1885, il soutient sa thèse de doctorat ès Sciences à Paris (Hébert président) intitulée Description géologique du bassin tertiaire du Roussillon. L’inspection générale de l’Armée avait un avis d’une grande clairvoyance : « sujet d’élite, homme de savoir [...] fait pour l’enseignement supérieur [...] serait parfait s’il montrait moins d’indifférence pour le règlement et l’administration ». Mais sa santé étant de plus en plus délicate, l’armée le libère : il a 32 ans. Hébert fait pression pour qu’il envisage une carrière universitaire.
Dès 1886, il est chargé de cours à Marseille où il reste deux années. En 1888, Claude Berthaud* meurt et Depéret demande son transfert à Lyon : l’année suivante, la chaire de Géologie lui revient sans contestation ; il la gardera quarante années. En 1896, il sera élu doyen et renouvelé pour 33 années. Le 21 novembre 1898, il est correspondant de l’Académie des Sciences et, surtout, le 24 octobre 1913, il sera l’un des six membres non résidents : c’est le président Poincaré qui vient en 1914 inaugurer la plaque commémorative des deux académiciens lyonnais G. Gouy et C. Depéret. Il sera aussi membre des académies de Barcelone, Belgique, Le Caire, Londres, New-York, Russie.
Chevalier (19 juillet 1903) puis officier de la Légion d’honneur le 12 août 1922 (LH/735/9).
Durant les quarante années de son « règne », tout géologue européen s’intéressant aux terrains tertiaires ou aux mammifères passe une heure ou une année dans son laboratoire. C’est à Lyon que seize thèses de doctorat sont soutenues sous sa direction : la majorité de ces docteurs deviendront, à leur tour, professeurs de faculté. À partir de 1903, il est le chef de la délégation française aux congrès internationaux de Géologie, et même aux congrès de Zoologie. Comme chercheur, il reste d’abord un naturaliste de terrain, un observateur, minutieux et précis. Mais il possède une admirable faculté de classement, de synthèse : il est aussi un abstracteur. Il aura fait beaucoup progresser les connaissances dans les domaines du Tertiaire (système Miocène), du Quaternaire marin et continental, et des mammifères fossiles. Depéret parcourait la campagne, les déserts, les montagnes en chaussures de ville, veston noir et chapeau melon, n’acceptant pour le soleil et pour la pluie qu’une ombrelle à doublure verte devenue légendaire.
Le 17 juillet 1926, Depéret épouse à Lyon 2e Marie Feu, une Lyonnaise née dans le 5e arr. le 30 août 1858 : régularisation bien tardive aux âges respectifs de 72 et 67 ans.
Le 2 avril 1929, il part rejoindre F. Roman* et J. Viret* à la fouille de La Romieu (Gers) ; mais il subit un infarctus en gare de Tarascon, ce qui ne l’empêche pas de passer quatre jours sur le chantier, puis de revenir à Lyon, où il mourra le 17 mai, en son domicile 6 rue Victor Hugo. Aux obsèques du 21 mai, un nombre exceptionnel de personnalités, représentant tous les grands organismes français, sont présents, et huit discours sont prononcés. Il est inhumé au cimetière de Tassin-la-Demi-Lune.
Une rue Professeur Depéret longe le cimetière de Tassin et une place Depéret existe à Lyon 7e, à l’angle des rues de l’Université et de Marseille.
Depéret est élu le 9 juin 1925 au fauteuil 3, section 2 Sciences, sur un rapport de G. Coutagne*. Il prononce son discours de réception sur Les grandes lois de l’évolution le 28 juin 1927 (MEM 20, 1931, p. 41-60).
Correspondant de l’Académie des Sciences en 1898, il est l’un des six membres non résidents, élu le 24 octobre 1913. Il sera aussi membre des académies de Barcelone, Belgique, Le Caire, Londres, New-York, Russie.
Discours prononcés aux obsèques, brochure imprimée : P.B. Gheuzi, recteur académie de Lyon, p. 3-20 ; P. Termier de l’Institut, p. 21‑31 ; C. Jacob professeur en Sorbonne, p. 32‑35 ; F. Roman professeur faculté Lyon, p. 36‑41 ; T. Tollet président Académie Lyon, p. 42‑48 (et MEM 20, 1931, p. 220-224) ; J. Guiart Académie Lyon, p. 49-52 ; J. Répelin professeur faculté Marseille, p. 53-54. – F. Roman, « La vie et l’œuvre du professeur Charles Depéret », AUL, 1929, p. 303‑322. – M. Gignoux, « Charles Depéret 1854-1929 », Bull. Soc. Géol. France (4) 30, 1930, p. 1043-1073 (portrait, bibliographie). – C. Roux, « Le professeur Charles Depéret (1854-1929) », Rhodania 11, n° 1312, 1930, 8 p., portrait. – E. Lemoine, « Charles Depéret, 1854-1929 », Bull. Soc. Hist. nat. Savoie 22, p.‑45‑46, 106‑113, portrait. – F. Gomez Llueca, « El profesor Charles Depéret (1854-1929), Real Soc. Espan. Hist. nat. 4-4, p. 137-150. – L. David, « Charles Depéret, géologue et Lyonnais », conférence aux Journées Charles Depéret, Perpignan 24 octobre 1985, et conférence Académie 4 février 1986 (MEM 41, 1987, p. 55-61). – G. Bourgat et G. Oliver, « Charles Depéret, médecin militaire, roussillonnais, naturaliste », Médecine et armées 16-6, 1988, p. 465‑471.
Un an après sa mort, ses collègues et amis firent graver une plaquette à son effigie par Marcel Renard (conservée au Médaillier de l’Académie, Donné et David 2000). Au revers, le crâne du grand cerf de Senèze (Haute-Loire), illustre son apport à la paléontologie. L’avers est la réduction de la plaque apposée sur le monument élevé à sa mémoire, actuellement placé dans le hall de l’amphithéâtre Depéret du campus de La Doua de l’université Claude Bernard Lyon-1.
Depéret écrit dans une langue parfaite, d’une clarté et d’une concision exceptionnelles, et il a près de 250 publications à son actif, conservées à la bibliothèque des Sciences de la Terre de l’université Claude-Bernard : nous n’en retiendrons que quelques-unes parmi les plus importantes : Description géologique du bassin tertiaire du Roussillon. Paris : Masson, 1885, 274 p., 12 fig., 5 pl., 1 carte ; et Ann. Sciences Géol. 17 (thèse). – « Recherches sur la succession des faunes de vertébrés miocènes de la vallée du Rhône ». AMHNL 4, 1887, p. 45-313, 3 fig., pl. 12‑25. – « Sur la classification et le parallélisme du système miocène ». Bull. Soc. Géol. France (3) 21, 1893, p. 170-266, 1 fig., 3 tabl. – « La faune de mammifères miocènes de La Grive-Saint-Alban (Isère) et de quelques autres localités du bassin du Rhône ». AMHNL 5, mém. 2, 1892, p. 1-95, 4 pl. – Société Géologique de France : réunion extraordinaire dans les régions de Lyon et de Bollène (Vaucluse) du dimanche 19 août au samedi 25 août 1894. (3) 22, p. 593‑724, ill. : CR des excursions par Depéret. – « Aperçu sur la structure générale et la formation de la vallée du Rhône », Ann. Géogr. 4, 1895, p. 432‑452. – Avec F. Roman, « Monographie des Pectinidés néogènes de l’Europe et des régions voisines ». Mém. Soc. Géol. France, (Pal.) 26, 1902, 1re partie : genre Pecten, p. 1-73, fig. 1-33, 1 tabl., pl. 1-8 ; 1905, 1re partie supplément, p. 75‑104, fig. 34-43, pl. 9-11 ; 1910, 2e partie : genre Flabellipecten, p.105‑138, pl. 12-17 ; 1912, 2e partie suite, p.139-168, fig. 1-71, 1 tabl., pl. 18 23 ; 1927, (ns) 10 (suite du mém. 26), p. 169-194, pl. 24-28.). – « L’histoire fluviale et glaciaire de la vallée du Rhône aux environs de Lyon », CRAS 157, 1913, p. 532-535 et 564-568. – Essai de classification générale des temps quaternaires. C.R. XIIIe Congr. Géol. Intern. Belgique, 1926, p. 1417-1423.