Marie Émile Aimé Vingtrinier voit le jour à Lyon le 31 juillet 1812, 80 rue Saint-Dominique [act. 3 rue Emile-Zola, où est apposée une plaque à sa mémoire] – l’immeuble avait été acheté par son grand-père Antoine Vingtrinier le 7 juin 1779 (Lyon Revue, 1882, p.271 et Revue d’histoire de Lyon, 1911, p. 348) –. Présents : Joseph Hobitz, marchand pelletier, 17 quai de Villeroi ; Jean Pascalin, marchand mercier, 49 grande rue Mercière. Aimé est le fils de Marie Anne Artus Vingtrinier (Lyon 11 avril 1778-Ambérieu-en-Bugey 7 août 1866), marchand pelletier, juge au tribunal de commerce de Lyon et promoteur immobilier, et de Louise Marie Françoise dite Fanny Martinière (Thurins [Rhône] 29 juin 1783-Lyon 4 avril 1870), sa cousine germaine, qu’il a épousée à Thurins le 27 mai 1811 – elle est la fille de Marguerite Émilie Montagnat, sœur de Marie-Sophie, épouse d’Antoine Vingtrinier. Les Vingtrinier sont originaires de Dun-sur-Meuse où, dans la seconde moitié du xviie siècle, Thomas exerçait le métier de boucher ; ont suivi Nicolas, qui a évolué vers la mégisserie et la pelleterie à Magny-en-Vexin et à Paris, puis Artus, marchand pelletier, venu s’installer à Lyon où il est décédé le 11 novembre 1788. Son fils Antoine (Lyon Saint-Nizier, 23 octobre 1748-La Guillotière, 11 mai 1802), pelletier, homme d’affaires et notable, qui sera premier adjoint du maire Louis Vitet*, a épousé, le 19 septembre 1774 à Ambérieu, Marie Sophie Montagnat (Ambérieu-en-Bugey, 1752-1831), fille de Claude Montagnat (Douvres [Ain] 1722-Lagnieu 1751), seigneur de la Barre (Ambérieu), fief qu’elle a reçu en dot en 1774. Aimé est fils unique.
De 1823 à 1830, Artus Vingtrinier, trop pris par ses affaires, le met en pension chez les frères de la Croix de Jésus installés en 1822 par Claude Marie Bochard dans l’ancien prieuré de Ménestruel à Poncin (Ain). Pendant les vacances, Aimé se rend chez l’une ou l’autre de ses grand-mères, au château de la Barre (qui sera vendu en 1848 ; une plaque à la mémoire d’Aimé Vingtrinier est apposée sur le portail), et à la Martinière à Thurins. Puis, jeune châtelain, il chasse, pratique l’escrime, l’équitation, s’intéresse à l’archéologie et à l’histoire locale. Inspiré par le Bugey, il écrit un recueil de poèmes, Les Bugésiennes, qui lui valent les encouragements du bibliophile Louis Coste*. Mais en 1840, Artus Vingtrinier affronte de graves difficultés financières (il a englouti sa fortune dans la promotion immobilière de la rue de la Préfecture) et se reconvertit dans les assurances ; Aimé doit travailler pour la compagnie de son père, ce qui l’amène à voyager (Corse, Sardaigne, Italie, Algérie, Allemagne) et l’incite à écrire un nouveau recueil de poèmes, « souvenirs d’un commis-voyageur », Les Voyageuses. Il publie aussi en 1841 le poème Mazagran, sous le pseudonyme d’Antonin Vidal.
Le 1er mars 1847, Louis Coste l’embauche comme bibliothécaire pour succéder à l’archiviste Claude Charles Chelles et le charge de rédiger le catalogue de ses nombreux livres et manuscrits. « Grâce à vous, j’ai pu reprendre des études que j’aimais », lui écrit-il en hommage dans la préface du recueil Les Voyageuses. Ce catalogue va l’occuper « pendant quatre ans à raison de 1 200 francs de salaire annuel » [Bruyère*, « Pro Patria colligit. Le bibliophile Louis Coste (1784-1851) et sa bibliothèque lyonnaise », USHR, Actes des journées d’études 2013, XXVI, Caluire-et-Cuire et sa région, p. 73]. Pris par le virus de l’érudition, Aimé s’attelle à une Histoire des journaux de Lyon, depuis leur origine jusqu’à nos jours, dont la première partie est publiée en 1852. Cette même année est un tournant : simultanément, il devient imprimeur en achetant l’affaire de Léon Boitel [l’imprimerie est installée 36 quai Saint-Antoine (1852-1859), puis 35 quai Saint-Antoine (1859-1864), et enfin 14 rue Belle-Cordière (de 1864 à 1876, date à laquelle il la vend à l’Imprimerie générale du Rhône)], et il s’approprie la Revue du Lyonnais dont il assumera la direction jusqu’en 1880. Désormais il fait sien l’adage de Pline l’ancien : nulla dies sine linea. Infatigable il a laissé une œuvre considérable. Il prend cependant le temps de se marier en épousant, le 14 septembre 1856 à Bourg-en-Bresse, Marie Cécile Léonie Cabuchet. Née le 17 juillet 1828 à Pont-de-Veyle (Ain), elle est la fille d’un militaire, Charles Eugène Cabuchet, chevalier de la Légion d’honneur (1814) et de l’ordre de St Ferdinand d’Espagne, capitaine brigadier des gardes du corps, compagnie de Luxembourg. La mariée a pour témoin son cousin germain, le sculpteur Émilien Cabuchet. Elle est décédée 4 rue des Lices à Bourg-en-Bresse, le 27 mars 1908.
En 1872, Aimé Vingtrinier devient membre de la commission des bibliothèques de Lyon. Il est nommé bibliothécaire adjoint de la ville en 1874, puis bibliothécaire en chef en 1882. Entre temps, il a vendu son imprimerie (1875) et il a reçu les palmes académiques (1880). Reconnu par tous, il a été membre d’un très grand nombre de sociétés : Société littéraire de Lyon (1841), dont il a assuré la présidence, membre fondateur de la Société de géographie de Lyon, Société d’émulation de l’Ain, membre correspondant de la Société littéraire, historique et archéologique de l’Ain (1873), Société florimontane d’Annecy, Société des gens de Lettres, Société française d’archéologie, Institut d’Égypte, Académie royale belge d’histoire et de philologie, Académies de Rouen et de Caen, etc. « M. Aimé Vingtrinier est un charmant causeur, de relations aimables et d’une obligeance jusqu’à s’oublier lui-même. Ses habitudes sont celles d’un bon et jovial bourgeois. Depuis qu’il a vendu son imprimerie, il s’est plongé plus que jamais dans la poésie et dans l’archéologie. Mais quoi qu’il arrive, c’est toujours Lyon, son cher Lyon, qui est l’objet de son culte » (Henry Carnoy, Dict. biogr. international des écrivains).
Il est décédé le 8 avril 1903 à son domicile, 32 rue Neuve, à l’âge de 91 ans. Il a été inhumé le 10 au cimetière de la Croix-Rousse, après une cérémonie à Saint-Nizier. La concession avait été prise pour trente ans par son épouse, mais faute de postérité, la tombe a disparu.
Le nom d’Aimé Vingtrinier a été donné à une rue d’Ambérieu-en-Bugey et à une rue de Saint-Maurice-de-Rémens.
Aimé a deux petits cousins, fils de son cousin Jacques Vingtrinier (1820-1887), peintre d’his-toire, qui a été maire de Poncin de 1865 à 1878 et conseiller d’arrondissement (témoin au mariage d’Aimé). L’un, Emmanuel (Poncin, 4 septembre 1850-15 octobre 1931), après des études de droit à Lyon, s’oriente vers le journalisme et sera rédacteur en chef de L’Express de Lyon pendant plus de 20 ans ; membre de la Société historique et littéraire de Lyon, il a publié notamment : Le Lyon de nos pėres (1901), Vieilles pierres lyonnaises (1911) avec des illustrations de Drevet*. L’autre, Joseph Vingtrinier (Poncin 5 décembre 1856-Paris 30 janvier 1929), frère d’Emmanuel, a été lui aussi journaliste, membre correspondant de la Société historique, archéologique et littéraire de Lyon, et membre de la Société des gens de lettres. Les deux frères ont publié ensemble Les Canuts en 1887.
Aimé Vingtrinier est élu « membre adjoint » le 3 février 1860, en même temps que Rolle et Canat de Chizy (MEM 1860-1861) ; ce jour-là il « insiste sur la nécessité de photographier et de prendre des estampages des inscriptions des monuments menacés de destruction ». Lors de la séance du 4 mai, il lit une notice sur la famille de Jussieu et « signale une enseigne de Jean de Tournes, existant dans la rue Raisin ». Dans la séance du 7 juin 1861, il lit une notice sur les cartes et les plans de la collection Coste (MEM 1861-1862). Élu membre titulaire comme poète le 4 juin 1895, au fauteuil 7, section 1 Lettres, sur un rapport de Cazenove* du 26 novembre 1894, il prononce son discours de réception le 9 juillet sur Le Général Maupetit, et se présente avec modestie : « Je ne suis qu’un humble chroniqueur, un compilateur amassant des matériaux pour les écrivains, et mon talent ne s’élève pas au-dessus de l’art de faire des biographies, travail facile, qui n’offre de difficultés que lorsqu’on veut être exact et précis, travail considérable néanmoins qui m’a pris les trois-quarts de ma vie » (MEM 1896). Le 21 février 1899, il fait un exposé sur L’armée d’Italie ; Une sédition milanaise en l’an VI, et le 17 février 1903 il fait hommage d’une note sur deux pamphlets anonymes parus à Lyon sous la Restauration. Léon Malo*, président de l’académie prononce son éloge funèbre lors de ses obsèques (MEM 1905, et AML 1 II 0442 1).
Henry Carnoy, Dict. biogr. intern. des écrivains, vol I-V, Paris : impr. de l’Armorial français, s.d. (vers 1902), p.79-81. – Félix Desvernay, M. Aimé Vingtrinier, conservateur adjoint de la bibliothèque de la ville de Lyon, directeur de la Revue du Lyonnais, Lyon : Meton, 1877. E. Berlot Francdouaire (Pierre Virès), Une vie : Aimé Vingtrinier, Lyon : A. Rey, 1903. – Dans le cadre du centenaire de sa mort, Gilbert Gardes a publié plusieurs ouvrages sur Aimé Vingtrinier dont G. Gardes, Aimé Vingtrinier et son temps : 1912-1903 : bio-mémoire, Lyon : Bellier, 2003. – Saint-Pierre, Dict. Ain. – Bruno Benoît et Gilbert Gardes éd., Être Lyonnais. Hommage à Aimé Vingtrinier, Lyon : Jacques André, 2005.
Portrait d’Aimé Vingtrinier par Tony Vibert (BML). – Photographie en 1901 d’après Gautron (BML). – Caricature de Jehan Ry (Gadagne). – Héliogravure Lumière, Jubilé en l’honneur du soixantième anniversaire de la réception de M. Aimé Vingtrinier, Soc. litt. hist. arch. Lyon, 18 mars 1901. – Plâtre d’E. Millefaut, médiathèque d’Ambérieu-en-Bugey. – Médaillon exécuté en 1845 par le sculpteur E. Cabuchet (Notes et souvenirs sur Aimé Vingtrinier, Lyon : A. Rey, 1903).
Lettre adressée à Clair Tisseur* sur Pauca Paucis, 21 février 1884, Ac.Ms360 f°296. – À propos des Modestes observations, 13 février et 20 février 1893, Ac.Ms359 f°244-245.
Il est difficile de dresser ici la liste exhaustive des ouvrages et des articles écrits par Aimé Vingtrinier. Hormis les très nombreux articles publiés dans La Revue du Lyonnais (voir liste sur data BNF), nous retenons : Les Bugésiennes, Lyon : Chambet aîné, 1848. – Les Voyageuses, Lyon : Chambet aîné, 1848. – La Grotte d’Hautecour dans le Revermont (Ain), Lyon : impr. Chanoine, 1850. – Prève de Forez et La Dame d’Urfé, Lyon : Auguste Brun, 1851. – Histoire des journaux de Lyon depuis leur origine jusqu’à nos jours, Lyon : Léon Boitel, 1852. – Catalogue de la bibliothèque lyonnaise de M. Coste, Lyon : Perrin, 1853. – Fleury Epinat, peintre, Lyon : impr. A. Vingtrinier, 1854. – Vieux papiers d’un imprimeur, Lyon : impr. A. Vingtrinier, 1859. – Note sur l’invasion des Sarrasins dans le Lyonnais, Lyon : impr. A. Vingtrinier, 1862. – La Paresse d’un peintre lyonnais [Trimolet], Lyon : impr. A. Vingtrinier, 1866. – Esquisse sur la vie et les travaux de Arthur de Viry, docteur-médecin, Lyon : impr. A. Vingtrinier, 1869. – Anne de Geierstein, ou la Prophétie, grand opéra tiré de Walter Scott, Paris : A. de Vresse, 1870. – La Caisse d’épargne de Lyon, Lyon : impr. A. Vingtrinier, 1871. – Notice sur François Lepage : peintre de fleurs, Lyon : impr. A. Vingtrinier, 1872. – Un amour malheureux, pièce en deux actes en vers, Lyon : H. Georg, 1872. – Les Vieux papiers d’un imprimeur, Lyon : N. Scheuring, 1872. – Histoire du château de Varey en Bugey, Lyon : A. Brun, 1872. – Avec Désiré Monnier, Croyances et traditions populaires recueillies dans la Franche-Comté, le Lyonnais, la Bresse et le Bugey, Lyon : H. Georg, 1874. – Léon Cailhava, bibliophile lyonnais, Lyon : Glairon-Mondet, 1877. – Paul Saint-Olive, archéologue lyonnais, Lyon : Glairon-Mondet, 1877. – Henri Marchand et le globe terrestre de la bibliothèque de Lyon, Lyon : Glairon-Mondet, 1878. – Un Poète oublié : Claude Mermet, de Saint-Rambert-en-Bugey, notice lue à la Société nationale d’éducation le 8 novembre 1877, Lyon : Glairon-Mondet, 1878. – La Statuette d’Oyonnax, Lyon : H. Georg, 1880. – À l’école, les bancs, les tables, la santé et l’éducation, Lyon : H. Georg, 1882. – Fantaisies lyonnaises, Lyon : Storck, 1882. – Vieux châteaux de la Bresse et du Bugey, Lyon : Storck, 1882. – Fabulettes, petit recueil de fables dont quelques-unes imitées de La Fontaine, Paris : Librairie des bibliophiles, 1884. – Zigzags lyonnais autour du Mont d’Or, Lyon : H. Georg, 1884. – Une poype en Bresse (lu à la Sorbonne, le 9 avril 1885), Lyon : impr. Mougin-Rusand, 1885. – Notice sur Antoine Ponthus-Cinier, peintre lyonnais, Lyon : impr. Mougin-Rusand, 1885. – Imprimeurs lyonnais. Jean Pillehotte et sa famille, Lyon : Pitrat aîné, 1885. – Inauguration du buste de Simon Saint-Jean, peintre de fleurs le 26 juillet 1885 à Millery, Lyon : Mougin-Rusand, 1885. – Soliman-Pacha (Colonel Sève), généralissime des armées égyptiennes, ou Histoire des guerres de l’Égypte de 1820 à 1860, Paris : F. Didot, 1886. – Notice sur Hector Allemand : peintre lyonnais, Lyon : impr. Mougin-Rusand, 1887. – Un exemplaire d’Hippocrate annoté par Rabelais, Lyon : impr. Mougin-Rusand, 1887. – Le dernier des Villeroy et sa famille à propos d’un manuscrit de la Bibliothèque de Lyon, Paris : H. Champion, 1888. – L’escrime encore et toujours à Lyon, Lyon : Delaroche, 1889. – Lays, peintre de fleurs, Lyon : H. Georg, 1889. – Les incunables de la ville de Lyon et les premiers débuts de l’imprimerie, Lyon : Bernoux et Cumin, 1890. – Maïoli et sa famille à propos d’un livre de la Bibliothèque de Lyon, Paris : Techener, 1891. – À la mémoire de Joséphin Soulary, Lyon : A. Storck, [1891]. – Les mariages de M. Pilon, roman publié en feuilleton dans le Courrier de Lyon, 1891-1892. – De l’Érection de la Savoie en duché (mémoire lu à la Sorbonne le 5 avril 1893), Lyon : H. Georg, 1893. – Histoire de l’imprimerie à Lyon de l’origine jusqu’à nos jours, Lyon : A. Storck, 1894. – Le général Maupetit: discours de réception prononcé à l’Académie… de Lyon, dans sa séance publique du 9 juillet 1895, Lyon : impr. Bernoux et Cumin, 1895. – La famille des Jussieu et les deux Alexis, Paris : Champion, 1896. – Claudius Chervin aîné, un homme utile, esquisse biographique, Tours : impr. de P. Bousrez, 1899. – La Fée de l’Albarine et les fontaines sacrées du Bugey, Lyon : Storck, 1900. – Le Dr Amédée Bonnet et les Journées d’avril [1834] à Lyon, Bourg : Impr. du Courrier de l’Ain, 1901. – La «Grande Encyclopédie» et la ville de Lyon, Paris : H. Leclerc, 1901. – La « Grande Encyclopédie » et le Bugey, Bourg : impr. F. Allombert, 1902. – Études populaires sur la Bresse et le Bugey, Lyon : A. Storck, 1902.