Jules Ernest Charles Traeger est né à Lyon le 12 mars 1920, fils d’Alexandre Traeger, agent commercial, et de Marie-Louise Della Bella. Élève au lycée Ampère, il entreprend ensuite des études de médecine à la faculté de Lyon. Pendant la guerre, il est incorporé aux chantiers de jeunesse de Rumilly, section 7. Il y retrouve un de ses condisciples de la faculté de médecine, Jacques Rougier*, avec qui il est reçu interne des hôpitaux de Lyon en 1946. En 1948, il soutient sa thèse de médecine intitulée Contribution expérimentale aux dosages des acides aminés par les méthodes microbiologiques, sous la direction de Jean Enselme (1895-1978), professeur de chimie biologique à la faculté de médecine de Lyon, historien de la médecine et successeur de Jules Guiart* à la direction du musée de la faculté. Chef de clinique, en 1950, auprès du professeur Pierre Paupert-Ravault (1891-1970), il obtient la même année une licence ès sciences (physiologie et biochimie). En 1952, il fait fonction d’agrégé de biochimie et obtient le diplôme d’études nucléaires de Saclay, avant d’être reçu, en 1955, à l’agrégation de médecine. Il est nommé médecin des hôpitaux de Lyon en 1956 et prend, en 1957, à l’hôpital de l’Antiquaille, la responsabilité d’un service qui deviendra, en 1967, sous sa responsabilité, la chaire de clinique néphrologique et des maladies métaboliques transférée, en 1973, au Pavillon P à l’hôpital Édouard Herriot avec l’unité de recherche INSERM 80 dont il assure la direction à partir de 1968. Il crée une école de néphrologie au rayonnement international en formant de nombreux élèves qui essaiment dans plusieurs villes de France et à l’étranger. D’un séjour d’étude aux États-Unis, il a rapporté une rééquilibration rigoureuse des troubles métaboliques fondée sur le ionogramme, avant de développer l’hémodialyse dont il devient un des premiers promoteurs, d’abord, en 1958, pour l’insuffisance rénale aiguë, puis, en 1961, avec Guy Laurent, pour les insuffisants rénaux chroniques, modifiant ainsi radicalement leur pronostic vital. Il a bénéficié d’une innovation technique (le shunt artérioveineux en teflon permettant le branchement régulier de l’appareil de dialyse sur la circulation sanguine) introduite à Seattle par Belding Hibbard Scribner (1921-2003) avec qui il poursuit une longue collaboration. La dialyse, avec des moyens réduits, pose alors le difficile problème éthique de la sélection des bénéficiaires. Jules Traeger prend en compte leur capacité à suivre un traitement exigeant et à faire face psychologiquement aux difficultés de ce traitement. En même temps, il milite pour la multiplication des centres de dialyse et, dès 1965, pour la dialyse à domicile, d’abord trois fois par semaine puis quotidienne, ce qui permet de raccourcir les séances et donne davantage de confort au patient. Il sera à l’origine de l’AURAL (association pour l’utilisation du rein artificiel de la région Rhône-Alpes) fondée en 1974 et qui compte aujourd’hui 18 centres et emploie 60 salariés. En même temps, avec l’équipe chirurgicale de Jean Perrin, il se lance, à partir de 1962, dans les transplantations rénales. Devant le manque de donneurs, il expérimente brièvement en 1964, avec un certain succès, après des échanges avec le chirurgien américain Keith Reemtsma (1925-2000), les xénogreffes de reins de chimpanzés. Pour éviter les rejets, grâce à des travaux effectués en laboratoire et avec l’aide de la Fondation Mérieux, il lance la mise au point et la production d’un sérum antilymphocytaire qui est toujours utilisé. Le diabète grave étant une cause majeure d’insuffisance rénale, il s’intéresse à son traitement et permet, avec Jean-Michel Dubernard, la réalisation d’une nouvelle technique de greffe du pancréas en 1976, combinée à la greffe rénale. Jules Traeger a aussi contribué aux progrès des techniques d’exploration de la fonction rénale par l’imagerie et la biopsie.
Participant et organisateur de multiples congrès nationaux et internationaux, il est à l’origine d’un Cours international de transplantation et d’immunologie clinique avec Jean-Louis Touraine. Jules Traeger exerce ses fonctions hospitalo-universitaires jusqu’en 1986 où il laisse la direction de son service à Paul Y. Zech (1932-1998) et celle de l’unité INSERM à Jean-Pierre Revillard (1938-2003).
Membre correspondant de l’Académie de médecine, président de la société européenne de dialyse et de transplantation, de la société française de néphrologie, de la société française de transplantation, il a été, de 1985 à 1986, administrateur des hospices civils de Lyon. Commandeur de l’ordre de la Légion d’honneur (décembre 2003), officier de l’ordre national du Mérite, il était docteur honoris causa des universités de Liège, de Cordoba (Argentine) et d’Asuncion (Paraguay). Il a reçu en 2004 la médaille Hamburger, la plus haute distinction néphrologique française.
Amateur de musique classique, esprit cultivé et rigoureux, Jules Traeger a fait plusieurs conférences d’histoire de la médecine : La greffe d’organes vingt ans après (1986), Le futur en néphrologie et en transplantation (1988), Les grands néphropathes (1992), La mémoire immunologique (1993), L’oubli en immunologie (1995). Il a aussi été un navigateur, concourant à de nombreuses régates.
Marié le 23 octobre 1953 à Yvanne Fouillet, sans enfants, il est décédé à son domicile, 37 boulevard des Belges à Lyon, le 25 mai 2016. Ses funérailles ont été célébrées à l’église de la Rédemption le 31 mai 2016.
Après une première conférence le 25 janvier 1996 : Transplantation et société (MEM 50 1996), il est élu en 1997 au fauteuil 7, section 3, sciences, sur rapport de Jacques Rougier*, en remplacement de Martial Dumont* décédé ; il consacre son discours de réception le 16 juin 1998 à Sciences et médias (MEM 52 1998). Autres communications : 25 janvier 2000, Le principe de précaution : peur de fin de siècle ou évolution profonde ? (MEM 1, 2001) ; 5 juin 2001, Vie et mort des civilisations scientifiques (Ibidem) ; Éloge funèbre de Jacques Rougier (1920-2005) (MEM 5 2006) ; 27 octobre 2007, La place du médecin dans la société : de la nécessité d’une médecine humaine.
David 2000. – Bouchet. – M. Laville, R. Galland, D. Cantarovich et G. Laurent, In memoriam professeur Jules Traeger, Société francophone de néphrologie, 27 mai 2016.
Une médaille, modelée par Paul Penin, présentant son effigie de face, lui a été offerte en 1986. Cette médaille, ainsi que le plâtre original ayant servi à sa gravure et les matrices utilisées pour la frappe, sont conservés par l’Académie (don de Paul Penin).
Parmi de très nombreuses publications en français et en anglais, dans des revues internationales, on retiendra : Avec B. François et L. Olivier, La thérapeutique par les spirolactones, Lyon : Monographies Soc. Médic. Hôp. Lyon, 1961. – Avec B. François et D. Fries, Pathologie métabolique et rénale, clinique et thérapeutique, Paris : Œuvre médicale, 1962. – Avec J.-L. Touraine, Human renal allotransplantation and antilymphocyte globulin, Villeurbanne : SIMEP, 1974. – Avec J.-L. Touraine et R. Triau, Cours international de transplantation, Lyon : Fondation Mérieux et Villeurbanne : SIMEP, 1975 et 1977. – Avec J. M. Dubernard, Transplantation of the pancreas, New-York : Grune et Stratton, 1981. – Avec M. Olmer et F. Cantarovich, Present day concepts in the treatment of chronic renal failure, Basel, München, Paris : Karger, 1989. – Avec R. Mornex, « Hôpital, recherche, innovation, transplantation et dialyse », Colloque scientif. Bicentenaire HCL, Montrouge : Libbey, 2003. – Avec R. Galland et Nguyen Khou-Man, Hémodialyse quotidenne, théorie et pratique, Paris : Flammarion, 2010.