Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

BUREAUX de PUSY Jean Xavier (1750-1806)

par Dominique Saint-Pierre.

 Né à Port-sur-Saône en Franche-Comté (act. en Haute-Saône), le 7 janvier 1750, fils aîné de Jean Baptiste Bureaux (Augicourt 1706-Saulnot 1775), dit Alexandre, conseiller correcteur en la chambre des comptes de Dole le 30 octobre 1737, seigneur de Pusy en 1740, et de sa troisième épouse Marie Thérèse Reine Choullat (Porrentruy [Suisse], 1724-Pusy-et-Épenoux 1797) ; parrain : son oncle, Jean Bureaux dit Alexandre, marraine : sa grand-mère maternelle, Marie Marguerite Münck, épouse de Pierre François Choullat. Il a en outre un parrain honoraire : Jean Malus, commissaire des guerres, subdélégué général de la Province.

 Il a épousé à Loyère (Saône-et-Loire), le 31 mars 1792, Françoise Julienne Isle de France Poivre (Port-Louis [île Maurice] 19 juillet 1770- Paris 30 novembre 1845), fille de Pierre Poivre* et de Françoise Robin (1748-1841). Il avait fait sa connaissance en 1791 chez les La Fayette, les épouses Poivre et La Fayette militant ensemble à la Société des amis des Noirs.

 Jean Xavier entre lieutenant en second à l’école du Génie de Mézières le 1er janvier 1771, sous le nom de Bureaux de Citey, alors qu’il signait auparavant Bureaux de Pusy. Il en sort le 1er janvier 1774 ingénieur ordinaire affecté à Huningue. En 1778, il est lieutenant en premier à Ajaccio, en 1781 à Grenoble, en 1782 à Gex, en 1784 à Besançon, en 1786 au Fort de Joux. Il est alors membre de la loge Sincérité et parfaite union. Nommé capitaine au corps royal du génie le 4 mai 1785, il reprend dès lors le nom de Bureaux de Pusy.

 Présent à l’ouverture des États à Besançon le 26 novembre 1788, il s’oppose à la noblesse ancienne qui refuse la présence dans leur assemblée de nobles de fraîche date. Après forces polémiques et procédures, il est élu député aux États-Généraux par la noblesse du bailliage d’Amont le 11 avril 1789. Son élection, ainsi que celle de deux autres nobles, est contestée. Tous trois passent au Tiers-État qui valide leur élection. Secrétaire de l’Assemblée nationale le 28 septembre, il intervient le 16 décembre sur la conscription (il est contre ce mode de recrutement et le remplacement), la nouvelle division du royaume (présentation du rapport le 8 janvier 1790), l’organisation du génie qu’il veut réunir à l’artillerie, la création du Code militaire, l’uniformisation des poids et mesures (8 mai), la création d’une garde constitutionnelle pour protéger le roi, la dissolution du parlement de Besançon où ont lieu des troubles ; il rédige un rapport en trois volumes sur le règlement du service des places, proteste contre la nationalisation des biens du clergé et contre les restrictions imposées au pouvoir du roi. En mai 1791, il propose d’exiger des officiers qu’ils prêtent serment à la Constitution. Il préside l’Assemblée du 2 au 24 février 1790, du 11 au 25 septembre 1790, et du 24 mai au 6 juin 1791.

 À l’expiration de son mandat, après s’être marié, il rejoint à Metz l’état-major de La Fayette et partage ses craintes devant l’exaltation des Jacobins. Louis XVI lui accorde la croix de Saint-Louis le 4 janvier 1792.

 Après la journée du 20 juin 1792, lorsque les Tuileries sont envahies en l’absence de la Garde nationale, La Fayette se rend à Paris, tente en vain le 28 de prêcher la modération à l’Assemblée. De retour à l’armée le 30, il envoie Bureaux de Pusy à l’état-major de Luckner pour l’engager à attaquer les Autrichiens à Jemmapes, pensant qu’une victoire redorerait sa réputation, malmenée par sa défense de la famille royale. Gobet, évêque constitutionnel de Paris, reçoit Luckner dans un dîner très animé et lui extorque, devant six députés jacobins, l’aveu que La Fayette lui a proposé par Bureaux de Pusy de marcher sur Paris. Ce dernier arrive à se justifier le 29 juin devant la Législative, en déposant les dépêches de La Fayette et de Luckner, d’autant que Luckner dément cet aveu par écrit. Mais le 10 août Lafayette est destitué et décrété d’accusation : le 19, déclaré traître à la nation, il quitte Sedan pour chercher refuge à l’étranger, probablement aux États-Unis, avec 22 officiers dont Bureaux de Pusy et son épouse. Celui-ci est envoyé à Rochefort, aux Pays-Bas autrichiens, pour demander le passage d’officiers français forcés de quitter l’armée, ce qui est accordé. Mais, lorsque Lafayette, considéré comme l’auteur de la Révolution, est reconnu, ils sont arrêtés par les Autrichiens à leur arrivée à Rochefort, puis remis à la Prusse, transférés à la citadelle Wesel, puis à Neisse en Silésie et à Magdebourg, avant d’être remis aux Autrichiens qui les enferment pendant cinq ans, dans de très mauvaises conditions, à la citadelle d’Olmütz en Moravie. Françoise de Pusy convainc le marquis de Gallo de solliciter de l’empereur d’Autriche la liberté de son mari. Bureaux de Pusy refuse de séparer son sort de celui de ses compagnons. Les prisonniers sont libérés le 19 septembre 1797, grâce à l’intervention de Bonaparte, alors général de l’armée d’Italie, après les préliminaires de Léoben, leur élargissement étant une des conditions du traité de paix de Campo-Formio. Mais le Directoire refuse leur retour en France, car ils sont inscrits sur la liste des émigrés. Ils rejoignent Hambourg ; Lafayette se rend à Utrecht, et Bureaux de Pusy s’embarque pour les États-Unis, où il est reçu avec enthousiasme comme ami de La Fayette. Influencé par Pierre Samuel Du Pont (de Nemours), second mari depuis 1795 de Françoise Robin, veuve de Pierre Poivre, il pense faire des affaires dans le commerce international, mais il déchante. Le Congrès le charge de dessiner un plan de défense de la côte de la Nouvelle-Angleterre et d’étudier l’armement de la rade de New York. Il refuse de diriger une école spéciale du génie, sans l’autorisation du gouvernement français. Il avait divorcé le 5 mars 1793 pour éviter une confiscation d’une partie de ses biens. Il épouse à nouveau Françoise Poivre à New York le 10 juillet 1801, par acte enregistré à la chancellerie du commissariat des relations commerciales de la République française. Rayé de la liste des émigrés après le 18 Brumaire, rentré en France, il est nommé par le Premier consul préfet de l’Allier le 11 brumaire an X [2 novembre 1801], et crée dans ce département le lycée de Moulins.

 Nommé préfet du Rhône (après Verninac* et Najac*) le 11 thermidor an X [30 juillet 1802], il se rend à Lyon le 30 août. Son activité, décrite par Trénard, y est importante : « Il procède à la réorganisation administrative : aménagement de la bibliothèque publique, réglementation des spectacles, inventaire des cabinets d’histoire, de physique, de dessin, installation du lycée en juin 1803, […] il contribue à la reprise économique et, dans le cadre de la Société pour l’encouragement de l’industrie nationale, il crée une section lyonnaise avec des commissions spécialisées […]. Cette institution favorise les recherches et prépare des expositions ». Il poursuit la reconstruction de Lyon, de la place Bellecour et achève le Quai Neuf.

 Ses positions vis-à-vis de la religion montrent bien son souci de faire prévaloir l’État sur les églises : il refuse d’assister en 1803 à l’accueil de Fesch, nommé archevêque de Lyon et primat des Gaules, pourtant oncle du Premier consul. Il refuse de prendre part aux processions, installe l’Église réformée à la Loge du Change le 13 novembre 1803 et salue l’accord entre la papauté et la France. Va-t-il trop loin ? Toujours est-il que l’Empereur écrit, du camp de Boulogne, à Champagny le 6 août 1805 : « Plusieurs préfets ont écrit et imprimé des circulaires, pour défendre de danser près des églises. Je ne sais où cela conduit. La danse n’est pas un mal. Veut-on nous ramener au temps où l’on défendait aux villageois de danser ? Je suis fâché que M. Bureaux de Pusy, qui plusieurs fois s’est tenu trop loin de la ligne religieuse, s’en vienne trop près aujourd’hui. MM. les vicaires pouvaient dire ce qu’ils auraient voulu. Si l’on croyait tout ce que diraient [sic] les évêques, il faudrait défendre les bals, les spectacles, les modes, et faire de l’Empire un grand couvent. Faites sentir, par une instruction secrète, que l’autorité civile ne doit point se mêler de ces choses-là et écrivez particulièrement sur ce sujet à M. Bureaux de Pusy et aux préfets qui auront donné et suivi cet exemple ».

 Lorsque la République ligurienne est annexée en juin 1805, il est nommé préfet de la République de Gênes le 15 messidor an XIII (4 juillet 1805), il réprime une émeute des Parmesans – on dit même qu’il se présenta seul devant 10 000 de ces envahisseurs –, pacifie la région avec adresse, et meurt le 2 février 1806, d’une fièvre bilieuse ou, peut-être, d’un empoisonnement.

 Une de ses sœurs, elles étaient au nombre de huit, est citée par Eymeri : « Melle Bureau-de-Pusy obtint quelque célébrité au commencement de la Révolution, en se mettant à la tête de quelques domestiques pour aller s’opposer aux habitants d’Auxonne, qui voulaient piller un château où il n’y avait qu’une femme, déjà âgée, et sa nièce. Melle de Pusy terrassa un de ces brigands, avec une hache, et écarta les autres. La troupe, étonnée de cette fermeté de la part d’une femme, se dissipa promptement, et quelques-uns de ceux-ci qui étaient venus dans l’intention de brûler le château, se réunirent à elle pour le défendre ».

 Son demi-frère Claude Donat Bureaux de Pusy (1741-1814), lieutenant général au bailliage de Vesoul, est le père d’Adélaïde Joachim Iréné Bureaux de Pusy (Vesoul 1776-Paris 1822), colonel de l’Empire.

 Son fils, Maurice Poivre Bureaux de Pusy (20 juin 1799-12 mars 1864), polytechnicien, a été préfet des Hautes-Pyrénées le 14 août 1830, du Vaucluse le 19 novembre 1831, député siégeant à gauche de l’Allier en 1835, commissaire du gouvernement de l’Allier le 6 mars 1848, démissionnaire le 15 mars de la même année pour revenir à l’Assemblée nationale, puis conseiller d’État de 1849 au 2 décembre 1851. Il avait épousé en 1832 Charlotte Mathilde du Motier de La Fayette (1805-1806), petite fille de La Fayette, fille de Georges de La Fayette (1779-1749).

 Jean Xavier Bureaux de Pusy est le beau-père du général Corneille Auguste Charpentier de Cossigny (Port-Louis 1778-Allogny 1861), fils de Cossigny de Palma (vers 1735-Paris 1809), qui était un autre Poivre. Corneille Auguste avait épousé à Paris le 20 juillet 1816 Françoise Joséphine, dite Sara, Bureaux de Pusy (Obermichelbach 1792-Allogny 1872). Guerre-Dumolard*– son parent, par les Poivre* –, donnera à l’Académie le 31 mars 1835 un buste de Bureaux de Pusy, fait par François Joseph Martin (Ac.Ms278).

 Le nom de rue de Pusy avait été donné à la partie sud de l’actuelle rue Auguste-Comte, entre la rue Sainte-Hélène et la place Carnot, lorsque la rue, autrefois rue Saint-Joseph, fut prolongée à travers le clos des jésuites pour rejoindre les travaux de Perrache. Cette portion s’appela ensuite rue Sarron, puis rue Saint-Joseph avant de devenir en 1902 rue Auguste-Comte.


Académie

Bureaux de Pusy est élu membre ordinaire de l’Athénée le 15 frimaire an X [6 décembre 1801] pour succéder au préfet Verninac*. Il est élu président à la séance du 21 nivôse an XI. En frimaire an XII, il est vice-président. Il assiste régulièrement aux séances jusqu’à son départ de Lyon en 1805. Son éloge, rédigé par Guerre-Dumolard*, a été lu à l’Académie de Lyon le 21 juillet 1807 par Martin aîné*.

Bibliographie

Roman d’Amat, DBF. – R. et C. – Arnault et autres, Biographie nouvelle des contemporains, vol. 3, p. 577, 1818. – Correspondance de MM. les députés de la province d’Anjou avec leurs commettans relativement à l’Assemblée nationale, t. 3, Angers : Pavie, 1789, p. 317. – Éloge historique de M. Bureaux-Pusy, successivement préfet des départements de l’Allier, du Rhône et de Gênes ; l’un des commandants de la Légion d’honneur ; président de l’Académie de Lyon, membre de celle de Gênes, etc.; ancien président de l’Assemblée nationale constituante ; ancien capitaine au Corps royal du génie et chevalier de l’ordre de St. Louis, Lyon : Ballanche, 1807, 72 p. – Eymery, Biographie moderne, 1815. – Louis Trénard, Dict. Napoléon. – Jean-Paul Morel, Généalogie de Pierre Poivre et Françoise Robin, qui a repris Histoire de la famille Charpentier de Cossigny de Paul Dieudé, broché, Besançon, 1998.

Iconographie

Une estampe de Jean Xavier Bureaux de Pusy a été faite par Pierre Charles Cocquerel en 1789, un dessin par Charles Toussaint Labadye en 1790 (ADR, fonds Galle, D 840). Son buste avait été érigé dans la salle de commerce de Gênes.

Manuscrits

Ac.Ms188 f°120 : Ampère* & Bureaux, Rapport sur deux ouvrages de mathématiques de M. Clerc, 21 messidor an 12. – Ac.Ms274 f°12 : Envoi de 3 cartons ou portefeuilles déposés chez lui [Bureaux]. – Ac.Ms274 non f°, Note à Mollet sur le même sujet (envoi de 3 cartons ou portefeuilles déposés chez Bureaux de Pusy. – Ac.Ms125bis f°26 : Révérony Saint-Cyr, Stances sur la mort de M. Bureaux de Pusy, préfet de Gênes, 1806 [Marie Marguerite Poivre, dite Sarah, née le 7 juillet 1773 à St Romain-au-Mont d’Or, décédée le 19 mai 1814, fille de Pierre Poivre* et de Françoise Robin, avait épousé le 7 mai 1792, Jacques Antoine de Révéroni Saint-Cyr, né le 5 mai 1767 à Lyon, paroisse Saint-Pierre, décédé le 19 mars 1829 à Paris, militaire et homme de lettres, qui était donc le beau-frère de Bureaux de Pusy] :

Je meurs ; mais les peuples respirent !

La paix ! Voilà son dernier cri !

Publications

Déclaration et protestations des premiers députés du bailliage d’Amont [Signé : Mis de Toulongeon, chevalier d’Esclans et Bureaux de Pusy ; Versailles, 25 mai-10 juin 1789].Opinion de M. Bureaux de Pusy, député du bailliage d’Amont, dans la séance du mercredi 16 décembre 1789, sur la conscription militaire, imprimée par ordre de l’Assemblée nationale, Paris : Imprimerie nationale, 11 p. – Considérations sur le corps royal du génie, présentées au Comité militaire par un membre de ce comité, Paris : Imprimerie nationale, 1790, 44 p.