Jules dit Jean Beauverie (seul le prénom de Jules est inscrit à l’état-civil) est né à Fontaines-sur-Saône (Rhône) rue Saint-Louis, le 18 février 1874, dans une famille qui compte déjà cinq enfants. Présents à la déclaration : Pierre Pignard et François Perret, boulangers rue Saint-Louis. Son père, Jean Étienne Beauverie (Lyon 1832-1897), fils d’un entrepreneur de charpentes, compagnon du Tour de France, venu du Massif Central dans les années 1830, est chef de division à la préfecture du Rhône ; limogé en 1878 en raison de ses opinions monarchistes et de ses convictions chrétiennes, il devient alors intendant des domaines du baron Michon du Marais ; poète à ses heures, il publie en 1889 ses Poèmes bibliques et évangéliques, et préside la Société littéraire de Lyon et la Société des Lamartiniens. Sa mère Anne Marie Magnin (1840-1914) est fille de François Valentin Magnin, cordonnier émigré à San Francisco, issu d’un notaire de Joux (Rhône). Un de ses oncles, Charles Beauverie (Lyon 1839-Poncins [Loire] 1923), est un peintre de paysages réputé. Deux de ses frères, Édouard (1867-An Chau [Tonkin] 1909) et René Édouard (né à Fontaines le 17 janvier 1870), sont minéralogistes et prospecteurs en Extrême-Orient.
À seize ans, J. Beauverie entre comme stagiaire dans une pharmacie, mais il commence dès 1893 des études scientifiques et obtient en 1894 la licence ès sciences. Il a été remarqué par le professeur Sauvageau, responsable du certificat P.C.N. (Physique, chimie, sciences naturelles), nouvel enseignement propédeutique destiné principalement aux futurs médecins qui se met en place à la Faculté des sciences, et il se voit proposer un emploi de préparateur (nom alors donné aux assistants). Il poursuit au laboratoire de botanique des recherches sur des sujets assez variés, avec une prédilection pour les champignons, auxquels il consacre sa thèse de doctorat soutenue en 1900, intitulée Études sur le polymorphisme des champignons. Il se lie d’amitié et collabore avec plusieurs de ses collègues de laboratoire, en particulier avec Julien Ray (1870-1925), ancien élève de l’École normale supérieure, maître de conférences de botanique – dont, le 16 juillet 1900, il épouse à Fontaines-sur-Saône la sœur, Jeanne Isabelle Marie Ray, alors que simultanément Julien Ray épouse Charlotte Adèle Beauverie, la sœur aînée de Beauverie – ; avec Louis Faucheron, qui deviendra directeur du Jardin botanique de la ville ; et surtout avec Alexandre Guilliermond (1876-1945), alors préparateur, puis maître de conférences avant de devenir professeur à la Sorbonne, avec lequel il entreprend des recherches cytologiques.
C’est l’époque où la cytologie se développe activement, où l’on étudie par des méthodes de coloration spécifique les divers organites présents dans la cellule, dont les mitochondries. Guilliermond s’intéresse au chondriosome des végétaux, et Beauverie entreprend de collaborer avec lui sur le chondriosome des champignons ; il poursuivra ses recherches après le départ de Guilliermond à Paris, aussi bien sur les plantes à fleurs que sur les champignons, et ses toutes dernières publications (1938) en synthétiseront les résultats.
Si le doctorat permet à Beauverie d’être chargé d’un cours complémentaire de botanique appliquée (ainsi que des travaux pratiques correspondants), dans le cadre d’un certificat de botanique agricole nouvellement établi à la Faculté des sciences, il n’en est pas pour autant pourvu d’un emploi en rapport avec ses titres et à ses activités, et il doit se contenter de demeurer un modeste assistant, tout en exerçant à partir de 1911 les fonctions d’inspecteur du service phytopathologique régional. C’est seulement en décembre 1912 qu’il obtient un poste de maître de conférences à la faculté des sciences de Nancy, où il est nommé professeur adjoint un an plus tard (janvier 1914). Pendant la guerre, il est mobilisé de 1915 à 1917 pour participer aux côtés de Jules et Paul Courmont* à la direction d’un laboratoire militaire de bactériologie à Chambéry, et il est également chargé d’organiser à Modane un laboratoire en vue de la prophylaxie du choléra (susceptible de se propager en provenance de l’Orient). Dans le cadre de ses fonctions militaires, il étudie, entre autres sujets, l’influence de la pression osmotique sur le vibrion cholérique, et, en collaboration avec le microbiologiste Charles Hollande (1884-1964), il transpose ses recherches sur les corpuscules métachromatiques des champignons pour mettre au point une technique de coloration permettant d’identifier les champignons responsables des teignes. Une dizaine de communications scientifiques à la Société de biologie et à l’Académie des sciences témoignent de son activité dans ce domaine.
En septembre 1917, il est rappelé à Nancy pour assurer l’enseignement universitaire, puis il obtient la chaire de botanique de la faculté des sciences de Clermont-Ferrand en 1919, qu’il occupe pendant quatre ans. Pendant son court séjour à Clermont, il va donner toute la mesure de ses capacités, assurant l’inspection phytosanitaire de la région Centre, créant près de Riom une station de sélection financée par les agriculteurs, cherchant à développer la fabrication de papier à partir du genêt. Mais le départ à la retraite du professeur René Gérard lui permet de revenir à Lyon en novembre 1923. Il étend rapidement le domaine d’activité du laboratoire, qui bénéficie d’une extension considérable de ses collections, à la suite du don consenti en 1925 à la Faculté des sciences par la princesse Marie Bonaparte de la partie phanérogamique de l’herbier constitué à grands frais par son père, Roland Bonaparte (1858-1924), membre associé de l’Académie de Lyon, petit-fils de Lucien Bonaparte. L’herbier Bonaparte, auquel était adjoint l’important herbier d’Europe formé par Georges Rouy, regroupait près de trois millions d’échantillons et était contenu dans 8 765 cartons ; peu après, l’herbier de l’abbé Michel Gandoger (environ 800 000 parts) et quelques autres collections de moindre importance vinrent s’y ajouter. Beauverie consacre une partie importante de son activité au déménagement depuis Paris et à l’installation à Lyon de ces collections, qui plaçaient l’université de Lyon au rang des premières institutions mondiales dans ce domaine. S’il reçoit l’appui du maire de Lyon Édouard Herriot, qui met à la disposition de l’université des locaux à l’ancien Séminaire de Saint-Just pour héberger dignement ce volumineux ensemble, il doit ensuite assumer pratiquement seul l’accueil des chercheurs, principalement étrangers, qui viennent en nombre travailler dans ces collections. En même temps, il poursuit ses recherches personnelles tout en dirigeant plusieurs diplômes d’études supérieures et thèses sur des sujets variés, qui vont de la pathologie végétale et la cytologie à la géobotanique et la phytosociologie.
Jean Beauverie occupe la chaire de botanique de la Faculté des sciences jusqu’à son décès, le 21 février 1938 à Lyon, 13 quai Claude Bernard. Il est inhumé à Beynost (Ain) après une cérémonie à Saint-André. Sa première épouse, Jeanne Isabelle Ray, était décédée quelques semaines après son mariage, le 22 septembre 1900, à Fontaines-sur-Saône. Jean Beauverie se remaria à Besançon, le 11 novembre 1908, avec Andréanne Marie Antoinette Magnin (1882-1962), fille du professeur Antoine Magnin (1848-1926), éminent botaniste lyonnais, doyen de la faculté des sciences de Besançon, qui lui donna deux filles : Marie-Antoinette (Lyon 5e 26 décembre 1909-Lyon 4e 6 mai 2003), botaniste, mariée à Jean-Victor Reynaud (Poitiers 30 juillet 1909-Rillieux-la-Pape 2000), magistrat (les parents de Jean-François Reynaud*), et Anne-Marie, infirmière et visiteuse de l’enfance, mariée à Jean David. Jean Beauverie mentionne dans sa propre notice de titres et travaux les travaux scientifiques de sa fille et collaboratrice, Marie-Antoinette Reynaud-Beauverie, assistante à la Faculté des sciences, auteur de mémoires sur la flore de la région lyonnaise, et de plusieurs ouvrages dont l’un a fait connaître en France les méthodes de la phytosociologie (Le milieu et la vie en commun des plantes. Notions pratiques de phytosociologie. Paris : Lechevalier, 1936, 239 p., ill.).
Les recherches de Jean Beauverie ont été très variées ; il n’est guère de domaines de la biologie végétale (y compris la botanique de terrain) qui n’aient, d’une manière ou d’une autre, retenu son attention. On retiendra sa contribution pionnière aux possibilités offertes par l’immunisation dans la lutte contre les parasites, l’année même où son beau-frère Julien Ray établissait l’existence des processus immunitaires chez les végétaux (1901), ses nombreux travaux sur la mérule attaquant les bois de charpente, ses recherches cytologiques sur les mitochondries et les chloroplastes, qui lui valurent une réputation internationale et qui continuent d’être citées par les spécialistes.
Chevalier de la Légion d’honneur le 1er octobre 1923, décoration remise par le doyen Antoine Magnin (19800035/1276/47103).
Après avoir été lauréat de l’Académie de Lyon en 1908 pour son ouvrage sur le bois (prix Herpin), Jean Beauverie est élu le 4 juin 1929 au fauteuil 3, section 2 Sciences. Le 16 décembre 1930, il consacre son discours de réception à l’histoire des grands herbiers et de leurs fondateurs, notamment Roland Bonaparte. Membre de nombreuses sociétés savantes, tant locales (Société botanique de Lyon, Société linnéenne de Lyon, Société de biologie de Lyon) que nationales (Société botanique de France, Société mycologique de France, Société de phytopathologie, Société météorologique de France), il en a présidé plusieurs. Il était sur le point d’être élu correspondant de l’Académie des sciences, où sa candidature avait été examinée favorablement dès 1933.
J. Beauverie, Titres et travaux scientifiques, Lyon : A. Rey, 1911, 39 p. – Liste des titres et travaux scientifiques (1897-1934), Lyon : Bosc et Riou, 1935, 80 p. – Anonyme, « J. Beauverie », Les Études rhodaniennes, 14-2, 1938, p. 205-206 (reproduction de la notice nécrologique publiée dans Le Progrès). – M. Lannois, « Discours prononcé aux obsèques de M. le Professeur Jean Beauverie (1874-1938) », MEM 23, 1939, p.155-158, portr. – M. A. Guilliermond, « Jean Beauverie (1874-1938) », Rev. Cytol. Cytophysiol. Vég. 3-1, 1938, p. 110-113, portrait. – M.-A. Reynaud-Beauverie, « Jean Beauverie », Bull. Soc. Bot. France 85, 1938, p. 557-567. – A. Tronchet, « Jean Beauverie, 1896-1938, ancien Président de la Société », BSLL 7-4, 1938, p. 100-105. – F. Verdoorn, Chronica Botanica 4-3, 1938, p. 262-263, 267, portr. ; Taxonomic Literature, Suppl. 2, p. 6-7 ; Scientific Papers, 13, p. 376.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et de près de 350 mémoires, communications, comptes rendus bibliographiques. Outre sa thèse de doctorat ès sciences déjà citée, on notera : Le Bois, Paris : Klincksieck, 1905, XI + 1 402 p., 485 fig., 16 pl. – Avec Louis Faucheron, Atlas colorié de la flore alpine, Paris : Baillière, 1906, 98 p., 30 pl. – Les bois industriels, Paris : Doin, 1909, 420 p., 53 fig. – Les textiles végétaux, Paris : Gauthier-Villars, 1913, 745 p., 290 fig. – La systématique des formes, Paris : Cerf, 1932, 64 p., ill.
Parmi les nombreux mémoires et communications, (294 références énumérées, sans précisions bibliographiques, dans sa Notice de titres de 1934), on citera quelques titres caractéristiques : « Étude des modifications morphologiques et anatomiques de thalles de Marchantia et de Lunularia obtenues expérimentalement », Ann. Soc. Linn. Lyon 44, 1897, p. 57-69. – « Sur le polymorphisme de l’appareil conidien du Sclerotinia fuckeliana (de Bry) Fuckel, le Botrytis cinerea et la maladie de la Toile », Ann. Soc. bot. Lyon 24, 1899, p. 39-62. – « Influence de la pression osmotique du milieu sur la forme et la structure des végétaux », CRAS 132, 1901, p. 226-229. – « Essais d’immunisation des végétaux contre les maladies cryptogamiques », CRAS 133, 1901, p. 107-110. – « Étude sur le champignon des maisons (Merulius lacrymans) destructeur des bois de charpentes, ASLL 50, 1903, p. 1-62. – Avec M.A. Guilliermond, « Étude sur la structure du Botrytis cinerea », Centralbl. Bakteriol. Parasitenk. 10-2, 1903, p. 275-282 et 311-321. – « Évolution des corpuscules métachromatiques des graines pendant la germination », CRAS 143, 1906, p. 924-927. – « Étude histologique et cytologique du Merulius lacrymans (le champignon des maisons) », Rev. Générale Bot. 20, 1909, p. 449-470. – « Les Champignons dits Ambrosia », Ann. Sc. Nat., Bot. 11, 1910, p. 31-74. – « Étude de la maladie des Pêchers de la vallée du Rhône », Ann. Épiphyties 1, 1913, p. 186-195. – « Sur le chondriome des Basidiomycètes », CRAS 158, 1914, p. 798-800. – « Les Muscardines. Le genre Beauveria Vuillemin », Rev. Générale Bot. 26, 1914, p. 81-157. – « Sur les rapports existant entre le développement des Rouilles du Blé et le climat », CRAS 176, 1923, p. 529-531. – « Influence de la hauteur d’eau météorique pendant la période critique du Blé sur le rendement, CRAS 176, 1923, p. 707-709. – « Sur la formation de corps endogènes dans les cellules de l’Azotobacter chroococcum », Bull. Soc. Bot. France 72, 1926, p. 1012-1017. – Avec Martin-Rosset, « Le marais des Échets (Ain). Contribution à l’étude de l’influence de la concentration des ions hydrogène sur la flore des terrains marécageux », Bull. Soc. Bot. France 72, 1926, p. 1045-1051 – « Sur les Zygosaccharomyces de la Datte iso-hétérogame », Bull. Soc. Mycol. France 45, 1929, p. 153-171. – « La résistance individuelle des microorganismes et particulièrement des levures aux radiations ultraviolettes », CRAS 198, 1934, p. 2017-2019. – « Études de cytologie expérimentale : action de la lécithine, de la saponine et de l’oléate de sodium sur les chromoplastes des pétales de Renoncule », Rev. Cytol. Cytophysiol. Vég. 3-1, 1938, p. 66‑79. – « La structure granulaire des grains de chlorophylle », Rev. Cytol. Cytophysiol. Vég., 3-1, 1938, p. 80-109.
À côté de ses publications purement scientifiques, Jean Beauverie est l’auteur de plusieurs contributions relatives à l’histoire des sciences. Outre son remarquable discours de réception à l’Académie, « Trois mécènes de la botanique : Benjamin Delessert, Edmond Boissier, Prince Roland Bonaparte » (MEM 21, 1933, p. 9-54, pl. 1-14), qui a donné lieu à l’édition dès 1931 d’une brochure de 48 p. et 14 planches, on doit citer également : « Ed. Strasburger. Étude biographique », Rev. générale Bot. 24, 1912, p. 417-484, ill. – « Une correspondance inédite de Victor Jacquemont, V. Jacquemont et l’Auvergne. La vie pittoresque du comte de Montlozier à Randanne », Rev. Auvergne, 1922. – Les grandes étapes des études botaniques en Savoie, Lyon : Bosc et Riou, 1934, 16 p.