Pierre Joseph Martin Rollet naît le 12 novembre 1824 à Lagnieu (Ain), où son père Jean-Baptiste (Lagnieu, 1800-1869) est maître boulanger ; sa mère est Françoise Martin (Meximieux 1802-Lagnieu 1858). Il est l’oncle de Félix Rollet*. Jean-Baptiste deviendra ensuite maître de Poste à Lagnieu. Le grand-oncle de Joseph, Jean Baptiste Blanchin (Lagnieu, 1761-1836), lui enseigne le latin ; ce parent, dont la sœur, Françoise Blanchin (1759-1817) avait épousé François Rollet (1743-1803), père de Jean Baptiste Rollet, était un ancien oratorien, voué à l’enseignement ; il publia plusieurs ouvrages, très réédités, consacrés à la jeunesse (dont Le disciple de Lhomond ou recueil de phrases qui ont un rapport aux différentes règles contenues dans les éléments de la grammaire latine de Lhomond, Lyon et Paris, 1812 ; Éléments de géographie à l’usage de l’un et l’autre sexe, Lyon : Savy, 1816, Le petit élève de Lhomond, Paris 1813) ; Nouvelle cacographie historique morale et religieuse, Lyon et Paris, 1813). Ce passionné d’enseignement avait aussi fait l’éducation de son neveu Pierre Joseph Blanchin (Lagnieu 6 janvier 1792-Lyon 17 mars 1824, à 32 ans), interne à La Charité à Lyon, puis chirurgien militaire en 1810, auteur d’une thèse sur la physiognomonie, devenu médecin suppléant de la chaire de pathologie, et auteur d’un écrit sur les maladies du cerveau et d’observations sur les travaux de Lavater, de Camper et de Gall.
Pourvu d’un solide bagage, et de l’exemple de son cousin mort l’année de sa naissance, Joseph Rollet entre en 1835 au petit séminaire de Meximieux, puis au Collège royal de Lyon (futur lycée Ampère) à partir de la classe de seconde. Il débute ses études médicales en 1843, à Lyon, puis les poursuit dès l’année suivante à Paris. Nommé 6e sur 180 au concours de l’externat des hôpitaux de Paris, il entre dans le service de Trousseau à l’hôpital Necker. En 1845, à peine âgé de 21 ans, il est reçu interne ; il passe tout son internat dans des services de chirurgie : ceux de Renaudin, Lisfranc, Bérard et Laugier. S’étant dévoué pour soigner les blessés des journées de juin 1848, il reçoit une médaille de bronze du ministre de l’Intérieur. Il rédige aussi l’Anatomie générale et l’Anatomie descriptive de la collection en quinze volumes du Répertoire des Études Médicales, sous la direction de Bazin en 1848. Le 26 décembre 1848, J. Rollet soutient à la faculté de médecine de Paris sa thèse de doctorat : Des hémorragies traumatiques de l’intérieur du crâne (Président : Pr Laugier). Il concourt le 19 février 1849 pour la place de chirurgien-major de l’Hôtel-Dieu de Lyon et échoue de peu au profit d’Antoine Desgranges*, mais il n’a que 24 ans ! L’année suivante, il remporte le concours de chirurgien-major de l’Antiquaille organisé le 11 mars 1850. « Chirurgien-major désigné », Rollet est suppléant inactif jusqu’à sa prise de fonction le 1er janvier 1855. Cette liberté lui permet d’exercer la médecine de clientèle à son domicile rue Claudia, tout en complétant ses connaissances sur les maladies de la peau et les maladies vénériennes. Son discours d’installation prononcé en séance publique le 30 décembre 1854 s’intitule : Des agents contagieux des maladies de la peau. La durée de fonction du chirurgien-major, initialement de six ans, est portée à neuf ans pendant son mandat qui s’achève en 1864. Son discours de chirurgien sortant s’intitule : Coup d’œil rétrospectif sur la syphilis et les maladies de la peau. Son successeur est Antoine Gailleton (le futur maire de Lyon). Âgé seulement de 41 ans, Rollet quitte l’hôpital et se consacre à la rédaction de son Traité des maladies vénériennes, gros volume de 993 pages publié en 1865 qui fera autorité pendant des décennies. Il est également l’auteur de nombreux articles du célèbre Dictionnaire Encyclopédique des Sciences médicales de Dechambre. Son nouveau centre d’intérêt est l’hygiène publique. Dès 1865, il fait partie du Conseil d’Hygiène et de Salubrité du département du Rhône ; il en sera plus tard secrétaire puis président. Il fait des études sur les épidémies de la région lyonnaise et s’intéresse aux questions d’hygiène industrielle. En 1877, à la création de la Faculté de Médecine de Lyon, Rollet semble tout désigné pour occuper la chaire des maladies cutanées et syphilitiques ; mais c’est Gailleton, alors maire de Lyon, qui l’obtient, et Rollet doit se contenter de la chaire d’hygiène.
Chevalier de la Légion d’honneur en 1869, Rollet devient correspondant de l’Académie de médecine en 1885 (puis associé national en 1894), et correspondant de l’Institut en 1893. À la création de la Société française de dermatologie en 1889, il est nommé président d’honneur.
Il décède le 2 août 1894, à son domicile 10 rue des Archers Lyon 2e, le jour de l’ouverture du premier congrès dermatovénéréologique décentralisé, organisé par la Société française de dermatologie, qu’il devait présider à Lyon. Les funérailles ont lieu le 4 août et Rollet est inhumé au cimetière de Beynost (Ain).
Homme grand et assez fort, au front largement dégarni, au nez long et busqué, aux sourcils et à la barbe épais, Rollet se remarque par sa simplicité et sa modestie. Il est toujours d’une correction parfaite et d’une modération exemplaire. Il épouse à Roanne le 21 mars 1855 Jeanne Marie Antonie Julliéron (Roanne 30 septembre 1836-Lyon 25 février 1922), fille de Benoît Étienne (Bourg-en-Bresse 1806-Roanne 1855), notaire à Roanne, et de Madeleine Delorme (1818-Beynost 1885). Ils auront deux enfants : une fille, Jeanne Magdeleine (1856-1893), qui épouse en premières noces le docteur Jacques Guillermond (1841-1878) dont elle a un enfant ,Alexandre (1876-1945), puis en secondes noces le 19 août 1882 le professeur Alexandre Lacassagne* ; et un fils, Étienne (1862-1937) qui devient professeur d’ophtalmologie à la faculté de Lyon. Il a huit petits-enfants dont trois seront médecins : Jacques Rollet (1899-1977) ophtalmologiste, Antoine Lacassagne (1884-1971) cancérologue et professeur au Collège de France, et Jean Lacassagne (1886-1960) dermato-vénéréologue, écrivain et historien de la médecine. La fille d’Étienne, Antoinette, a épousé l’académicien Georges Cohendy*, avocat.
Joseph Rollet est le chirurgien-major le plus prestigieux de l’École de l’Antiquaille ; son œuvre vénéréologique est fondamentale. Il entrevoit rapidement les incertitudes et les lacunes des doctrines vénéréologiques en cours. En 1856, par des expérimentations cliniques d’inoculations, Rollet démontre la dualité chancreuse : deux maladies différentes, le chancre simple ou mou, et le chancre dur ou syphilis. Cette dualité, décrite auparavant par Bassereau en 1852 qui avait distingué par la méthode des confrontations une maladie locale et une maladie générale était en contradiction avec celle de Ricord. Il élucide également la question du chancre céphalique considéré comme toujours syphilitique par Ricord et Fournier. Il démontre par l’observation clinique (il refuse alors le principe des inoculations aux individus sains) la contagiosité des accidents secondaires de la syphilis et leur transmission sous la forme d’un accident primitif. À la suite des observations d’Auzias-Turenne et de Langlebert, Rollet va démontrer dès 1859 que la syphilis débute constamment par le chancre. Il démontre la transmission de la syphilis par le chancre du mamelon de la nourrice infectée par un nourrisson malade, et également chez les ouvriers souffleurs de verre de Givors et de Rive-de-Gier qui présentent des chancres de la bouche. Ces deux découvertes eurent des conséquences thérapeutiques, prophylactiques et médicolégales très importantes. Il envisage aussi la transmission de la syphilis par la vaccination comme un corollaire de la contagiosité du sang des syphilitiques. En 1858, il découvre le chancre mixte associant syphilis et chancre mou, la « maladie de Rollet », qui va permettre l’explication des cas litigieux. Quant à la contagion blennorragique, contrairement à l’école parisienne de Ricord et à l’instar du lyonnais Paul Diday, il est convaincu de l’existence d’un virus propre. En l’espace de neuf ans, Rollet résout la plupart des questions encore non résolues de la vénéréologie, et cela en s’opposant aux doctrines officielles défendues entre autres à Paris par Philippe Ricord.
Il est élu au fauteuil 4, section 3 Sciences, le 5 décembre 1876. Discours de réception prononcé dans la séance publique du 21 décembre 1878 : Des applications du feu à l’hygiène dans les temps préhistoriques.
Dufaÿ. Galerie militaire de l’Ain, Bourg-en-Bresse : Grandin, 1874 ; et Galerie civile de l’Ain, Bourg-en-Bresse : Martin-Bottier, 1882. – L. Jullien : « J. Rollet », Bull. du Lyon Médical 77, 1894, p. 590-94 et 610-18. – M. Horand* : Notice biographique sur J. Rollet, Lyon : Assoc. typogr., 1897, 39 p. – Inauguration du buste du Professeur J. Rollet à la Faculté de Médecine de Lyon le 4 avril 1897, Lyon : A.H. Storck, 1897, 41 p. – G. Thibierge : « L’œuvre de Joseph Rollet, Ann. Dermatol. Syphilig. » 5, p. 609-677, 1924, et Paris : Masson et cie, 1924, 75 p. – La Cérémonie du Centenaire de Joseph Rollet 1824-1894, Lyon : Anc. Etabl. Legendre, 1925, 75 p. – J. Lacassagne, « L’œuvre de Joseph Rollet », La prophylaxie antivénérienne 6, juin 1932, p. 261-275. – Nicolas Joseph Rollet (1824-1894), Les biographies médicales (Paris : J.B. Baillière), 11e année, n° 6, 1937, 80 p. – A. Croze, M. Colly, Carle, J. Lacassagne, Histoire de l’Hôpital de l’Antiquaille de Lyon, Lyon : Audin, 1937. – P.J. Michel, « L’hôpital de l’Antiquaille, berceau de l’école de dermato-vénéréologie lyonnaise », Journal de méd. de Lyon 60, 1979, p. 109-128. – J. Thivolet, J. Pellerat, P.J. Miche : « L’hôpital de l’Antiquaille et l’histoire de la dermato-vénéréologie », in Bouchet*, p. 129-136. – J. Chevallier* : « L’École de l’Antiquaille à Lyon », in La dermatologie en France, Toulouse : Privat, 2002, p. 227-241. – J. Chevallier, « Joseph Rollet à l’ombre de Ricord », Histoire des sciences médicales 44, 2010, 1, p. 65-71.
Une bibliographie complète concernant les maladies vénériennes et les maladies de la peau se trouve dans Thibierge 1924. Citons : Anatomie générale et descriptive, in E. Bazin, Répertoire des Études Médicales, t. 1, Paris : Bureau du Répertoire des Études Médicales, 1848. – Discours d’installation, séance publique, 30 décembre 1854 : Des agents contagieux des maladies de la peau. Lyon : Impr. Aimé Vingtrinier, 1855. – « Classification des maladies de la peau », Gazette médicale de Lyon, 15 août 1855, p. 284-292. – « Note adressée au Conseil d’Administration des hospices de Lyon sur le traitement de la gale à l’Antiquaille », Gazette médicale de Lyon, 30 novembre 1856, n° 22, p. 392-394. – Études cliniques sur le chancre produit par la contagion de la syphilis secondaire et spécialement sur le chancre du mamelon et de la bouche, Archives générales de médecine, février 1859, p. 129-144 ; mars 1859 : p. 306-322 ; avril 1859, p. 397-417. – « Inoculation, contagion, confusion en matière de syphilis », Gazette médicale de Lyon, 16 janvier 1859, p. 33-39. – Avec P. Diday, Annuaire de la syphilis et des maladies de la peau (année 1858). Paris : J.B. Baillière, et Lyon : J.P. Mégret, 1859. – « De la pluralité des maladies vénériennes », Gazette médicale de Lyon, 1er avril 1860, p. 150-158 ; 16 avril 1860, p. 173-180. – Recherches cliniques et expérimentales sur la syphilis, le chancre simple et la blennorrhagie et principes généraux d’hygiène, de médecine légale et de thérapeutique appliqués à ces maladies, avec atlas (10 pl.), Paris, 1861, 605 p. – « Recherches sur plusieurs maladies de la peau, réputées rares ou exotiques, qu’il convient de rapporter à la syphilis », Archives générales de médecine, 1861, p. 5-24 ; p. 144-156, p. 279-306. – Médecine légale de la syphilis des nouveau-nés, Société Sc. médic. de Lyon, avril 1861. – « De la transmission de la syphilis entre nourrissons et nourrices au point de vue de la médecine légale », Gazette hebdomadaire de médecine et de chirurgie, 13 septembre 1861, p. 589-595. – « De la pellagre et des recherches récentes dont cette maladie a été l’objet », Gazette médicale de Lyon, 16 septembre 1861, p. 417-422. –« Coup d’œil rétrospectif sur la syphilis et les maladies de la peau. Compte rendu d’un exercice de neuf années à l’Antiquaille », Gazette médicale de Lyon, 1er mars 1864, p. 98-110 ; 16 mars 1864, p. 141-145. – Traité des maladies vénériennes, Paris : Victor Masson, 1865, 993 p. – Nouvelles conjectures sur la maladie de Job, Paris : Victor Masson, 1867, 47 p. – Rapport sur l’épidémie de fièvre typhoïde qui a régné à Lyon aux mois d’avril et mai 1874, Lyon : impr. Moulin-Rusand, 1874, 104 p. – Des caractères particuliers et du traitement de la blessure d’Alexandre le Grand reçue dans le combat contre les Malliens, Lyon : Assoc. typogr., 1877, 29 p. – Des applications du feu à l’hygiène dans les temps préhistoriques, Lyon : Assoc. typogr., 1879, 24 p. – « Des éruptions et des lésions arsenicales professionnelles de la peau et des muqueuses nasale et oculaire », Ann. Dermatol. Syphil., 1880, 2e série, t. 1, p. 1-15.