Jean Claude Balthazar Victor Chantelauze (sans particule) est né et baptisé à Montbrison (Loire), paroisse Saint-André, le 10 novembre 1787, fils de Claude Balthazar Chantelauze (1852-Montbrison 1825), procureur ès cours de Forez en 1785, homme de loi en l’an VII, avoué en 1807, avocat et juge suppléant au tribunal civil de Montbrison en 1817, et de Marie Antoinette Regnault (décédée en 1823). Parrain Jean Claude Balthazar Chantelauze, avoué (1752-an VII), oncle paternel, marraine Pierrette Chantelauze (née le 3 avril 1717), grand-tante de l’enfant, épouse de Me Monet (courrier de Rome à Lyon), représentés par Jean Marie Faugerand, maître boulanger de Montbrison, et Jeanne Philippe Clerc, femme de Jean Baptiste Pelisson. Il a épousé le 25 mai 1818 Marie Françoise Richard du Colombier (21 mai 1797-Lyon 18 avril 1863), fille de Jean Jacques Richard du Colombier (1724-1796) et de Jeanne Marie de Valous (1763-1827).
Avocat, puis substitut au tribunal de Montbrison en 1811, il démissionne pendant les Cent-Jours. Nommé avocat général à la cour royale de Lyon le 28 octobre 1815, chevalier de la Légion d’honneur le 30 avril 1821, procureur général à Douai le 21 juillet 1826, puis à Riom le 17 novembre de la même année. Il est élu député de la 1re circonscription de la Loire par le grand collège de Montbrison le 17 novembre 1827, par 65 voix sur 128 votants et 190 inscrits, contre 56 au député sortant, Damien Battant de Pommerol*. Il a beaucoup évolué politiquement : en 1814, il avait publié une brochure sur le projet de Constitution, présenté à Louis XVIII au nom du Sénat. Se montrant alors libéral, il préconisait notamment le droit d’initiative pour les Chambres. En 1827, « Orateur sans véhémence, mais facile, fécond, et fort expert aux armes de la dialectique » (Lacretelle, Histoire de France depuis la Restauration, p. 420), il est qualifié de député constitutionnel, puis progressivement il suit aveuglément les dérives absolutistes du pouvoir. On dit qu’il refusa le ministère de l’Instruction publique le 17 août 1829, préférant être nommé, le 26, premier président de la cour de Grenoble, tout en restant parlementaire. Candidat à la présidence de la Chambre à l’ouverture de la session de 1830, il n’obtient que 116 voix. Il se voit proposer le ministère de la Justice dans le ministère Polignac le 30 avril 1830, en remplacement de Courvoisier, ministre depuis le 29 août 1829. Ce choix du roi et du Dauphin s’expliquait par une déclaration aventureuse de fermeté de Chantelauze lors de la discussion de l’Adresse des 221, de Guizot et Royer-Collard, au comité secret du 15 mars : « La royauté ne pouvait espérer son salut que d’un cinq septembre monarchique », rappel de l’ordonnance du 5 septembre 1816 qui dissolvait la Chambre introuvable, devenue impossible pour Louis XVIII. Il refuse « de peur de perdre une place agréable et inamovible, pour en prendre une malheureusement trop amovible » (lettre de Charles X à Polignac du 14 mai). Le 19 mai, Courvoisier démissionne. Chantelauze accepte à contre cœur d’être garde des sceaux. Il écrit alors à son frère Michel Balthazar : « Je ne veux pas que tu apprennes par le Moniteur l’événement le plus malheureux de ma vie : c’est ma nomination comme garde des sceaux. Voilà deux mois que j’oppose une résistance soutenue à mon entrée au conseil. On ne me laisse plus même aujourd’hui mon libre arbitre, et les ordres qui me sont donnés ne me permettent plus que l’obéissance. Je me résigne à ce rôle de victime ». Il prend comme secrétaire à son cabinet Alphonse de Boissieu*. Réélu député le 23 juin (mais il reste ministre) par 132 voix sur 223 votants et 246 inscrits contre 87 voix à Lachèze, conseiller de préfecture, il prépare les quatre ordonnances royales de Saint-Cloud du 25 juillet et leur exposé des motifs (Rapport au Roi, Clermont : Thibaud-Landriot, 1830, 11 p.) qui, par leur illégalité et leur maladresse, provoquent la Révolution et l’abdication de Charles X. Chantelauze suit le roi à Saint-Cloud, puis à Rambouillet, puis se dirige vers Tours avec deux autres ministres, Guernon-Ranville et Peyronnet. Ils se séparent devant cette ville. Chantelauze, voyant le drapeau tricolore flotter aux portes de Tours, revient sur ses pas. Habillé d’un mauvais habit noir, avec des bottes percées, donc d’un comportement suspect, il est arrêté le 26 août. Emprisonné à Tours, où le rejoignent les deux autres ministres, il est emprisonné à Vincennes le 27 août. Transféré au Luxembourg le 10 décembre, il comparaît le 15 devant la cour des pairs qui le condamne le 22 décembre 1830, avec les autres ministres, pour trahison, comme ayant conseillé et contresigné les ordonnances, à la prison perpétuelle et à la déchéance de ses titres, grades et ordres. On dit qu’apprenant sa condamnation, il se tourna en souriant vers Guernon-Ranville en disant : « Eh bien ! mon cher, nous aurons le temps de jouer aux échecs ». Il a été défendu par Paul Sauzet*. Les témoins de l’époque (Louis Blanc, Guizot, Royer-Collard, Oscar de Vallée, etc.) ont retenu son éloquence (sa plaidoirie est donnée dans Procès des ministres de Charles X, compte rendu littéral, et séance par séance, des débats à la chambre des pairs, Paris : Lequien, 1830, p. 361-389). Sur la proposition du président Richard de Laprade, l’Académie avait adopté à l’unanimité dans sa séance du 7 décembre 1830 une adresse de soutien à la cour des pairs en faveur de Chantelauze. Détenu au fort de Ham, Chantelauze est amnistié en 1836. Il se retire à Lyon et meurt le 11 août 1859 au château de Beauplan, chez son gendre le comte Marie François Joseph d’Allard (1820-1896), maire de la commune de Pierrelatte, qui avait épousé Rose de Chantelauze (1822-1859) à Lyon le 6 mai 1846.
Son fils, Léon Albert de Chantelauze, né à Lyon le 24 février 1819, décédé en décembre 1907, a participé à un concours de poésie de l’Académie qui lui a remis une « médaille de cent francs » (Ac.Ms243 f°55, Albert de Chantelauze, élève en droit à Toulouse, n°4 du Concours de 1838 : Conquête d’Alger). Il a été intéressé par la vie politique puisqu’il a écrit : Du président de la République française, Paris 1848, 38 p. ; ainsi que Ce que veut la France, Paris : Amyot rue de la paix, 1851, 43 p. On trouve signée de lui une affiche, imprimée par Paul Dupont, titrée : Des candidats à la Présidence : Cavaignac ou Bonaparte ? Comme, dans ce texte, il traite le futur Napoléon III, de « roi de Comédie », sa carrière s’est probablement arrêtée au coup d’État de décembre.
Son neveu, Jean François Régis de Chantelauze (Montbrison 23 mars 1821-Paris 3 janvier 1888), fils de Michel Balthazar Chantelauze (1784-1859), greffier en chef du tribunal civil de Montbrison, et de Marie Benoîte Zoë de la Grye, a été écrivain et historien, parfois sous le nom de famille de sa mère (Gui de la Grye). Il a obtenu de Persigny la restauration de la société savante La Diana. Il a écrit notamment : M. Paul Sauzet, ancien président de la chambre des députés, Paris : Plon 1876, 102 p.
Le 4 mai 1819, Richard de Laprade* donne communication « d’un opuscule de M. Chantelauze, un des candidats. Ces observations sont relatives à l’enseignement mutuel. En prenant la plume, M. Chantelauze s’est proposé de rassurer les consciences pieuses qui craignent que la méthode nouvelle ou renouvelée n’arrête les progrès de l’éducation religieuse, de répandre quelques lumières dans les esprits superficiels qui répugnent à un examen réfléchi et de dissiper d’injustes préventions… ». Les candidats, ce jour-là, Chantelauze, Ponchon, Mottet de Gérando*, Degerand et Midey, ne peuvent être départagés malgré plusieurs tours. Chantelauze est finalement élu à la séance du 7 décembre dans la classe des lettres. Le 4 septembre 1821, son discours de réception est titré : Sur la littérature romantique et sur la littérature classique. Président en 1822, il donne un compte rendu des travaux de l’Académie à la séance du 31 août.
L’Académie se mobilisa lorsque leur confrère fut emprisonné. Sur la proposition de son président Jacques Richard de Laprade, elle vota à l’unanimité le texte d’une lettre adressée à la cour des pairs ainsi rédigée : « Nobles pairs ; Au moment où un grand procès est porté devant vous, qu’il nous soit permis d’élever la voix en faveur d’un des accusés qui nous appartient. M. de Chantelauze vécut dix ans au milieu de nous ; comme la magistrature, le barreau et tous les justiciables, nous avons apprécié, non seulement ses talents, mais surtout sa haute impartialité, son esprit de sagesse, sa modération, et, nous n’hésitons pas à le dire, son attachement aux principes constitutionnels. Nobles Pairs, l’Académie de Lyon, donna dans d’autres temps, des preuves de son dévouement aux libertés publiques [allusion à la lettre de protestation envoyée au roi par l’Académie le 23 janvier 1827, à l’initiative de Torombert* lorsque le garde des sceaux, Peyronnet, présenta un projet de loi contre la liberté de la presse] ; elle ose espérer aujourd’hui que le témoignage d’intérêt qu’elle donne à un homme qui mérita toute son estime sera de quelque poids aux yeux de la noble Cour qui doit le juger ». Jacques Richard de Laprade, qui était son compatriote, car originaire de Montbrison, se rendra plusieurs fois au fort de Ham pour le visiter. C’est en outre un académicien qui a assuré sa défense comme avocat : Paul Sauzet*, et qui prononcera le 28 février 1860 son éloge funèbre.
Dumas. – Roman d’Amat, DBF. – R. et C. – Touchard-Lafosse, La Loire historique, pittoresque et biographique, t. 2, 1840-1844, p. 360. – Le Bas, Dictionnaire encyclopédique, vol. 4, 1840. – Éloge de M. de Chantelauze, par M. Paul Sauzet, Lyon : Vingtrinier, 1860.
Ac.Ms123 f°270, Dissertation sur l’enseignement mutuel, 4 mai 1819. – Ac.Ms243 f°55, Albert de Chantelauze, élève en droit à Toulouse, n° 4 du Concours de 1838 : Conquête d’Alger. – Ac.Ms270-53, document relatif à l’Histoire de l’Académie de Dumas, le 10 novembre 1787, Lyon 17 mars 1826. – Ac.Ms275-IV f°735, décembre 1830, adresse à la Chambre des Pairs en faveur de Chantelauze (brouillon raturé de l’adresse votée le 7 décembre qui se trouve dans le compte rendu de séance).
Dumas note : Discours de rentrée, Mercuriales, etc. prononcés par l’auteur, en qualité de procureur-général, près des Cours royales. – Rapports faits aux Chambres, en qualité de garde des sceaux et de ministre de la Justice.