Stanislas Auguste Joachim Gilibert est né à Grodno (résidence des rois de Pologne, Grand-Duché de Lituanie, auj. en Biélorussie) le 11 décembre 1780, fils d’Emmanuel Gilibert* et de Jeanne Baudot. Il a pour parrain le roi Stanislas Poniatowski, qui a appelé son père en Lituanie afin de participer à la rénovation de l’enseignement médical. Son père revient à Lyon en 1783. Si le souvenir heureux des premières années de sa vie l’a durablement marqué, ce qui se traduira par son soutien actif aux Polonais révoltés en 1830, il paraît cependant difficile d’admettre avec Lacour que, pendant son bref séjour lituanien à l’orée de sa vie, « il reçut une éducation aussi libérale que complète dont il conserva l’empreinte toute la vie». C’est en France qu’il effectue de solides études, non seulement classiques, mais aussi artistiques et scientifiques (il se passionne pour les mathématiques). Le jeune homme envisage de servir comme aspirant de marine à Saint-Domingue, mais renonce à ce projet, sur les instances de son père, et consent à entreprendre des études médicales. Il se trouve mobilisé dans les armées de la République en qualité de chirurgien ; il sert dans le service des ambulances de l’armée d’Italie et y contracte le typhus.
De retour à Lyon, il est qualifié de médecin des hôpitaux militaires ; il épouse à Lyon (division du Nord), le 12 thermidor an X [30 juillet 1802], suivant contrat du 22 messidor précédent (11 juillet), Sophie Roux (Anduze [Gard] 1er avril 1782-Lyon 1er 28 avril 1870), fille d’Étienne Roux, négociant à Lyon, et d’Élizabeth Beaucourt. D’où Sophie Gilibert (Nîmes 9 juin 1803-Crémieu 7 septembre 1846), épouse sans postérité de Jérôme La Bonnardière (Crémieu, 1792-1867), médecin, maire de Crémieu et conseiller général de l’Isère. Il soutient à Montpellier, le 28 vendémiaire an XII [20 octobre 1803], en vue du doctorat en médecine, une thèse intitulée : Essai sur le système lymphatique considéré dans l’état de santé et dans l’état de maladie. Il pratique alors la médecine à Lyon, obtient un prix décerné par la Société de médecine de Paris en 1813 pour sa Monographie du Pemphigus (citée avec éloge par Pinel), et il est nommé membre du jury médical de Lyon par le préfet en remplacement de son père en 1814.
Suivant les traces paternelles, il s’intéresse à l’histoire naturelle. En 1800, il figure parmi les auditeurs du cours de zoologie des animaux sans vertèbres professé par Lamarck au Muséum. Lorsque son père sollicite de l’aide pour assurer l’enseignement municipal d’histoire naturelle auquel se trouve joint la direction du Jardin botanique et du cabinet d’histoire naturelle, il est nommé conservateur du cabinet d’histoire naturelle, par arrêté du maire de Lyon en date du 17 juin 1808, et chargé du cours de géologie et de conchyliologie. Cependant, faute de recevoir le traitement promis, il abandonne rapidement ces fonctions. Il ne semble d’ailleurs pas avoir poursuivi de recherches dans ce domaine, ne publie rien à ce sujet, et il fera don des herbiers de son père à Alexis Jordan*.
Il est en relations suivies avec Ampère*, qui tient son père, le Dr Jean Emmanuel Gilibert, en haute estime. Avec sa femme, il lui rend visite à Paris et il le soigne lorsqu’il diagnostique une tuberculose, en 1829. Au début de 1804, il participe, selon L. de Launay et G. Trénard, aux activités d’un petit groupe philosophique et chrétien qui se constitue autour d’Ampère, Ballanche* et Bredin* et prend le nom de Société chrétienne. Ce groupe, à l’existence éphémère (Ampère quitta Lyon dès 1804), qui compte parmi ses membres Deplace, Degérando, Gasparin, Camille Jordan*, Roux-Bordier, a pour objet « la recherche de la vérité » au sujet de « la destination de l’homme ». Il est en réaction contre le rationalisme et refuse le catholicisme moderne. Quelques années plus tard (1808), Stanislas Gilibert est affilié à la loge Saint Napoléon de la Bonne Amitié, dont son père est membre d’honneur.
Adversaire résolu du gouvernement de la Restauration, Stanislas Gilibert prend la tête du mouvement insurrectionnel lors des journées de juillet 1830 et se voit proposer la fonction de maire de Lyon, qu’il refuse. Ce sera son confrère Gabriel Prunelle*, qui sera finalement désigné. Il profite de son influence pour soutenir différents projets, de concert avec Pierre Lortet*, tels que la restauration des établissements d’enseignement supérieur établis en 1808 par le régime impérial et supprimés en 1816 (à l’exception de la faculté de théologie). Si la création d’une université à Lyon, soutenue par Prunelle et par le préfet Gasparin, n’aboutit pas, en revanche les facultés des sciences et des lettres seront rétablies quelques années plus tard (en 1834 et 1838). Il s’oppose à la transformation de la Martinière en internat et soutient les efforts de la municipalité pour que cette école soit un établissement réservé aux externes, de façon à respecter les vœux exprimés dans son testament par le Major-Général Martin, ce qui bénéficie principalement aux jeunes Lyonnais appartenant aux classes défavorisées de la population. Il accepte en octobre 1830 la présidence du conseil d’administration des hospices civils, où il introduit des réformes utiles, mais il démissionne le 27 septembre 1831. Il milite activement en faveur des insurgés polonais en 1830 et appartient au comité lyonnais qui se constitue pour leur venir en aide. Déçu par le refus du gouvernement français de soutenir leur mouvement, il abandonne la vie politique et il se consacre dès lors uniquement à la pratique médicale. Il rassemble une importante collection de tableaux et d’objets d’art, qui fera l’objet d’une vente publique en 1872 après son décès. Des œuvres de Rembrandt, Rubens, Dürer, Vernet et Poussin sont signalées dans le catalogue ; même si les attributions de plusieurs d’entre elles ont été revues, certaines toiles provenant de sa collection figurent actuellement dans de grands musées, telle une Vierge à l’enfant de l’École hollandaise exposée au Metropolitan Museum de New York. Stanislas Gilibert meurt à Lyon le 15 juillet 1870 à son domicile, 10 quai de Retz (act. quai Jean-Moulin), quelques semaines après sa femme. Par son testament du 10 mai 1870, il lègue sa fortune (21 000 francs de rente) à la Martinière : elle permet l’établissement d’une section féminine qui ouvre ses portes en 1872 dans un immeuble provenant de sa succession, 20 rue Royale, avant d’être transférée trente-cinq ans plus tard dans des bâtiments neufs édifiés grâce à un legs important effectué à cet effet par Mme de Cuzieu.
Il aurait été chevalier de la Légion d’honneur.
Il est élu le 5 mai 1818, section des sciences, et fait ses remerciements par courrier (Ac.Ms275-II f°508) et en séance le 19 mai. Il est admis à l’éméritat à la séance du 4 juin 1844 (Ac.277-III 21 juin 1844). Le 7 juillet 1818, il « dépose sur le bureau un exemplaire du dernier ouvrage que vient de publier M. Ste Marie [qui avait rédigé un éloge de son père] et qui contient une méthode pour guérir les maladies vénériennes invétérées qui ont résisté aux traitements ordinaires ». Le 28 juillet, il fait fonction de secrétaire. Son discours de réception, lu en séance restreinte le 5 septembre et en séance publique le 7, est consacré à « l’enseignement mutuel, dont il fait valoir les principes et les avantages. Il s’élève surtout, et avec raison, contre les préventions défavorables à ce mode d’instruction, en prouvant que son utilité s’étend à la propagation et au développement des vérités du christianisme ». Il fait don à l’Académie du manuscrit de son père sur les forêts de Lituanie, rédigé en 1784 (Ac.Ms154-176). Il est également membre de la Société d’agriculture de Lyon (dès la reconstitution de la société en floréal an VI), et secrétaire de la Société lyonnaise de médecine.
E. Sainte-Marie, Éloge historique de M. Jean Emmanuel Gilibert, médecin à Lyon, Lyon, 1814, 16 p. – A. Lacour, « Le docteur Stanislas Gilibert ». Lyon médical 5, 1870, p. 499-501. - L. de Launay, « Lettres inédites de Claude-Julien Bredin à André-Marie Ampère, au pasteur Touchon et à Mme Touchon », MEM 22, 1936. – Gabrielle Trénard, notice Bredin, in DMR. – C. Bange, P. Corsi, P. Duris, « Les médecins auditeurs du cours professé par Lamarck au Muséum (1795-1823). Premier bilan d’une recherche », Hist. Sci. méd. 34, 2000 : p. 395-407. – P. Christol, « Les étudiants polonais à la faculté de médecine de Montpellier ». Rev. Cercle généalogique Languedoc, 2012, n° 135. – L. Trénard, DBF.
Photographie conservée à la Martinière, « négatif noir et blanc sur verre, auteur Lucien Bégule* (contretype), Armbruster ».
Ac.Ms393 f°30-35 (Stanislas Gilibert) 14 avril 1807 : Extraits du Mémoire sur la vaccine considérée sous son rapport prophylactique et sous son rapport pathologique par J. Et. Granier. – Ac.Ms123ter f°96, Rapport sur un ouvrage de M. Deleau concernant 2 sourds-muets, 19 juillet 1825. – Ac.Ms123ter f°158, Rapport sur l’Essai sur l’abstraction de M. Chevrier. – Ac.Ms123ter f°261 : Rapport sur l’Essai analytique sur le phénomène de la sensation de M. Bon Stetten, 5 février 1828. Parmi les lettres autographes et ordonnances signalées dans divers fonds de la Bibliothèque municipale de Lyon, on notera : Notice sur les fouilles du jardin des Capucins, 8 p. in-8°, an XII (Mss Soc. d’Agriculture).
Essai sur le système lymphatique considéré dans l’état de santé et dans l’état de maladie (Thèse), Montpellier, 1803, 51 p. ; rééd. sous le même titre : Essai... ou Précis de la physiologie et de la pathologie des vaisseaux, des glandes et des fluides lymphatiques, Paris : Méquignon, 1804, 51 p. – Monographie du pemphigus ; ou Traité de la maladie vésiculaire, Paris : Pancoucke, 1812, 411 p. – Compte rendu des travaux de la Société de médecine de Lyon depuis le 30 juillet 1812…, Lyon : Vve Cutty, 1818, 59 p. – Discours sur la théorie physiologique de l’enseignement mutuel, prononcé dans la séance publique de l’Académie de Lyon du 7 septembre 1818, Lyon : Bohaire, 1818, 35 p. – Lettre sur l’Allemagne, à l’occasion des “Recherches sur la nationalité, l’esprit des peuples allemands et les institutions qui seraient en harmonie avec leurs mœurs et leur caractère” par Fr. L. Jahn, trad. de l’allemand, avec notes, par P. Lortet, etc., Lyon : Coque, 1826, 17 p. (B. N., Impr., 8° M. Pièce 2068)