Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

VILLEROY François de NEUFVILLE de (1644-1730)

par Louis David.

 est né à Lyon le 7 avril 1644, fils de Nicolas V et de Madeleine de Blanchefort de Créqui (1609-1675) ; son acte de baptême (reproduit par F. Desvernay*, puis par A.Vingtrinier*), indique qu’il a été baptisé le jour même de sa naissance dans la chapelle du logis de son père, par Deville, custode de Sainte-Croix : parrain, François de Bonne de Créquy, duc de Lesdiguières ; marraine, haulte et puissante dame Françoise de Neufville, comtesse de Tournon, veuve de Juste Louys comte de Tournon (Registres paroissiaux de Sainte-Croix, vol. 399, p. 142). Gouverneur et lieutenant général à Lyon et en Lyonnais, Forez et Beaujolais le 5 mars 1650 en survivance, dont son père démissionne en sa faveur le 10 juin 1651. François léguera cette charge à son fils le 20 octobre 1712, mais en conservera l’exercice jusqu’à sa mort. Il joue un rôle primordial pour notre Académie et va devenir fort célèbre. Bien que plus jeune que lui, il est élevé à la cour de France avec le futur Louis XIV, ce qui les conduira à une longue amitié.

 Il se marie à Paris le 28 mars 1662 avec Marguerite Marie de Cossé (1648-1708), dame de Montejean et vicomtesse de Tiffauges, fille unique de Louis de Cossé (1625-1661), duc de Brissac, pair et grand panetier de France, et de Paule Marguerite Françoise de Gondi (1615-1670), dame du duché de Beaupréau, comtesse de Chemillé et vicomtesse de Tiffauges ; ils ont eu sept enfants : 1. Louis Nicolas* (1663-1734) ; 2. François Catherin (né en 1665), chevalier de Malte, dit le chevalier de Villeroy, marquis d’Alincourt, mort à Malte le 15 février 1700 sur une galère qui coule en abordant un vaisseau turc ; 3. Madeleine Thérèse Éléonore (1666-1723), supérieure des carmélites de Lyon ; 4. Camille (1671 ?-1671) ; 5. Françoise Madeleine (1668-1730) qui épouse Jean de Sousa en 1688 ; 6. Catherine Anne (1674-1715), en religion, supérieure du Calvaire du Marais à Paris ; François Paul* (1677).

 Il avait commencé sa carrière militaire à l’âge de 19 ans en Hongrie, blessé au bras par une flèche au Saint-Gothard, colonel en 1667 aux sièges de Douai, Tournay et Lille, puis en Bourgogne, en Allemagne ; il devient maréchal de camp en 1674, lieutenant général en 1677, et maréchal de France le 27 mars 1693. Certains disent qu’il fut un intrépide soldat ce qui est fort probable, du moins lors de ses premières campagnes, et on cite ses actes de bravoure. Mais, alors qu’il commande l’armée de Flandre, il ne peut empêcher Guillaume III de reprendre Namur (1695). Plus tard, au cours de la guerre de succession d’Espagne, il est vaincu à Chiari (1701), et il est fait prisonnier par le prince Eugène de Savoie à la bataille de Crémone (1702). On chante alors :

 Palsambleu ! la nouvelle est bonne,

 Et notre bonheur sans égal ;

 Nous avons recouvré Crémone

 Et perdu notre général.

 Rendu à la liberté, il gagne la bataille de Luzzara (Italie) ; en 1703, il prend la ville de Tongres et participe à la bataille d’Eckeren. Chargé de défendre la Flandre, il fait d’abord refluer Marlborough, mais, en 1706, il subit l’importante défaite de Ramillies, d’où la chanson :

 C’est bien dommage sur ma foi !

 Que Monseigneur de Villeroi

 Soit déjà maréchal de France :

 Car, dans cette grande action,

 On peut dire, sans complaisance,

 Qu’il a mérité le bâton !

 Le maréchal refuse alors de démissionner et Louis XIV l’abandonne : durant cinq années il reste à Paris, ou à Villeroy, car il lui est interdit de se rendre à Lyon. La disgrâce dure jusqu’en 1712 où, grâce à Madame de Maintenon, il revient à la cour. Il est chef du Conseil royal des Finances le 2 septembre 1714, ministre d’État le 18 septembre de la même année, conseiller au Conseil de Régence en septembre 1715, puis gouverneur de Louis XV le 1er avril 1716. Mais le 11 août 1722, il sera arrêté à Versailles et conduit dans son château de Villeroy, d’où il eut ordre de se retirer à Lyon, pour avoir refusé au régent une entrevue avec le jeune roi.

 Il devient le 2e duc de Villeroy le 3 avril 1675, par suite de la démission de son père. Il lui avait déjà succédé le 5 mars 1650 comme gouverneur et lieutenant général à Lyon et en Lyonnais, Forez et Beaujolais. Il démissionnera de cette charge en faveur de son fils le 20 octobre 1712. Jouissant d’un très grande faveur à la cour, il agit en véritable despote dans son gouvernement lyonnais : il dispose de toutes les charges locales et nomme le prévôt des marchands qui ne rend compte qu’à lui.

 Jeune homme à la cour, François avait le surnom de « Charmant » car il était déjà le favori de grandes dames (comtesse de Soissons, duchesse de Roquelaure, Madame de Ventadour, etc.). Devenu maréchal, il obtenait plus de succès auprès des dames que sur les champs de bataille.

 Une anecdote lyonnaise est célèbre : lors d’un séjour à Lyon en 1717, il donne réjouissances et fêtes où se presse la bonne société. Une dame de Paris écrit alors à une amie lyonnaise : « Apprenez-moi donc à qui M. le maréchal a jeté son mouchoir ». En effet, François avait usé et abusé du procédé du mouchoir « perdu », connu de toutes les dames de la cour. Mme de Bérault, alors âgée, mais jadis destinataire du mouchoir, conseille alors de répondre : « Écrivez à votre amie que M. le maréchal ne se mouche plus ». Le maréchal avait alors 73 ans.

 Malgré les plus grandes distinctions de ses ancêtres proches (connétable, maréchaux, gouverneurs, ambassadeurs, ministres…), la haute noblesse n’oubliait pas ses premières origines (« vendeurs de marée »). Quand son fils aîné épousera Marguerite de Louvois, l’oncle de celle-ci, archevêque de Reims, lui dit : « Vous allez être duchesse comme votre sœur aînée [mariée à La Rochefoucault, duc de la Roche-Guyon], mais n’allez pas croire que vous soyez pareilles, car je vous avertis que votre mari ne serait pas bon pour être page de votre beau-frère ».

 Le vieux maréchal gaspillait sa fortune, pourtant considérable car la famille Villeroy avait recueilli les successions des Créquy-Lesguidières et des Gondy. « C’était un grand homme bien fait, avec un visage fort agréable, fort vigoureux, sain, qui sans s’incommoder faisait tout ce qu’il voulait de son corps. Quinze et seize heures à cheval ne lui étaient rien, les veilles pas davantage. » (Saint-Simon). Après sa mort, le 18 juillet 1730 à Paris, en l’hôtel de Lesdiguières, rue de la Cerisaie, paroisse de Saint-Paul, son corps quitte Paris le 20, arrive à Neuville le 25 au soir pour être déposé dans l’église jusqu’au 3 septembre, jour où il est transporté à Lyon pour être inhumé le 4 dans la chapelle des carmélites : le père Dallemand prononce son éloge. Des cérémonies officielles en grandes pompes ont lieu le 15 (Renaud, 1731).

 Claude Brossette, secrétaire de l’Académie, rédige son éloge (conservé dans nos manuscrits). On peut constater la grande différence entre éloge et réalité. D’ailleurs Dumas n’a-t-il pas écrit : « Comme un bouquet de fleurs assorties, dont chacune brille de ses couleurs, et porte son parfum, l’éloge doit offrir les vertus, les talents, les travaux de l’homme qui s’est fait distinguer ou qui s’est rendu célèbre. Qu’on passe sous silence les vices, les défauts, les erreurs, c’est retrancher du bouquet les feuilles desséchées, les herbes épineuses et celles dont l’odeur serait désagréable ». Brossette pratiquait admirablement l’éloge ... élogieux.


Académie

Dès l’origine, selon une coutume du temps, l’Académie se place sous la protection d’une haute personnalité, en la circonstance le maréchal François de Neufville de Villeroy, alors gouverneur de la ville et de la province du Lyonnais, Forez et Beaujolais. C’est lui qui obtiendra du roi Louis XV les premières Lettres patentes de 1724 : « pour cette fois nous avons nommé pour protecteur de cette Académie nôtre dit cousin le maréchal duc de Villeroy ». Le maréchal François est donc le protecteur officiel de l’Académie dans son ensemble, c’est-à-dire des deux compagnies qui coexistent depuis 1713 : l’Académie des sciences et belles-lettres (ASBL) et l’Académie ou Société des beaux-arts (ABA). Les statuts publiés en 1727 sont formels :

« Art. I. L’Académie aura un protecteur ».

Bibliographie

Saint-Simon, Mémoires du duc de Saint-Simon, 1743 – Pernetti 2 (p. 237-241). – Claude Brossette*, Éloge de Monsieur le Maréchal de Villeroy prononcé le 8.11.1730 à Beauvallon [modifié le 19.11.1730], Ac.Ms124 f°45-50. – C. Brossette et J. J. Pestalozzi*, Lettre à Mgr le duc de Villeroy à Paris [suite décès du maréchal], Ac.Ms124 f°52, 1730. – L. Renaud, Oraison funèbre de [...] François de Neuville duc de Villeroy [...], précédée de la Description de la pompe funèbre de Monseigneur le Maréchal duc de Villeroy [...], 15 septembre 1730, Lyon : Degoin, 1730, 27 + 6 p., ill. – Pinard, Chronologie historique-militaire contenant l’histoire de la création de toutes les charges, dignités et grades militaires supérieurs..., Paris : Hérissant, t. 3, 1761, p. 76-82. – J.-B. Julien de Courcelles, Histoire généalogique et héraldique des pairs de France, des grands dignitaires de la couronne, des principales familles nobles..., Paris : chez l’auteur et A. Bertrand, 1825, t. 5 – A. Péricaud*, « Les gouverneurs de Lyon », Revue lyonnaise (1) 13, 1841, p. 361-383 [Villeroy p. 375-382] ; et Lyon : Boitel, 23 p. – Henry Morin-Pons*, « Les Villeroy », MEM L, (2) 10, 1861, p.169-200. – A. C. de Neufville, Histoire généalogique de la Maison de Neufville d’après d’anciennes chartes et des documents inédits, Amsterdam, 1869. – F. Desvernay*, « Les Lyonnais dignes de mémoire : François de Neuville », Lyon-Revue, 1880, p. 374-377. – A. Vingtrinier*, Le dernier des Villeroy et sa famille, à propos d’un manuscrit de la bibliothèque de Lyon, RLY (5) 4, 1887, p. 256-275 ; et Paris : Champion, 1888, 111 p., 1 tabl. – H. Morin-Pons, (Le maréchal François de Villeroy, p. 47-52, pl. V-VI). – A. Darblay, Villeroy. Son passé, sa fabrique de porcelaine, son état actuel. Corbeil : Crété, 1901, p. 67-68. – Christophe Lavantal, Ducs et pairs et duchés-pairies laïques à l’époque moderne (1519-1790), Paris : Maisonneuve et Larose, 1996, p. 983-991. – S. Ben Messaoud, François de Neufville duc de Villeroy, Bull. mun. Lyon, 2 p. – Jean Tricou, Jetons armoriés offerts par la ville de Lyon aux xviie et xviiie siècles, Lyon : Badiou-Amant, 1947, p. 114-118, et pl. IV.

Iconographie

Un médaillon uniface, modelé par Claude Warin, offert par le consulat en 1651, présente son effigie à l’âge de 7 ans. Ses armes (« d’azur au chevron d’or accompagné de trois croisettes ancrées du même ») figurent sur de nombreux jetons offerts à François de Neufville de Villeroy par le consulat et la chambre de commerce en sa qualité de Gouverneur et lieutenant général à Lyon et en Lyonnais, Forez et Beaujolais (voir Tricou).