Né à Lyon, Saint-Nizier, le 25 mai 1735, Pierre-Jacques Willermoz, encore écrit Villermoz ou Vuillermoz – Jacques étant le prénom retenu par Kleinclausz, mais non par les autres auteurs – est le deuxième fils (le cinquième enfant) d’une famille de treize ou quinze enfants (selon les sources). Son père, Claude Catherin Willermoz (Saint-Claude [Jura], 1701-16 mai 1770), issu d’une famille de tourneurs-sculpteurs sur bois de Franche-Comté, était marchand de mercerie rue des Quatre-Chapeaux. Sa mère, Marguerite Catherine Valentin (1705-1756), était fille de Jean Valentin, marchand à Craponne en Velay. Parrain : Pierre Jacques Bagnion, marchand guimpier ; marraine : Éléonore Dumas, épouse de Marc Antoine Stallemverck, marchand.
On ne sait rien de son enfance ni de sa scolarité. Très précocement intéressé par les sciences naturelles et l’alchimie, il se lance dans des recherches sur la pierre philosophale avec l’appui moral et financier de son frère aîné Jean-Baptiste (1730-1824) – négociant en soieries très aisé installé rue du Bât-d’Argent, et qui a joué un grand rôle à Lyon, en France et en Europe, dans la réforme et la diffusion de la franc-maçonnerie. Initié à vingt ans, Jean-Baptiste Willermoz a créé à Lyon plusieurs loges, et est devenu Grand Maître de la Grande Loge des maîtres réguliers de Lyon où il a multiplié les grades. En rapport avec Claude Saint Simon le philosophe inconnu, proche du prince Charles de Hesse, correspondant avec le philosophe, homme politique et diplomate savoyard, le comte Joseph de Maistre, il a repris les Leçons sur la doctrine des élus Coëns du mage Martines de Pasqually, en quête de la Science du Grand Œuvre et des traces de Hiram, le supposé architecte du Temple de Jérusalem.
Découragé par son échec à transmuter les métaux, mais désireux de poursuivre les recherches financées par Jean-Baptiste, Pierre-Jacques quitte Lyon, en 1754, pour Paris. Il vit étrangement un an sous le faux nom de Dumeaud dans la capitale, continuant cependant à correspondre avec son frère. Il fréquente alors un monde interlope d’aventuriers, de charlatans et d’étudiants désargentés. Après une vaine tentative pour aller en Allemagne poursuivre son initiation à l’occultisme et devant le refus de Jean-Baptiste de financer son expédition, il se réfugie dans un couvent bénédictin à Saint-Rigaud, près de Charolles, où l’a attiré un Dom Louis Pernety, ou Pernetti, et où, selon Alice Joly sa biographe, on s’occupe plus de sciences occultes et de recherche de bénéfices matériels que du service divin. Ce Dom Pernetti est probablement un parent de l’abbé Pernetti*, chanoine de Saint-Jean, érudit passionné d’histoire naturelle et d’antiquités, historien de Lyon, oncle lui-même d’un curieux personnage : Dom Antoine Pernetti, aumônier de Bougainville lors de son voyage aux Malouines, conservateur un temps de la bibliothèque de Fréderic II de Prusse, puis moine défroqué, swedenborgien, fondateur des Illuminés d’Avignon et auteur d’ouvrages d’alchimie. Après une année chez les bénédictins, Pierre-Jacques rentre à Lyon.
S’il reste toujours franc-maçon (il a été initié à la Loge de la Parfaite Amitié et présidera le chapitre des Chevaliers de l’Épée, de l’Aigle noir et de la Rose Croix, fondés tous deux par son frère), il s’écarte peu à peu de l’occultisme, de l’illuminisme et du mysticisme de Jean-Baptiste et, comme il le lui écrira en 1773, accorde « de jour en jour moins de créance à cela ». Voulant faire une carrière sérieuse, il obtient, grâce au soutien et aux relations de son frère, une inscription à la faculté de médecine de Montpellier et les crédits nécessaires à son entretien, malgré son absence de grades universitaires et son « instruction classique rudimentaire » (Alice Joly). Les études durent alors trois ans et coûtent six cents livres d’inscriptions. De Montpellier, Pierre-Jacques adresse de nombreuses lettres à son frère (conservées à la bibliothèque municipale de Lyon). Admiratif de la beauté de la ville et de ses monuments, il s’étonne qu’on n’y parle pas français. « Les femmes et les filles ont l’air libres et voluptueuses », mais ne savent apparemment s’exprimer qu’en langue d’oc. Les étudiants sont paresseux et les études peu surveillées. Paul Joseph Barthez (1734-1806), qui vient d’être nommé professeur, à vingt-quatre ans, et sera une des célébrités médicales du siècle, défenseur du courant vitaliste, est un « homme mal bâti et de vilaine figure ». Pierre-Jacques se heurte à l’outrecuidance des fils de médecins et condamne le népotisme. Heureusement, il y a l’hôpital où l’enseignement de la clinique naissante le passionne. Il passe sa thèse en 1761 (le titre n’a pas été retrouvé) et, grâce à l’intendant du Languedoc, Saint-Priest, à qui son frère l’a recommandé, il occupe immédiatement les fonctions de « professeur et démonstrateur royal » en chimie qu’il conservera jusqu’en 1767, tout en faisant de fréquents séjours à Lyon, où il ouvre également, en 1763, un cours de chimie. C’est alors qu’il est recruté pour collaborer à l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, où il écrit un unique article sur le phosphore. Admis par le Collège des médecins de Lyon, il installe sa pratique médicale près des magasins de son frère et se lie avec Claude Bourgelat (1712-1779) qui vient d’ouvrir l’école vétérinaire, avec le docteur Rast de Maupas* (1732-1810), médecin, agronome et bibliophile et surtout avec l’abbé Rozier* (1734-1793). Il est réputé avoir collaboré au Dictionnaire d’agriculture et d’économie rurale de l’abbé, lui aussi franc-maçon et qui fut, plus tard, curé de Saint-Polycarpe sur les pentes de la Croix-Rousse, sous le régime de la constitution civile du clergé. En 1769, l’Almanach de Lyon le classe parmi les « nobles », et mentionne son appartenance à la Société royale des sciences de Montpellier. Il est aussi membre associé de la Société d’agriculture de Lyon et associé correspondant des académies des sciences de Toulouse et de Bordeaux.
En 1761, il a épousé Jeanne Marie Myèvre dont il aura un fils, également médecin : Pierre Claude Catherin Willermoz* (1767-1810).
Pierre-Jacques s’est trouvé mêlé à la querelle entre magnétiseurs et anti-magnétiseurs, sur laquelle il n’a toutefois laissé aucun écrit. En 1781, le Viennois Franz-Anton Mesmer (1734-1815), résidant alors à Paris, avait envoyé à l’Académie un exemplaire de son Précis historique des faits relatifs au magnétisme animal publié la même année, et sollicité, sans succès, son admission comme membre correspondant. Fondateur lui-même d’une Loge de l’Harmonie, il avait aussitôt converti à sa doctrine les francs-maçons, alors assez nombreux dans cette compagnie, mais suscité aussi des oppositions. Pierre-Jacques ne semble pas avoir partagé l’enthousiasme de son frère Jean-Baptiste qui, du reste, s’éloignera d’un mesmérisme jugé trop naturaliste et ne laissant aucune place à l’influence divine, essentielle pour le « mystique lyonnais ». Pierre-Jacques n’en a pas moins été le destinataire des lettres d’une somnambule inspirée, dite « l’Agent inconnu », qui l’a appelé à participer à sa Loge Élue et Chérie et lui a donné des conseils de médecine et de diététique. On ignore s’il a donné suite à cette tentative de séduction. En 1782, les trois frères Willermoz font partie des acquéreurs du terrain des Brotteaux où sera édifiée la Loge de la Bienfaisance.
Atteint alors de la maladie de la pierre, il essaie d’abord un remède que Jean-Baptiste a obtenu, par l’entremise du prince Charles de Hesse, du thaumaturge le comte de Saint-Germain, qui se disait immortel et finit ses jours à la cour de Hesse-Cassel. Il se résout ensuite à l’opération de la taille, pratiquée par un médecin turinois, le docteur Giraud.
D’abord ardent partisan de la Révolution, comme la plupart des francs-maçons, notamment son ami et collègue de l’Académie, Jean Millanois*, avocat du roi et représentant du Tiers État lyonnais aux États-Généraux de 1789, il prend ensuite du champ. Mais alors que ses frères Jean-Baptiste et Antoine (marchand mercier 1741-1793) s’engagent dans la rébellion girondine et royaliste de Lyon contre la Convention, il garde, comme son ami l’abbé Rozier, une certaine neutralité. Antoine Willermoz sera guillotiné, Rozier périra dans l’écroulement de sa maison, sous les boulets de Kellermann. Jean-Baptiste ne devra la vie qu’à son refuge clandestin dans une maison de Neyron (Ain), près de Lyon, où Pierre-Jacques, qui l’a rejoint, lui sert de prête-nom et intervient ensuite en sa faveur auprès des Conventionnels. Il semble d’ailleurs que le docteur ait contribué à sauver plusieurs familles grâce à son influence de médecin et de citoyen considéré. « On trouve dans les archives révolutionnaires de Lyon, écrit Alice Joly, des dossiers de police […] qui contiennent […] quelques certificats signés du docteur Willermoz. Les uns attestent que tel détenu est suffisamment malade pour qu’on puisse conseiller son élargissement ; les autres donnent témoignage à telle famille, suspecte d’émigration, qu’elle n’a jamais quitté la ville. » En partie ruiné par la confiscation des biens d’Antoine, dans le commerce de qui il avait investi, il rétablira sa fortune après Thermidor, une fois de plus avec l’aide de Jean-Baptiste.
Repris par la maladie, il meurt et est inhumé le 9 messidor an VII [26 juin 1799] ; l’information est donnée par les tables annuelles d’état civil, mais l’acte de décès a disparu dans un incendie.
En 1797, il habitait rue des Forces et avait acheté le 8 fructidor an V [25 août 1797] le domaine des Collinettes, clos immense alors non construit, en haut duquel se trouvait auparavant la chapelle de Saint-Sébastien.
Admis dans la classe de Mathématique et de Physique le 7 juillet 1778, Pierre-Jacques Willermoz succède à l’abbé Valernod* (1704-1778). Au moment de l’élection de Pierre-Jacques, l’Académie comptait déjà plusieurs médecins et nombre de francs-maçons affiliés aux loges de Jean-Baptiste Willermoz.
Après avoir prononcé un discours de réception, le 1er septembre 1778, sur La nature de l’air que nous respirons, Pierre-Jacques fut un académicien très assidu, signant de nombreux rapports sur des mémoires. Il devient en 1782 directeur de la compagnie et prononce le 27 août, en séance publique, une conférence sur l’électricité dont il dit qu’après avoir été un objet d’amusement, elle est devenue « une foudre entre nos mains ». En 1784, il fait partie des neuf commissaires (six de la classe des sciences, trois de la classe des lettres) chargés de préparer un plan de travaux académiques consacrés à Lyon et à ses provinces. Ses communications ont porté surtout sur des sujets d’hygiène industrielle et agricole et de salubrité publique. Il a fait une communication remarquée sur les opinions des sectateurs des auteurs arabes sur la petite vérole. Il a signé un rapport sur la distribution du tabac en poudre à Lyon où, après diverses expériences, il montre avec ses co-auteurs, Rast, Gavinet et Lacroix, la perte de qualité du tabac entre sa livraison dans les entrepôts royaux et sa vente chez les détaillants. En 1793, peu avant la dissolution de l’Académie, il est un des derniers rapporteurs à présenter un travail sur les propriétés fébrifuges de l’écorce de quinquina (manuscrit non retrouvé, mais cité par Louis Trénard).
Michaud. – Ac.Ms270 f°103. – Alice Joly, Pierre-Jacques Willermoz, médecin lyonnais (1735–1799), Albums du Crocodile, nov. déc. 1938, 28 p. – A. Joly, Un mystique lyonnais et les secrets de la franc-maçonnerie, Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824), Mâcon : Protat frères, 1938, 322 p. – A. Joly, « Un étudiant lyonnais à Montpellier au xviiie siècle d’après des lettres inédites de Pierre-Jacques Willermoz (1756-1761) », Monspeliensis Hippocrates, 1970 automne, 13, p. 11-23. - Arthur Kleinclausz, Histoire de Lyon, T. II, p. 217-220. – Louis de Combes, « Notes sur les illuminés martinistes de Lyon de Lyon. Comment Jean-Baptiste Willermoz devint apprenti Rose-Croix », RLY 1906, p. 127-142. – F. Kafker et S. Kafker, « Willermoz Pierre-Jacques (1735-1799), the author of an article on phosphorus », The Encyclopedists as individuals, a biographical dictionary of the authors of the Encyclopédie, Studies on Voltaire and the eighteenth century, 257, Oxford, The Voltaire foundation, 1988. - G. Willermoz, Arbre généalogique de la famille Willermoz, communiqué aimablement par le docteur Laurence Willermoz.
On connaît de lui un médaillon sculpté par Joseph Chinard (1756-1813), qui le représente lisant un livre (collection particulière de la famille Willermoz).
Avec Rast, Gavinet et Lacroix, Rapport sur la distribution du tabac en poudre à Lyon, 1872, Ac.Ms307 f°7. Avec Montluel et Le Camus, Rapport sur la nouvelle manufacture d’argent plate de M. Chauvrier, Ac.Ms182 f°10. – Avec Le Camus, Gilibert, Rozier, Rapport sur le blanchiment des fils de coton et de chanvre par M. Macors, 28 juin 1791, Ac.Ms189. – Avec Loyer, Boulard, Rapport sur le moulin du Sr Grinau, 15 mai 1792, Ac.Ms174 f°239. – Bertholon, présenté par Willermoz, extrait d’une brochure ayant pour titre : Des avantages que la physique et les arts peuvent retirer des globes aérostatiques, 4 mai 1784, Ac.Ms232 f°21. – Rapport sur le mémoire de M. Cesson relatif aux propriétés fébrifuges du marron d’Inde, 1789, Ac.Ms257 f°227. – Avec Grassot et Colomb, Rapport sur de nouveaux bandages herniaires, 1784, Ac.Ms260 f°130 – Avec Rast et Gilibert, Concours de 1781 : Rapport sur le concours sur l’utilité des haies pour enclore les prés, lu le 31 août 1784, Ac.Ms211 f°1. – Concours de 1789 : Reconnaître la présence de l’alun dans le vin. Avis des commissaires Rast, Willermoz, Gilibert, Ac.Ms-236 f°27. – Avec Gilibert, Rapport d’un ouvrage de M .Grioner sur la petite vérole et la rougeole, 1790, Ac.Ms262 f°52. – Willermoz et Gilibert, Résultats des opinions des médecins des auteurs arabes sur la petite vérole et la rougeole, 1790, Ac.Ms262 f°54. – Avec Tissier, Rapport lu le 8 juillet 1788 sur le concours de 1791 : Des lainages, Ac.Ms236 f°17. – Avis de Willermoz Rast, Gilibert et Tissier sur la reconnaissance de l’alun dans le vin, Concours du 1er septembre 1789, Ac.Ms236 f°276 et 354. – Rapport sur une thèse de Lemort de Méquigny sur la nutrition, Ac.Ms256 f°113. – Rapport sur une dissertation sur les effets et abus de l’émétique considérés théoriquement et dans la pratique, Ac.Ms257 f°26. – Rapport en séance publique du 27 août 1782 sur l’électricité, Ac.Ms267-I f°263. – Essai sur les eaux potables à Lyon, décembre 1783, Ac.Ms273-I f° 1.
Un contemporain de l’Académie, dans une notice fait remarquer que Pierre-Jacques Willermoz n’a « donné aucune publicité à ses travaux ». On note toutefois : Article « Phosphore », in Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des arts et des métiers, t. XII, 1765. – Devant la Société d’agriculture de la Généralité de Lyon (séance publique du 5 janvier 1787), il a défendu la confection domestique de bière, boisson moins onéreuse que le vin et selon lui plus agréable et plus utile que l’eau, pour la mettre à la portée des pauvres, dans un Mémoire sur les boissons vineuses à la portée de la classe du peuple la plus pauvre, publié avec les autres thèmes de cette séance Lyon : Aimé de La Roche, 1778. – Il a publié, en collaboration avec l’abbé Rozier, et Alberto Pazzoni une dissertation sur la macération de la plante de tilleul présentée devant la Société d’agriculture et d’histoire naturelle de Lyon, texte publié en italien : Dissertazione sopra il quesito essendo dimostrato dall’esperienza essere necessaria all’Acqua una data preparazione [...] onde possa ben operare la macerazione delle piante da Tiglio, Piere-Jacques Willermoz, Alberto Pazzoni, François Rozier, s.l., s. n., 1788. – Devant le Collège des médecins, il s’est prononcé, en 1777, puis en 1794, pour l’interdiction des sépultures dans l’enceinte de la ville de Lyon. (Les Commissaires aux inhumations, aux Citoyens Maire et Officiers Municipaux de Commune Affranchie (SignéWillermoz, Dutreih, Roux, Carret, 19 germinal an II), s.l., s.n., 1794).