Dictionnaire historique des académiciens de Lyon

Préface
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La recherche est faite par sous chaîne, insensible à la casse et aux accents.

GUINET Paul (1915-2012)

par Alain Goutelle.

 Paul Eugène Joseph Guinet est né à Lyon le 24 mai 1915, fils de Louis Étienne Joseph Guinet, huissier de justice (Lyon 5e 23 novembre 1883-Lyon 2e 1er octobre 1965), lui-même étant le fils d’Étienne Claude Guinet, employé de commerce à Lyon, et de Louise Joséphine Mathilde Savel, couturière. Sa mère était née Jeanne Annette Joséphine Labbe (1894-1980), fille d’Eugène Joseph Antoine Labbe (Chapareillan [Isère], 1845-1942), expert-comptable à Lyon, et de Françoise Bocquet (Lyon 6e 1874-1914). Les parents de Paul Guinet s’étaient mariés à Lyon 3e le 30 juillet 1914 à la veille de la déclaration de guerre. Mobilisé pendant la durée de la guerre, son père a combattu à Verdun. Paul Guinet était l’aîné de sept enfants, dont trois moururent relativement jeunes. L’un de ses frères, Marc Eugène Étienne (né à Lyon le 20 avril 1921), est mort de ses blessures pendant la Seconde Guerre mondiale au Monte-Cassino, le 12 mai 1944 (4e RTM). Paul Guinet était proche de son grand-père maternel qui l’a emmené en voyage et lui a donné le goût des livres.

 Il fait sa scolarité au collège des maristes à Lyon, en passant son baccalauréat avec une dispense à 16 ans. Il réussit l’internat de médecine en 1936 à 21 ans, 7e sur 24. Résiliant son sursis militaire, il demande une affectation dans l’Atlas sud du Maroc et s’initie alors à la langue et à la culture arabe. Rentré en France en novembre 1938, il fait son internat, interrompu par la mobilisation de 1939, dans les services des professeurs Levrat, Paupert-Ravault dont il sera le chef de clinique, Paliard, et Roger Froment qui contribue à son orientation vers l’endocrinologie.

 En 1943, il soutient sa thèse, intitulée Étude histologique du corps thyroïde dans la maladie de Basedow et le goitre toxique (Lyon : impr. E. Vitte, 1943, 352 p.), sous la direction du professeur Joseph Martin, anatomo-pathologiste. Il ouvre en 1947 un cabinet privé rue Vaubecour (dans l’appartement de ses parents). Il présente le concours de médecin des Hôpitaux et le réussit en 1949. Dès lors, il confirme son orientation vers l’endocrinologie et fréquente à Paris les services de Jacques Decourt et de Gilbert-Dreyfus, fondateurs en France de la spécialité. Nommé provisoirement en 1951 à la tête d’un service ouvert à l’Hôpital de l’Antiquaille pour faire face à une épidémie de grippe, il obtient, en 1952, la direction définitive de ce service, dont il fait de novo un service d’endocrinologie, avant de devenir, en 1962, après avoir été reçu en 1955 à l’agrégation de médecine, titulaire de la chaire de clinique endocrinologique, une des premières ouvertes en France, ce qui lui vaudra de participer avec Jacques Decourt à la mise en place de la qualification dans cette spécialité.

 Paul Guinet, qui avait, au début de sa carrière, envisagé de s’expatrier au Liban, effectue de nombreuses missions d’enseignement en Amérique latine, au Maroc, en Tunisie, en Égypte. Réunissant autour de lui des cliniciens, des biologistes, des cytogénéticiens, des spécialistes de médecine nucléaire, il devient le maître d’une école lyonnaise d’endocrinologie au rayonnement international. Ses travaux inaugurés par l’étude et le traitement des maladies du corps thyroïde (maladie de Basedow, goitre, cancer) couvrent l’ensemble de la pathologie des glandes à sécrétion interne : le diabète, les maladies des glandes surrénales, la pathologie de l’hypophyse et des glandes génitales. Après avoir installé dans son service un équipement d’exploration de la fonction thyroïdienne par la fixation de l’iode radioactif et poursuivi son travail anatomopathologique, qui lui permet d’identifier les goitres parenchymateux hyperplasiques sans troubles sécrétoires, il s’intéresse notamment aux insuffisances antehypophysaires du post-partum, à l’adénome hypophysaire à prolactine, aux autres tumeurs hypophysaires. Faisant entrer dans la clinique quotidienne la réflexion physiopathologique issue du concept de rétrocontrôle, il peut identifier le caractère central ou périphérique des troubles génitaux. En collaboration avec Jacques Decourt, il publie un volume sur les états intersexuels, qui établit une classification de ces états, d’une grande utilité pour le clinicien.

 Comme souvent les services d’endocrinologie, le service de l’Antiquaille reçoit des patients atteints d’obésité qui bénéficient de cures diététiques et d’une importante prise en charge psychosociale. À l’instar de ce qui se fait à cette époque, des patientes affectées d’anorexie mentale sont hospitalisées au long cours, soumises au programme classique d’isolement associé à une prise en charge diététique, défini en particulier par Jacques Decourt. Paul Guinet définit les troubles endocriniens de cette affection comme « une perturbation fonctionnelle du diencéphale à retentissement nutritionnel et endocrinien ». Il ne néglige pas pour autant l’aspect psychologique et il s’attache à recevoir les patientes pour des entretiens réguliers. Il a le même intérêt pour les patientes affectées d’aménorrhées psychogènes, et le service présente une forte connotation de médecine psychosomatique. Il considère le déficit hormonal de ces patients comme « une modification secondaire liée au retentissement métabolique ». Il publie aussi sur les troubles de la ménopause et les anomalies de la puberté.

 Malgré une atteinte précoce de la fonction visuelle qui va le gêner pendant le reste de sa carrière, il lit beaucoup, notamment Saint-Simon dont il devient un spécialiste devenant président de la société Saint-Simon en 1972. Il s’intéresse aussi à Montaigne, Pascal, Chateaubriand, et même à Sade.

 Président de la Société française d’endocrinologie en 1971, de l’Association des diabétologues de langue française en 1972, de la Société de médecine des Hôpitaux de Lyon en 1975 et de la Commission nationale hospitalo-universitaire pour les problèmes d’endocrinologie, de métabolisme et de nutrition. Membre titulaire de l’Académie Nationale de Médecine. Membre du comité national consultatif des universités. À la demande du doyen de la faculté de médecine et du directeur général des Hospices civils de Lyon, il a animé un organisme de formation continue, les Journées lyonnaises de médecine, et assuré de 1951 à 1970 la direction de la Revue lyonnaise de médecine. À sa retraite, il poursuit ses travaux d’érudition.

 En 2010, il présente un cancer de l’intestin, opéré par le professeur Beaulieu. Il meurt le 14 octobre 2012 à 97 ans.

 D’un premier mariage en 1946, il avait deux enfants : Corinne épouse Michallet, et Philippe Guinet. Il avait épousé en secondes noces Renée Moutal.

 Croix du Combattant (1939-1940), officier de l’Ordre du Ouissam Alaouite (1955), officier des Palmes académiques (1962), chevalier de la Légion d’honneur (1986).


Académie

Membre correspondant le 3 juin 1975, sur rapport du médecin-général Camelin*, il fait le 19 octobre 1976 une communication où il imagine une rencontre qui n’eut jamais lieu entre le duc de Saint Simon (1675-1755) et l’abbé de Choisy (1644-1724), un autre mémorialiste du siècle de Louis XIV, aimant se travestir (MEM 1977). Il est élu membre titulaire le 6 juin 1978, sur rapport de Pierre Mounier-Kuhn*, au fauteuil 2, section 3 Sciences, laissé vacant par le passage à l’éméritat de Maurice Guilleminet*. Son discours de réception le 25 mai 1979 porte sur L’imaginaire de l’Île de Pâques, qu’il avait visitée à la suite d’une mission au Chili (MEM 1980). Communications : 19 juin 1984, Saint Simon médecin malgré lui. Madrid 1722 (MEM 1985) ; 14 février 1988, Le duc et l’adolescente, suite et fin d’une ambassade (MEM 1989) ; 21 janvier 1992, Le Shiisme d’Ali à l’Imam caché (MEM 1993). Il a prononcé le 8 décembre 1981 l’éloge funèbre de Maurice Guilleminet (MEM 1982) et en 1993 l’éloge d’André Gonin*. Il est émérite en 1992. Son éloge a été prononcé par son premier élève, René Mornex, dans le Bull. Acad. Nationale de Méd., 2013, p. 807-814).

Bibliographie

David 2000. – R. Mornex, B. Ducouret, O. Faure, L’Antiquaille de Lyon, histoire d’un hôpital, Lyon : éd. Lieux dits, Lyon, 2003.

Publications

Environ 320 publications, dans le Journal de médecine de Lyon, la Revue lyonnaise de médecine, La semaine des hôpitaux, la Revue du praticien, la Revue française d’endocrinologie. Ses travaux sont listés dans son dossier académique jusqu’en 1982. On retiendra : sa participation à trois ouvrages collectifs, outre l’Encyclopédie médico-chirugicale, La thyroïde, connaissances, acquisitions, perspectives, Paris : Expansion scientifique française, 1969, 412 p. ; Genital anomalies, Charles C. Thomas, Springfield, 1969 ; Précis de diabétologie (sous la direction de M. Dérot), Paris : Masson, 1977. – Avec Jacques Decourt, Les états intersexuels [ouvrage de référence], Paris : Maloine, 1962, 232 p. – Avec J. Tourniaire et A. Revol*, Les tumeurs corticosurrénales androgènes, Rapport au Congrès français de médecine 1966. – Il a assuré la direction du numéro spécial de la Revue lyonnaise de médecine 1958, consacré au bimillénaire de Lyon, préfacé par A. Latreille* et dans lequel il a publié : « Saint Alexandre médecin et martyr de Lyon », p. 19-22. – « Le duc et l’adolescente. Suite et fin d’une ambassade », Mélanges d’histoire lyonnaise, Lyon : ELAH, 1990. – « De Sade à Chateaubriand, Delphine comtesse de Clermont-Tonnerre, marquise de Talaru », Rev. hist. litt. fr. 97, 4, juillet-août 1997, p. 673-685. – Entre Sade et Chateaubriand, conférence à Asclépios, Lyon, 7 mai 1998.