Né le 28 août 1724 au château de Lucenier à la Chapelle-du-Mans (Saône-et-Loire), baptisé le 29, fils d’Hector Antoine Saladin comte de Montmorillon (Lucenier, 14 décembre 1677-6 février 1728) – seigneur de Lussigné (Lucenier), Chazolles et autres lieux, capitaine aide-major du régiment de dragons de St-Hermine, – et de Françoise Desgentils de Lamenais (1684-Lucenier 11 septembre 1739). Françoise Desgentils accoucha dix-sept fois ; douze enfants survécurent, Gabriel est le huitième.
Ont tenu l’enfant sur les fonts baptismaux Jean Arlin, jardinier de la maison de Lucinié, et Marguerite Lambert, femme de Me Roset mareschal, pour le parrain maître Gabriel de Laroche prêtre au manoir de Lacinié, et pour marraine Louise de La Guiche, religieuse aux filles de Sainte-Marie de Bourbon-Lancy.
Selon la légende un Montmorillon, fait prisonnier lors de la 3e croisade par le sultan Saladin (1138-1193), aurait été autorisé à rentrer en France pour chercher sa rançon. Ne l’ayant pas obtenue, il retourna auprès de Saladin, qui touché de cette loyauté, lui rendit sa liberté et le combla de présents, en demandant que chaque aîné des Montmorillon porte le surnom de Saladin. Le château de Lucenier avait été acheté en 1603 par Jehan de Montmorillon, dont la famille restera propriétaire jusqu’à la Révolution. Il sera racheté en 1829 par Léopold Saladin, marquis de Montmorillon, dont les descendants sont toujours propriétaires.
Au collège, Gabriel voulut s’intéresser à la pyrotechnie, mais par prudence on l’orienta vers « les méchaniques. Il inventa et exécuta plusieurs machines ingénieuses. Ses condisciples parlent encore avec chaleur d’une horloge qui n’avait pour moteur que le poids du sable : elle marquait les heures et le réveillon par un carillon de plusieurs airs, qu’un cylindre tournant faisait jouer à des sonnettes ». Dès l’âge de quinze ans, il est nommé chanoine-comte de Brioude. Le Chapitre de Saint-Claude se l’attache alors qu’il a 18 ans, puis celui de Lyon en 1753, à 29 ans ; il y rejoint deux de ses frères chanoines-comtes de Lyon : Laurent François (La Chapelle-au-Mans 17 mai 1709-Paris, Saint-Sulpice, 27 août 1777) chanoine comte de Lyon en 1729, et Antoine Bernard (La Chapelle-au-Mans 9 juin 1715-Barbaise [Ardennes] 27 décembre 1756), prêtre chanoine de l’église comte de Lyon en 1738, vicaire général du diocèse, licencié en théologie et en droit, seigneur de Rochetaillée.
Après la mort du cardinal de Tencin, le Chapitre de Lyon le propose comme vicaire général du diocèse, nomination confirmée par l’archevêque, Mgr Antoine Malvin de Montazet. En 1769, Montmorillon devient grand custode de l’église de Lyon. Dans le même temps, il est nommé à deux prieurés : le Grand Fresnoy (prieuré de Saint-Sauveur du Grand-Fresnoy, dépendant de l’abbaye bénédictine de Charroux) en 1770 et Courzieu (canton de l’Arbresle, prieuré dépendant de l’abbaye bénédictine de Savigny). Administrateur du bureau de la Providence, « institution formée en faveur des jeunes filles, exposées à être entraînées par la misère ou l’inconduite de leurs parents », président du Bureau de la Charité. Bibliophile, il développa la bibliothèque du Chapitre. Sa propre bibliothèque dont le catalogue avait été publié, a été mise en vente le 1er décembre 1777 (Grabit libraire, Lyon).
Il avait construit lui-même une tour pour y loger un atelier. On pouvait y voir « plusieurs machines de physique expérimentale dont quelques-unes étaient de sa composition ». « Il protégeait les artistes et les ouvriers […]. Il aimait les artistes, parce qu’il sentait le prix des arts ; il se plaisait à les éclairer par ses lumières, à exciter leurs progrès par des récompenses ».
Il s’est intéressé à la peinture sur verre et à l’art du vitrail (pour l’église Saint-Jean), et à la serrurerie (pour protéger les ornements de la sacristie). « Il inventa une machine d’un usage très commode pour transporter les grands chandeliers du maître-autel et d’une grue d’un méchanisme nouveau, qu’il employa avec succès, à élever des fardeaux dans le bâtiment de la manécanterie […] ; il inventa le charriot ou fardier, surnommé La Gabrielle, qui servit à transporter tous les blocs de pierre des nouveaux bâtiments du Chapitre ». En 1775, la Société libre d’émulation commanda « la construction d’un charriot le plus propre à transporter les pierres ou autres fardeaux considérables dans la ville de Paris ou ailleurs, en évitant les dangers et les inconvénients des charrettes et tombereaux ordinaires, sans augmentation de frais ». La description se trouve dans le Journal de Physique de juin 1778. Il concourut et fut couronné après sa mort. Sa famille refusa de retirer le prix et demanda qu’on en fasse la récompense d’une nouvelle découverte, qui sera l’invention d’une nouvelle serrure de combinaison. Il travailla à l’exécution d’un projet d’établissement d’un bureau de subvention dont il avait imaginé le plan, et dont l’objet était d’employer les ouvriers, lors des cessations de travail, en fournissant les matières premières à ces ouvriers qui auraient travaillé pour le compte du bureau. Il a déposé un mémoire sur la manière d’enlever à peu de frais, les graviers qui s’accumulent devant le quai de l’Hôtel-Dieu, occasionnant la stagnation et l’infection des eaux.
Il semble malade très tôt, car dès 1773 il est lui est impossible de remplir les fonctions de custode à l’office de Noël (10 G 1584, Chapitre primatial Saint-Jean [Lyon], Répertoire méthodique détaillé, par H. Hours*, 1959). « Une humeur rhumastimale, fixée anciennement dans sa poitrine, faisait craindre un commencement de phtisie pulmonaire, et s’était portée sur les intestins » ; il part pour Cauterets afin de se soigner, mais il parcourt les Pyrénées qui l’émerveillent. Ayant découvert le charme de la campagne, il acquiert une maison près de Lyon, dans le faubourg de la Guillotière, mais, sa maladie empirant, il revient à Lyon. On décèle un « squirrhe » [une tumeur cancéreuse]. Il meurt le 11 janvier 1777 [acte non trouvé], après avoir légué ses biens aux pauvres.
Son éloge a été prononcé par Claret de La Tourrette* à la séance publique du 11 avril 1780, avec la citation : Nihil non longa demolitur vetustas et movet ocius : at iis quae consecravit sapientia, nocere non potest [« le temps détruit tout, et ses ravages sont rapides, mais il ne peut nuire à ceux que la sagesse a rendus sacrés »], Sénèque, De Brevitate Vitae, ch. 15 (Ac.Ms124 f°284-294).
Le 21 février 1775, le directeur, l’abbé Jacquet*, dit « que le comte de Montmorillon, custode de l’église de Lyon, lui avait fait l’honneur de venir le voir pour faire la demande d’une place d’un académicien ordinaire. Les vertus patriotiques qui distinguent M. le C. de Montmorillon, les services qu’il a rendus dans nos hôpitaux, ses connaissances en physique, ses talents connus pour les mécaniques justifient l’empressement avec lequel la compagnie a entendu cette proposition, et arrêté qu’elle serait enregistrée ». Il est élu membre ordinaire le 9 mai 1775 et, le 29 août 1755, présente, pour son discours de réception, un mémoire lu par Claret de La Tourrette*. « Il contient les remerciements du récipiendaire, un exposé des avantages qui résultent de l’union entre la concorde entre les gens de lettres, enfin des réflexions sur le moyen de transporter facilement les gros blocs de pierre, sans les endommager ; le plan de la machine inventée pour cet effet par l’auteur et le moyen de suppléer par de légers changements aux voitures en usage » (Ac.Ms183 f° 13). Sur les listes de l’Académie, il est qualifié de « mécanicien ». Le 6 février 1776, Mathon* rappelle la demande réitérée de sir Georges Schuckburg (23 août 1751-11 août 1804), de la Royal Society de Londres, baronet, astronome et inventeur qui persiste à solliciter une place d’associé. M. de Montmorillon lit une lettre de M. Ducis, secrétaire de Monsieur, frère du roi [Jean François Ducis, 1733-1816, dramaturge qui adapta les pièces de Shakespeare au goût français, secrétaire du comte de Provence en 1775], qui dès le mois de décembre dernier, avait chargé Laferre de demander pour lui une pareille association. M. de Montmorillon a offert de sa part la tragédie de Roméo et Juliette, celle d’Hamlet, et un poème intitulé Le banquet de l’amitié. M. le directeur a fait lecture d’une nouvelle lettre de M. Ducis, dans laquelle il fait ses instances d’une manière très pressante. Le 13 février 1776, le candidat est élu membre associé.
Montmorillon est directeur le second semestre 1776, mais, malade, il est la plupart du temps remplacé.
Marie Bernard Ranulph Saladin marquis de Montmorillon et Gérard de Villeneuve, Essai généalogique sur la maison de Montmorillon, Versailles : Lucenier, 1984, 64 p.